Titre : Cinq pas entre les portes et l'arbre
Disclaimer
: L'univers de Harry Potter et les personnages sont une création de Rowling. Je ne touche nul argent avec ce texte.
Résumé : Cinq faits sur chaque membre de la famille Finnigan.
Continuité
: Ce texte est un prolongement de ma fic, Les Portes. Par conséquent, le canon post-tome4 n'est absolument pas respecté (et il vaut mieux avoir lu ladite fic pour comprendre ce qui est en jeu dans cette histoire).
Note 1
: Cette fic (plus les quatre prochaines "Cinq fois que...") ainsi que La Sorcière de Cork et l'Évadé d'Azkaban (un futur bonus pour Les Portes) appartiennent à un ensemble qui servira de transition entre l'univers des Portes et celui de Near the Tree.
Note 2
: Il est laissé à la discrétion du lecteur de considérer cette fic comme la suite des Portes ou non.


Premier Pas : Cinq fois où Seamus a eu peur

–o–

Seamus a huit ans la première fois qu'il entend une Banshee.

On a invité tante Dorothy, ainsi qu'oncle Pierce, Brendan et Kilian pour l'anniversaire de Papa. Il fait beau, la nuit s'installe tranquillement, déploie sa robe sombre et sa fraîcheur venue de la mer. On rit, on danse, on se souvient. Il y a de la musique, du gâteau et des flambeaux. Seamus, Brendan et Kilian essaient de semer Darcy qui les poursuit en braillant. « Sois gentil avec ta petite sœur ! », « N'embêtez pas votre cousine ! », « Vous pouvez bien la laisser jouer avec vous ?! ». Ils pourraient leur expliquer que c'est qu'un bébé de quatre ans, pire : une fille, mais les adultes, ça ne comprend jamais rien.

Kilian dit que les hurlements de Darcy lui font mal à la tête. « Si on la tapait pour la faire taire ?

– T'es bête ou quoi ? lui réplique son frère. Si on la tape, elle va pleurer. Ce sera pire.

– Et puis on n'a pas le droit de la taper : c'est une fille, rappelle Seamus. » Et puis c'est sa sœur. Personne ne tape sa sœur, pas même lui !

« Et si on la pousse ? propose Kilian. Pousser, c'est pas taper ! »

Seamus s'apprête à s'élever contre cette nouvelle intention de violence à l'encontre de sa petite sœur mais il est coupé dans son élan. Coupé est trop faible. Sabré ? Fauché ?

Seamus a huit ans quand il entend pour la première fois le cri de la Banshee.

C'est à la nuit tombante, entre chien et loup, quand le Soleil est agonisant et la Lune chétive. Il fait bon, on reçoit du monde : la famille de Papa. Maman a accroché des lampions, Papa s'occupe du barbecue. Ça sent la mer, la grillade et le soir. Il y a tante Dorothy, oncle Pierce, Kilian et Brendan. Il y a Darcy qui pleurniche. Parce que c'est un bébé. Pire, une fille. Et il y a lui, Seamus, qui est à terre, recroquevillé, la tête dans les genoux, les mains sur les oreilles. Il crie. De toutes ses forces. Mais il n'entend pas sa propre voix : il ne perçoit que le Hurlement. Il lui pénètre le cerveau par tous les pores de la peau. Il le ressent par tous les nerfs de son corps. Il n'y a que le Cri, le reste du monde s'est effondré.

Seamus a envie de pleurer, de fuir, de se dissoudre, de mordre et de griffer. On dirait un appel à l'aide, une plainte, un mugissement, une mise en garde. On dirait une craie sur un tableau, une bouilloire qui siffle, un chat qui crache, un rugissement dans une grotte, la mer qui mugit, une sirène. On dirait… Et ça se tait. Silence total. Assourdissant. Terrifiant. Et maintenant ?

Une main se pose sur son épaule. Seamus sursaute. Il rencontre le regard inquiet de Tante Dorothy. Elle lui demande ce qu'il a, ce qu'il lui arrive. A-t-il mal quelque part ? c'est Kilian ? Il cligne des yeux. Plusieurs fois. N'ont-ils donc rien entendu ? Rien du tout ?

« Il y a bien eu une voiture de police qui est passée toute sirène hurlante », admet Oncle Pierce.

Seamus ne comprend plus rien. A-t-il tout imaginé ? Comment aurait-il pu imaginer un son pareil ? Darcy s'accroupit et penche la tête.

« Tu as mal quelque part ? » demande-t-elle un peu inquiète.

Ils n'ont donc vraiment rien entendu ?

Papa arrive à la rescousse. Il relève Seamus, lui passe le bras autour des épaules et l'entraîne vers la maison. Loin des regards mi-curieux, mi-inquiets. Il lui dit que ce n'est sûrement rien, que Maman a sûrement une explication, qu'il n'y a sûrement aucune raison de s'inquiéter. Seamus se demande si Papa s'est aperçu du nombre de fois qu'il a utilisé le mot « sûrement ». Bien trop de fois pour que cela soit rassurant.

Ils franchissent le seuil de la maison et tombe tout de suite sur Maman. Elle est debout, pâle et tremblante. Elle a des larmes plein ses yeux et des assiettes en mille morceaux à ses pieds. Il y a aussi des crudités : le plateau lui a échappé des mains. Le plateau n'échappe jamais des mains magiques de Maman.

Seamus s'échappe de la main de Papa et se précipite vers Maman. Il la serre dans ses bras et presse le visage contre son ventre. Il sait qu'elle aussi a entendu. Il sait qu'elle sait. Et il pleure. Au début Maman ne réagit pas, puis, lentement, elle referme les bras sur lui.

Seamus et Maman ne retournent pas dans le jardin, ils se réfugient dans le grand lit et restent l'un contre l'autre jusqu'à ce qu'ils s'endorment. Cette nuit-là, Maman parle. Elle parle de quand elle était petite. Elle parle de son frère, de son Papa. Et de Celui-Qu'il-Ne-Savait-Pas-Qui. Elle parle de la première fois qu'elle a entendu la Banshee.

Le lendemain, un hibou leur confirme ce que la Banshee leur a déjà crié : hier soir, Grand-Mère est morte.


Seamus a neuf ans et il sait très bien qu'il est trop vieux pour qu'on lui lise des histoires.

Il n'empêche que Seamus adore qu'on lui lise des histoires. Ou peut-être est-ce qu'il aime que Papa, Maman, Darcy et lui soient tous réunis au coin du feu, dans la lumière tremblante des bougies pendant que la tempête s'acharne dehors.

L'électricité a été coupée et tout le monde s'est rassemblé dans le salon. Maman a ravivé le feu, Darcy a sorti les couvertures, Seamus allumé les bougies et Papa rapporté les jeux de société et les livres.

Darcy s'est endormie sur les genoux de Maman, le pouce dans la bouche. Seamus est à plat ventre entre les couvertures et il écoute Papa, coeur battant. Mais il a pas peur : il est grand.

« C'était un chien, lit Papa d'une voix un peu différente de d'habitude, un chien énorme, noir comme du charbon, mais un chien comme jamais n'en avaient vu des yeux de mortel. Du feu s'échappait de sa gueule ouverte ; ses yeux jetaient de la braise ; son museau, ses pattes s'enveloppaient de traînées de flammes. Jamais aucun rêve délirant d'un cerveau dérangé ne créa vision plus sauvage, plus fantastique, plus infernale que cette bête qui dévalait du brouillard... »

Seamus pousse un cri, ferme les yeux et plonge sous les couvertures. Il tremble. Mais ce n'est pas de peur : il est grand.

Papa soulève un pan de la couverture.

« Ça va mon grand ? demande-t-il, inquiet. L'histoire te fait peur ? »

Seamus secoue furieusement la peur. Il n'a pas peur : il est grand.

« Tu es sûr ? »

Il hoche la tête.

« Si tu ouvrais les yeux, je serais peut-être un peu plus convaincu, déclare Papa.

– Chéri, intervient Maman à voix basse pour ne pas réveiller Darcy. Je crois qu'on a eu suffisamment de suspense et de crimes pour ce soir. Tu ne voudrais pas nous trouver quelque chose de plus… léger ? »

La tête de Seamus émerge de sous les couvertures.

« Il n'y a pas de problème, je ne voudrais pas que tu fasses de cauchemars. »

Papa tend le bras vers la pile de livres et saisit un volume à la couverture usée par le temps et les manipulations. Seamus s'installe dans le canapé, à côté de Maman. Elle lui passe la main dans les cheveux et dépose un baiser sur son front.

« Je ne sais pas pour toi, Amour, lui chuchote Maman à l'oreille, mais je commençais à avoir un peu peur avec ce livre, pas toi ? »

« Oh non ! s'exclame Seamus avec bravoure. Il y a que les filles qui ont peur. »

Maman sourit et passe le bras autour de ses épaules. Darcy émet un petit bruit et Papa commence :

« C'est une histoire qui s'est passée il y a très longtemps, à l'époque où votre grand-père était un petit garçon... »

Le feu danse dans la cheminée, Papa raconte, Maman lui caresse la tête et Darcy a les yeux qui papillonnent. Seamus se sent en sécurité et aimerait que l'électricité ne revienne jamais.


Seamus a onze ans et il intègre l'école de Magie et de Sorcellerie du Royaume Uni.

Sa mère lui a expliqué Poudlard : les Maisons, les fantômes, les professeurs et les points. Il pensait être prêt.

La séparation sur le quai 93/4, ça va, il a plutôt bien géré. Dans le Poudlard Express, il a partagé son compartiment avec trois autres petits sorciers issus de familles moldues et qui ne savaient rien du monde sorcier. Il a pu faire étalage de ses maigres connaissances et briller comme un Gallion. Facile ! Quand un Géant leur a ordonné de le suivre et de monter dans des petites barques moyennement stables sur un lac bien noir, l'assurance de Seamus a commencé à s'écailler. La vue du château l'a époustouflé. Mais ça ne l'a pas trop inquiété : tout le monde a semblé époustouflé, même cet arrogant petit blond au nez pointu qui ne cesse de proférer des commentaires désobligeants. Donc, jusque là, il s'en était plutôt bien sorti : pas peur et pas surpris. Maintenant, il est dans une salle avec tous les autres élèves de première année et c'est une autre histoire.

Ils attendent qu'on vienne les chercher pour être enfin répartis dans une des quatre Maisons. De confiance, il ne lui reste pas l'ombre d'une miette. Il a les dents qui s'entrechoquent et à qui lui demande, il répond que c'est de froid : y a plein de courants d'air dans ce château. Et comme ils ne sont pas censés savoir qu'il a grandi face à la mer, ils ignorent qu'il lui faut un peu plus que des petits flux d'air pour lui faire claquer des maxillaires. Quant à son ventre… Oh ! Vaut mieux ne pas parler de ce qui s'y passe !

Le professeur McGonagall revient et les conduit dans une immense salle où un milliard (au moins !) de paires d'yeux sont braquées sur eux. Il essaie de se dissimuler un peu plus derrière un grand rouquin. L'appel commence. Heureusement, il est en début d'alphabet. Quelle horreur, il est en début d'alphabet !

« Finch-Fletchey, Justin ! » appelle le professeur McGonagall.

Un des trois compagnons de train de Seamus disparaît sous le Choixpeau et est envoyé à Poufsouffle. Ça va être à lui, ça va être...

« Finnigan, Seamus. »

C'est à lui !

Seamus inspire profondément et s'échappe du peloton. Il a les mains un peu fébriles (et moites), mais il espère que ça ne se verra pas trop. Ça ne devrait pas. Il s'installe sur le tabouret et dépose le chapeau enchanté sur sa tête.

« Finnigan ? » marmonne une voix dans sa tête. L'impression est désagréable. « Première fois que j'entends ce nom. Père moldu, mais mère sorcière. Hmmm… »

Seamus se dit que le chapeau doit pouvoir lire dans les pensées et la désagréable impression s'épaissit.

« La petite Lynn Amberson ?! s'exclame le Choixpeau. Oui, je reconnais définitivement son entrain et sa vivacité d'esprit.

– Vous vous souvenez de ma mère ? s'étonne Seamus. Vous devez pourtant en voir défiler des noms et des têtes !

– Un certain nombre en effet, mon garçon. Mais je me souviens de tous les enfants que j'ai répartis. »

Il y a un instant de silence, pendant lequel Seamus se surprend à chantonner une vieille comptine : Un pitiponk sur un petit pont

« Tu trouverais facilement ta place à Poufsouffle, déclare finalement le chapeau. Tu es quelqu'un de loyal. Principalement à ta famille. La famille est ton centre de gravité. Je vois également un réel plaisir de la vie, une certaine frivolité… Beaucoup de capacités, mais une tendance à se laisser aller à la facilité. Hmm… »

Seamus se sent rougir jusqu'à la racine des cheveux. C'est là un des reproches qu'il a le plus entendu durant toute sa scolarité : « Votre fils a des capacités, il n'est pas bête, mais il est partisan du moindre effort, il se contente de viser la moyenne. » Seamus ne voit pas pourquoi on l'embête avec ça, tant qu'il passe en classe supérieure, pourquoi ne lui fiche-t-on pas la paix ?

« Bien sûr que tu veux qu'on te fiche la paix. Tu possèdes un certain talent et je perçois des dispositions intéressantes, mais tu es un garçon bien paresseux. Tu n'aimes pas étudier, ni la compétition, pas plus que tu n'apprécies les honneurs. Une vie tranquille avec beaucoup d'amusements… Étrange…

– Quoi ?

– J'ai l'impression d'avoir déjà entendu ces pensées dans un autre cerveau, marmonne le Choixpeau. Si on ne te brusque pas un peu, reprend-il plus énergiquement, le gâchis me semble inévitable… Poufsouffle est donc inenvisageable !

– Poufsouffle, c'est bien la Maison des sans ? demande Seamus.

– Des « sans », répète le Choixpeau. Des sans quoi ?

– Des sans qualités. Ce sont ceux qui ne sont pas courageux, qui ne sont pas ambitieux et qui ne sont pas intelligents.

– Les Poufsouffle sont ceux qui n'ont besoin ni de grandeur, ni de reconnaissance ou d'honneur pour être, contre le Choixpeau froidement. Et ils sont loin d'être sans qualité !

– Ça me va, pourquoi je ne peux pas aller chez eux ?

– Parce que je suis le Choixpeau, c'est moi qui décide ! réplique le chapeau, agacé. Je répartis depuis près de mille ans les petits sorciers du Royaume Unis et si je dis que Poufsouffle n'est pas pour toi, c'est qu'il en est ainsi.

– Pardon, marmonne Seamus, un peu effrayé, un peu vexé aussi, je ne voulais pas vous froisser. »

Un silence pincé s'installe entre le chapeau et le petit sorcier.

« Vous êtes toujours là ? demande Seamus, inquiet d'avoir détraqué le précieux Choixpeau de Poudlard.

– Bien sûr ! Et je sais où je vais t'envoyer, ajoute-t-il. J'aurais dû m'en douter à l'instant où tu m'as posé sur ta tête. Je me fais vieux, on dirait. »

Le Choixpeau a envoyé Seamus dans la Maison de Godric Gryffondor. Bien sûr, il n'est pas aussi doué que Hermione Granger et il n'est pas aussi valeureux que Harry Potter, mais il se sent bien en rouge et or. Toutefois, certains jours, il se demande quelle serait sa vie et quel genre de personne il aurait été s'il avait intégré la Maison de Helga Poufsouffle. Il y a aussi ces jours, quand ses notes sont vraiment catastrophiques, quand les remarques de ses professeurs sont vraiment désobligeantes et quand la comparaison avec Harry Potter est vraiment douloureuse, où il se demande ce qui a bien pu décider le Choixpeau à faire de lui un Gryffondor. En secret, Seamus avait toujours pensé, et redouté, d'être envoyé à Serdaigle. Comme son oncle à qui il ressemble, parait-il, tant. Serpentard ? L'éventualité ne l'a jamais effleurée.


Seamus a treize ans et le monde magique tremble parce que Sirius Black s'est évadé d'Azkaban.

Les préfets crient, les préfets-en-chef donnent des ordres, les tableaux s'affolent, les fantômes circulent dans tous les sens. Seamus est gelé jusqu'à la moelle : deux fantômes lui sont passés au travers le corps et, à cause d'un geste maladroit, ses vêtement sont plein d'eau. Il grelotte. Des instructions contraires tombent d'un peu partout et il est impossible de savoir lesquelles suivre. Alors il suit le type devant lui. On verra bien. Au détour d'un couloir, il est rejoint par Neville qui, en plus d'être pâle comme un suaire, tient une plante sous le bras. Seamus a envie de lui dire que ce n'est pas après sa fougère que Black en a. Mais il ne dit rien. Non par gentillesse, mais parce qu'il n'est pas sûr de pouvoir le dire d'un air dégagé et sans tremblement dans la voix. Ce n'est pas que de froid qu'il claque des dents.

Ils retrouvent Dean, Lavande et les jumelles Patil dans la grande salle et s'installent dans un espace libre. Potter, Granger et Weasley discutent à voix basse pas très loin. Toute l'école se demande comment Black a pu passer au travers de toutes les protections. Il a transplané, il a altéré son apparence, il a volé… Les théories fusent dans tous les sens, mais il y a toujours quelqu'un pour rétorquer, contrer, réfuter. Seamus songe que ce sont des réponses de sorciers. Dans le monde Moldu, on aurait en tout premier lieu pensé à un passage secret.

Les bougies ont été éteintes, mais on continue de chuchoter, on rit aussi un peu. Seamus, pourtant si prompt à s'emparer de toutes les occasions de s'amuser, laisse filer celle-ci et cela étonne Dean.

« Qu'est-ce qu'il t'arrive, mec ? Ça ne te ressemble pas d'être celui qui veut dormir ! »

Sirius Black. Voilà ce qui lui arrive. Le nom l'effraie. Le personnage le terrifie.

Bien avant qu'il ne s'évade de sa prison inévadable et que son visage soit placardé partout dans le monde moldu et le monde sorcier, Seamus a trouvé une photo du Mangemort dans le grenier. Il a demandé à sa mère qui il était. Elle est devenue livide. Ses mâchoires se sont crispées. Et elle l'a giflé. « Je t'interdis de fouiller dans mes affaires. » a-t-elle hurlé. Seamus a été tellement étonné qu'il a oublié d'avoir mal. Sur le coup. Après, sa joue a brûlé pendant près d'une demi-heure. Plus tard, sa mère est venue le voir. Elle avait les yeux rouges. Elle lui a présenté ses excuses et lui a expliqué que Sirius Black était un sorcier qui avait fait beaucoup de mal.

« Et à toi, il t'a fait du mal, Maman ? »

Elle n'a pas répondu. Juste souri tristement. Douloureusement.

« Je le tuerai ! » a-t-il alors dit. Personne n'a le droit de faire du mal à sa famille et encore moins à sa maman. « Je le tuerai et plus jamais il ne pourra te faire du mal. »

Maman est devenue alors toute sérieuse.

« Tu ne peux pas. Il est enfermé dans une prison dont on ne peut pas s'échapper.

– Et si jamais il s'échappe ? Les Méchants s'échappent toujours. Comme Arsène Lupin ou le comte de Monte-Cristo.

– Mais ce ne sont pas des Méchants !

– Oui, mais ils s'évadent.

– Si jamais Sirius Black s'évade un jour, je t'interdis de l'affronter. Tu restes loin, caché. Sirius Black est un monstre et il n'aura aucune pitié pour un petit garçon, même aussi brave et mignon que toi. »

La peur de sa mère est gravée dans l'esprit de Seamus. Il observe Harry Potter et il se demande ce que ce dernier ressent. Seamus s'enfonce davantage dans son sac de couchage pour tenter de générer un peu de chaleur. Il finit par s'endormir, gelé.

Il se réveille dans la nuit, en sursaut et en sueur. Il a fait un cauchemar, mais a déjà tout oublié. Ou presque. Il croit bien qu'il y avait un chien noir. Un énorme chien noir. Comme celui du Chien des Baskerville.


Seamus a quatorze ans et c'est les vacances. Sirius Black n'a pas été vu sur le territoire britannique depuis plusieurs mois et les journaux ne parlent que de la Coupe des Trois Sorciers.

Darcy dépose sur la table trois poussiéreux volumes qui sentent l'humidité et la moisissure. Seamus relève mollement la tête de son magazine de foot.

« Qu'est-ce que c'est ?

– Les vieux albums photos de maman.

– Elle est d'accord pour que tu les prennes ?

– Bien sûr ! »

Seamus abandonne sa lecture et s'installe à côté de sa petite sœur.

En dehors de son métier, leur mère pratique peu la Magie, évoque rarement son passé de sorcière et ne parle jamais de ses anciens amis. Darcy et Seamus suspectent qu'il a dû se passer quelque chose, un drame, mais ils n'ont aucun fait. Ils savent qu'à quinze ans, elle a perdu son père et son frère jumeau. Mais ensuite, rien. Maman se tait. Leur père est discret sur le sujet, il pense que c'est à Maman d'en parler, quand elle sera prête. Et ces derniers temps, elle donne enfin des signes qu'elle pourrait bientôt s'ouvrir et raconter. Darcy et Seamus patientent.

Sur chaque photo, Seamus et Darcy repèrent immédiatement leur mère : c'est dingue comme elle n'a pas vraiment changé ! Ils reconnaissent également Grand-Mère. Ils identifient l'oncle et le grand-père qu'ils n'ont jamais connus. Darcy trouve que Seamus leur ressemble beaucoup. « Ça doit lui faire bizarre à Maman. » remarque-t-elle. Un peu de tristesse traîne dans la voix de Darcy, un peu d'amertume aussi.

Darcy est le portrait craché de leur père. Au féminin. Elle a, certes, des expressions de leur mère, des intonations, des traits de caractère de leur mère, mais physiquement, elle ressemble à leur père. Et plus que physiquement : elle n'a pas encore onze ans, mais elle sait qu'elle ne recevra pas de lettre de Poudlard. Elle n'y croit plus depuis longtemps.

Au fur et à mesure des pages, du temps qui passe, les photos de famille sont moins présentes, remplacées par les photos d'amis. Les uniformes de Poudlard sont bientôt omniprésents. Will. Névée. Les Mortes Vivantes. Gontran. Orpheo. Peter… Autant de prénoms et de visages qui n'évoquent rien à Seamus et qui épaississent les silences de leur mère.

Et au milieu de ces inconnus des noms surgissent, des visages se distinguent des autres. Seamus écarquille les yeux quand il découvre que, non seulement sa mère a fait sa scolarité avec les Potter, mais qu'ils étaient également amis. Il reconnaît le professeur Lupin, petit sourire en coin et regard malicieux.

Et puis il y a des vides dans l'album, des rectangles blancs sur les pages jaunies : des clichés ont été retirés. L'album photos est lui aussi astreint au secret.

Sans transition, les images cessent d'être animées : la vie moldue de leur mère a pris le pas sur sa vie sorcière. Il y a Papa et Tante Dorothy jeunes. Ça fait beaucoup rire Darcy de découvrir leur père avec des cheveux longs et des pantalons pattes d'éléphant. Et puis il y a Robert, Joel, Carol, Lewis, Alexis, Jenny… À la plage, à la montagne, à un anniversaire, dans des champs et dans des décors inconnus. Le monde de leurs parents tel qu'il est encore aujourd'hui.

Darcy referme brusquement l'album photos et des clichés s'envolent. Elle soulève la couverture et découvre un rabat que le temps a décollé. Darcy extirpe précautionneusement plusieurs photos magiques d'un garçon aux cheveux noirs et au sourire malicieux. Seamus retient son souffle. Darcy en retourne une : « Sirius Black, jan. 74 » lit-elle.

Seamus n'avait pas besoin de la légende pour le reconnaître : l'année dernière, on ne voyait que son visage.

« Tu crois que c'était son petit ami ? » demande Darcy, totalement ignorante de la tétanie qui frappe son frère. Elle étale les photos sur la table. Un éventail de Sirius Black de onze à dix-neuf ans. Des portraits, des photos de groupe, avec les Potter, avec le professeur Lupin (un bégonia sous le bras !), des photos avec sa mère… Plein, trop de photos. Seamus sent monter en lui son ancienne peur.

« Ça m'en a tout l'air, murmure-t-il en examinant une photo où le jeune sorcier a passé le bras autour des épaules de leur mère.

– Je le trouve mignon. Pas toi ? »

Seamus ne répond pas. Il fixe les yeux gris moqueurs, un peu rêveurs. Sa mère et Sirius Black. Le cœur lui descend dans le ventre. Il suit le dessin de la mâchoire jusqu'à l'oreille dont le lobe n'est pas tout à fait fini. Sirius Black et sa mère. La tête lui tourne.

Darcy ramasse les photos, les replace sous le rabat et referme l'album. Elle demande à Seamus de l'aide pour ranger tout ça. Avant que Maman ne revienne.

« Je croyais qu'elle était d'accord pour que tu prennes ses albums photos.

– Elle ne m'a pas interdit de les prendre, elle m'a dit « un jour » et aujourd'hui me semblait un bon jour. »

Surtout qu'elle n'est pas là. Seamus soupire et, tandis qu'il aide Darcy, il songe que c'est bien dommage que sa sœur ne soit pas une sorcière : Serpentard loupe une très bonne recrue.

Il cale ses mèches blondes un brin trop longues (et ça lui plait) derrière ses oreilles pas totalement finies et soulève les lourds albums photos.


Sources :

La première fois…
1
. Dans le tome3, Harry Potter and the Prisoner of Azkaban, lors du cours de Lupin avec le Détraqueur, on découvre que ce qui terrifie le plus Seamus est la Banshee (et son cri). Cf. « the boggart in the wardrobe », p150 ; ed. Bloomsbury, 1999).
2
. Wikipedia dit : « Chaque grande famille irlandaise avait sa propre Banshee. Celle-ci suivait la famille si elle déménageait dans un autre pays. (…) À l'origine, entendre son hurlement signifiait la mort d'un membre de la famille (…). »

La deuxième fois…
1. le premier extrait provient du Chien des Baskerville de Sir Arthur Conan Doyle.
2. le second extrait est le début du Neveu du Sorcier de C.S. Lewis.

La troisième fois…
Le Choixpeau a besoin d'une minute pour décider de la Maison où il va envoyer Seamus. Cf. Harry Potter and the Philosopher Stone, « The Sorting Hat » p132 ; ed. Bloomsbury 1997.

La quatrième fois…
Toutes les suppositions pour expliquer comment Sirius est entré dans le château sont issues du chapitre 9 (« Grim Defeat ») de Harry Potter and the Prisoner of Azkaban, p177 ed Bloomsbury 1999.

La cinquième fois…
1. Will. Névée. Les Mortes Vivantes. Gontran. Orpheo sont des personnages des Portes. Will Potter est le cousin de James et était le meilleur ami de Constantin, le frère jumeau de Lynn. Névée Wight était la meilleure amie de Lynn. Les Mortes Vivantes sont Lily Evans, Meredith Adhonores et Irina Norgoth, des camarades de classe de Lynn. Gontran Weasley était le petit ami de Névée. Orpheo Knight était l'identité d'emprunt de Harry durant les quatre mois qu'il a passé en 75/76.
2. Robert, Joel, Carol, Lewis, Alexis, Jenny sont des personnages évoqués pour la première fois. Normal que vous ne les connaissiez pas.