L'ART DE L'AMOUR
Fiction courte (comme ma… hein, quoi ?) sur… Hem… *hésitation de « j'assume moyen »* du Sydi (SysyTheHotdog/DidiChandouidoui).
Ouaip, y a pas des masses de fics sur ce ship. M'enfin, si ça vous dit rien, ce serait bizarre de lire quand même XD Bon, vous faites ce que vous voulez ;) Mais pour info, deux références: « 5 Théories » et « Dimanche Pluvieux ».
Bref, petite fiction dans un univers alternatif (mais pas trop). Et pour les besoins de l'histoire, je les vieillis un peu. Pas beaucoup, hein. Disons la trentaine.
Nota Beignet (haha lolilol quel humour) :
Les deux personnes réelles qui inspirent cette histoire ne m'appartiennent évidemment pas, j'ai inventé une grande partie de leurs personnalités et histoires pour les besoins de cette fiction. Voilà, ça tombe sous le sens mais je le précise pour la forme.
Et les gars, dans le cas (peu probable) où vous verriez ça… Pardon. x) Sérieusement, ne lisez pas, c'est très la gêne ^^
Bonne lecture, les gens ! :)
Arcs-en-ciel, pandas et licornes x3
Chapitre 1 : L'art de l'enseignement
J'aime ces moments. Je suis là, dans cette salle, devant des personnes aussi passionnées que moi, qui laissent parler leur imagination, esquissent de leurs mines, leurs pinceaux ou même leurs doigts le reflet de leur créativité, écoutent mes conseils et mes encouragements, s'inspirent de mes instructions tout en allant au-delà, comme je souhaite tant qu'ils le fassent.
Car il y a dans l'enseignement une dimension bien trop souvent oubliée : celle du dépassement. Le dépassement des consignes, le dépassement du cadre d'apprentissage, et surtout le dépassement de soi. J'ai bien trop souvent eu ou même vu des professeurs qui se cantonnaient à la pédagogie trop limitée, aux consignes trop terre-à-terre, aux méthodes d'enseignement trop conformistes. Mais ce n'est bien souvent pas de leur faute, ils sont indirectement contraints de respecter les programmes à la lettre, ce qui les empêche d'ajouter leur touche personnelle, d'être attentifs aux particularités de chacun de leurs élèves, de mettre en valeur et à profit chaque potentiel. Je trouve tellement dommage que l'enseignement soit à ce point cantonné à une sorte de bourrage de crâne exempt de toute possibilité de divagation.
C'est pour cela que je voulais enseigner quelque chose de bien moins académique, et ce avec mes méthodes, avec ma pédagogie, et avec mes divagations. Il faut dire que ce que j'enseigne est on ne peut plus propice aux divagations. Le dessin et la peinture ne sont, à mon sens, que divagations de l'esprit, matérialisées par les traits et les courbes esquissées sur le support. De toute manière, toute forme d'art, de mon point de vue, consiste en des divagations. Parfois même à un point tel qu'on peut commettre ce qui au premier abord semble être une erreur, mais qui finalement crée quelque chose de nouveau. Combien de peintres, dessinateurs, sculpteurs et autres, au-delà d'avoir appris de leurs erreurs, en ont fait de la nouveauté ? Combien d'écrivains ont fait finalement bien mieux que ce qu'ils auraient fait à la base s'ils ne s'étaient pas trompés ? Combien de réalisateurs ont innové en utilisant des moyens que leurs pairs qualifieraient d'inappropriés ? Et je ne peux pas passer outre les exemples bien connus des Bêtises de Cambrai ou de la Tarte Tatin, ces œuvres culinaires désormais si célèbres qui ont été créées suite à des erreurs de recette.
Je pense très sincèrement que l'art doit être spontanéité, honnêteté, improvisation. Certes, il y a des techniques qu'il faut apprendre à maîtriser. Certes, il y a des outils, matières et supports avec lesquels on ne peut pas faire tout et n'importe quoi. Mais la production d'une œuvre doit, à mon sens, être exempte de réflexion, au moins en partie. Une fois qu'on est lancé, qu'on a pris le coup de main, il faut simplement lâcher prise, cesser de penser à ce qu'on est en train de faire, et simplement le faire. A force de trop penser, on se bride et on laisse peu de place à l'imaginaire et l'inattendu*. Combien de fois ai-je entendu certains de mes apprenants dire qu'ils faisaient « n'importe quoi », alors que ce n'importe quoi était les prémices d'une œuvre tout aussi appréciable que les autres ? Combien de fois ce qu'on aurait pu qualifier de négligences ou d'erreurs ont permis d'avoir un rendu remarquable ?
Et, sachant que je suis dans un établissement indépendant de tout programme pré-établi par l'Éducation Nationale, puisqu'il s'agit d'un centre socio-culturel et non d'un établissement scolaire, nous pouvons enseigner à notre façon, et ainsi transmettre bien davantage que des notions basiques. De plus, les personnes qui viennent ici sont, pour la très grande majorité, déjà passionnées par l'activité, ce qui facilite la transmission de la passion pour celle-ci.
La première chose que je fais faire aux nouveaux venus ? Dessiner ce qui leur passe par la tête, avec les outils et les supports qui les inspirent à ce moment précis. Pourquoi ? Parce que cela me permet de voir bien plus que leurs simples compétences artistiques. Cela me permet de voir avec quoi ils sont le plus à l'aise, vers quels moyens ils se tournent spontanément, ce qu'ils pensent être le plus approprié pour montrer ce qu'ils sont réellement capables de faire. Cela me permet aussi de voir leur capacité de création et de lâcher prise lorsqu'on ne leur impose ni support, ni outils, ni thème, ni limite. Et, enfin, cela me permet de comprendre une partie de leur caractère. Pas forcément de manière précise et claire, mais je perçois certains traits de leur personnalité. Et ce sans même leur parler.
Bon, il faut dire aussi que c'est plus facile d'être plus attentif à chacun de ses apprenants lorsque ceux-ci ne sont pas nombreux. Pour ma part, ils sont une toute petite dizaine. Sept, pour être précis. Enfin, huit, avec le nouvel arrivant d'aujourd'hui. Un jeune homme d'un an de moins que moi, à peu près. Car, oui, beaucoup de mes apprenants ont à peu près mon âge, voire un peu plus. C'est un des autres avantages, c'est d'autant plus facile de tisser des liens avec des gens de sa propre génération, ou presque.
Ah oui, et je les appelle « apprenants », parce que le terme « élève » fait bien trop enfantin et académique à mon goût. Même si ça veut dire à peu près la même chose. Et peut-être un peu aussi parce que ça ressemble à « apprenti », et un apprenti apprend bien plus que de la théorie et de la technique. Bref, c'est pour ça que je préfère ce terme.
Une fois tout le monde bien arrivé et bien installé, je prends quelques instants pour présenter dûment notre nouvelle recrue.
« - Je crois qu'on est au complet ! Bon, vous lui avez déjà tapé la bise, mais j'en profite pour vous présenter en bonne et due forme notre nouvel arrivant. Dylan, bienvenue à toi !
- Merci… »
Visiblement un peu intimidé, il esquisse un sourire et son regard, bien que gêné, reste ancré dans le mien durant quelques petites secondes. Bizarrement, cela suffit à me troubler. Aucune idée de comment, et encore moins de pourquoi.
Je ne m'y attarde pas davantage et commence le cours, comme toujours. Comme à chaque fois, je prends un temps en aparté mon nouvel apprenant, afin d'appliquer ma « méthode » habituelle. Comme cela arrive souvent avec les nouveaux, il n'est pas très convaincu au départ, d'autant plus qu'il semble ne pas vraiment avoir confiance en son potentiel artistique. Mais, comme à chaque fois que cela se produit, j'encourage, j'aiguille, je conseille, je complimente. Bref, ce que je fais toujours. Les quatre mots-clé de ma pédagogie.
Et, comme toujours, ça finit par marcher. Les traits et les courbes apparaissent les uns après les autres sur le support, la couleur vient s'y mêler, et l'œuvre prend forme petit à petit. Très progressivement, après de nombreux moments de doute, avec un peu trop de prise de tête par moments, mais c'est toujours comme ça. Et on ne peut que s'améliorer.
Il y a cependant une différence entre lui et les sept autres, et tous ceux à qui j'ai enseigné auparavant. Ce n'est pas à propos de la création en elle-même, tous les débutants font percevoir au travers de leur production de l'incertitude, une audace limitée, un manque d'assurance, des techniques boiteuses voire inexistantes, mais c'est parfaitement normal, si ce n'était pas le cas, ma présence serait d'une consternante inutilité. Ce n'est pas à propos de son attitude, tous ceux qui viennent ici pour la première fois ne me connaissent pas, ne connaissent pas les autres, ne sont familiers ni avec les locaux ni avec tous les matériaux, ce qui bien souvent les intimide, rendant ainsi l'atmosphère un peu moins idéale pour créer. Ce n'est rien de tout cela.
Il n'y a en fait aucune différence, objectivement parlant. C'est purement subjectif. C'est lui. Simplement lui. De mon point de vue. Alors que son regard un peu intimidé qui avait mis un certain temps à se détacher du mien m'avait brièvement troublé, voilà que je me retrouve à l'observer attentivement, presque minutieusement, profitant totalement du fait qu'il est concentré sur son travail pour m'imprégner de son image. Je n'arrive plus à le quitter des yeux, j'en ai conscience, tout comme j'ai conscience que c'est grotesque, mais c'est comme si une force supérieure me maintenait dans ma contemplation muette et discrète – en tout cas je l'espère. Et là, progressivement, je comprends ce qui m'arrive.
J'ai bien des défauts, comme tout le monde. J'ai aussi des qualités, comme tout le monde. Mais, comme tout le monde, j'ai aussi des aspects de ma personnalité qui peuvent être autant des défauts que des qualités. Et l'un de ceux-là est en train de se manifester à cet instant.
Malgré ma sensibilité naturellement accrue par le côté « artiste » – même si j'estime que tout le monde peut être particulièrement sensible – je ne m'attache pas si facilement aux autres. Je prends toujours un certain temps avant de me lier d'amitié, ou autre, avec quelqu'un. Pour beaucoup de mes amis, il a fallu parfois des mois avant que je me sente réellement attaché à eux, même si je les appréciais au départ, forcément. Et, à cause de cela, j'ai mis un temps fou à être en couple avec des personnes avec qui j'aurais pu l'être bien auparavant.
Seulement, il y a des fois où ça ne se passe pas comme ça. Je me suis attaché bien plus rapidement à certains des amis que j'ai eus, ou que j'ai encore. D'ailleurs, la vie a parfois joué de mauvais tours, faisant que certains d'entre eux ne méritaient pas une confiance telle que celle que je leur ai accordée. Et, parfois, il m'est arrivé avec certaines personnes de savoir presque immédiatement qu'elles me plaisaient, voire même que j'en étais amoureux. C'est comme ça, ça vient un peu comme un cheveu sur la soupe, souvent très vite, et surtout, ça ne repart plus. Au contraire, à moins que je découvre des aspects négatifs trop nocifs en la personne concernée, ce sentiment persiste et croît avec le temps. Et, là encore, la vie parfois mesquine a fait que cela n'était pas réciproque, ou que les chemins se séparaient. Mais voilà, c'est une chose qui m'arrive. Peut-être que c'est ce qu'on appelle communément le « coup de foudre », même si j'ai du mal avec les expressions toutes faites. Ça vous met dans des cases avant même que vous ne vous en rendiez compte…
Alors, oui, je sais, pour le coup, je ressens ça pour un homme. Et alors ? Ce n'est pas la première fois, de toute manière. Et autant mettre les choses au clair tout de suite. Le fait que je puisse être attiré tant pas des hommes que par des femmes, ça ne s'explique pas. Ce n'est pas parce que je suis artiste, même si le fait que je le sois est lié en partie à ma sensibilité. Ce n'est pas parce que je suis indécis, c'est que les deux peuvent me plaire. Cela ne fait pas de moi un dévergondé, un pervers, je suis juste ouvert aux deux types de relation. Cela ne veut pas dire que je suis constitué d'une moitié hétéro et d'une moitié homo, je suis une seule identité qui n'est pas à moitié quoi que ce soit**. Bref, c'est moi, tout simplement.
Pourquoi je m'acharne à expliquer tout ça ? Parce que les clichés. Oui, ces clichés qui ont la peau dure. Les homosexuels et les bisexuels sont tous des débauchés, des obsédés et des infidèles, n'est-ce pas ? Tout comme les hétérosexuels, eux, ne le seraient certainement pas !
Seuls mes proches savent que je n'ai pas de préférence entre hommes et femmes. Personne d'autre n'est au courant. C'est un comble à notre époque, mais il y a malgré tout une crainte de le dire. D'un côté, on nous fanfaronne qu'on a des droits, qu'on est libres, qu'on peut se montrer au grand jour sans peur. Et de l'autre côté, on nous regarde de travers, on nous insulte, on nous crache à la gueule, parfois même on nous accuse de vouloir attirer l'attention, ou de ne faire que « suivre une mode ». Comment est-ce possible, humainement, d'être aussi con ? Pourquoi serait-ce une mode ? On s'émancipe petit à petit, on se sent progressivement moins mal à l'aise à se confier sur notre sexualité, et dès qu'on a le malheur d'en dire un peu trop, on se fait sauter à la gorge avec des remarques idiotes dans ce genre.
Et encore, je pense être moins à plaindre en tant qu'homme. Même si on nous balance des clichés par rapport à une pseudo-virilité – qui d'ailleurs est en lien direct avec le sexisme ordinaire, mais c'est un autre sujet – nous sommes peut-être moins en difficulté que les femmes homosexuelles ou bisexuelles, d'une certaine façon. Car en ce qui les concerne, d'un côté elle se font fustiger à cause de leurs préférences, et de l'autre certains ne se gênent pas pour aller, à côté de ça, regarder des films explicites avec des lesbiennes et bien en profiter. Non seulement elles sont critiquées en tant que lesbiennes, mais en plus elles sont fétichisées en tant que femmes. C'est quand même sacrément immonde.
Bien sûr, quand j'étais plus jeune, je n'aurais jamais dit non à un tel spectacle. Les années où on est un peu bébête, un peu trop blindé d'hormones… Bien sûr, cela reste un des premiers fantasmes de la plupart des hommes… Mais à côté de cela, je n'ai jamais été dérangé dans la réalité par la vue de deux femmes qui se tiennent la main ou qui s'embrassent. Je m'en moque, chacun devrait pouvoir faire ce qu'il veut de sa vie sentimentale et sexuelle sans avoir à rendre des comptes, et surtout à craindre le regard des autres.
Bref, voilà que je me retrouve confronté à ce sentiment inopiné et brutal, mais pourtant étrangement plaisant. Cela faisait un moment que ce n'était pas arrivé, d'ailleurs. Et jamais dans ce cadre-là. Et rarement de façon aussi… Intense. Pour le coup, ça me déstabilise un peu. Il y a parfois des imprévus dans ce métier, comme dans tout autre métier. Mais jamais je n'avais fait face à un tel imprévu en ces quelques années d'enseignement.
*Ceci est une phrase que j'ai littéralement piquée à Sysy, mais pour cause, ça vient d'un de ses Dimanche Pluvieux.
**Cette phrase vient d'un dessin que j'avais vu un beau jour traîner sur Twitter.
