Prologue

Journal d'information de la planète Newson, Siège de la Compagnie Rumford.

Nous sommes le 24 Avril 678, vous lisez le Newson Daily Information.

La planète de Newson se réveille doucement après avoir fêté l'anniversaire des 300 ans de la création de notre Compagnie. L'esprit était à la fête partout sur les planètes de l'espace Rumford.

A ce propos, le Directeur Ronald Rumford a déclaré, l'esprit léger :

« Les productions de toutes nos planètes vont peut-être être ralenti pendant une journée ou deux, mais l'esprit communautaire en sera renforcé. Par cette fête, nous nous rappelons que, malgré les différences de climat, de religion ou de richesse de chaque planète de nos systèmes, nous provenons tous de la même planète! Nous avons le devoir de garder cette esprit de solidarité qui nous accompagne depuis le début de ce grand voyage à travers l'espace. »

Rumford La quatrième Compagnie Libre [Voulez vous en savoir plus?]

Le traité de paix avec la compagnie Mercurius a lui aussi été fêté. Cela fait maintenant trois mois que la paix règne. Bien que les souvenirs du conflit sur certains mondes soient encore vifs, la vie reprend son cours et la reconstruction est déjà en marche. "Les pertes civiles, militaires et financières, bien qu'importantes, auraient pu être bien plus grandes", déclare Liu Shu, le responsable du Corps de Défense, "grâce aux interventions rapides de nos troupes, les combats n'ont pas duré assez longtemps pour affliger les mondes sur lesquels ils ont eu lieu."

Le Second Conflit Rumford / Mercurius [Voulez vous en savoir plus?]

CHAPITRE I – L'avenir devant soi.

Le vaisseau, qui l'avait amené, préparait déjà son départ. Les lumières d'alerte clignotaient au bout des ponts d'amarrage et les émulateurs de son renvoyaient un bruit de moteur qui commençaient à chauffer.

Bientôt ce vaisseau de transport, appelé Mandrake, qui lui avait servi plusieurs fois de navette pour venir sur la station, allait repartir vers la planète Sinclair. Celle-ci possédait une atmosphère unique et quelque peu étrange. Son sol renvoyaient une couleur orangée, ponctuée de nombreux points lumineux venant des nombreuses villes qui se répandaient à sa surface.

Derrière la vitre de la baie d'observation, Niklas continuait à regarder les vaisseaux qui arrivaient et partaient de la station Anderson, le spatioport principale qui gravitait autour de la planète. La station regroupait presque tous les centres administratifs de la planète, dont les deux qui intéressaient le plus Niklas: celui de l'hôpital où il était soigné et celui qui lui permettrait enfin de quitter celui-ci.

Le Mandrake commença à dériver lentement pour sortir du spatioport, les émulateurs renvoyant un bruit sourd de basse vibrante. Niklas le suivit des yeux jusqu'à ne plus voir que son propre reflet dans la vitre, sur le fond noir de l'espace. Ses cheveux étaient en meilleur ordre que la plupart du temps, attaché en arrière. Ils avaient repris leur couleurs fauves d'avant son accident. Son bouc avait très bien repoussé et avait été taillé avec soin pour former son habituel pointe. Des yeux vert-de-gris le fixaient, quelques cicatrices lui marquant le visage sur tout le coté gauche. "On n'est pas un vrai militaire sans cicatrice", se dit Niklas. A part ces marques, rien n'avait changé. Toujours le même nez qui avait été brisé puis remis en place plusieurs fois durant sa jeunesse. Sa bouche affichait continuellement un sourire, ce qui l'avait souvent aider à passer bien des portes ou à sympathiser facilement avec les gens. C'était le même visage que Niklas voyait depuis maintenant 31 ans quand il croisait un miroir. "Oui, tout est encore là...ou presque", se dit il en regardant le reflet de son bras gauche dans la vitre, un bras entièrement robotisé à la couleur cuivrée.

Cela faisaient maintenant sept mois, presque huit, qu'on lui avait remplacé son bras manquant par cette prothèse high-tech. Il avait été balader, pendant tout ce temps, entre un lit d'hôpital et les leçons de rééducation, tel une boule de flipper. Heureusement pour lui, sa carrière militaire lui avait permis d'avoir ce qui se faisait de mieux comme bras de remplacement. Il bougea ses doigt robotiques à cette pensée. Ils répondaient parfaitement comme si cette amas de câble et de circuit avait été son véritable bras. "Combien de temps vais-je devoir encore attendre avant de pouvoir enfin passer à autre chose!" pensa Niklas. Il avait envie de bouger, de partir de cette station. Depuis qu'il était rentré dans la branche militaire de son métier d'ingénieur, il n'avait presque jamais été aussi longtemps au même endroits ou, en tout cas, pas depuis ses classes sur son monde d'origine, la planète du cuivre, Mir'medi.

Son monde lui manquait parfois. Ce n'était peut être qu'un simple monde agricole et industrielle de classe 2 mais c'était chez lui. De la fenêtre de sa chambre d'enfance, il pouvait voir les gigantesques champs de plantes à cuivre et les machines qui les récoltaient presque toute l'année. Au loin, la lumière bleutée que produisait les cheminées des usines qui s'occupaient de rendre le cuivre illuminait le ciel. Mais malgré ce spectacle insolite pour les étrangers, Niklas avait toujours eu les yeux tournés vers l'espace, vers les centaines de mondes que contrôlaient les compagnies.

"L'espace...c'est bien beau mais pas au travers d'une vitre blindée, avec des émulateurs de son pourris!" jugea-t-il. Il n'aimait pas les spatioports et celui sur lequel il était ne lui inspirait pas plus de confiance que les autres.

Mais il devait être encore patient. Après le calvaire médical, c'était le calvaire bureaucratique qui l'avait accueillit. Il était déjà passé par plusieurs bureaux, rencontrant secrétaire après secrétaire, employé et directeur à la suite mais c'était presque fini. Il ne lui manquait plus qu'un seule rendez-vous, une seule rencontre, et il allait pouvoir dire qu'il voulait quitter la vie militaire, qu'il voulait retourner dans le civil. Niklas croisa les bras. Il avait assez donné pour sa compagnie.

Pourtant, il n'éprouvait pas d'amertume envers elle. Le Corps de Défense, la branche armée de la compagnie Rumford dans lequel il s'était engagé, lui avait permis d'avoir un avenir à l'extérieur de sa planète natale. Il avait signé dès qu'il avait eu l'âge requis, quittant son premier boulot pour s'embarquer dans la vie militaire. Il y avait passé neuf ans, s'entraînant sans relâche, et participant au conflit qui avait éclater entre les deux plus grosses compagnies spatiales, Rumford et Mercurius. Aujourd'hui terminé, ou en pause comme certains disaient dans son ancien escadron, il n'aspirait plus qu'à reprendre une vie "normale".

C'est pour cela qu'il attendait devant cette vitre. Détournant son regard un instant de cet immense vide qui représentait l'espace, il jeta un bref coup d'œil autour de lui. La pièce où il se trouvait n'était pas très chaleureuse. Des néons au plafond renvoyaient une lumière aseptisé sur les murs blancs et la moquette crème impeccablement entretenue. Il se tourna vers la secrétaire qui tapotait sur son écran, assise derrière un bureau parfaitement rangé. Il lui jeta un regard agacé. Il attendait depuis des heures! Tout cela pour qu'elle l'appelle afin de passer dans la pièce suivante où se trouvait sa "délivrance".

- Vanroff Nicolas ! Lança soudain la secrétaire d'une voix nasillarde comme si elle avait lu dans ses pensées.

- C'est Vanroff Niklas! soupira-t-il.

- Comme vous voulez, répondit la secrétaire avec un haussement des épaules, c'est votre tour, allez y.

La secrétaire fit un signe vers la porte qui venait de s'ouvrir sur un homme en costume puis reposa ses yeux vers son écran holographique. Niklas s'avança vers la porte, jeta un œil aux autres personnes qui attendaient et à celle qui venait de sortir.

Il passa à coté du bureau de la secrétaire qui s'était déjà replongée vers son moniteur holo.

- Bien ! Enfin, merci et bonne journée, dit en passant Niklas en souriant à la secrétaire.

Il n'entendit qu'un mélange de murmures et de grognements comme réponse, un « bonne journée » qui n'avait que très peu d'enthousiasme, venant de la secrétaire qui n'avait pas relever la tête vers lui.

Le bureau dans lequel il rentra était assez simple. C'était une petite pièce dont les murs étaient entièrement occupés d'étagères remplis de paperasses plus ou moins bien rangés. Une baie vitrée donnait sur l'espace et la surface de la planète. Un homme de petite taille était assis derrière un bureau presque identique à celui de sa secrétaire. Il lisait un document sur une tablette holographique dont il faisait défiler les pages d'un petit mouvement du pouce sur le coté de l'armature de la tablette.

- Bonjour monsieur, dit Niklas en refermant la porte derrière lui.

- Bonjour monsieur... Il observa sa tablette quelque instant, Sergent ingénieur Niklas Vanroff, c'est bien cela ? Demanda le petit fonctionnaire.

- Oui c'est bien ça, en chair, en os et en métal, répondit Niklas en le saluant de son bras cuivré.

L'homme eut un rire poli tout en étudiant le bras mécanique du futur ex-soldat.

- Je vois que vous vous accommodez bien de votre prothèse, dit-il en souriant.

- En huit mois, heureusement oui, j'ai eu tout le temps de m'y faire, répondit Niklas en souriant à son tour.

- Oui oui bien sûr. Je m'appelle Frank Levasseur, mais vous devez déjà le savoir, renseigna l'homme tandis qu'il se levait et lui tendait la main.

- En effet, acquiesça Niklas en lui serrant la main. Il avait largement eu le temps de lire l'écriteau métallique sur la porte devant lequel il avait attendu plusieurs fois, plusieurs heures.

Ils s'assirent face à face.

- Vous êtes donc ici pour un changement de carrière, pour trouver un autre poste que celui que vous possédiez avant votre...accident, n'est-ce pas ?

- Oui en effet.

- Pourquoi ce changement ? Je comprend que votre accident ait pu vous marquer, bien sûr, mais il n'y a aucun problème pour vous si vous voulez continuer votre carrière militaire! Surtout en ce temps de paix.

- Oui je sais, assura Niklas, je connaissais quelques gars dans mon unité qui avaient ce genre de prothèse et qui s'en sortaient bien. Mais je préfère repartir dans le civil, je pense avoir vu assez de combat.

Levasseur continuait d'observer le bras de Niklas. Se rendant compte qu'il le regardait peut être avec un peu trop d'insistance, il reposa ses yeux sur le dossiers de l'ingénieur.

- Je comprend votre choix, vous avez une préférence pour votre réorientation ?

- J'aimerais un poste d'ingénieur de maintenance de préférence sur des capteurs d'hélium 3, c'est ce que je faisais avant de m'engager dans l'école militaire de la compagnie.

- Hum...je vais voir ce que l'on a dans le secteur.

- Si possible dans un coin tranquille, rajouta Niklas.

- Un coin tranquille hein ? Répondit le fonctionnaire en tapotant sur son clavier holographique. Il reprit la parole après quelques secondes de recherche: "alors j'ai trois postes assez proche d'ici qui vous correspondraient je pense, le premier est sur la deuxième lune de Zebene, maintenance sur des collecteur d'hélium 3".

- Ah...Zebene ? C'est quoi les deux autres ?

- Un problème avec Zebene ? Demanda Levasseur.

- J'ai passé cinq mois sur Zebene, entre les filtres contre le soufre et les querelles incessantes qu'il y avait dans tout ces petites villages paumé,s j'en ai pas gardé de bon souvenir.

- Oui, je peux comprendre que ce soit problématique de travailler sur une classe 2 comme celle là dans ce cas. Alors, le deuxième poste est sur Markentrion, maintenance des collecteurs d'eau cette fois-ci.

Niklas regarda au ciel avant de répondre.

- J'ai fait trois mois sur cette planète, jamais vu une planète autant remplis d'imbéciles, il n'y avait pas un soir sans qu'il y ait une bataille générale dans les quartiers chauds, s'exclama Niklas

Le fonctionnaire quitta des yeux son écran. Un léger silence s'installa avant qu'il ne reprenne la parole.

- Je suis originaire de Markentrion.

- Oh...désolé...je ne voulais...commença à dire Niklas, se dandinant dans son siège.

- Et c'est exactement pour ces raisons que je me suis tiré vite fait!, coupa Levasseur en ricanant légèrement.

Niklas se détendit un peu, "ah ! Donc il n'y a pas que moi qui trouve cette planète pourrie" lança-t-il à son interlocuteur. Les deux hommes rirent de bon cœur.

- Bon alors, repris le fonctionnaire, ce qui nous laisse juste un poste sur la planète Zyrros-b, du système Zyrros donc.

- Zyrros-b ? jamais entendu parler de ce coin là.

- Logique, répondit Levasseur, ce n'est qu'une planète de classe 3 qui dispose de minerais et éléments chimiques qui sont récoltés à sa surface. Son début d'exploitation date de plus d'un siècle, il ne reste plus grand monde là bas d'après ce que je vois. Le contrat est un poste de maintenance sur drone de récolte. Il est précisé que l'ingénieur sera à la charge de sa propre station Lonewolf Mk 4.

Levasseur fit apparaître une image holographique de la planète sur son bureau.

- Le système Zyrros est à la frontière du contrôle de la Compagnie. La planète Classe 1 la plus proche est Agora dans le système Attica, sous le contrôle de Mercurius.

Le fonctionnaire nota l'air inquiet sur le visage de l'ex-soldat à la mention de la compagnie rivale.

- Il ne devrait pas y avoir de problème pour vous, ce système n'a pas été en guerre avec nous, vous pourrez vous y rendre en navette sans trop de problème.

Niklas parut perplexe devant les commentaires du fonctionnaire. Il regarda encore la planète et les quelques infos qui y étaient annotés.

- Ça me parait bien mais c'est une classe 3, les combinaisons de survie sont obligatoires ? Il est de quel genre l'environnement ?

- D'après ce que je lis ici, la planète est tout juste en classe 3, l'atmosphère n'est pas respirable sur de longue période. La gravité est supportable pour des organismes humains. Les températures se rapprochent des modèles septentrionaux de référence. Il doit y faire frisquet comparé à ici mais les combinaisons sont obligatoire. Et les risques écologiques sont dans l'orange mais il n'y a pas vraiment de quoi s'inquiéter. C'est dû aux éléments chimiques présents sur la planète et à sa « météo » d'après le rapport d'exploration. Celui-ci doit dater de sa découverte vu son format mais ça ne devrait pas être trop contraignant pour vous, rassura le fonctionnaire.

Niklas réfléchit en observant l'image que renvoyait l'ordinateur, la planète était principalement composé d'océans avec deux continents noirs et plusieurs groupes d'île.

- Le contrat est de combien ? Demanda Niklas.

- Deux ans de service, renouvelable à la demande, payé quinze-cent crédits l'année, logement dans la station, permission de deux mois divisible sur demande. Vous aurez bien sûr aussi droit à votre retraite de militaire et les indemnités dues à votre blessure.

L'ingénieur rassembla toutes ses informations dans son esprit. "Un contrat de deux ans, ça va encore, si ça ne me plaît pas je pourrais toujours partir assez rapidement" se dit Niklas. "Proche de Mercurius, j'espère que ça ne posera pas de problème. De tout façon, c'était soit ça, soit devoir aller sur des systèmes qui ne me lui plaisait pas".

- Ok, ça me paraît honnête, inscrivez moi, je prends ce contrat.

Le fonctionnaire tapota quelques touches sur son clavier puis prit sa tablette qui affichait maintenant le contrat et le tendit à Niklas.

- Voilà votre contrat, signez en bas et vous aurez le poste.

- Ah ? Aucun entretient ? ils sont vraiment à ce point en manque de personnelle sur cette planète ? s'exclama l'ingénieur en prenant le stylet sur le côté de la tablette.

- Oui, on dirait bien. Apparemment il n'y a qu'une centaines de personne là-bas pour s'occuper de tout. Comme je l'ai dit, cela fait plus d'un siècle que cette planète est exploitée.

- D'accord, je comprend mieux. Il y a un transport qui se rend dans ce coin perdu j'espère ? demanda-t-il en rendant le contrat signé.

- Hum..attendez.

Le fonctionnaire rechercha quelques minutes sur son ordinateur. Niklas attendait en regardant par la baie vitrée. On y pouvait voir glisser les vaisseaux silencieusement vers la surface de la planète ou se diriger vers le spatioport. D'autres encore se rendaient vers les anneaux accumulateurs pour charger leur moteur supraluminique qui leur permettrait de quitter le système.

- Oui voilà, il y a un transporteur de marchandise qui va vers Agora dans six jours. Il doit passé par Zyrros-b pour déposer du matériel, vous pourrez le prendre pour y aller. Je vous réserve une place sur ce transporteur ?

- Il s'appelle comment ?

- L'Aquila, répondit Levasseur.

- Avec un nom comme ça, il doit être de la compagnie Mercurius! Le voyage va être chouette, soupira Niklas.

L'ancien militaire pensa au passé commun de sa compagnie et la compagnie Mercurius. Les conflits frontaliers, qui n'avaient cessé que depuis peu, avaient créé une certaine rancœur entre les deux Cartels et leurs employés.

- Essayez juste de ne pas dire que vous avez été militaire et ça devrait bien se passer, le rassura Levasseur avec un sourire.

- Mouais on verra bien, répondit l'ingénieur.

Niklas quitta le bureau après avoir remercié le fonctionnaire. Il avait un nouveau boulot, dans un coin paumé mais tranquille, un boulot facile apparemment, avec une station pour lui seul. Il ne lui restait plus qu'à attendre six jours pour que son transporteur arrive. Cela lui laissait le temps de régler ses derniers problèmes et de dire au revoir aux quelques amis qu'il s'était fait à l'hôpital militaire. Puis il aurait 9 jours de voyage en SLM pour enfin arriver dans sa nouvelle vie, sur cette planète qui n'avait même pas l'air d'avoir de nom propre, Zyrros-B.

Niklas marchait dans une rue couverte de NewField, la capital de Sinclair. Il était sorti de la gare après que le Mandrake l'ait ramené de la station. La rue était bondée de gens qui marchaient et couraient dans tous les sens, s'affairant à leurs tâches, allant à leur travail ou rentrant chez eux. Pour retourner chez lui, Niklas emprunta une rue marchande recouverte d'une armature d'alliage blanc et de grandes plaques de verre renforcé, d'où quelques rayons du soleil couchant passaient faiblement. La rue, exclusivement piétonne, faisait une cinquantaine de mètres de large, avec en son milieu, des endroits de verdure et quelques fontaines. Au dessus de lui, il pouvait voir à travers les vitres, des véhicules magnétique qui utilisaient l'extérieur de la rue comme route. Les armatures métalliques de chaque rue couverte leurs servant de support pour traverser toute la ville. Ces voitures, longues et aux profils aérodynamiques, glissaient en silence au dessus des rues animés de NewField.

La nuit approchait. La rue s'assombrissait peu à peu, laissant la place à la lumière des néons accrochés aux bâtiments et donnant une atmosphère nouvelle à l'allée. Ce n'est pas pour rien que l'on a surnommait « la rue qui ne dort jamais ». Les bâtiments, qui, il y a encore quelques minutes, étaient simples, faits de briques de béton, de ciment ou de plaques d'alliage blanc, étaient maintenant parés de centaines de néons de couleurs vives. Les commerces se paraient de nuances de bleu alors que les restaurants étincelaient dans des couleurs orangés. Les salle de jeu ou d'arcade étaient quand à eux ornés de néons rouges et violets. Ce spectacle lumineux plaisait à l'ingénieur, les jeux de lumières et les animations holographiques sur les murs offrant un show nocturne tape à l'œil.

Durant son séjour de repos dans le foyer militaire, il était souvent venu ici le soir pour profiter de l'ambiance de cette rue. Il avait eu le temps de tester tous les restaurants qui lui faisaient envie, était entré dans chaque commerce et avait visité la plupart des salles de jeu et bars de la rue.

Sur sa gauche, un groupe de jeune attendait l'ouverture d'une des salles d'arcade. Quand Niklas passa à coté d'eux, la plupart lui firent un salut militaire en souriant. Il avait partagé plusieurs après-midis avec ces jeunes et avait gagné leur sympathie, malgré la différence d'âge, en leur prouvant son adresse à la plupart des jeux holographiques à la mode. Il leur rendit leur salut d'un geste de la main amical. « Il n'y aura bientôt plus que ces jeunes pour me saluer comme un militaire ! , sauf si je continue à porter la veste de mon régiment » pensa Niklas en jetant un coup d'œil à son blazer . L'emblème sur son épaule représentait un écrou large, orange sur fond noir, symbole de son statut d'ingénieur militaire. Dans son dos, les lettres CDR entourées d'un bouclier, brillaient en renvoyant la lumière des nombreux néons. Le symbole de son régiment, trois octogones rouges qui s'entrecroisent, soulignait l'inscription brillante. Il faudra qu'il la range bien au fond de ses affaires pour son voyage sur un vaisseau Mercurius.

Niklas continua son chemin en bifurquant dans une rue adjacente. Les façades des différents immeubles étaient plus sobres dans cette allée, quelques néons bleus se disputant l'éclairage de la rue avec les lumières blanches de la ville. Des fenêtres simples au lieu des baies vitrées, des portes fermées aussi, un quartier d'habitation comme tant d'autres dans la ville.

Il arriva enfin à destination. Un large bâtiment à la façade blanchâtre, ponctué de nombreuses fenêtres, lui faisait face. Un homme était assis sur les marches du foyer. Niklas le connaissait sous le nom de Frantz, un autre soldat en convalescence, un autre qui portait lui aussi les marques des combats. L'homme se redressa sur ses deux jambes robotiques et tendit la main à Niklas quand celui ci s'approcha.

- Alors ? Tu as pu avoir ton rendez-vous ? demanda l'ancien soldat d'une voix grave.

- Oui enfin !,dit l'ingénieur en serrant la main tendue, on m'a réassigné à un poste sur une planète à une semaine d'ici.

- Dans le civil donc ?

- Oui, c'est une exploitation de minerais, je vais m'occuper de collecteurs.

- Et tu pars quand ?

- Dans six jours, à bord d'un transporteur de Mercurius

- Je te plains mon gars ! ricana l'ancien soldat. Enfin on va pouvoir se boire un dernier coup pour fêter ton départ avec les gars et les infirmières...n'est-ce pas Niklas ?

L'homme lui fit un clin d'œil assumé pour souligner son dernier propos.

- Ouais, on va faire ça bien, avec tout le monde, répondit Niklas en souriant à la bêtise de son ami. Bon, je rentre. Je dois commencer à mettre en ordre mes affaires, histoire d'être tranquille pour cette dernière semaine ici.

Son logement était composé de deux pièces, une chambre à proprement parler ainsi qu'une pièce à vivre avec des meubles et un sofa simple équipée quelques appareils holographiques pour le divertissement ainsi qu'une penderie. Les autres commodités se trouvaient dans une pièce annexe commune à tous les occupants de l'établissement. Niklas posa sa sacoche dans laquelle il transportait les divers documents dont il aurait pu avoir besoin pour son rendez-vous mais désormais inutiles. Ils seraient les premiers à finir au recycleur. Il trouva fou de voir tout ce qu'il avait pu accumuler comme choses divers et variées en seulement sept mois. Des magazines s'étalaient sur la plus grande partie de la table basse de son petit salon, mélangés avec des tickets de salle de jeu ainsi que quelques œuvres d'arts achetés à de jeunes artistes. Ces derniers démontraient leur talent dans les rues commerciales de la ville pour quelques crédits. L'une de ses œuvres attira son regard : sur une feuille de papier épais se trouvait le dessin de la surface d'une planète ou tout était fait de métal cuivré sur un fond de soleil couchant bleuté. C'était le travail d'une jeune artiste que Niklas avait rencontré au hasard d'une soirée. Son accent avait chanté à ses oreilles, une fille originaire de sa planète, Mir'medi. Après une conversation sur leur origine partagée, elle lui avait proposé de faire un dessin spécialement pour lui. Après une demi-heure où bombes de peinture, pochoirs et coups de pinceau se mélangeaient en une danse gracieuse, elle lui avait présenté son œuvre. Un petit quelque chose pour se rappeler la maison lui avait-elle dit. Elle avait refusé qu'il lui donne de l'argent mais avait accepté de partager un verre dans le bar le plus proche. La soirée avait fini par une autre danse, plus torride cette fois. Tout en repensant à leur rencontre, Niklas admirait en détail le dessin.

- Il va te falloir un cadre pour celui là.

La voix provenait de sa porte d'entrée qu'il avait laissé ouverte. Il ne se retourna pas, il connaissait bien la personne qui lui rendrait visite. Selina, une des infirmière avec qui il était le plus proche, celle qui lui avait valut le clin d'œil de Frantz à son arrivée. Niklas continua à observer le dessin, le sourire aux lèvres puis répondit enfin.

- Oui, je pense que je vais m'en trouver un, là où je vais travailler, sinon j'en fabriquerai un.

Il se retourna enfin vers Selina, qui était entrée en refermant la porte derrière elle.

- Ton rendez-vous s'est bien passé alors ? Tu pars pour quelle planète ?

- Yep, comme sur des roulettes ! ça a même été très vite comparé au temps que j'ai mis pour l'obtenir, ce fichu rendez-vous !, plaisanta Niklas, je vais dans un système pas très loin, le système Zyrros. Je devrai avoir une dizaine de jour de voyage.

- Je ne connais pas..ça ne doit pas être un système très peuplé je suppose, dit Selina en se rapprochant de Niklas d'un pas léger.

- Non, du tout, il n'y a qu'un seul transport qui y passe apparemment, un vaisseau cargo de Mercurius. C'est celui que je vais prendre dans une semaine environ.

- Plus qu'une semaine parmi nous alors, dit Selina l'air triste malgré son éclatant sourire qu'elle affichait en permanence.

- Si je quitte cette endroit si tôt, c'est grâce à toi, tu fais beaucoup trop bien ton travail Sel, répondit Niklas en souriant de façon malicieuse.

- Il y a pourtant encore pas mal de traitements que je te réserve Niklas, lança l'infirmière en se penchant de manière suggestive pour lui prendre le dessin des mains.

- Vraiment ? Alors il va falloir que tu te dépêches, il ne nous reste que six jours ! S'exclama Niklas, feignant la surprise.

- Oh mais ça sera largement suffisant, si tu es sportif, s'esclaffa Selina avant d'embrasser passionnément l'ingénieur, qui en fut peu surpris.

C'était un jeu entre eux. Se tourner autour, jouer entre la relation patient/ infirmière et amant/ amante jusqu'à ce que l'un deux cède à ses désirs. Cela faisait des semaines que ça durait, pratiquement dès leur première rencontre. Chacun savait que ce n'était qu'une relation de passage sans attachement. Néanmoins, ils ne pouvaient pas s'empêcher d'éprouver un peu de tristesse devant leur séparation imminente. C'est pour cela qu'ils en profitèrent un maximum. Faisant l'amour à un rythme effréné, ils ne prenaient que de rares pauses, histoire de reprendre leur souffle. Cette passion dura toute la nuit. Cela leur attira, le lendemain, quelques commentaires grivois de la part des voisins les plus proches. Mais ils s'en fichaient, ils vivraient leur amour jusqu'à ce que la flamme se consume.