Si vraiment les dieux étaient justes, alors Stannis aurait un fils et héritier pour perpétuer sa famille, et sa fille n'aurait pas hérité de sa laideur, accentuée par les séquelles de la maladie qu'elle ne méritait pas d'attraper.

Mais les dieux n'existent pas, et Stannis n'a que sa fille pour héritière, et elle n'est pas ce qu'il lui faudrait.

C'est l'une des innombrables vérités cruelles de son existence, comme le fait que ses frères n'ont aucune estime pour lui. Shôren est une fille, elle est malade, elle n'est pas belle : elle n'est pas ce qu'il lui faudrait.

Mais le fait reste incontournable, elle est là. Elle est la seule des enfants de Stannis à être née vivante. Elle a survécu à la grisécaille qui aurait dû la tuer au berceau. Depuis sa venue au monde, elle a lutté pour y demeurer.

C'est étrange à dire, mais Stannis admire sa fille. Elle est peut-être laide, elle est peut-être une fille, mais elle n'en est pas moins une Baratheon. Elle a hérité leur force et leur entêtement – il ne voit pas d'autre raison pour sa survie, alors que toutes les chances étaient contre elle. Shôren pèse autant qu'une plume mouillée, elle ne peut pas soulever le marteau de guerre de Robert même en le prenant des deux mains, pourtant elle est aussi redoutable qu'Aegon le Conquérant.

Juste sur un champ de bataille différent – Shôren ne portera jamais l'armure, ne brandira jamais d'épée comme Visenya ou Rhaenyra, mais elle est loin d'être idiote. Elle passe ses journées à étudier – ce n'est pas comme si elle jouissait d'autres loisirs, d'accord – elle comprend l'importance du devoir, elle n'hésite pas à regarder la vérité en face.

Shôren n'est pas un fils, elle n'est pas ce qu'il lui faudrait, mais malgré cela, il ne pense pas qu'il pourrait l'échanger contre un héritier mâle si l'occasion vient à se présenter. C'est elle qu'il a reçue, après tout.

Il n'a peut-être pas eu de fils, mais il a reçu Shôren Baratheon. Il a reçu sa fille, et il ne le regrette pas.