CHAPITRE 1
J'ai peur. J'ai incroyablement peur.
Mon nom est Shaun et je suis à l'université de Californie, depuis plusieurs mois maintenant. Ma vie est ordinaire et je pense bien qu'elle n'intéressera personne. Pas de quoi écrire un roman. Pourtant, j'adore écrire. Mettre des mots sur les pensées qui m'agitent, les coucher sur "papier", me font un bien fou.
Comme le surf. Une évasion. Se vider la tête. La fac est trop loin de la mer. J'ai moins le temps et moins l'envie. Alors, à défaut de surfer, j'écris.
J'ai tout à dire, tout à inscrire. tout à expliquer.
Ma petite amie s'appelle Lana. Elle est cool. Le genre de copine qui ne te prend pas la tête. Exactement ce qu'il me faut. Notre relation est tranquille. On partage les mêmes cours, on bosse ensemble le soir et le week-end, on discute, on sort au cinéma ou dans les musées. Elle est curieuse de tout.
Ça ne fait pas si longtemps que l'on sort ensemble. Et comme on est sur la même longueur d'ondes, notre couple a quelque chose de calme, d'apaisé. Tout ce qu'il me faut. Un couple ordinaire, quoi.
Mais, je sens que cela ne va pas durer...
Ce n'est pas elle qui pose problème, c'est moi : Cela fait déjà quelques temps qu'elle me tend la perche. Démonstration type : la semaine dernière, un soir de semaine.
Comme quasi tous les soirs, je la retrouve chez elle, après être passé chez moi pour me pauser.
Je frappe trois petits coups à sa porte. Ce n'est pas parce l'on sort ensemble, que je dois me croire chez moi. C'est sa co-locataire qui m'ouvre. Et comme à chaque fois que c'est le cas, j'en suis imperceptiblement soulagé.
- Salut Shaun, entre.
- Salut.
Petite grimace d'excuse. Je pense qu'elle sature un peu de me voir si souvent. J'entend Lana qui me crie, depuis sa chambre :
- J'arrive ; Viens.
Je sais où est sa chambre. Evidemment. Elle est en train de finir d'enfiler un bas de jogging.
- Ça te dire de courir avec moi ?
- Bien sûr ! Mais, faut que je repasse chez moi. Tu aurais du le dire.
Je me demande si ce n'est pas prémédité de sa part. Petite maline...
Nous voilà chez moi. C'est moi qui doit me changer. Une fois la porte ouverte à clé, je lui propose un verre d'eau.
- Oui, cool.
Elle ouvre la porte du placard, prend un verre. Fait couler l'eau dedans et se retourne pour me rejoindre dans la chambre.
J'ai juste mon boxer. Mon jean est au sol et mon tee shirt sur mon lit. Pas assez rapide, petit gars...
Je me retourne vers elle.
"Elle me dévisage" n'est pas la bonne expression. Car c'est bien la seule partie de mon corps qu'elle ne regarde pas.
- Waouh... !.
Elle s'avance vers moi tout sourire. Pose son verre sur le rebord de mon bureau. Mon estomac se serre. Tandis qu'elle s'approche de moi. Mais, contrairement à toute attente. Elle prend mon visage entre ses mains. Me regarde intensément et m'embrasse avec douceur.
Son baiser est chaud et tendre. Je ferme les yeux et me laisse aller à cette sensualité. Je répond en fouillant sa bouche de ma langue, et la serre davantage contre mon torse nu. Ses mains quittent mon visage et descendent caresser mon dos. Je sens ses ongles pénétrer dans ma chair. Ses caresses alternent douceur et passion. Je l'étreint plus encore. Encouragée, elle glisse une main aventureuse plus bas, vers mes fesses.
Je m'écarte doucement. Je reprend mon souffle et dépose un léger baiser sur ses lèvres.
- Attend ! je lui murmure, en ne quittant pas ses yeux du regard.
- Quoi ? Tu n'aimes pas ? S'inquiète t'elle.
- Si. Bien sûr que si, mais je ne veux pas précipiter les choses. Mensonge.
Petit rire, dans un souffle :
- Quoi ? Précipiter ? s'étonne t'elle.
Je veux lui expliquer, ne pas l'alarmer, ne pas semer le doute.
- Ecoute ! Pas comme ça. Pas tout de suite. Pas maintenant.
Je ne suis pas sûr de vouloir faire cela chez moi. Mais, je me garderais bien de le lui dire.
- Tu... Tu l'as déjà fait ?
Silence, Je relève la tête que j'avais baissée. Presque honteux de moi.
- ... Non.
- Shaun. Tu es si doux, si beau. Ecoute... Je ne te force pas.
Elle m'embrasse à nouveau. Tout légèrement. Puis soupire :
- J'ai l'impression d'être...
Ses yeux regarde partout. Lana secoue la tête, à la recherche du mot juste.
- Tu me plais ! Tu me plais comme aucune autre fille ne l'a jamais fait !
Je veux la rassurer. Je ne veux pas qu'elle croie que cela vient d'elle. Ses caresses sont pour moi, douces et fades à la fois.
- Non, non. Sourit-elle et explique :
- Je pensais plutôt à ... dévergondée...
- Ça vaut bien le coup d'être en littérature...
Je me moque, soulagé.
- Ecoute. Habille-toi vite. Sinon je te dévore tout cru. me rassure t'elle, en me caressant mon bras.
- Oui, habille-toi vite. Insiste t'elle.
Elle écarte ses mains de moi, et recule. Elle reprend son verre.
- Merci...
J'ai pitié de moi. Et tente de mettre ma tenue de sport au plus vite. Pantalon d'abord, puis tee-shirt. L'action refoule les pensées.
- On y va ? je demande, avec un piètre sourire.
- Eh ! Shaun ! Il n'y a pas de problème.
Bisous de consolation.
Nous voilà partis courir. Côte à côte. En harmonie. J'adapte ma course à son rythme. Partager l'instant, l'effort. Ensemble.
C'est cela qui est bon. Avec elle.
On finit notre jogging devant sa porte. Un long et tendre baiser. Tout est pardonné. Je la quitte et retourne à ma solitude et à mes inquiétudes.
Ce soir-là était les prémices d'une vérité qui tente de s'infiltrer en moi. Refoulée, depuis trop longtemps déjà.
Je ne veux pas, ne peux pas penser à ce que Lana ressent. Je n'en ai pas la moindre idée, d'ailleurs. Trop préoccupé par mes propres tourments. Cela fait trop longtemps que cela dure. Mais cette relation avec Lana est douce et amère. Pas une erreur, non. Mais, une tromperie. Je lui mens et plus encore, je me mens à moi-même.
J'ai peur. J'ai terriblement peur...
Je crois que je suis gay.
