Disclaimer : Rien à moi, tout à JKR.
Mise en garde : Si vous n'avez pas lu le tome 7, passez votre chemin ! Et si vous vous obstinez à lire quand même ce qui suit, c'est à vos risques et périls, je ne réponds de rien !
Bonjour à tous ! Me voici (déjà !) revenue pour une nouvelle fic…qui va s'intéresser de très près au destin de Severus Rogue. Dans mon histoire précédente, j'en faisais un affreux bonhomme assoiffé de vengeance, et j'avoue que je me suis bien amusée à ses dépends. Maintenant que j'ai lu le tome sept, je me sens obligée de corriger le tir en rendant enfin hommage à ce personnage complexe, tourmenté…odieux et attachant…
Avertissement: Bien qu'il ne s'agisse pas d'un "slash" à proprement parler, l'homosexualité tient une place importante dans cette histoire. Je tiens à le préciser car certains lecteurs m'ont reproché de ne pas les en avoir informés et de s'être plus ou moins laissés "piéger". Vous voilà prévenus!
CHAPITRE UN
Comment a-t-il osé ?
« 27 juin 1997
Il y a trois jours et trois nuits, j'ai tué Albus Dumbledore.
L'horreur de l'acte que j'ai commis me glace jusqu'à la moelle. Il n'y a pas de mot pour exprimer ce que je ressens.
Pour atténuer ma souffrance, j'ai bien tenté de me rappeler l'engagement que j'avais pris : le vieillard m'avait pour ainsi dire ordonné de l'achever au moment opportun. Il s'était d'ailleurs déjà condamné lui même en cherchant à détruire cette maudite bague, et ses jours étaient comptés… De plus, il tenait à préserver ce petit crétin de Drago. Pourtant, jamais je ne pourrai me délivrer de ma culpabilité ou me remettre de ce geste indigne. Mon cœur saigne comme il n'a jamais saigné auparavant, et Dieu sait combien j'ai déjà souffert dans ma misérable vie.
A présent que je me trouve dans ce nid de serpents, entouré d'êtres serviles qui tournent vers moi des regards admiratifs ou envieux, je me sens si impur, si sale que la simple idée de me regarder dans un miroir me donne envie de vomir. »
Fermant les yeux un court instant, Harry se mordit la lèvre inférieure, et ses doigts se crispèrent un peu plus sur les bords du cahier noir.
« Pas que j'aie un jour aimé contempler mon image. Ma laideur est plus repoussante pour moi-même que pour quiconque. Mais avant d'avoir commis cet assassinat, j'avais néanmoins une assez haute opinion de moi, de mon courage, de mes capacités magiques et pédagogiques. Je pouvais affronter mon propre regard sans blêmir (en évitant soigneusement de penser à certains épisodes de ma vie dont je n'ai jamais été très fier). Vanitas vanitatis…
Voici donc ce que je suis devenu : le meurtrier du seul homme au monde que j'admirais et respectais, malgré son intransigeance déguisée sous des dehors débonnaires, sa partialité révoltante, la tyrannie impitoyable à laquelle il me soumettait...
Le comble de l'avilissement…
Mais autre chose encore me torture. Je ne cesse de penser à ma dernière confrontation avec Potter. Le garçon était caché en haut de la tour, invisible, et il m'a vu commettre ce crime, monstrueux à ses yeux. Dès lors, il n'a eu de cesse que de venir se jeter dans mes pattes, l'imbécile, au point que je ne savais comment m'en dépêtrer et que j'ai bien failli l'assommer brutalement, lui faire perdre l'usage de ses jambes ou lui coller définitivement la langue au palais…
Plus prévisible que jamais, il m'a encore traité de lâche… Je ne le supporterai plus. COMMENT A-T-IL OSE ? Moi, un LÂCHE, moi qui ai promis de le protéger jusqu'à ma mort, moi qui risque constamment ma vie POUR LUI ! Quelle farce ridicule ! En même temps, je sais bien que je n'ai pas d'autre choix que de continuer à vivre tout en sachant qu'il me méprise, je ne peux faire autrement que d'exister avec cette rancœur, cette fureur inextinguible… ces regrets amers… »
Harry posa le cahier noir sur ses cuisses et soupira, les dents serrées. S'il avait su… s'il avait seulement connu le quart de la vérité, ce soir là… il aurait pu dire à Rogue son respect, son admiration, au lieu de lui envoyer stupidement le mot de « lâche » à la figure…
Il laissa un moment son regard errer sur le mobilier défraîchi de la pièce, puis, comme attiré par un aimant, il reprit sa lecture, les mains rendues moites par la tension de tout son corps et la chaleur étouffante de cette fin d'été.
« A vrai dire, si je n'éprouvais que de la fureur contre lui, contre son imbécillité pitoyable faite avant tout d'ignorance, ce serait bien plus facile. Il me suffirait de le haïr, comme je l'ai haï pendant des années, quand je ne voyais en lui qu'une réplique maladroite de son père détesté.
Pourquoi fallait-il que les choses se compliquent ? Que mon regard sur lui change peu à peu ?
Je revois Dumbledore, lors d'un de nos derniers entretiens, me demandant très sérieusement si je commençais à éprouver de l'affection pour le garçon… de l'AFFECTION ! Ce mot avait alors sonné comme un coup de gong, comme un terrible avertissement à mes oreilles affolées. Déstabilisé, je me récriai vigoureusement, et je conjurai devant lui mon Patronus, le même que celui de Lily. Preuve évidente que mon amour pour elle n'avait pas faibli. Mais qui ne signifiait en rien que je haïssais toujours son fils…
Comment ai-je pu perdre à ce point le contrôle de moi-même, de mon esprit, de ce qu'il faut bien appeler… mes sentiments ?
Pourquoi suis-je aussi soucieux de connaître l'opinion que Harry a de moi ?
Le plus étrange est que cela m'importe autant, si ce n'est plus, que le fait d'avoir été contraint de tuer Albus de sang froid … »
Les mains tremblantes, Harry referma le cahier noir. Il le posa doucement sur le canapé à côté de lui, prit une inspiration et se leva pour faire quelques pas rapides dans la pièce, passant nerveusement les doigts dans ses cheveux noirs, pourtant déjà bien assez désordonnés.
Dès qu'il avait compris qu'il était en possession du journal intime de Rogue, il avait su qu'il y trouverait de quoi le perturber profondément. Pourtant, il n'avait pas songé un seul instant qu'il valait mieux pour lui ne pas l'ouvrir, mais plutôt le ranger à nouveau dans son coffre et laisser passer quelques années, attendre que les cicatrices soient bien refermées. Non, il avait su qu'il devait se plonger immédiatement dans le déchiffrage de cette écriture nette et serrée qu'il connaissait bien pour en avoir vu de nombreux exemplaires sur le tableau de la salle de cours, dans la marge de ses devoirs couverts de remarques désobligeantes, ou sur chaque feuillet du livre de potion ayant appartenu au « prince de sang mêlé ».
En inspectant les objets ayant appartenu à l'ancien Mangemort, les agents du Ministère avaient levé tous les sorts de protection. Ainsi, quand Harry avait pris un des cahiers au hasard dans le coffre de Rogue, il l'avait ouvert sans difficulté à la première page et le texte s'était offert tout naturellement à sa lecture avide.
Ce qu'il venait de découvrir était inimaginable.
Dans son journal, Rogue l'appelait « Harry » …
Après avoir arpenté la pièce cinq bonnes minutes dans l'espoir de retrouver son calme, il se laissa à nouveau tomber dans le vieux canapé et rouvrit le cahier à la même page.
« Pourquoi ai-je tant besoin de sa reconnaissance ? J'aimerais tellement lire dans ses yeux quelque chose comme… de la considération… de l'admiration ! Qu'il voie en moi un salaud passe encore. Mais qu'il me considère comme un lâche, voilà ce que je ne peux admettre. Tout mon corps se révolte à cette pensée.
Pourtant, il y a encore quelques mois, cela m'aurait laissé parfaitement indifférent. Je me souviens encore du dégoût qu'il m'inspirait et de ma fureur à chaque fois qu'Albus me rappelait ma promesse de le protéger.
Il faut absolument que je fasse la lumière sur ce sentiment nouveau. Il est hors de question d'en parler à qui que ce soit. D'ailleurs, à qui pourrais-je en parler ? Albus n'est plus, je suis entouré d'ennemis, et ce nouveau cahier ne doit à aucun prix tomber entre leurs mains. (Je devrais détruire systématiquement ce que j'écris, ou tout simplement m'interdire d'écrire. Laisser une trace est suicidaire et met ma mission en danger. Mais je ne peux y renoncer. C'est mon dernier réconfort, ma consolation, mon salut. Et je prends toutes les précautions nécessaires, comme j'ai toujours su le faire…)
Oui, c'est au courant de cette année scolaire que j'ai commencé à le voir avec d'autres yeux, il suffit que je me relise pour en trouver les prémices dans les derniers mois écoulés. Je n'en ai rien laissé paraître, j'étais même encore plus dur avec lui, désorienté par l'étrange évolution de mes sentiments. Est-ce lié aux changements physiques de l'adolescence, qui l'ont transformé… ? La vérité est qu'il s'est mis à ressembler à Lily, ou en tout cas, à l'image que j'ai gardée d'elle, enfouie au plus profond de moi...
Il eût été tellement plus simple que l'enfant fût né du sexe féminin (mais la prophétie l'aurait-elle alors concerné ?)… Une fille, portrait vivant de sa mère… je n'aurais eu aucun mal à m'attacher à elle… à voir cette ressemblance, si frappante selon Albus…
Oui, lorsque Dumbledore m'affirmait que Harry avait les yeux de sa mère, j'en étais si agacé que j'aurais giflé le vieillard si je ne l'avais autant redouté…
Le fait est que cet homme rusé a tout mis en œuvre pour que j'aime ce garçon (sans doute pour augmenter les chances de succès de son plan machiavélique), et qu'il a fini par gagner, à son insu. Du reste, autant que je sache, Albus a toujours réussi dans tout ce qu'il a entrepris. »
Harry leva les yeux, s'appuyant contre le dossier du canapé. Ce qu'il venait de découvrir le plongeait dans la gêne et le désarroi. Jamais il n'aurait soupçonné que Rogue pût ressentir à son endroit autre chose que de la haine. Même dans la pensine qui lui avait fait partager certains de ses souvenirs, il n'avait cru déceler que rancœur et hargne à son égard. Et il ne lui en voulait plus pour cela.
Était-il sage de poursuivre la lecture de ces cahiers ? Ne se montrait-il pas atrocement indiscret en mettant son nez dans des écrits aussi intimes, dans lesquels lui, Harry, semblait tenir une part incroyablement importante ? Rogue n'eût il pas été horrifié d'apprendre que le garçon lisait avidement ce qu'il avait écrit en secret à son sujet ?
Mais Rogue n'était plus là pour le savoir. Et après tout, on avait donné à Harry les dernières possessions de l'homme. Tout ce qui restait des biens de l'ex-directeur de Serpentard tenait dans ce grand et vieux coffre en bois actuellement entreposé dans son salon, square Grimmaurd.
Quand il avait appris que l'homme n'avait aucun héritier et qu'on allait brûler ce qu'il laissait derrière lui à Poudlard, Harry avait demandé à Mc Gonagall s'il pouvait récupérer le coffre contenant ses effets. La vieille femme avait tiqué, surprise par cette requête venant du Survivant, connu pour avoir toujours détesté son professeur. Mais Harry l'avait convaincue en quelques mots, arguant du fait qu'il considérait Rogue comme un héros et qu'il voulait garder de lui quelques souvenirs…
Et on ne pouvait rien refuser au jeune Sauveur du monde sorcier.
Il ne s'était pas tout de suite préoccupé de s'attaquer aux vieilles ferrures rouillées.
Harry commencerait sa formation d'auror début septembre, et en attendant, il profitait de l'été pour voir ses amis, au Terrier ou chez lui, square Grimmaurd. Après la dernière bataille, ils avaient tous vécu une période difficile, avec les enterrements de Fred, Remus et Tonks, et de bien d'autres victimes. Depuis, chacun essayait tant bien que mal de panser ses plaies…
La plus grande partie du temps qui lui restait, Harry l'avait passée avec Ginny. Conscients d'avoir l'un et l'autre échappé de justesse à la mort, ils connaissaient maintenant la fragilité de la vie et l'inestimable valeur du sentiment qu'ils éprouvaient l'un pour l'autre.
Et le coffre de Rogue, discret, sombre, déjà recouvert d'une fine couche de poussière, était tout simplement sorti de la tête de Harry durant plusieurs semaines.
Puis il s'en était brusquement souvenu et ce soir, enfin seul chez lui, il s'était mis à le fouiller pour inventorier son contenu. Il avait alors découvert une dizaine de gros cahiers noirs, remplis de l'écriture bien connue… Les dates allaient de l'adolescence de Severus jusqu'à son dernier jour. Ses mots ultimes avaient été griffonnés à la hâte peu de temps avant qu'il ne fût allé rejoindre Voldemort dans la cabane hurlante.
Le front en sueur et les pommettes rouges, le garçon se remit à lire.
« C'est étrange, en grandissant et en mûrissant, Harry aurait dû se viriliser et devenir une réplique de son père au même âge. Et pourtant, il n'en est rien. Son corps a gardé la grâce de l'enfance, bien qu'il soit plus large et plus musclé qu'avant. Et puis il y a cette attitude, cette manière de se tenir fièrement, les épaules droites, mais la tête légèrement penchée sur le côté, qui me rappelle tellement Lily. Et ce regard vert, lumineux, qui attire et brûle tous ceux qui se risquent à le croiser... Ses cheveux sont maintenant plus longs que ne les portait James, tombent en désordre dans sa nuque et encadrent sa figure juvénile comme le faisaient ceux de sa mère lorsqu'elle les gardait dénoués…
Non, je ne le voyais pas ainsi autrefois. D'ailleurs, le bas de son visage est celui de cette crapule de James, avec la mâchoire carrée et volontaire, et surtout ces lèvres généreuses, espiègles, dont j'étais si jaloux, à l'époque, car je voyais bien qu'elles participaient au pouvoir de séduction de l'odieux personnage. (Ces lèvres trop minces qui sont les miennes, combien je les aurais volontiers échangées alors contre celles de James Potter, dessinées pour distribuer blagues, mots d'esprit et baisers voluptueux… ! )
Chez Harry cependant, on chercherait en vain une trace de prétention, de méchanceté ou d'affectation, je le reconnais volontiers aujourd'hui, moi qui lui ai reproché de si nombreuses fois une arrogance qui n'existait que dans mon imagination. Bien au contraire, il y a toujours eu en lui la douceur du caractère de Lily, ce mélange délicieux de modestie et de candeur… même si son caractère devenait ombrageux, voire violent en ma présence… et pour cause !
Je ne le voyais pas ainsi, je m'y refusais. Alors que c'était Lily qui revivait à travers lui…
Hélas, les derniers regards qu'il a levés vers moi étaient tout sauf doux, candides et modestes. La haine les faisait flamboyer comme un feu dévastateur.
Quand je pense au loup-garou qui a sa confiance et son estime, qui peut parler tranquillement, civilement avec lui, recueillir ses confidences, le… le serrer dans ses bras… je suis anéanti. Et maintenant que le garçon m'a vu commettre ce crime et m'en tient évidemment pour responsable, comment pourrais-je espérer obtenir un jour sa compréhension, partager un jour avec lui ne serait-ce qu'un soupçon de complicité ?
Et toutes ces soirées, ces nuits que Dumbledore a passées avec lui cette année, et dont je n'ai rien su ?
Dumbledore, qui prétendait l'aimer, mais qui l'a condamné à mort. Il en a fait son arme, et cette arme si bien aiguisée ne doit pas survivre à l'ultime combat… pauvre enfant sacrifié… son sort serait-il encore moins enviable que le mien ?
Mais comment est-il possible que j'aie de telles pensées ?
Oh Albus, je vous ai tué, mais vous m'avez tué vous aussi le même soir, en faisant de moi une brute à ses yeux, son ennemi mortel ! Alors qu'avant, l'enfant se contentait de me détester tout en me méprisant, il me considère à présent comme le plus dangereux des Mangemorts, la plus nuisible des créatures, et il a … »
La phrase s'arrêtait là, puis suivait une autre date, quatre jours plus tard. Rogue avait dû être interrompu et avait certainement fait disparaître précipitamment le cahier clandestin, dangereux témoin de sa félonie.
Trois coups discrets frappés à la porte firent sursauter Harry. Avant qu'il ait eu le temps de répondre, le battant s'ouvrit lentement, livrant passage à Kreattur, vêtu d'un linge d'une impeccable blancheur, le médaillon de Regulus bien en vue sur sa poitrine.
- Maître Harry, le repas est servi ! grinça l'elfe minuscule de sa voix de crapaud, en s'inclinant profondément. Si le Maître veut bien se donner la peine de venir manger… Kreattur croit savoir que le Maître apprécie le gratin de légumes et la salade de pêches.
Le ventre criant soudain famine, Harry déposa à regret le cahier noir dans le coffre et rabattit le lourd couvercle. Il ne voulait pas faire attendre l'elfe si bien disposé envers lui. Il descendit à sa suite les marches qui menaient au rez-de-chaussée, là où se trouvait la cuisine dans laquelle il prenait ses repas quand il était seul.
A présent, il avait pris sa décision. Non seulement il lirait les cahiers, de la première à la dernière ligne, mais il tenterait l'impossible pour se trouver à nouveau en présence de Rogue. Bien sûr, l'homme était mort, irrémédiablement. Mais Harry ne pouvait concevoir de continuer à vivre sans avoir une franche explication avec lui. Après tout, l'ex-espion avait été directeur de Poudlard…Et un plan audacieux prenait peu à peu forme dans l'esprit du jeune homme…
Une petite review ?
