Erszebeth
A nu
Chapitre un
We'll try to stay blind
to the hope and fear outside
Hey child, stay wilder than the wind
And blow me in to cry
Come Undone, Duran Duran
Maintenant que je sais que quelqu'un m'attend, c'est curieusement plus facile de survivre. Je parcours silencieusement les couloirs du collège privé qui nous sert de couverture pour revenir vers lui, comme un oiseau vers la branche, comme un oiseau de proie vers son maître.
Héhé. L'image est appropriée. Comme le faucon, un capuchon me bloque la vue jusqu'à mon envol, jusqu'à ma mission et même là ma vue est limitée à ce qu'on veut bien que je voie...
La proie.
Mais personne n'est plus aveugle que celui qui veut bien l'être. Il m'a forcé à voir la vérité en face et pourtant, il n'a rien fait de spécial pour ça... Il était juste là.
Sa présence. Ses sourires. Ses silences. Car oui, silences il y a, quand il pense.
Au départ, je ne les comprenais pas ces vides de son, parfois même au milieu d'une conversation. Je ne l'avais pas encore compris, ça n'avait pas de sens, mais c'était le début de la danse. Où peut-être cela avait-il commencé bien avant, dans un port quelconque, quand comme deux anges déchus nous étions arrivés sur Terre, traversant l'atmosphère dans nos carcasses de métal qu'on appelle Gundams.
Lui et moi, aussi antithétiques que l'eau et l'huile. Dès le début, j'aurais dû savoir que je n'avais aucune chance de lui résister. J'ai essayé pourtant. Mais sa seule présence était une négation totale de toutes mes années d'entraînement. Son sourire, l'envers de la carte de mon isolement.
Duo était comme une flamme vive, et moi j'étais le papillon qui avait peur de se brûler les ailes mais qui revenait, encore et toujours, pour se repaître du glorieux spectacle de cette lumière que rien ne semble pouvoir éteindre, éternelle... Comme le papillon, j'avais envie de la toucher cette flamme, mais j'avais peur des conséquences...
J'avais peur de perdre ces défenses, ces murs soigneusement construits, mon ignorance de la communication entre humains. Il faut dire qu'à l'époque, je n'étais qu'un nouveau né en matière de relations humaines.
Comme souvent, la porte vers le rêve fut un cauchemar. Atroce, fait de bris de verre sur le sol sur lesquels je marchais pieds nus, perdant un sang qui n'était pas le mien mais celui de mes victimes, ces innombrables soldats, ces cadets, ces pilotes de MS démembrés et mutilés qui étaient répandus sur le sol autour de moi. Un champ de bataille, un carnage au milieu des gravats d'un immeuble effondré sur lui-même... L'air autour de moi était froid, sec, et anesthésiait la douleur. Je regardais ces corps autour de moi et subitement, j'étais comme insensible. Je pouvais sentir le verre craquer sous mes pas, rentrer dans ma chair, mais il n'y avait pas de douleur, et plus de bruit.
Et je me demandais subitement si je n'étais pas encore plus mort que ces cadavres sur le sol.
Je crois que je me réveillais avec un grand cri mais je n'en suis pas sûr. La seule chose tangible, c'était ses bras autour de moi qui me seraient contre lui.
En temps normal, je l'aurais repoussé, je ne l'aurais même pas laissé me toucher... Mais à ce moment là, j'avais un besoin viscéral de chaleur humaine et il était là. A bien y penser, il ne m'avait jamais touché ainsi auparavant, comme si il savait qu'il n'aurait obtenu qu'une rebuffade... Instinctivement, il avait su de quoi j'avais besoin.
Je restais un instant saisi. Toute la pièce était plongée dans un obscurité silencieuse mais il était là tangible, littéralement sur moi. Je le saisis à pleins bras, convulsivement et je le sentis réprimer un cri avant qu'il ne laisse sa tête aller contre mon épaule.
Ses cheveux défaits coulèrent comme une toile d'araignée contre ma peau dans la pénombre, m'inondant de leur odeur sucrée de shampoing et excitante de poudre et de fumée. Jamais encore je ne l'avais vu les cheveux lâchés, sachant même sans qu'il le dise qu'ils étaient importants pour lui et, sans même y penser, je passais ma main dans ses cheveux longs et épais et l'entendis prendre une inspiration de surprise.
Jamais je n'aurais initié le contact... Mais sa chaleur, sa proximité, l'intimité provoquée par ses cheveux dénoués étaient trop tentants pour résister. Il faut dire aussi que mes yeux étaient à présent habitués à l'obscurité, que je tremblais encore de mon cauchemar et qu'en prenant son inspiration, sa tête était relevée et que je pouvais sentir le souffle de ses lèvres sur les miennes, doux et chaud...
Le papillon en avait assez de tourner. Il voulait la chaleur, il voulait se brûler, maintenant. Le premier baiser fut maladroit, j'étais inexpérimenté et Duo statufié par la surprise. Mais le deuxième... Et le troisième... Pas de mots non, les mots n'étaient pas nécessaires, complètement superflus au milieu des caresses.
Je garde un souvenir flou et délicieux de cette première nuit. Mais, pour autant, il ne fallait pas croire que tous mes instincts de soldats étaient vaincus. Le lendemain matin, retour de flamme. L'américain dans mon lit, radars et alarmes de proximité enclenchés, américain par terre. Après ça, politique de l'autruche. Il ne s'était rien passé, je n'avais rien vu, rien entendu et bien sûr, je ne mourrais pas d'envie de le reprendre dans mes bras. Ce ne sont pas mes moments les plus brillants et c'était d'autant plus dur que j'avais pu voir cette lueur de douleur dans ses yeux ; mais j'avais beau l'avoir repoussé, avoir blessé ses sentiments et me comporter comme le dernier des imbéciles, je n'étais pas le plus têtu des deux...
A travers ces masques que nous nous sommes construits au fil des années, comme il est dur de communiquer...
Même si je refusais de le montrer, je savais à présent que j'avais besoin de lui. Le sentait-il ? Il n'arrêtait pas de me laisser des opportunités que je ne saisissais pas. J'avais besoin de lui et je ne savais pas encore qu'il avait besoin de moi. Notes de l'auteur : Je ne peux rester bien loin du fandom GW très longtemps, dirait-on. Me voici donc de retour pour finir mes histoires et en commencer de nouvelles... N'oubliez pas de me laisser vos reviews, ça fait longtemps et ça fait toujours plaisir.
