Chapitre 1

Après s'être levé de très bonne heure, Jack Harkness monta au sommet du bâtiment comme il aimait le faire chaque matin avant de commencer sa journée. Perché sur les poutrelles, il laissa son regard se promener sur cette ville qu'il aimait tant, il y vivait depuis de nombreuses années et ne se lassait pas de l'admirer. Au bout d'un long moment, il finit par redescendre dans la base, resserrant son manteau sous la fraîcheur de la fin de nuit.

Cela faisait maintenant une heure que Jack était installé à son bureau, tentant vainement de se concentrer sur les dossiers en attente. Mais son esprit était ailleurs, fantasmant sur le corps de cet homme qui l'attirait.

Depuis combien de temps se torturait-il l'esprit, il n'aurait su le dire, mais plus les jours passaient, plus Jack se sentait attiré par le jeune Gallois et ses costumes si bien taillés. Dès son embauche, quelque chose avait changé mais le Capitaine n'avait jamais regretté sa décision, cependant, Ianto restait inaccessible.

Avec un soupir, il se leva et quitta son bureau pour se rendre dans la cuisine. En arrivant, le jeune homme avait préparé du café puis était descendu dans les voûtes pour voir les pensionnaires. L'immortel se servit et porta sa tasse à ses lèvres, fermant les yeux pour apprécier le délicieux breuvage.

– Bonjour Monsieur, entendit-il.

Il se retourna et se trouva face au Gallois qui venait d'entrer. Il lui fit un sourire et eut le plaisir de le voir rougir légèrement.

– Bonjour Ianto, je me suis servi, tu ne m'en veux pas ?

– Bien sûr que non, Monsieur, il est là pour être bu !

– Il y a longtemps que tu es arrivé, je n'ai pas entendu le sas s'ouvrir !

– Environ une heure, Monsieur. Votre porte était fermée, je n'ai pas voulu vous déranger. Je me suis occupé de nos pensionnaires et de Myfanwy.

– Tu ne me déranges pas, tu devrais le savoir maintenant. N'hésite pas à monter la prochaine fois, ok ? Et puis, arrête de m'appeler Monsieur, tu veux bien !

– Oui, Capitaine, fit-il en détournant les yeux.

Jack le regarda un instant puis sourit et quitta la pièce. Il valait mieux qu'il s'éloigne, ce jeune homme était une véritable tentation mais ce dernier ne semblait pas s'en rendre compte.

Au moment où il commençait à monter l'escalier, Tosh et Owen arrivèrent et il les salua tout en continuant sa progression. Ianto sortit de la cuisine avec les tasses et les leur tendit au passage. La jeune femme le remercia et s'installa à son poste. Le Gallois quitta la base pour aller ouvrir l'office de tourisme et y resta toute la matinée, renseignant les visiteurs de passage et répondant aux messages que lui avaient envoyés des tours-opérateurs qui prévoyaient des séjours pour leurs clients. Il redescendit à l'heure du déjeuner avec le repas que le livreur venait de déposer.

Ils s'installèrent dans la salle de conférence et discutèrent de choses et d'autres, faisant le point sur les différents dossiers en cours. Tosh fit un compte-rendu sur les informations de la dernière activation et Owen expliqua le contenu de ses dernières analyses. Ianto, de son côté, restait étrangement silencieux et Jack le regarda un instant.

– Ianto, aurais-tu un problème ? demanda-t-il.

– Non, Capitaine, pourquoi ? fit-il.

– C'est que l'on ne t'entend pas, n'aurais-tu rien à dire ?

– Non Monsieur ! Que pourrais-je vous raconter ? Croyez-vous que les nouveaux prospectus puissent vous intéresser ?

– Ton travail ne se résume pas qu'à ça, tu le sais bien !

Owen et Tosh écoutaient l'échange et se demandaient où leur leader voulait en venir. Il est vrai que le Gallois n'avait pas participé à leur conversation et qu'il semblait un peu distant, mais venant rarement sur le terrain, ses anecdotes étaient peu nombreuses. Pourtant d'habitude, il était plus ouvert. À bien y réfléchir, la jeune femme le trouvait bien effacé depuis quelques jours.

– Je le sais Monsieur, mais vos interventions sont plus intéressantes à écouter.

– Tu monteras me voir cet après-midi, tu veux bien ?

– Bien Capitaine, fit-il en se levant pour aller chercher le café.

Leurs deux collègues étaient toujours silencieux et terminèrent de manger puis attendirent que Ianto ramène les tasses. Il les déposa devant chacun, finissant par l'immortel qui leva les yeux vers lui au moment où il allait s'écarter, frôlant sa main quand il voulut prendre le mug. Ianto sentit son cœur faire un bond et une rougeur monta à ses joues. Il retourna s'asseoir à sa place et se concentra sur sa boisson, essayant de se calmer. Le Capitaine avait le chic pour le mettre dans tous ses états et cela devenait gênant lorsqu'il n'était pas seul.

Quand ils eurent fini, Owen et Tosh quittèrent la pièce, suivis par Jack qui s'arrêta un instant à la porte, jetant un coup d'œil au jeune homme. Celui-ci s'appliquait à ne pas croiser son regard et rassemblait les boites et les tasses avant de les poser sur son plateau. Après avoir tout nettoyé, il se tourna vers la sortie et fut soulagé de voir que son leader était parti. Il quitta la pièce et traversa la zone informatique, évitant de lever les yeux vers la passerelle. Il sentait un regard posé sur lui et pressa le pas.

Brusquement, l'alarme retentit et Jack descendit précipitamment voir Tosh qui notait les coordonnées de l'activation.

Après avoir récupéré le papier, le Capitaine se tourna vers le Gallois qui venait de sortir de la cuisine.

– Ianto, je te vois tout à l'heure, n'oublie pas ! Owen, avec moi, on y va ! fit-il en partant vers le garage.

Le jeune homme resta un instant sans bouger, il avait espéré échapper à la rencontre avec son leader, mais celui-ci n'avait pas oublié. Il regarda Tosh qui lui sourit et il s'approcha d'elle.

– Tu ne vas pas avec eux ? demanda-t-il en s'asseyant.

– Non, ils n'ont pas besoin de moi pour ça et puis, j'ai du travail ici. Ianto, fit-elle après un silence, tu vas bien ?

– Oui, pourquoi ?

– Je ne sais pas, à midi, j'avais l'impression que tu étais absent, tu ne participais pas à la discussion, cela m'a surprise, tu n'as pas de problème au moins !

– Non, non, fit-il après une légère hésitation. Comme je l'ai dit, il n'y a rien de bien excitant à lire des prospectus.

– Que se passe-t-il Ianto ?

– Rien, je t'assure, je suis un peu fatigué, c'est tout.

– Écoute, si tu as besoin de parler, peu importe le sujet, n'hésite pas, je suis là et peut-être pourrais-je t'aider !

– Je te remercie, mais je pense que ça ira.

Il se leva et passa le sas pour monter à l'office, la jeune femme le suivit des yeux. Ianto était tourmenté et elle pensait en avoir compris la raison.

L'après-midi fut calme, les visiteurs peu nombreux. Il restait une heure avant de fermer l'office et Ianto commençait à penser qu'il avait échappé à l'entretien prévu lorsque le Capitaine passa la porte du bureau.

– Owen n'est pas avec vous ? demanda le jeune homme en le regardant pousser la porte.

– Non, il est allé garer le véhicule. Viens avec moi, nous avons une discussion qui nous attend.

– Mais je ne peux pas quitter mon poste, Monsieur, ce n'est pas l'heure ! tenta le Gallois.

– Peu importe, aujourd'hui, on ferme plus tôt, d'ailleurs, tu vois, le panneau est mis, fit-il en accrochant la pancarte et en tournant la clé. Allez, viens avec moi.

Ianto n'avait plus le choix, il suivit son leader dans les couloirs menant à la base. Quand ils passèrent le sas, ils croisèrent Owen et Tosh qui s'en allaient. Le jeune homme pâlit, il allait être seul avec le Capitaine. Il le suivit dans son bureau et s'assit à l'invitation de son leader. Il resta silencieux, regardant l'immortel s'installer dans son fauteuil. Celui-ci le fixa quelques instants en silence avant de poser ses bras sur la table.

– Alors, comme ça, tu t'ennuies !

– Je ne dirais pas ça Monsieur, simplement, vous avez plus de choses à raconter que moi.

– Tu pourrais peut-être nous accompagner, qu'en dis-tu ?

– Ma place est ici, fit Ianto.

– Tu sais, une place n'est pas définitivement acquise, on peut toujours changer les choses, répondit le Capitaine en le dévisageant.

Ianto blêmit, qu'est-ce qu'il entendait par changer les choses, il ne voulait surtout pas perdre son emploi ! Non seulement il appréciait de travailler dans l'organisation, mais il n'était jamais bien loin de l'immortel, ce qui, pour lui, était le plus important. Il essaya de réfléchir rapidement, mais il ne trouvait rien à dire. Un silence lourd s'installa entre les deux hommes, puis le Gallois se reprit.

– Vous voudriez me licencier, c'est ça ! fit-il en hésitant.

– Qui te parle de licenciement, il n'est pas question que je te laisse partir ! Notre équipe est très bien comme ça et je n'ai pas non plus l'intention d'engager qui que ce soit d'autre. Chacun de vous est complémentaire, à nous quatre, nous sommes très efficaces et je ne changerai ça pour rien au monde !

– Pourtant, vous aviez envisagé de recruter cette jeune femme, cet agent de police… Euh Gwen Cooper, je crois !

– Oui, c'est vrai, mais après avoir bien réfléchi, j'ai pensé que ce ne serait pas une bonne idée. Nous n'allons pas changer la composition de l'équipe et puis, qui me ferait un café aussi bon que le tien ! Non non Ianto Jones, il est hors de question que je me sépare de toi !

Le Gallois le regarda, essayant de comprendre le fond de sa pensée. Que voulait-il de lui ? Il n'avait pas la formation nécessaire pour aller sur le terrain, alors en quoi sa situation pourrait-elle changer !

Voyant qu'il ne répondait pas, Jack se leva et vint vers lui. Ianto ne bougeait pas, sentant son cœur s'emballer à mesure que l'homme approchait. Le Capitaine lui prit la main et le tira pour qu'il se lève. Un instant déstabilisé, le jeune homme se retrouva enserré par deux bras puissants qui l'aidèrent à rétablir son équilibre.

– Eh ! Ne va pas t'écrouler, murmura Jack, conscient de l'effet qu'il faisait au Gallois.

Ianto rougit et s'écarta rapidement.

– Désolé Monsieur, fit-il.

– Tu n'as pas à l'être voyons, ça arrive à tout le monde de trébucher. Bon, écoute, je te propose une chose, je n'ai pas envie de dîner seul, alors on va manger quelque part et on en profitera pour parler de ton avenir, tu veux bien ?

Le jeune homme était troublé, il n'arrivait plus à réfléchir, l'idée de passer la soirée avec le Capitaine le perturbait au plus haut point, mais malgré tout, il appréciait cette invitation.

– Pourquoi pas, finit-il par répondre après une longue hésitation.

– Bien, lança Jack, alors c'est parti !

Il attrapa son manteau et sortit du bureau. Voyant que Ianto ne le suivait pas, il s'arrêta et le regarda.

– Il y a un problème ? demanda-t-il.

– Oui Monsieur, je n'ai pas nourri les pensionnaires.

– Et bien nous allons y aller ensemble, ça ira plus vite, allez, viens !

Le Gallois ne trouva rien à dire, il n'avait plus le choix, il suivit son leader dans les voûtes. Lorsqu'ils eurent terminé, ils se rendirent à la Bayside Brasserie sur la baie et s'installèrent en terrasse. Le temps que les plats leur soient servis et pendant le repas, ils discutèrent des possibilités qui s'offraient au jeune homme pour compléter sa formation. Ianto connaissait déjà le maniement des armes et était un très bon conducteur, restait à lui faire passer le test de la capture, ce qui de l'avis du Capitaine ne poserait aucun problème.

Puis l'immortel lui demanda de parler de ses goûts et de ses aspirations. Il voulait mieux le connaître. Le jeune homme lui raconta quelques anecdotes de son enfance, puis de son premier travail à Torchwood Londres, occultant volontairement l'épisode Lisa qui leur avait causé tellement de soucis. Jack n'insista pas, cette histoire n'était plus d'actualité et tout était maintenant réglé.

À son tour, Ianto l'interrogea sur son passé, voulant un peu mieux cerner son patron. Quelques histoires racontées lui permirent de comprendre certaines réactions et comportements de son leader et il se rendit compte que pour lui aussi, la vie n'avait pas été facile, d'autant quelle avait déjà été bien plus longue que la sienne !

Quand ils eurent terminé, ils quittèrent le restaurant et Jack le raccompagna au pied de son immeuble puis lui souhaita une bonne nuit et s'en retourna, les mains dans les poches, la tête rentrée dans le col de son manteau. Le jeune homme le regarda partir, hésitant à le retenir, il n'avait pas envie que la soirée se termine, mais il ne savait pas si l'inviter chez lui ne serait pas un peu osé. Finalement, il se décida.

– Capitaine !

L'interpellé s'arrêta et lui fit face.

– Un café, ça vous dirait ?

L'immortel sourit, il avait espéré que Ianto lui ouvrirait sa porte.

– Ça ne va pas te déranger ? fit-il en revenant vers lui.

– Bien sûr que non, puisque je vous le propose !

– Alors, c'est d'accord, je te suis.

Le Gallois le précéda dans l'immeuble et le conduisit jusqu'à son appartement. Une fois à l'intérieur, il prit le manteau du Capitaine et l'accrocha, laissant son invité entrer dans le salon puis il se rendit dans la cuisine. Lorsqu'il revint, Jack était face à la fenêtre et regardait la baie.

– Tu es bien installé, fit-il en prenant sa tasse.

– Oui, c'est agréable, répondit-il en allant s'asseoir sur le canapé après avoir mis un fond musical.

– Glenn Miller, fit le Capitaine en reconnaissant la musique.

– Oui, répondit Ianto.

– J'aime beaucoup, ça me rappelle…

Jack s'interrompit, des souvenirs remontaient à la surface, la guerre, le blitz, tous ces morts. Une larme perla à sa paupière et le Gallois se leva.

– Désolé, fit-il en s'approchant de la chaîne pour arrêter le disque.

– Non, laisse, c'est du passé maintenant et j'aime vraiment cette musique.

Ianto venait de se rendre compte que derrière cette façade d'homme fort et imposant, il y avait un être sensible, il n'en était que plus attirant. Le Gallois s'approcha et mit sa main sur son épaule. Jack le fixa un instant et après avoir hésité, posa ses lèvres sur les siennes. Le jeune homme fut surpris et recula.

– Excuse-moi, je n'aurais pas dû, fit le Capitaine en détournant les yeux. Je n'aurais pas dû venir, je vais te laisser, dit-il en posant sa tasse.

Il allait quitter le salon lorsqu'il sentit une main prendre son bras. Il tourna la tête et croisa le regard de Ianto, celui-ci ne semblait pas fâché, bien au contraire, un léger sourire flottait sur ses lèvres.

– Vous n'allez pas déjà partir ! fit-il en se rapprochant.

À suivre…