Salut tout le monde ! Avec quelques amies, on s'est fait une petite Soirée Pour l'Ecriture ensemble, en reprenant le principe des nuits du FoF avec un thème donné par heure, une heure pour écrire un OS. Je crée donc un recueil qui réunira mes différents OS si la soirée venait à se reproduire (et comme on s'est bien éclatées, je pense que oui!).

Merci à toutes celles qui ont participé, je vous aime !

(Notez que le rating est susceptible de changer avec les prochains OS)

Résumé : Coffee Shop AU. Bilbo, serveur dans un café, meurt d'envie depuis des mois d'adresser la parole à son client le plus canon, dont il ne connaît même pas le nom. Malheureusement, lorsqu'il décide enfin de le faire, il ne choisit peut-être pas le bon jour.


Soirée pour l'écriture #1

Mot imposé : Tentation

.oOo.

Il y avait un petit plaisir auquel Bilbo ne résistait jamais : c'était de poser son regard sur les fesses de son client lorsque celui-ci prenait son latte au comptoir et se détournait pour aller trouver une chaise près de la vitre, sous le sigle vert arrondi où était inscrit le nom du café. Il fallait dire que ces fesses, c'était tout un poème. Bien rondes, à l'air moelleuses, généralement mises en valeur par des jeans noirs élimés suffisamment moulants. Bilbo avait le plus grand mal à en détacher son regard.

Mais en dehors de ça, il était bien sûr d'un professionnalisme à toute épreuve. Surtout avec ce client, qui faisait partie des réguliers, et Bilbo n'avait pas envie de faire perdre à la boutique un revenu certes minime mais presque quotidien. Il s'appliquait donc particulièrement à dessiner des motifs de feuille dans le latte et l'homme lui adressait parfois un sourire du coin des yeux lorsqu'il le récupérait sur le comptoir. Une fois qu'il était assis, Bilbo évitait soigneusement de le reluquer.

Aujourd'hui, cependant, pour la première fois depuis que l'homme (dont il ignorait toujours le nom) avait commencé à fréquenter le café, il n'était pas vêtu de ses jeans râpés et de ses tee-shirts trop larges, mais d'un pantalon de costume noir et d'une chemise blanche. Ses cheveux longs et noirs, généralement lâchés sur ses épaules, étaient réunis en une tresse serrée, et la barbe qu'il avait d'habitude plutôt fournie était réduite cette fois à une simple petite barbe de trois jours. Lorsque Bilbo avait levé les yeux vers lui quand il était entré dans le café, sa mâchoire avait manqué de s'en décrocher, et il avait fallu qu'il reçoive un puissant coup de coude dans le flanc droit de la part de sa collègue et cousine Primula pour réussir à faire de nouveau rentrer ses yeux à l'intérieur de ses orbites.

Malheureusement, cette fois, l'homme ne sourit ni de la bouche, ni des yeux, lorsque Bilbo lui servit son latte au motif de feuille, et l'emporta à sa place habituelle à côté de la vitre.

Et si, jusque là, Bilbo avait toujours résisté à la tentation, cette fois, il avait rudement envie d'aller lui parler.

- Il a l'air de mauvaise humeur, l'avertit Primula.

Elle n'avait pas tort : ses sourcils étaient tellement froncés qu'il n'aurait pas manqué grand-chose pour qu'ils se rejoignent en haut de l'arête de son nez.

- J'ai envie d'aller lui proposer un rencard, murmura Bilbo rêveusement. Ça fait des mois que je pense qu'à ça.

- Aujourd'hui ? T'es sûr que c'est une bonne idée ? Il a l'air capable de tuer d'un simple regard…

- Peut-être, mais il est canon. Il l'est toujours, mais là, encore plus que d'habitude. C'est peut-être un signe…

Primula haussa les épaules, l'air de dire qu'elle s'en lavait les mains, et Bilbo prit brutalement sa décision. Il n'avait jamais été doué pour résister à la tentation.

Il prit un muffin à la framboise dans la vitrine réfrigérée, et s'approcha de la table de l'homme avec un sourire.

- Mauvaise journée ? sourit-il. J'ai peut-être de quoi vous remonter le moral.

Il posa le muffin sur la table, en espérant de toutes ses forces que l'autre comprendrait que c'était une tentative de drague (il n'était pas doué pour ça, il fallait bien l'admettre), et attendit sa réaction pendant quelques trop longues secondes.

Qui, finalement, n'auraient pas été suffisante pour se préparer à la réponse, claquant dans l'air comme un coup de fouet.

- Je n'aime pas la framboise. Vous pouvez le reprendre.

La stupéfaction et l'humiliation de Bilbo étaient telles que pendant au moins cinq bonnes secondes, il ne fut capable que d'ouvrir et refermer la bouche comme un poisson hors de l'eau, les yeux écarquillés. Lorsqu'il eut enfin retrouvé de quoi faire fonctionner ses capacités cognitives au minimum syndical, il reprit précipitamment le muffin sur la table, et balbutia "P… Pa… Pardon" avant de s'enfuir en trébuchant.

S'il voulait sauver sa dignité avec une retraite gracieuse, c'était raté, mais à côté des flammes de la honte qui brûlaient sur ses joues, ça n'avait que peu d'importance. Primula, qui avait tout entendu (comme la moitié des clients du café, malheureusement), lui donna une petite tape réconfortante sur l'épaule, et Bilbo se demanda s'il avait déjà vécu une expérience plus horriblement humiliante.

Probablement pas.

Avec l'accord tacite de Primula, il s'affaira dans l'arrière-boutique tout le reste de l'après-midi, et lorsqu'il en émergea à nouveau, l'homme était parti.

Si Bilbo avait ne serait-ce qu'un peu de chance, il ne reviendrait plus jamais.

.oOo.

Le lendemain, Bilbo ne travaillait pas. Le surlendemain, comme il avait passé son jour de congé assis sur un banc devant le fleuve à ressasser son fabuleux râteau par 5°C et un vent à décorner les bœufs, il se réveilla avec un rhume carabiné et le nez plus rouge que ses joues de la veille. Finalement, une semaine entière s'écoula sans qu'il puisse venir au travail, ce qui ne le dérangeait pas entièrement, pour être honnête.

Lorsqu'il réintégra le café, une semaine jour pour jour après son échec monumental, sa première réaction fut de jeter un regard rapide sur les sièges pour voir si l'homme était là, puis soupirer de soulagement en réalisant que non. Sa deuxième réaction fut d'éviter un bolide nommé Primula, qui se précipita vers lui pour le secouer comme un prunier.

- Oh, Bilbo ! Tu es guéri ! Génial. Écoute ça, ton client, là, il est venu tous les jours. Tous les jours ! Parfois même deux fois !

Bilbo déglutit. L'homme venait souvent, mais jamais tous les jours. Jamais deux fois.

- Il ne t'a rien dit ?

- Non, mais je crois qu'il a failli, une ou deux fois, il a ouvert la bouche comme pour poser une question et puis il a laissé tomber.

- Merde, gémit Bilbo.

- Il veut peut-être se faire pardonner ?

- Ou m'humilier davantage.

Primula haussa les épaules d'un air sceptique, mais ils furent vite fixés : une demi-heure à peine après l'ouverture du café, le client apparaissait. Le bruit que fit Bilbo en déglutissant fut probablement audible dans toute la pièce, et il détourna le regard si vite que ce fut presque comme si leurs regards ne s'étaient pas croisés.

Presque seulement, malheureusement.

Lorsque Bilbo releva la tête, l'homme se tenait devant lui. Pas en costard, cette fois.

- Un latte, s'il vous plaît, dit-il en regardant Bilbo droit dans les yeux.

Incapable de parler, Bilbo hocha la tête, et se retourna vers la machine pour faire couler le liquide. Il ne réussit pas très bien la feuille, cette fois, ses mains tremblaient trop, mais il songea que ça n'avait plus tellement d'importance.

Lorsqu'il posa la tasse sur le comptoir, l'homme ajouta :

- …Et un muffin à la framboise.

Pendant un instant, Bilbo se demanda s'il blaguait ou non, si c'était histoire d'enfoncer le couteau dans la plaie ; mais l'homme baissa les yeux d'un air embarrassé, et Bilbo songea qu'il pouvait lui accorder le bénéfice du doute.

- Je vous l'apporte, dit-il d'une voix un peu trop étouffée, vous pouvez aller vous asseoir.

Primula leva un sourcil lorsqu'il se retourna vers elle, tandis que les pas de l'homme résonnaient dans la salle encore presque vide, et Bilbo haussa silencieusement les épaules, avant de saisir un muffin dans la vitrine réfrigérée et de l'apporter au client.

- Tenez, dit-il d'une voix qu'il espérait neutre.

- Merci…

Il y eut un silence, qui ne dura que quelques secondes, mais qui fut tellement insupportable pour Bilbo qu'il fit finalement un 180° sur les talons pour s'échapper de là au plus vite ; mais plus rapide encore, une main forte se referma sur son poignet.

Bilbo fut obligé de relever les yeux vers lui.

- Je suis désolé, marmonna l'homme, les joues d'un rose soutenu. J'ai foiré mon entretien d'embauche l'autre jour, j'étais de mauvaise humeur, et… Enfin, ça n'excuse rien, mais… Je suis vraiment désolé. D'avoir refusé votre muffin. Je… Je ne voulais pas… vous offenser. Enfin…

Il avait l'air tellement misérable, à vouloir s'exprimer sans savoir comment, que Bilbo ne put s'empêcher de prendre pitié de lui.

- Je m'appelle Bilbo, dit-il. Et vous ?

- Thorin.

- Thorin, reprit Bilbo, ça vous dirait de venir boire un verre avec moi, un de ces jours ? Pas ici. Ailleurs.

Un sourire amusé apparut au coin de la lèvre de Thorin, et son regard s'éclaira. Le changement était saisissant.

- Oui… Avec plaisir.

.oOo.

Ce ne fut qu'un mois plus tard, lorsqu'ils décidèrent de se mettre ensemble pour de bon, que Bilbo apprit que Thorin n'aimait pas non plus le café. Mais c'était la spécialité de la boutique de Bilbo, et il venait uniquement pour lui.

En échange, Bilbo lui dessina un cœur dans la crème de son chocolat chaud.


Et voilà pour ce premier OS ! (Je sais, question tentation, on repassera, mais bon.)

A bientôt pour la suite !