Résumé :
Fin des années 2000, le monde sorcier commence à retrouver son rythme et pense ses plaies. Mais le simultané braquage de Gringotts et l'évasion de mangemorts enfermés à perpétuité dont le seul mot d'ordre est "vengeance" ébranlent cette quiétude encore imparfaite. Contrait de prévenir "l'autre ministre", Kingsley Shackelbot se voit dans l'obligation d'introduire un nouvel élément, passerelle entre leur deux mondes.
PROLOGUE
Les portes déversèrent un flot de marée humaine tel un ressac tempétueux. L'odeur saturée, iodée de sueur, à la moiteur poisseuse des heures de pointe, collait à la peau. Cette opacité levait le voile sur les tardifs noctambules aux yeux mâchés et parfois encore envinés croisant dans la plus belle indifférence les trop pressés travailleurs matinaux. Puissante et implacable, la foule poussait. A droite. A gauche. Mouvante. Il était difficile de s'y faire un chemin. Chacun poursuivait sa route préalablement fixée en une cacophonie silencieuse. Surtout ne pas importuné et ne pas être importuné. Un aquarium citadin bien loin des gracieux ballets menés d'habiles et brillants coups d'appendices colorés. Aucun ne semblait pourtant le souligner. Sans doute savaient-ils tous qu'à la sortie de cette grande bouche qui les avalait deux fois par jour attendait la liberté. Opinion philosophique et populaire que chacun se plaisait à élaborer en fonction de paramètres et variables changeantes. Oui tout semblait être ce qu'on appelle la norme. Rien d'anormal. Un jour banal en somme. Certes normal, mais incongru. Surprenant encore. Ou même bizarre. Jusqu'à dire absurde.
XXX
Le cœur battant la chamade, l'incompréhension bousculait son crâne. Palpitante et pulsante, elle venait heurter par vagues sa vieille comparse l'anxiété. L'air asphyxié lui donnait le tournis. Sa respiration courte et rapide la rapprochait inexorablement de l'étourdissement. Elle se sentait poussée, touchée, palpée de toute part. Son corps devenu un élément épars s'entrechoquait à ses semblables. Quelques gouttes de sueur faisaient briller son front et glissaient presque sensuellement le long de sa nuque pourtant dégagée. Son dos moite agrippait le fin chemisier qu'elle portait comme une seconde peau encombrante attendant sa mue prochaine. Elle avançait sans regarder, ses pas empruntaient ce chemin connu du bout des orteils. Un pied après l'autre. Sans en déroger. Mécanique. Facile. Toutefois, il leur manquait aujourd'hui cette légèreté qui les caractérisait. Plus lourds, plus lents. Elle n'aimait pas l'inconnu. Ni l'imprévu. Elle aimait l'habitude et le réconfort de la routine. La quiétude du quotidien. Sa petite vie sans histoire lui convenait parfaitement, même si pour certains elle serait dépourvue de ce petit quelque chose qui. Cette petite étincelle qui peut enflammer la vie, la rendre plus vivante. Cette petite touche de magie pas vraiment magique. Un coup de vent frais chargé d'humidité cueillit l'essaim bourdonnant à sa remontée à la surface. Il rabattit promptement les pans ouverts d'un cardigan en tweed sur son corps fiévreux. Les resserrant des ses mains tremblantes, elle prit une grande inspiration et se dirigea d'un pas qui se voulait décidé vers les portes du Palais de Westminster. Big Ben sonna 8h.
XXX
L'horloge à pied sur la fine commode sauteuse en bois de rose laissait trotter paresseusement ses aiguilles. Son tic-tac essoufflé par le vide du couloir tapissé, elle indiquait 8h25. Le rythme cardiaque de nouveau décent, son esprit vacillait entre anxiété et curiosité. Celle-ci pointant le bout de son nez quand un bruit, un peu de trop brusque, un peu trop fort, un peu trop proche, ne la faisait pas sursauter. Les couloirs s'emplissaient doucement de murmures feutrés et de voix étouffées. Tout ici était dans la demi-mesure : pas un son plus haut que l'autre, une décoration raffinée mais pas précieuse, la douceur de la luminosité malgré la grisaille anglaise. Les corridors du Parlement avaient cet effet apaisant propre aux vieilles institutions. Le temps passant, elle ne savait plus quoi faire de son corps. Les bras croisés sur la poitrine ou ballants le long des flancs. Les mains croisées dans le dos ou soutenant le cardigan qu'elle avait ôté. Elle n'osait s'adosser au mur orné de magnifiques dorures de peur de paraître négligée si les lourdes portes finement travaillées venaient enfin à s'ouvrir. Elle remit en place une mèche de cheveux châtains qui avaient perdu de leur indiscipline après un furtif détour chez les dames. L'eau glacée qu'elle s'était appliquée d'une main agile sur ses joues surchauffées lui avait éclairci les idées et donné une jolie teinte rosée à ses pommettes. Délicatement, elle avait fait disparaître les traces laissées par les affres terribles du tube londonien et les diverses émotions qui avaient tambouriné à ses tempes. Un nouveau coup d'œil à la porte. Soupirant, sous le regard désintéressé de la secrétaire, elle consentit à s'asseoir sur la chaise molletonnée aux couleurs chaudes qui lui faisait face. Big Ben sonna 8h30.
XXX
Le grattement de la plume sur le papier attisait son impatience grandissante. Elle qui pourtant affectionnait tout particulièrement le cliquetis des touches d'un document dactylographié sentait pointer une once d'indignation. À l'heure qu'il était, elle aurait dû avoir quitté son lit tiède et revêtu sa robe de chambre duveteuse, profitant de la douce lumière que laissaient filtrer ses voilages colorés en mettant à bouillir l'eau de son thé. Celui des jours de repos. Journées où elle savait avoir le temps de déguster une grande théière accompagnée de son livre du moment, faisant ainsi des infidélités à son café serré des matins pressés. Mais cette matinée avait été arrachée à son tableau rêvé quand un appel urgent émanant d'un département de la Chambre du Parlement avait surgi, la sortant de son doux cocon. On l'avait sommée de s'y rendre au plus vite, habillée comme la convenance le requérait. La bizarrerie et l'incongruité de l'instance cédèrent vite place à la panique et l'incompréhension. Pourquoi ? Pour quoi ? Pourquoi elle ? Elle était une employée au département des relations internationales comme tant d'autres. Elle se précipita vers son armoire et enfila prestement un pantalon, se disant qu'une jupe serait peut-être plus appropriée. Elle trancha alors pour une jupe crayon d'un bleu nuit assortie à un chemisier nacré. Une paire de chaussures à bout rond aux pieds, elle s'élança. Alors qu'elle hâtait le pas, elle se félicita d'avoir délaissé ses talons et se dit que pour une fois, elle ne souhaitait pas mettre son vis-à-vis mal à l'aise face à sa grande taille. Ce fut en passant devant un des miroirs ministériels qu'elle eut une pensée pour son pantalon délaissé. Un sourire fleurit sur ses lèvres en se disant qu'on aurait aisément pu la confondre avec une hôtesse de l'air de la célèbre compagnie aérienne d'outre-manche. Big Ben sonna 9h.
XXX
L'attente était devenue intenable. Maintenant nerveuse, son pied harcelait de coups la moquette délicate, attirant parfois le regard acéré de la secrétaire entre deux coups de téléphone. Puis la porte s'ouvrit enfin. Le léger cliquetis émit par le panneau ouvragé lui fit relever la tête. Son regard découvrit un homme à la haute stature et à la peau noire comme la nuit. On pouvait difficilement deviner son âge. Dans ses yeux, une imperceptible inquiétude. Elle lui offrit un timide sourire quand il prononça son nom d'une voix grave et profonde. Elle ne le connaissait pas. Elle était presque certaine de ne jamais l'avoir aperçu dans les dédales du Palais. Il l'invita à entrer et elle passa alors les portes qu'elle savait être celles du bureau du Premier Ministre britannique quand il n'était pas au Number Ten. Elle ne fut donc pas surprise de voir sa silhouette se dessiner devant une cheminée de marbre fin où un feu ronflait alors que le Palais ne les utilisait plus depuis bien longtemps. La lumière provenant des longues fenêtres à guillotine jouait sur son visage. En revanche, son air tendu et soucieux ne lui échappa pas. La manière dont il faisait jouer son whisky dans le fond de son verre, le regard fixe, non plus. Elle n'avait pas réellement eu l'occasion de travailler directement avec les ministres, et encore moins celui-ci, dont l'investiture était encore aux portes du Palais. Toutefois, elle savait reconnaître une expression préoccupée sur un chef de troupes. C'est alors qu'elle la ressentit. Cette appréhension palpable qui alourdissait la pièce. Elle fit renaître en elle un nœud d'angoisse qu'elle avait depuis longtemps refoulé. Il se nicha profondément au cœur de son estomac. Un pressentiment indicible la submergea et elle dut inspirer plus fort cet air empoisonné. Elle avait la bouche sèche et le silence depuis que la porte s'était refermée lui pesait. Ses yeux se mirent à vagabonder. Ils se posèrent sur l'homme à la voix grave, les mains croisées dans le dos, comme cherchant ses mots le Premier Ministre, appuyé contre le bureau ministériel regorgeant de dossiers, essayant vraisemblablement de noyer son inquiétude dans la liqueur ambrée et une jeune femme qu'elle n'avait pas vu de prime abord, le dos droit, attendant que quelqu'un prenne enfin la parole, à l'autre bout de la pièce, à côté d'un tableau plutôt ancien et démodé représentant un petit homme à la silhouette de grenouille agrémenté d'une longue perruque argentée. Tous semblaient comme figés. Judith Arliss n'osait bouger. C'était à peine si elle respirait. Comme dans l'attente que cette scène de photographie prenne vie. Ce fut la femme qui brisa le silence d'une voix douce mais claire :
« Kingsley, nous avons déjà beaucoup de retard. Ils doivent nous attendre, ne perdons pas plus de temps. »
Le dénommé Kingsley qu'elle comprit être l'homme noir se tourna vers elle et lui demande le plus naturellement du monde, son anneau d'or brillant étrangement :
« Miss Arliss, croyez-vous en la magie ? »
Big Ben sonna 10h.
Merci d'avoir lu.
Je reprends cette histoire. Je ne sais pas quel rythme de parution je pourrai tenir.
A la prochaine,
M.
