Prologue:

Il faisait nuit. Une nuit d'une profondeur que Draco n'avait jamais encore observé. Une nuit d'un noir à absorber les ténèbres, une nuit comme tapissée d'un velours sombre et lourd, qui semblait avaler tout ce que le ciel avait accueilli depuis sa création. Une nuit de plus où, Draco, accoudé à sa fenêtre, noyait son regard dans le vide, dans ce vide qui chaque nuit s'emparait de lui sans jamais sembler vouloir le lâcher. Il respira, comme pour se rassurer d'être encore vivant, comme pour essayer d'échapper à ce poids de la nuit. Il respira, puis se mit en route vers la porte de sa chambre, d'un pas dont on ne pouvait savoir s'il était hésitant ou déterminé. S'arrêtant, stoïque, et hagard, il ouvrit la porte. Le jeune homme s'engouffrait dans les couloirs sombres et froids du manoir Malfoy…

Quelques instants, ou quelques heures plus tard, la grande porte s'ouvrait, laissant ainsi sortir le jeune blond. Il affichait un sourire perdu, accroché au néant, qui se mû instantanément en l'expression d'une froide mélancolie. Il s'avançait dans les jardins, s'enfonçant dans l'obscurité et se dirigeant vers le lac. Draco avait depuis son plus jeune âge, développé un rapport presque intime avec l'étendue d'eau et ses alentours. C'est là qu'il allait, enfant, avec sa mère lorsque son père recevait le Seigneur des ténèbres, c'est là aussi que plus tard, il se rendait pour essayer en cachette de nouveaux sorts appris dans les grimoires de l'imposante bibliothèque familiale. C'est près du lac qu'il allait, depuis sa douzième année, chercher la quiétude et le repos qu'il ne pouvait trouver en compagnie des autres. Il ne pouvait supporter les autre. Ça n'était pas que leur présence, leur conversation, leurs attitudes qui le gênaient, c'était bien plus que ça, c'était leur être tout entier. Le jeune Malfoy n'avait jamais compris comment, à moins d'être totalement idiot ou affreusement hypocrite, les autres, tous ceux qu'il côtoyait de près ou de loin, pouvaient ne pas ressentir ce désespoir, cette certitude qui le minait, nuit et jour. Il avait passé les trois dernières années à réfléchir à cette question et en était arrivé à la conclusion que les autres, ceux qui vivaient insouciants et qui sans doute vivraient insouciants jusqu'à leur mort, n'auraient jamais conscience d'eux même, de la vie qui les entoure. Il se demandait qui d'entre eux et lui avait le plus de chance.

Il entreprit donc tout type d'expériences, avec Crabbe et Goyle d'abord, l'expérience de l'autorité et du respect (il disposait grâce à la place de son père dans l'organigramme mangemort d'un ascendant « acquis » d'office sur eux) : ces deux imbéciles n'ont jamais compris qu'il ne faisait que jouer avec eux et que leur être n'a jamais été pour Draco, que le support d'une expérimentation qu'il menait sur lui même. Puis, il fit varier les formes d'expériences, feignant l'amitié avec Blaise Zabini, Theodore Nott, mimant l'amour avec Pansy Parkinson, étudiant ainsi le vide de la relation, quelle qu'elle soit. Il était, cependant, une relation qui fascinait Draco de sens, d'être et de désespoir : c'est celle qu'il entretenait avec un certain groupe de Gryffons aussi insupportables les uns que les autres et avec qui il avait réussi à créer un lien si précieux pour lui : la haine, le conflit.

Dans sa relation avec les trois rouge et or, Draco s'était réellement impliqué, il avait, dès sa première année à Hogwards, dès sa première rencontre avec l'élément central du groupe : Harry Potter, le Survivant, décelé chez lui cette capacité d'être, qu'il n'avait encore jamais vu chez quelqu'un autre que lui. Quelle ne fut pas sa surprise lorsque, quelques jours plus tard, à la sortie du train qui les menait vers l'école de sorcellerie la plus réputée du monde sorcier, le futur Prince des Slytherins aperçut, à côté de Potter, une jeune fille brune qui semblait dotée de cette même capacité, 0de ce même regard et de cette lueur dans les yeux que n'ont que ceux qui sont. Il n'était plus seul ! Les deux étaient accompagnés par un jeune homme, roux, le visage tacheté de rousseurs, plutôt grand pour son âge. Son regard était vide. Ronald Weasley.

Quelques instants plus tard, sur les marches du château, il décida d'aller proposer son amitié à ceux qui avait attirés son attention, quittant ses cobayes et se dirigeant vers les seuls êtres dignes d'estime qu'il ait alors connu. Mais la bêtise du roux fit que sa main resta dans le vide, le grand Harry Potter ne voulant apparemment vexer Weasley qui avait, force des choses, une dent contre les Malfoy. Ce que Ronald Weasley, n'a pas vu, c'est le regard qu'ont échangé le survivant et Draco à ce moment là. Un concentré de défi, de curiosité, de hâte, le début d'une longue haine...