Cette fic se place entre les tomes deux et trois. Ne les ayant pas sous la main, il y aura sûrement d'énormes différences par rapport à l'original. Les puristes sont prévenus !
Note : A mon Jacob, que j'ai perdu d'une manière étrangement semblable. Tu me manques.
Chapitre 1 : Silence
« Je t'aime. »
Mes lèvres s'étirent en un immense et tendre sourire. Je sens le poids que je portais sur mes épaules descendre, puis disparaître. Je suis si près, tellement près du but…
Le ciel s'assombrit. J'ai beau avancer, je ne parviens pas à rattraper mon retard. Je sais ce qu'il va se produire, pourtant je suis paralysé, incapable d'agir. Je vois la créature sortir de l'ombre, saisir délicatement mon idéal par gorge, et y planter ses crocs luisants de venin. La colère, la haine m'envahie, mais je ne parviens toujours pas à esquisser le moindre geste. Je sens la sueur perler, puis couler le long de mon corps.
Edward Cullen relève vers moi son visage, et sous les hurlements de ma Bella, il braque ses yeux rouge sang vers moi, et sa gueule béante s'élargit en un rictus immonde, découvrant sa dentition enduite de sang. Il rit.
Je n'ouvris pas les yeux immédiatement. La pluie martelant les carreaux des vitres de ma chambre me suffit pour comprendre que j'étais désormais pleinement réveillé. Mon lit était détrempé, j'eus un instant le doute de m'être oublié comme un môme, mais finalement, j'écartai cette idée. Péniblement, je cherchai un mouchoir pour essuyer les larmes qui avaient coulé sur mes joue avant de l'envoyer valser à l'autre bout de ma petite chambre. Je me redressai difficilement et la tête me tourna un instant. J'avais enfin daigné ouvrir les yeux : il faisait encore nuit noire, et dehors c'était par bourrasque que la pluie venait s'écraser sur la maison. Je sortis de ma chambre le plus silencieusement possible. Je me doutais que mon père savait très bien que j'étais réveillé, j'avais dû gémir et couiner pendant toute la durée du cauchemar. Je soupirai et avalai un grand verre d'eau glacée. Bien entendu ça ne me rafraîchirait en aucune sorte, c'était juste histoire de me calmer. J'hésitai un instant sur la conduite à tenir, et décidai finalement d'enfiler un bermuda et de sortir.
Le vent sifflait à m'en rendre sourd. Les pins ployaient sous les éléments et la terre était gorgée d'eau. Cette nuit-là, c'était Quil et Paul qui étaient chargés de monter la garde. Depuis que les Cullen étaient revenus…- Mon cœur loupe un ou deux battements – depuis qu'ils étaient revenus il nous était désormais inutile de surveiller la ville, ou plus précisément sa maison – cette fois, il me sembla n'entendre que lui vrombir dans ma cage thoracique -. A cette pensée, le terrible visage du vampire qui peuplait mes rêves me sauta à la figure. Mais, l'habitude aidant, je suppose, je ne sursautai plus.
J'avais renoncé à prendre ma forme de loup pour la simple et bonne raison que c'était Sam qui me l'avait demandé. Je nuisais gravement à la cohésion de la meute en les bombardant ainsi de mes idées noires et de mon désarroi. Alors je restai sur le qui-vive, attendant que l'un d'eux vienne me chercher, m'appelle à l'aide, quitte à supporter mes pensées.
Car j'étais totalement seul, dans un univers où je me retrouvais coupé en deux. Et je n'appartenais totalement ni à un camp, ni à l'autre. La seule chose certaine est que je haïssais les vampires probablement infiniment plus que n'importe lequel d'entre nous. Je les haïssais pour m'avoir pris mon humanité, mon avenir, mes choix. Je les haïssais pour me l'avoir pris, elle. Bien entendu, je n'étais jamais retourné à Forks même. Je n'en avais pas la force. J'avais trop peur de voir Charlie avec le visage tendu et pâle, me racontant qu'elle avait disparu. Je ne supporterais pas de savoir, malgré le fait que j'en étais conscient, qu'elle avait été tuée. Traité ou non, j'aurais volontiers utilisé jusqu'à la dernière goutte de mon essence pour l'en empêcher. Et pourtant, chaque nuit je me retrouvais face à elle, impuissant devant ses choix et sa douleur. Et chaque matin je devenais un peu plus fou.
J'atterris sur la plage de la réserve. L'aurore commençait à pointer son nez, mais je n'en voulais pas. Je ne voulais pas d'un autre jour. Pour moi, tout n'était qu'une seule et interminable journée, qui n'était écourtée ni par le sommeil, ni par le crépuscule. Les vagues étaient toujours aussi puissantes, mugissant et s'écrasant sur les rochers. Je ne me risquai pas à descendre totalement sur le sable. J'étais trop faible pour nager si j'étais emporté, et la meute pouvait avoir besoin de moi. Du moins était-ce ce que j'espérais. Ils étaient désormais tout ce qui me restait. Pourtant, même en en étant conscients ils me rejetaient. Je n'étais ni loup, ni homme. Mais j'allais devoir faire mon choix.
« Bonne balade, fils ? »
J'opinais du chef. Mon père m'accueillait comme toujours, c'est-à-dire comme si de rien n'était. Il savait. Depuis le début. Peut-être avait-il eu un espoir lors de leur départ que je serais sauvé. Peut-être, comme moi, y avait-il cru. Mais désormais il ne restait que la pure, simple et stricte vérité. Une réalité qui était immuable. J'avais perdu.
Billy me servit une énorme assiette d'œufs au bacon grillé accompagnés de toasts dégoulinants de beurre frais. Un petit déjeuner sur lequel je me serais autrefois rué pour l'engloutir sous le regard médusé et amusé de mon paternel. Mais comme chaque jour depuis…un certain temps je m'assis devant le plat sans grande conviction. Je goutai subtilement à une bouché sous l'œil critique de mon père qui me mit un bon coup dans l'omoplate. Un coup qui ne me fit pas broncher mais le fit, lui, grimacer.
« Vas-tu enfin de décider à avaler quelque chose, Jacob Black ? »
Je ne répondis pas à l'invective et me contentai de poursuivre mon déjeuner. Probablement dépité, mon père s'en retourna à ses occupations. Alors que je m'enfilais une nouvelle bouchée, je le sentis pour la première fois depuis ce qui me sembla des lustres. Edward Cullen était à la frontière du territoire Quileute. Et il était seul.
Ni une ni deux, je sortis de nouveau de la maison, cette fois en trombe. Un mélange de sentiments qui m'étaient inconnus tambourina à mes tempes. Je courus plus vite que jamais vers le lieu d'où l'odeur répugnante de charogne pourrissante provenait. Devais-je prévenir les autres ? Non, après tout le vampire était seul, il ne pourrait pas m'inquiéter. Malgré tout, son peu d'estime pour ma puissance me renfrogna : il pensait probablement être de taille à me vaincre, ou au moins à me contenir seul. Il se rendrait rapidement compte à quel point il avait tord. Je briserais et laisserait son cadavre se reconstituer à jamais afin de mieux pouvoir le re-démembrer ensuite.
L'odeur se fit de plus en plus forte, et alors qu'elle devenait insupportable, je vis sa silhouette se dessiner parmi les arbres. Son corps de pierre, son visage sombre et fermé de mort étaient offerts à ma barbarie. Mais je voulais d'abord savoir pourquoi il était là, même si je me doutais que les nouvelles qu'il apportait ne pouvaient être de bonnes nouvelles.
