Note de l'auteur :
Cette nouvelle fiction m'est cette fois totalement personnelle. Plus de personnages empruntés à d'autres, seulement moi et mon imagination. J'espère que tout ce qui se bouscule dans ma petite tête ne vous décevera pas(). Bonne lecture à tous et n'hésitez pas à me donner vos avis, positifs ou négatifs.
Shinizle.
" I see your true colors
And that's why I love you
So don't be afraid .."
" Hé Amanda ! Ca te dérangerait pas de me parler pour une fois au lieu d'écouter ton walkman !"
Amanda avait parfaitement entendu la remarque cinglante de son ami, mais préféra rester perdu dans ses pensées à contempler son reflet dans la vitre du bus qui la rammenait chez elle. Elle n'y voyait là qu'une jeune fille de dix-sept années au visage rond parsemé de petites taches de rousseur dont on lui vantait souvent le charme, des cheveux bruns mi-longs parsemés de mèches roses qui tombaient harmonieusement sur ses épaules et de grands yeux marrons dont les pupilles étaient anormalement dilatées. Certes, elle ne se trouvait pas jolie, mais à la différence de la plupart des jeunes filles de son âge à la constante recherche de la perfection, elle s'acceptait telle qu'elle était. Une main s'agita à quelques centimètres de son visage et lui rappella qu'on lui avait adressé la parole quelques secondes plus tôt.
" -You ouh ! La Terre appelle Amanda, tu me reçois ?
- Amanda reçoit la Terre quatre sur cinq", répondit Amanda avec un sourire en se tournant vers son ami.
Rémy. Le seul garçon qui semblait en mesure de comprendre le jardin secret d'Amanda, le seul en qui elle avait confiance, le seul qu'elle aimait sincèrement. Le sourire d'Amanda s'élargit davantage en croisant les grands yeux verts du jeune homme, et plus encore en voyant son sourire. Tous deux vivaient une relation particulière, leurs sentiments étaient plus fort que l'amitié, mais plus faibles que l'amour. Ils s'étaient ainsi mis d'accord pour employer le terme "meilleur ami" afin de se désigner eux même bien que le mot soit encore à la fois trop faible et trop fort. Amanda retira lentement ses écouteurs.
" - Tu disais ? demanda t-elle désinvoltement.
- Je disais qu'en ce moment tu passes ta vie sur un nuage au lieu de vivre dans ce que nous autres appellons "réalité".
- Tu m'as dérangé pendant ma chanson préférée pour ça ?
- Si tu tiens plus à tes rêves qu'à moi, je comprendrais parfaitement.
- La réalité c'est barbant, on ne vit que pour ça, autant perdre son temps ailleurs.
- Ca te jouera des tours un jour.
- Mais ne dit-on pas que la vie est un jeu ?
- Si tu le dis.
- Je le dis."
Amanda sentit la pointe d'agacement dans la voix de Rémy et préféra changer de sujet.
" - Sinon, tu es toujours d'accord pour venir chez moi la semaine prochaine ?
- Est- ce que je dois amener mon propre baladeur CD ou bien tu daigneras passer du temps avec moi ?"
La jeune fille baissa la tête un peu honteuse. Il était vrai que ces derniers temps, elle passait son temps à rêvasser. La moindre seconde d'évasion lui était comme vitale. Amanda ne savait pas elle-même ce qu'elle recherchait exactement dans ses rêves. Peut-être aurait-elle plus de chances de les voir se réaliser si elle en faisait une obsession ? Peut-être serait-elle moins déçue s'ils ne se réalisaient pas car elle y aurait pensé tant de temps que cela semblerait être tout de même réel ? Peut-être était-elle tout simplement fatiguée ? Pourtant, songeait-elle, la vie ne lui avait jamais rien offert de facheux ou de regrettable. Ses parents la couvraient d'amour, son petit frère tout juste agé d'un an était adorable, elle suivait les études de son choix, son meilleur ami était le garçon le plus gentil qui ait pu croiser son chemin. Peut-être justement trouvait-elle tout cela trop parfait ? Peut-être sa vie était-elle trop plate ? Elle se sentait ingrate de penser ainsi. Qui sur cette terre ne rêvait pas de mener une vie aussi paisible ? "Toi" lui répondait Rémy.
" - Ne t'en fais pas. Je suis juste un peu fatiguée en ce moment, je vais bien me reposer ce week-end pour cette semaine de vacances avec toi.
- Avec toi, cela fait longtemps que je ne m'inquiètes plus, répondit Rémy qui avait retrouvé le sourire.
- Tu vas souffrir avec moi.
- Ca en vaut la peine.
- N'essaie pas de m'apater avec tes compliments, je commence à connaitre ta façon de faire Mr August.
- Quoique tu dises, tu mords toujours à l'appat Miss Burke.
- Quoique tu dises, tu ne sauras jamais parler aux filles.
- Rectification : tu mords tout court.
- Tu progresses quand tu y mets du tien.
- J'irais loin.
- Bon garçon va !" ironisa Amanda.
Le bus arriva finalement à l'arrêt où descendait l'adolescente. Elle fit une bise à son ami, lui souhaita une bonne fin de journée et se dirigea vers la maison qui était la sienne. L'habitation était spacieuse et était faite de vieilles pierres apparentes. Sans vraiment savoir pourquoi, Amanda était très attaché à cette batisse, elle s'y sentait en sécurité. Elle entra en trombe et fila directement dans sa chambre en montant les marches quatre à quatre. Elle était bien décidée à profiter de l'absence de ses parents pour se détendre. Délaissant ses devoirs scolaires, elle se rendit dans la salle de bain où elle se fit couler un bain chaud. Elle alluma quelques bâtons d'encens et se glissa dans la baignoire. Chaque partie de son corps délecta la chaleur de l'eau, ses muscles se détendirent rapidement, ses narines s'émoustillaient de l'agréable parfum dégagé par la fumée des encens.
Elle songea à la journée qu'elle venait de vivre, une de plus. Une journée banale, ni joyeuse, ni triste, totalement dénuée de vie. On se lève le matin, toujours à la même heure, puis en journée on répète des gestes de la vie quotidienne, toujours les mêmes, puis vient rapidement le soir où l'on retourne dormir car le lendemain, il faudra tout reprendre à zéro, encore et encore, toujours reprendre ce même cycle interminable et mort. Ceci est votre vie, et elle s'écoule à chaque seconde sans que vous n'ayez le temps d'en profiter, de vous en plaindre ou même juste de vous rendre compte. Le temps file mais vous, vous êtes toujours au même endroit et vous le regarder passer impuissant.
"C'est bien triste" pensa Amanda somnolente.
Le bout de ses pieds qu'elle fixait depuis un moment devint flou, ainsi que tout ce qui l'entourait, puis ce fut le noir total.
La jeune fille se réveilla en sursaut ce qui éclaboussa en partie le sol de la pièce. Elle jeta un regard vers la fenêtre, le ciel s'était assombrie. Pendant combien de temps s'était-elle assoupi ? Elle regarda sa montre mais celle-ci s'était arrêtée. Après tout, peu importait. Amanda entendait les voix de ses parents au rez-de-chaussée et son petit frère qui pleurait. Il ne devait pas être si tard. Elle se sécha à la hâte et se rhabilla pour rejoindre sa petite famille dans le salon.
La pièce était peinte en orange et rouge ce qui accentuait l'aspect chaleureux et acceuillant du séjour. Son père, de grande carrure, se tenait au milieu de la pièce, tenant dans ses bras un bébé en pleurs auquel il tentait désespérément de faire boire un biberon. Sa mère, elle, profitait d'un instant de répit pour se détendre dans un sofa. Cette dernière, apercevant sa fille, se leva et l'embrassa.
" - Comment s'est passé ta journée ma chérie ?
- Oh bien, on a pas fait grand chose aujourd'hui.
- Ton ami, Rémy, il vient toujours à la maison la semaine prochaine ?
- Normalement oui. Dit papa, tu peux me laisser prendre Jack ? demanda l'adolescente.
- Bien sur. Si tu arrivais à lui faire boire au moins la moitié de son repas, cela serait parfait", répondit son père en lui tendant l'enfant.
Amanda prit délicatement son petit frère dans ses bras et le berca doucement. Elle s'assit sur un fauteuil et lui présenta le biberon. Comme il n'y avait rien que Jack refusait à sa soeur, il but docilement et ce, jusqu'à la dernière goutte. Amanda ne s'était jamais senti aussi épanouie depuis l'arrivée de son petit frère. Elle avait trouvé quelqu'un d'autre qu'un parent ou un ami pour y placer son amour et lui apporter protection. Ce sentiment d'utilité lui tenait très à coeur. Elle alla ensuite le changer puis le coucher. Elle mangea de bon appétit avec ses parents lors d'un repas sans conversations mémorables, si ce n'est un " Oh Amanda tu t'es coupé à l'index" alors que la jeune fille ne se souvenait pas s'être blessée dans la journée. L'heure de redémarrer "le cycle vicieux de la vie" avait sonné, et c'est d'un pas trainant qu'Amanda alla se coucher, pour la enième fois de sa vie.
