Cette fanfic a été écrite il y a longtemps, je n'avais pas prit la peine de la finaliser à l'époque. Dernièrement je me suis plongée dans les fanfictions Stargate, et alors je l'ai ressortie des archives en me disant « pourquoi pas, peut-être qu'il reste quelqu'un sur Terre pour lire çà... ». L'action se situe saison 8, après l'épisode « Monde Cruel » (où Sam accepte d'épouser Pete). Je ne tiens donc absolument pas compte de ce qui se déroule par la suite, cela va sans dire;-)
disclaimer:la série Stargate SG-1 et ses personnages ne m'appartiennent pas, ils sont la propriété de la MGM.. Je ne tire aucun bénéfice de cette fanfiction.
Cette fanfic est classée MA d'après le guide de classification soumis par le site et ce n'est pas pour des prunes les amis ! Elle est réservée à un public majeur.
Attendez vous ici à la manifestation d'un esprit dérangé aimant pousser les personnages dans des situations glauques !
Le rating M se justifie par la description de scènes BRUTALES pouvant heurter certaines personnes : il y a de la violence, du sang. Vous êtes prévenus ok ?!
Je sais que ce registre est loin de celui de la série (euh le porno aussi d'ailleurs vous savez:-D), mais compte tenu qu'il est question de militaires, de guerre, je trouve que la violence a sa place. Par ailleurs je me dis que l'intérêt d'une fic est de proposer quelque chose d'un peu différent, quitte à s'éloigner du ton du support originel. Il me plaît de prêter un propos un peu plus « adulte » à Stargate et cela me permet de pousser les personnages dans leurs retranchements pour les amener là où je souhaite.
Le rating M est également là à cause de descriptions crues de scènes de sexe.
Ceci dit il s'agit bien de Stargate, il y a des moments de respiration un peu, il y a du ship évidemment :-D
Vous êtes prévenus... Bonne lecture.
P.S. : pas de bêta reader, alors désolée si des fautes m'ont échappé !
AFFRANCHISSEMENT
Ceux qui lisent Stephen King reconnaîtront sûrement ici une scène semblable à celle décrite par ce super auteur dans son roman « Simetierre » (j'ai bien orthographié le titre si vous vous posez la question !;) ), une scène très glauque qui m'avait vraiment marqué à la lecture de ce bouquin (je vous ai prévenu le ton est inhabituel et très violent ! Ne venez pas vous plaindre d'avoir été surpris). J'ai décidé de la reprendre à mon compte pour le point de départ de ma fic, car j'avais besoin d'un élément déclencheur très très percutant pour le traitement émotionnel des personnages et justifier la suite. Bonne lecture !
Le général O'Neill huma l'air frais et piquant du petit matin, un froid franc et sec. C'était bientôt le printemps, et le sommet du pic Cheyenne avait déjà perdu son manteau neigeux. Levant les yeux vers le ciel d'hiver du Colorado Jack admira la voûte céleste tant qu'il le pouvait, avant de devoir s'enfoncer dans les tréfonds de la montagne : quelques nuages rosés, un ciel bleu roi... Bleu plutonium aurait dit Carter ! Le bleu très particulier que prenait le 36ème élément du tableau périodique lorsqu'il était sous sa forme liquide était sa couleur préférée. Ceci dit le plutonium sous forme liquide pouvait tout aussi bien être de couleur rosé-saumon, ou quelque chose comme çà. Mais elle aimait moins cette nuance-là. O'Neill grimaça en réalisant que la militaire avait perverti son esprit particulièrement prosaïque avec ses considérations scientifiques. Voilà qu'il se mettait à admirer la nature avec des molécules en tête. Comme Daniel, elle avait une mauvaise influence sur sa personnalité abrupte ! Heureusement que Teal'c était encore plus pragmatique que lui, il équilibrait un peu la balance et lui évitait de basculer du côté obscur de la force (maudits scientifiques).
Tiens, une énième soirée Star Wars avec le jaffa cela lui ferait du bien ! Jack regrettait de ne pas pouvoir passer davantage de temps avec son ancienne équipe. La masse de dossiers qui formait tous les jours une pile croissante sur son bureau créait un rempart de plus en plus contraignant entre lui et SG-1. Au moment où le général s'engouffrait dans l'ascenseur en même temps que Siler, abandonnant derrière lui les vastes espaces du Colorado, il se promit de trouver un moment cette semaine pour profiter de ses amis. Ils pourraient se retrouver chez lui ou Carter, se commander des pizzas et regarder les Stormtroopers tirer comme des buses.
JACK : « Ça va Siler ? »
Son compagnon d'ascenseur sembla le jauger l'espace de quelques secondes, puis se satisfaire de son évaluation comportementale en lui adressant un sourire.
SILER : « Très bien merci mon général ! Et vous ? »
O'Neill était habitué à ce que ses subalternes se méfient de ses humeurs et il ne s'en formalisait pas. Bien au contraire, mieux valait qu'ils sachent à quoi s'en tenir avec lui ! Il avait conscience de ne pas toujours être de bonne composition, mais tout à chacun savait qu'il n'était jamais injuste et plutôt que de la peur c'est du respect qu'il inspirait, et il en éprouvait toujours une grande fierté. Il conversa avec entrain tout au long de la descente dans les entrailles du SG-C. Devenir général de cette base avait été brutal pour Jack, mais de savoir qu'il avait des hommes de la trempe de Siler sous ses ordres le maintenait à flot. Alors que les étages défilaient sous ses yeux sous la forme d'un cadran digital rouge, Jack se prit à songer que cette journée devrait se passer sous les meilleures auspices, espoir qui lui tomba comme une chape de plomb sur le sternum lorsque les portes s'ouvrirent sur Walter.
Ce dernier l'attendait souvent à son arrivée dans la base pour lui faire un rapport, c'était tout à fait banal et habituel. C'est l'expression qu'il arborait qui fit s'abattre sur le général O'Neill un pressentiment horrible. Le commandant de la base le fixa avec stupeur un bref instant.
JACK : « Walter ? »
Le militaire prit une grande inspiration, l'air épouvanté et confus. Jack sentit une chair de poule fourmillante lui couvrir instantanément les avant-bras. Un nœud se forma au fond de sa gorge, qui descendit dans son estomac, lui nouant les intestins, et remonta à nouveau au niveau de sa glotte, insinuant un arrière-goût amer au fond de sa gorge devenu trop étroite.
WALTER : « Mon général, il est arrivé quelque chose. »
Jack serra les poings à s'en faire blanchir les jointures. Une terreur atroce s'infiltrait dans ses veines, il pouvait la sentir palpiter au niveau de ses tempes, resserrant un étau autour de son crâne dont il lui sembla sentir le cuir chevelu se recroqueviller brusquement. Un brusque excès d'adrénaline imposait à son cœur un rythme de locomotive folle.
JACK : « Il est arrivé quoi Walter, expliquez-vous ?! »
Le général avait un ton tranchant, impatient.
WALTER : « SG-1, 3 et 9 sont revenus de P9X-834 monsieur. »
C'est çà la panique... C'est çà. Carter. Daniel. Teal'c. La PANIQUE.
WALTER : «Mon général, ils ont été accrochés par une escouade de jaffas. Plusieurs de nos hommes sont gravement blessés et... Monsieur, le colonel Mullie est mort. »
O'Neill avait des frissons glacés qui hérissaient sa peau par vagues.
WALTER : « Je suis désolé mon général je n'ai pas plus de détails. Ils viennent tout juste de rentrer, et dès que j'ai su que vous arriviez j'ai voulu vous rendre compte. Ils sont tous à l'infirmerie, le docteur Brightman a dit que... »
Mais Jack ne le laissa pas achever sa phrase, et alors qu'il était pétrifié sur place l'instant d'avant, il se dirigea d'un pas précipité vers l'infirmerie, Walter sur ses talons. Siler resta figé dans l'ascenceur qui referma ses portes sur son visage angoissé. Le bruit de leurs pas martelant le sol battait le rythme du sang qui cognait aux tympans du général.
JACK : « Et les autres ? »
Carter, Daniel, Teal'c. La vraie putain de panique, c'est bien çà.
WALTER : « Euh... Je ne suis pas sûr mon général... J'étais... Il y a des blessés graves... Je ne les ai pas suivi à l'infirmerie alors... »
Jack connaissait Walter depuis suffisamment longtemps, et avait un tel sens aiguisé des faux-semblants, qu'il sut que son subalterne n'osait pas lui dire toutes les informations qu'il avait en sa possession, et comptait laisser ce rôle là au staff médical. Une véritable épouvante l'avait envahi, les réticences de Walter brisant ses dernières onces de self-contrôle. Il accéléra le pas. Il courait en fait. Parvenu aux abords de l'infirmerie, il avisa un groupe agglutiné à ses portes. Les expressions de tous étaient graves, les traits tendus. Jack O'Neill bouscula les hommes qui lui barraient le passage, retranchant aux oubliettes les derniers restes de sa maîtrise militaire.
Il fit irruption dans la salle et d'abord il ne vit rien d'autre que du sang: il y en avait partout. Puis il vit l'ensemble du personnel médical s'affairer en tous sens, criant des consignes, interpellant leurs collègues, saisissant des poches de perfusion, des seringues, des compresses... Mais avec contrôle et professionnalisme, focalisés sur leur tâche. Après quelques microsecondes ou un long moment de stupeur, il ne pourrait le dire, le général remarqua le commandant de SG-9, le colonel Goldsmith, se tenant debout au milieu de cette agitation. Il était pâle comme la mort, bien qu'il aurait paru à Jack impossible de voir cet homme-là perdre ses moyens. Le colonel, remarquant enfin sa présence, leva sur lui des yeux écarquillés d'horreur et il essaya de parler, mais sans parvenir à former le moindre son. A trois pas de Goldsmith, le docteur Brightman, penchée sur un corps inerte, assénait ses ordres à son équipe d'un ton cassant. La victime était une femme aux cheveux blonds que Jack n'eut aucune peine à reconnaître et il s'approcha avec précipitation. Il ne mit pas plus d'une seconde, le temps d'un battement de cils, pour mesurer l'ampleur du drame qui se jouait dans cette infirmerie bondée : le lieutenant Jessica Hailey allait mourir. La vérité était irréfutable, irréversible et sauvage, comme un taureau chargeant dans un couloir.
Elle avait le crâne en bouillie. Un flot de sang mêlé d'un liquide jaunâtre et purulent s'écoulait de son crâne ouvert, s'écoulant par-terre, formant une flaque s'étalant telle une corolle sur le sol immaculé de l'infirmerie. A travers le crâne éclaté, il apercevait la masse rose et palpitante du cerveau. « Rosé-saumon plutonium »... Mon dieu. Mais le plus incroyable n'était pas cette ouverture béante et traumatisante, ou l'expression hébétée de poisson mort du colonel Goldsmith. Non le plus fou dans cette scène était de constater sur les moniteurs que la pauvre Hailey était encore en vie. O'Neill savait bien que c'était éphémère. Comment pourrait-il en être autrement ? D'ailleurs la médecin en chef venait de lui lancer un regard lourd de sens : la jeune femme allait bel et bien mourir en dépit de tout ce qu'ils pourraient tenter.
Les pieds de Jack étaient littéralement cloués au sol, le positionnant dans la même attitude passive et totalement stupéfaite que le colonel Goldsmith... Le colonel qui dirige SG-9... Le supérieur direct de Hailey, et au delà... son ami... Bon sang.
Le général se détourna du spectacle cauchemardesque qui se jouait sous ses yeux et posa ses yeux exorbités sur le colonel.
JACK : « Goldsmith... Goldsmith il vaut mieux que vous sortiez avec les autres, attendez dans le couloir... Joel... Sortez. »
Le commandant de SG-9 paru retrouver un peu le contrôle de lui-même lorsqu'il ancra son regard à celui de son supérieur. Manifestement soulagé qu'on lui offre la possibilité de se soustraire enfin à ce spectacle pénible il quitta l'infirmerie tel un automate. Dans le couloir, un brouhaha confus de questions salua son apparition. Il fallait que Jack joue son rôle de meneur, qu'il reprenne son statut de commandant de la base plutôt que celui de simple spectateur, pour s'occuper de ses hommes. Il ne pouvait rien pour son ancienne élève, mais superviser la gestion de cette crise et maîtriser la suite des événements, çà c'était de son ressort. Il embrassa du regard la salle et remarqua pour la première fois que le major Wright et le capitaine Glassner étaient eux aussi étendus sur des brancards, mais pour autant que Jack pouvait en juger leur pronostic vital ne semblait pas engagé.
Il devinait dans la salle d'à côté d'autres médecins et infirmiers s'activant. Il pensa avec force à SG-1 et tenta de refouler la terreur qui le submergeait en faisant trembler ses mains moites.
JACK : « Docteur Brightman ! Quels... »
Mais le général O'Neill stoppa net sa phrase, l'ensemble de son corps se glaçant sous l'effet d'un coup de théâtre qui paralysa tout le monde, suspendant soudain le temps dans l'infirmerie. Un silence pesant venait de s'effondrer sur tous les protagonistes et Jack eut la sensation d'avoir subitement plongé au fond d'un lac sombre, froid et sans vie. La mourante parlait. Il avait du mal à le croire mais c'était un fait. Ses yeux désormais grand ouverts fixaient le vide sans voir, et elle parlait. Malgré le silence soudain qui régnait Jack ne parvenait pas à distinguer les paroles inaudibles de Hailey, à peine plus fortes qu'un murmure. Le chuchotement s'échappant de cette jeune militaire étendu dans son sang et ses fluides, le cerveau en marmelade, semblait pourtant étrangement résonner dans le cœur pétrifié du commandant de la base.
L'envie lui prit de fuir cette tête mutilée qui lui parlait tout en se vidant de son sang sur le sol de l'infirmerie. Il mit tout ce qu'il avait de force à maîtriser sa terreur, et il se contraint à s'approcher encore plus.
En fait la victime ne parlait pas, elle chantonnait une berceuse.
La litanie répétée en boucle devint la chose la plus lugubre que Jack ait jamais entendu de toute sa vie. Comme un disque dur complètement bugé, la pauvre femme débitait à l'infini une comptine automatique profondément ancrée dans sa mémoire, son cerveau annihilé fonctionnant sans plus aucune cohérence ou raison. Puis, tout aussi brutalement qu'elle s'était mise à fredonner, elle s'arrêta. Ses yeux aveugles et absents perdirent l'infirme particule de vie ténue qui leur restait. Elle était morte. Jack éprouva un lâche soulagement.
Après quelques secondes d'abattement, le docteur Brightman remobilisa son équipe avec courage.
BRIGHTMAN : « Allez on ne se relâche pas ! Il reste des patients à soigner ! DeLuise, allez rejoindre Azzopardi et stoppez ce saignement chez Glassner ! Berry, occupez-vous du major Wright avec Powers ! King, avec moi pour Carter ! Les autres, répartissez-vous selon les besoins ! »
O'Neill réagit instantanément et se précipita à la suite des docteurs Brightman et King dans la salle attenante, où deux autres médecins et des infirmières s'occupaient déjà de son ancien second. Le colonel Samantha Carter était elle aussi recouverte de son propre sang, elle avait elle aussi des blessures très graves... Elle allait peut-être elle aussi mourir. Ses cheveux emmêlés collés en paquet sous l'effet du sang coagulé ne parvenaient pas à cacher une blessure suintante à la tête, et un hématome impressionnant avait fait enfler la pommette de sa joue droite. Son épaule gauche était brûlée et Jack reconnu les effets d'une lance jaffa. Tout le côté droit de la militaire été gravement blessé comme si Sam avait été percuté par un six-tonnes. Son bras et sa jambe avaient les tissus à vif les muscles, les nerfs, les tendons et les os étaient nettement visibles en divers endroits. On aurait dit que la chair avait été dévorée par de l'acide.
Les ténèbres envahirent tout l'espace visuel de Jack O'Neill, et l'infirmerie se mit à tanguer vertigineusement. Réalisant ce qui était en train de lui arriver, il se détourna du corps mutilé de son amie et se mit la tête entre les genoux jusqu'à ce que le sang lui afflue de nouveau au visage. Au bout de quelques instants, les objets reprirent leurs contours familiers. Il se redressa et posa un regard ravagé par la douleur sur son amie méconnaissable.
DANIEL : « Jack. »
La voix tremblante de Daniel surpris le général O'Neill qui n'avait même pas remarqué sa présence. Il se tenait en retrait pour ne pas gêner l'équipe médicale. Jack le rejoignit en quelques enjambées et le tint par le bras, comme s'il s'accrochait à une bouée de sauvetage.
DANIEL : « Jack vous êtes là. »
Daniel avait autant besoin de Jack, que Jack avait besoin de lui.
JACK : « Oui Daniel. Je suis là. »
Il mobilisa à nouveau ses ressources pour endosser son rôle de commandant et gérer cette situation terrifiante.
JACK : « Je vous remercie d'être resté auprès d'elle. Vous pouvez partir maintenant Daniel, je vais veiller sur elle ok ? »
Toute la reconnaissance qu'il vit dans les yeux de l'archéologue lui mit un peu de baume au cœur un court instant. Ce dernier posa à son tour une main réconfortante sur le bras du général.
DANIEL : « Non Jack, je reste avec vous. »
Les deux amis échangèrent un regard lourd de sens et pivotèrent vers le colonel Carter. Jack avait vu bien des blessures au cours de sa longue carrière militaire jalonnée de missions périlleuses, et il arriva rapidement à la conclusion que si Sam survivait, car il n'était pas sûr qu'elle en réchappe, elle garderait certainement des séquelles physiques, sans doute une incapacité et un retrait du service actif. Elle ne partirait plus en mission en tous cas.
JACK : « Teal'c ? »
DANIEL : « Ca va aller ! Il a été touché au bras mais il va s'en remettre très vite! »
Le général prit une profonde inspiration et essuya les paumes de ses mains moites sur le haut de son treillis. Daniel et lui restèrent de longues minutes l'un à côté de l'autre, observant silencieusement le ballet des médecins.
Davantage pour s'arracher à cette scène traumatisante que par réelle volonté de prendre les choses en main, Jack se décida à quitter son ami pour aller voir les blessés plus légers, soutenir les collègues atterrés, commencer à interroger ceux qui avaient les idées les plus claires. Il s'attarda un peu au chevet de Teal'c, qui dans une troisième salle de l'infirmerie argumentait avec l'infirmière pour quitter son lit et aller rejoindre Daniel. Il ordonna au jaffa de se reposer et il eut la vague idée que ce dernier lui avait obéit simplement pour lui offrir la sensation de maîtriser la situation et ses hommes. Il endossa parfaitement son rôle de leader auprès des collègues et amis du lieutenant Hailey et du colonel Mullie, les deux défunts de cette funeste mission. Pour le moment songea Jack, peut-être que Carter...
Il jeta toutes ses forces dans cette « bataille » pour assumer son rang, mais il eut sans cesse l'impression de brasser de l'air dans une grotesque mascarade, et que quelqu'un allait finir par se rendre compte qu'il était paumé et ne maîtrisait rien du tout en définitive. L'agitation dans l'infirmerie finit par retomber peu à peu, à mesure que les blessés étaient soignés, et que le cadavre de Hailey était évacué vers la morgue. Celle-ci se trouvait à l'étage le plus bas de la base, au plus profond de la montagne. Elle était reléguée au point le plus éloigné de la salle de commande et des quartiers du personnel, comme si éloigner les morts pouvait éloigner La Mort.
La plupart des participants à la mission sur P9X-834 se virent attribuer un lit à l'infirmerie, les rideaux furent pudiquement tirés sur le chagrin des militaires effondrés, et le sol fut nettoyé du sang qui le recouvrait. Mais même la javel ne parvenait pas à masquer totalement la puanteur suintante de l'échec. Le calme élu pourtant domicile et l'agitation avait laissé place à l'abattement.
Jack pu donc enfin quitter l'infirmerie où il avait joué sa comédie absurde, et regagner son bureau afin de continuer ses simagrées: il devait contacter le Pentagone, rendre compte. Tandis qu'il s'enlisait dans des conversations insupportables avec des ronds de cuir, Sam luttait pour sa vie. Bordel il aurait donné n'importe quoi pour dire à tous ces cons d'aller se faire foutre mais s'il ne s'infligeait pas cette corvée c'est qu'il avait abandonné son poste, abandonné ses hommes. Hammond ne se le serait jamais permis. Alors O'Neill ne se le permettrait pas. Lorsqu'il eut raccroché avec le dernier fonctionnaire bouffi d'ignorance, il se prit la tête dans les mains, puis appuya ses poings contre ses paupières closes. Des points lumineux dansèrent devant ses yeux. Il se sentit vieux.
Il savait ce qu'il devait faire maintenant. La nausée montait de plus en plus. Il décrocha à nouveau le combiné d'une main tremblante et composa le numéro personnel de l'épouse de Paul Mullie. Ce fut horrible. Ce fut éreintant. Il se sentit sale de devoir annoncer à cette personne que l'homme qu'elle aimait n'était plus. Il raccrocha. Puis il se saisit une nouvelle fois du téléphone et tapa le numéro des parents de Jessica Hailey à Atlanta. A nouveau horreur de l'annonce, voix qui s'exclament, sanglots au bout du fil, déni, incompréhension. Et il raccrocha pour la dernière fois.
Il resta de longues minutes avachi dans son fauteuil, le regard vide mais la tête bourdonnant de dizaines de pensées.
Quelques coups discret à la porte.
« Jack. »
Le général se leva brusquement, la position debout empêchant quelques microsecondes l'afflux de sang dans son cerveau.
DANIEL : « Elle est stabilisée... Pour le moment. Ils ne savent pas encore comment elle va évoluer dans les jours à venir, et ils ont parlé de possibles séquelles... Enfin en tous cas elle est encore sous l'effet de l'anesthésie pour un bon moment. Je leur ai dit que je vous transmettais l'info, et de vous prévenir au moindre changement.»
Jack ne songea même pas à demander des détails. Daniel était manifestement à bout, des cernes immenses marquaient son visage au teint cireux, et il semblait plus vieux. Le général était lui-même au bord de l'effondrement nerveux.
JACK : « Merci Daniel. Vous avez été formidable. Allez vous reposer maintenant. »
L'archéologue se contenta d'acquiescer d'un vague signe de tête et referma la porte. Jack s'effondra à nouveau dans son beau fauteuil en cuir. C'était la fin d'après-midi. Il voulait aller s'écrouler d'épuisement dans ses quartiers. Il voulait aller voir Carter. Il voulait quitter la base. Il voulait continuer à jouer son rôle pour ses hommes. Il ne savait plus nom de dieu.
Le téléphone sonna.
Merde.
Il attrapa le combiné avec violence.
JACK : « O'Neill ! »
« Jack, c'est Georges Hammond. »
Le soulagement... Pour la première fois depuis le début de cette journée noire, un vrai, un grand soulagement l'enveloppa doucement.
JACK : « Georges ! Merci de téléphoner. »
HAMMOND : « C'est normal fiston. Comment ça se passe pour vous, vous arrivez à gérer ? »
Jack ne pouvait pas répondre, car des spasmes agitaient sa poitrine où il tentait de contenir des sanglots. Son visage se crispa et il lutta contre les larmes qu'il sentait perler sur ses cils. La voix rassurante et paternelle de son mentor avaient fait voler en éclats les minces barrières qu'il avait érigé depuis qu'il avait vu la cervelle de Hailey. Les mots apaisants de Hammond venaient de lui retirer tout le poids du devoir qui pesait sur ses épaules pour y placer en substitut l'immense tristesse qu'il éprouvait. C'est comme si la carapace de leader qu'il s'était forgé face au corps mutilé de Sam se fendait pour permettre à toute la bienveillance de Georges Hammond de l'atteindre. Ce dernier ne s'étonna pas du silence de son interlocuteur et patienta sans un mot.
O'Neill se demanda si le commandant du Home World Security avait lui-même pu craquer en pareilles circonstances. Le jour où Janet avait péri, et que Jack était en danger de mort, Georges s'était-il laissé aller à de tels épanchements ?
Le commandant du SG-C souffla à plusieurs reprises, refoulant les larmes, et se racla la gorge.
HAMMOND : « Comment va-t-elle ? »
Non, les larmes qui reviennent. Mais putain !
JACK : « Georges... Franchement je... »
Il souffla à nouveau profondément. Il ferma les yeux et se pinça l'arrête du nez.
JACK : « Daniel m'a dit qu'elle était stabilisée pour le moment. Mais ses blessures... Georges je me demande si elle va... »
Nouvelle pause.
HAMMOND : « Jack, et si vous alliez à l'infirmerie pour vous renseigner ? »
JACK : « Je peux pas. »
Sa voix s'était brisé. Il ne parvenait pas à rejeter la tristesse, l'abandon, le désespoir.
HAMMOND : « Jack, je pense savoir ce que vous ressentez. Je suis désolé... »
Ces paroles avait un grand accent de vérité.
HAMMOND : « Vous devriez passer le relais à votre second le colonel Reynolds et aller vous coucher. De toute façon, vous ne pourrez plus faire grand chose de plus aujourd'hui. C'est demain que ça va se jouer : il y aura le débriefing, vous aurez votre rapport à taper, la cérémonie funèbre à pré aurez fort à faire alors n'ayez pas de scrupules et allez vous coucher. Les médecins y verront plus clair sur l'état du colonel Carter également... Allez dormir Jack. Éventuellement passez au mess manger un morceau, allez prendre un peu l'air à la surface, puis après vous irez dormir. »
O'Neill avait l'impression qu'on lui offrait enfin l'occasion de cesser de jouer son rôle et il la saisit avec gratitude. Il remercia chaleureusement le général Hammond pour son soutien, et après s'être une dernière fois essuyé les yeux d'un revers de manche, il décida de suivre ses conseils et de monter à la surface.
Après avoir fait le point avec Reynolds pour lui passer le relais, et laissé des instructions pour faire prévenir Jacob Carter, il s'extirpa de l'atmosphère lourde et malsaine de la base en empruntant une des sorties secondaires. Jack s'éloigna des gardes en s'enfonçant un peu dans la forêt de pins qui s'étendait aux alentours et dès qu'il pu avoir un sentiment de solitude, il s'adossa à un tronc et se laissa tomber doucement sur le sol. Il se saisit de la cigarette et de la boîte d'allumettes qu'il avait empruntées à l'un des soldats de la base. Il ne savait pas bien pourquoi il avait fait çà puisqu'il ne fumait plus depuis des années, mais peu importait. Il porta la cigarette à sa bouche et fit craquer une des allumettes. La flamme jaillit brusquement et brilla avec une intensité particulière dans les ombres du jour déclinant. Il tira une grande bouffée, et toussa. Oui c'était con.
Cela lui faisait penser à Skaara quand il lui avait offert sa première cigarette. Çà aussi c'était con d'ailleurs. Le jeune homme avait eu davantage de bon sens que O'Neill en écrasant ce concentré de cancer. C'était un bon garçon, un homme bien. Maintenant il était mort. Mort comme Mullie aujourd'hui et Hailey. Hailey... elle avait tenu plus longtemps qu'Elliot. Un autre bon garçon tiens. Mort aussi.
Finalement le tabac lui donnait la nausée et jack écrasa son mégot.
Il réalisa la présence d'un cadavre d'écureuil à deux mètres de lui. Le pauvre animal devait être décédé depuis plus d'une journée, et les asticots avaient commencé à manger sa chair. Jack bascula sur le côté, juste à temps pour vomir. Il n'avait rien mangé depuis tôt le matin, et la bile lui brûla l'œsophage.
Il avait presque pleuré, il avait vomi il pouvait désormais aller se coucher, le cœur pareillement lourd.
Voilà le ton est donné... J'espère que vous aviez prit mon avertissement au sérieux...
