Mayunaise le 21 juillet 2016
Chapitre béta-readé par mon amour de copine de mon cœur, Sacha poulpinette.
Bonsoir bonsoir ! Bienvenue sur ma fanfic de l'été 2016, qui met en scène, tout au long d'une huitième année, Hermione et Luna sur fond de Albus/Gellert... deux pairings qui hantent mon esprit depuis quelques temps. Les deux relations se nouent progressivement, comme en écho.
Fiche technique : Huitième année. Histoire reposant sur les 5 sens et composée de 5 chapitres/scénettes. Fanfic conforme au canon, mais EWE. Style beaucoup plus tendre et classique que dans mes précédents projets, mais probablement quelques comparaisons dérangeantes. Update tous les 10 jours.
Disclaimer : J'emprunte l'univers, les personnages et la trame de Harry Potter à JK Rowling. Je m'amuse avec et j'en tire bien des bénéfices, mais ceux-là ne sont pas d'ordre monétaire.
DU SENS ET DU DÉTAIL
Chapitre 1 : Une image qui demande à être observée
2 septembre 1998, matin. Au bord du lac.
En ce 2 septembre 1998, Hermione Granger aurait pu être confondue avec une héroïne romantique. Tout y était, ou presque : la chevelure détachée aux mèches folâtres, le grand arbre solitaire qui servait solennellement de dossier et le livre, accessoire indispensable, fixé d'un regard songeur. Aux pieds de la jeune fille, le Lac Noir s'étendait avec tranquillité, comme la peau luisante d'un gibier en attente d'un tanneur.
À bien y regarder cependant, les cheveux de Hermione ne voguaient pas librement au vent comme auraient pu le faire ceux de Catherine Earnshaw, car ils étaient plein de nœuds. L'arbre auquel elle était adossée n'était pas un noble et légendaire saule pleureur mais un frêne commun qui manifestait les premiers symptômes de la chalarose, maladie fongique dévastatrice. Quant au livre posé sur ses genoux, il n'avait rien d'un énième recueil de poèmes de John Keats, où figurerait inlassablement « Ode à l'Automne ».
Non, Hermione, le lendemain de sa rentrée en huitième année, à la pause de 10 heures, lisait Vie et mensonges d'Albus Dumbledore.
En fait, il était un peu présomptueux d'affirmer qu'elle lisait, étant donné qu'elle n'avait pas tourné une seule page de l'ouvrage depuis qu'elle s'était assise au bord du lac. Elle se contentait de regarder fixement le livre ouvert devant elle, comme s'il allait soudain prendre vie et répondre à toutes ses questions.
Soudain, un mouvement de l'autre côté du lac, à la lisière de la Forêt, attira son attention. Elle se força à ne pas lever les yeux, continuant obstinément à examiner la photo qui la tourmentait tant, mais c'était en vain. Elle n'arrivait plus à se concentrer.
Elle referma le livre de Rita Skeeter avec un mélange de regret et de soulagement, pour chercher du regard la chose qui venait de perturber sa méditation. Il lui fallut seulement un instant pour repérer la sorcière qui venait d'émerger de la Forêt Interdite et qui contournait désormais le lac pour rejoindre le château.
Si Hermione Granger tenait moins de l'héroïne romantique qu'on ne l'avait cru à prime abord, c'était aussi le cas de Luna Lovegood. Au loin, sa silhouette gracile s'intégrait doucement au paysage, à la façon d'un personnage impressionniste dont les contours ne seraient pas tout à fait nets. Ses longs cheveux blonds volaient derrière elle comme un voile de mariée défraîchi et sa robe aux couleurs de Serdaigle ondulait autour de ses jambes, s'enroulait sur son corps sans jamais l'étouffer.
Toutefois, plus la jeune fille approchait, moins elle avait l'air de surgir d'un drame romanesque du dix-neuvième siècle. Sa démarche était trop guillerette, ses chaussures trop crottées. Ses boucles d'oreille étaient trop lourdes, trop rondes, trop rouges, et son sourire rêveur était bien trop peu torturé.
Tout compte fait, si Luna avait du être issue d'une œuvre de fiction, celle-là n'aurait pas été un grand roman illustrant le Mal du Siècle mais plutôt une petite pièce de théâtre absurde. Tout comme Hermione, bien que son apparence soit éminemment romantique, son âme ne l'était pas.
Mais si le romantisme échappait à Hermione du fait de sa trop grande rationalité, il ne s'attardait pas sur Luna du fait de sa trop grande extravagance. L'une était trop sensée pour être dramatique, l'autre ne l'était pas assez.
En attendant, même si Hermione ne comprenait ce qui pouvait bien inciter Luna à accrocher des radis à ses lobes d'oreille, elle ne doutait pas de ses capacités intellectuelles et analytiques. Aussi, prise d'inspiration, l'interpella-t-elle d'un « Luna ! » hésitant, qui résonna faiblement dans la partie nord du Parc et qui laissa corbeaux et brochets totalement indifférents.
xXx
Luna sautillait gaiement, savourant l'air automnal qui agitait les arbres du Parc désert et qui faisait danser ses cheveux de blé autour de son visage.
L'écrasante majorité des étudiants avait choisi de passer la première récréation de l'année scolaire au chaud dans les couloirs du château. Ils étaient très probablement occupés à se raconter leurs vacances, à discuter de la reconstruction presque achevée de Poudlard ou à se plaindre de la simplicité de leurs nouveaux espaces de vie, s'il s'agissait de huitièmes années.
Qui donc se serait aventuré dans le Parc venteux, couvert d'un ciel orageux, alors que, quelques mois seulement après la Bataille Finale, tout le monde ne demandait qu'à être entouré de rires et d'amis ?
Pourtant, les mauvaises conditions météorologiques n'avaient ni dérangé ni découragé Luna, quand elle avait dû, un moment plus tôt, pousser de toutes ses forces la porte gauche du Grand Hall pour sortir dans le Parc. Les vagues de nuages sombres au dessus de sa tête et le souffle froid dans son cou ne l'avaient même pas fait hésiter, car ses amis l'avaient attendue tout l'été.
Qu'importent la couleur du ciel et la force du vent quand l'on manque à quelqu'un ! avait-elle songé en entrant dans la Forêt Interdite.
Après une courte visite aux Sombrals, qui lui avaient léché les bras avec fort peu de noblesse, Luna Lovegood retournait désormais vers l'école. Son deuxième cours de la matinée n'allait pas tarder à commencer et elle n'avait aucun envie de se faire remarquer en arrivant en retard. Elle devinait, avant même de la connaître, que la nouvelle professeure de Défense Contre les Forces du Mal ne serait pas disposée à écouter ses excuses.
Ainsi, Luna longeait le Lac Noir de son pas dansant le plus pressé, quand Hermione Granger, assise un peu plus loin, cria son prénom en agitant maladroitement la main.
Ravie d'avoir l'occasion de discuter avec une amie, Luna oublia immédiatement tout de son cours de Défense. Elle fit tourner avec enthousiasme son gouvernail mental et mit cap sur l'autre sorcière.
xXx
Dès que Luna commença à tourner sur elle-même comme un bateau qui vire subitement de bord, Hermione regretta de l'avoir appelée. Contrairement à Harry ou Ginny, la compagnie de la Serdaigle l'avait toujours mise mal à l'aise. Pouvait-elle feindre de s'être trompée ?
Mais Hermione avait récemment affronté des choses bien plus terribles qu'une camarade d'école un peu fantasque. Elle adressa donc son plus beau sourire à la sorcière qui s'était assise en tailleur à côté d'elle. Peut-être que discuter avec quelqu'un lui ferait du bien, peut-être que Luna Lovegood lui ferait voir les choses différemment.
– Salut Luna, dit-elle, une expression avenante imprimée à la hâte sur le visage.
– Salut Hermione, répondit Luna sans la regarder, en hochant poliment la tête en direction de la couverture de Vie et mensonges d'Albus Dumbledore.
La photo de l'ancien Directeur de Poudlard lui fit un clin d'œil amusé.
– Qu'est-ce que tu faisais toute seule ? demanda gauchement Hermione.
Sa question était-elle indiscrète ou méprisante ? Avait-elle eu l'air de dire que Luna n'avait pas d'amis ? Luna allait-elle se lever et courir vers le château, en sifflotant « God Save the Queen », les bras écartés comme un enfant qui fait l'avion ?
– Je n'ai pas été seule longtemps, dit la Serdaigle d'un air perplexe, sans s'apercevoir que Hermione était en pleine crise de paranoïa. Dans la Forêt, j'ai rejoint des amis. Et près du Lac, je t'ai rejointe, toi. Mais toi, que faisais-tu toute seule ?
– Je... bafouilla Hermione, prise au dépourvu.
Hermione voulait bien croire que les Sombrals n'étaient pas des êtres maléfiques. Elle était assez intelligente pour savoir qu'aucune créature n'était essentiellement mauvaise ou inférieure et que, la plupart du temps, les mythes alimentaient les mythes. Néanmoins, les chevaux squelettiques aux ailes translucides qu'elle avait vus à la tête des calèches la veille au soir pour la première fois ne lui avaient pas semblé particulièrement amicaux.
– Je n'étais pas seule non plus. Avec un livre, on n'est jamais seul, improvisa-t-elle.
Luna accueillit sa philosophie de comptoir comme une réponse valable et enchaîna :
– Poudlard ne mourra jamais, n'est-ce pas ?
Hermione acquiesça, en suivant le regard de Luna. Toutes deux passèrent plusieurs secondes à parcourir des yeux la face nord du château, survolant les fenêtres, les couloirs extérieurs, les tourelles et les gargouilles avec affection.
xXx
Hermione, quoique piètre dessinatrice, aurait pu dessiner la forme générale de Poudlard de mémoire. Quant à Luna, elle en connaissait tous les détails. Dans son année, elle seule avait remarqué, par exemple, qu'une des pierres qui soutenait la tour d'Astronomie était en réalité une pierre tombale.
Elle seule avait eu assez de patience pour compter toutes les meurtrières qui s'égrenaient sur les murs. Bien entendu, Hermione n'ignorait pas que le château en comptait entre 234 et 241, selon si l'on considérait certaines fentes comme faisant office de meurtrières ou de fenêtres étroites, mais elle l'avait lu dans L'Histoire de Poudlard. Elle-même n'avait jamais pris le temps de procéder à un relevé méthodique des ouvertures. Cela lui aurait valu un torticolis à coup sûr.
– Poudlard sera toujours là, assura Hermione et son cœur se serra malgré elle.
Dans le Poudlard Express, elle s'était promis de ne pas se laisser affecter par la solitude et voilà que le lendemain, elle se sentait déjà prête à pleurer.
Elle n'en voulait absolument pas à Harry et Ron d'avoir préféré intégrer directement la formation pour devenir Aurors, plutôt que de revenir avec elle à l'école. Après tout, c'était pour eux une chance inouïe. Ils auraient été idiots de rejeter l'offre de Shacklebolt et ce n'était pas comme si leurs ASPICS allaient leur être d'une quelconque utilité... c'était ce qu'elle leur avait répété en boucle tout l'été, par écrit et de vive voix.
Il n'empêche que, pour la première fois depuis qu'elle avait onze ans, elle se sentait seule à Poudlard. Certes, Harry, Ron et elle s'étaient de nombreuses fois disputé et il n'était pas rare qu'elle passe de longs mois en solitaire. Cependant, le simple fait de savoir que les deux garçons n'étaient pas loin et qu'elle avait à tout moment la possibilité d'aller leur parler et de se réconcilier avec eux lui avait toujours fait un bien fou.
C'était égoïste et injuste de sa part de désirer admirer la façade si familière de Poudlard avec eux. Merlin savait combien la vision du château aurait pu leur faire du mal. Derrière ces murs, sur ces dalles, des personnes qu'ils aimaient été mortes quatre mois auparavant et aucune Reconstruction n'annulerait jamais ce fait. Les souvenirs seraient toujours là pour témoigner de ce qui a été et de ce qui n'est plus.
Hermione avait conscience que Harry et Ron avaient perdu bien plus qu'elle, le 2 mai 1998. Et pourtant, même si Lupin, Tonks, Fred, Colin et Snape avaient perdu la vie au sein de l'école, elle aurait pensé que Harry, lui entre tous, serait revenu. Il avait toujours dit que Poudlard était sa première, sa seule maison. Il avait toujours affirmé qu'il appartenait à Poudlard.
Hermione venait tout juste de réaliser qu'il s'était toujours mal exprimé – mais n'était-ce pas dans sa nature ? Ce qui avait séduit le très jeune Harry Potter, ce n'était pas tant le château en tant que tel que les personnes qui l'habitaient. Hantée par des morts qu'il chérissait, l'école ne lui plaisait plus.
Hermione, elle, aimait sincèrement Poudlard. Elle aimait son architecture, son histoire, son fonctionnement. Mais elle admettait aisément que, sans Harry et Ron pour l'arpenter avec elle, le château aux contours sévères l'intimidait presque.
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– Ce n'est pas pareil sans Harry et Ronald, n'est-ce pas ? soupira Luna. Harry a toujours été très gentil avec moi. Ronald se moquait souvent de moi mais ce n'est pas grave. J'espère qu'ils vont réussir tous les deux... Et j'espère aussi que l'on va passer une belle année à Poudlard, toi et moi, car même si nous n'avons jamais fait de soirée pyjama ensemble, nous avons toutes les deux expérimenté quelque chose de douloureux au Manoir Malfoy.
Après un court silence, Luna ajouta :
– Heureusement que Ginny est là, elle aussi. Elle est ma seule autre amie à Gryffondor.
Hermione ne voulait pas parler de Ginny. Depuis que Harry lui avait avoué qu'il ne reviendrait pas à Poudlard en septembre et qu'il ne souhaitait pas se remettre avec elle, Ginny avait pris ses distances avec Hermione.
Les deux filles n'étaient pas en mauvais termes : Ginny n'avait jamais laissé une seule des lettres de Hermione sans réponse, elle lui avait fait un bisou quand elle était arrivée au Terrier pour la dernière semaine d'Août et elle lui avait même appris un sortilège de protection intime.
Cependant, elle reprochait secrètement à Hermione de ne pas avoir cherché à faire changer Harry de décision. Ce blâme tacite, qui avait profité de chaque silence gêné et de chaque regard blessé pour s'exprimer, était un poids dont Hermione se serait bien passé.
Son séjour au Terrier s'en était trouvé considérablement moins confortable et c'était avec un grand plaisir qu'elle avait découvert la veille que les huitièmes années ne partageraient pas les dortoirs des septièmes années. Elle n'aurait pas pu survivre à un an d'accusations muettes mais oppressantes.
Bref, comme penser à Ginny ne faisait que l'agacer, Hermione décida de changer de sujet au plus vite en posant enfin la question qui l'avait poussée à interpeller Luna.
– Est-ce que je peux te poser une question ? demanda-t-elle en entortillant une de ses mèches de cheveux sur son doigt.
– C'est une question à propos de la vérité, dit Luna, sans point d'interrogation.
– A vrai dire... non, répondit Hermione, en faisant tout son possible pour garder un air neutre. C'est une question à propos des Reliques de la Mort.
Luna l'observait d'un air aimable, mais son esprit semblait tout ailleurs. Hermione se rappela soudain que Xenophilius Lovegood ne connaissait pas les trois artefacts légendaires sous ce nom, ce qui pouvait peut-être expliquer l'absence de réaction de la Serdaigle.
– Tu sais, les trois objets du conte des trois frères. La cape d'invisibilité, la baguette de sureau et la pierre de résurrection...
– Tu te trompes.
Luna, la tête rejetée en arrière, observait le soleil qui se démenait pour percer la couche opaque de nuages.
– Bien sûr que non, protesta Hermione, irritée. La cape, la baguette et la pierre. Comment pourrais-je me tromper ?
– Tu te trompes, répéta Luna. La question que tu voulais me poser, c'était une question à propos de la vérité. Tu ne m'aurais pas fait sécher un cours de Défense pour parler d'un conte de Beedle le Barde, non ?
– Tu as cours ? s'exclama Hermione, effarée. Je suis désolée, je ne pensais pas que... holala, la pause est terminée depuis longtemps, tu ferais mieux de te dépêcher !
– Tout dépend. Si ta question concerne le conte des trois frères, effectivement, il vaudrait mieux pour nous deux que j'y aille, car je ne pourrais t'être d'aucune aide. Tout ce que je sais, je le tiens de mon père. Et toi, tout ce que tu sais des Reliques de la Mort, comme vous les appelez, tu le tiens de mon père et d'Albus Dumbledore, souffla Luna, en adressant un nouveau sourire à la photo qui ornait la biographie de l'ancien Directeur.
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– Que crois-tu que tu puisses m'apprendre sur la vérité ? Peut-on vraiment poser des questions sur la vérité ? L'idée de vérité n'implique-t-elle pas seulement des réponses ? s'interrogea Hermione à voix haute, en se demandant si elle ne perdait pas son temps avec Luna Lovegood.
Mais l'air décidé et serein de Luna l'empêcha de couper court à leur étrange conversation. Si la Serdaigle détenait une information dont elle n'avait pas connaissance, Hermione n'allait pas passer à côté sous prétexte que leur dialogue ne suivait pas un cours rigoureusement ordinaire.
– Je crois que ta question et tes réponses sont dans ce livre, dit Luna, en pointant l'ouvrage que Hermione avait posé sur son sac.
– Le livre de Rita Skeeter, dit Hermione, dubitative. La vérité, dans ce qu'elle a pu écrire ?
– Je connais bien Rita Skeeter, je l'ai rencontrée une fois, aux Trois Balais.
– J'étais là. C'est moi qui ai organisé cette rencontre, lui rappela Hermione, ente amusement et exaspération. Vous ne vous êtes pas beaucoup parlées, si je peux me permettre.
– Les Sombrals ne parlent pas beaucoup. Nous sommes pourtant amis, répliqua Luna.
Hermione faillit soupirer devant cette implacable logique.
– Bon, montre-moi les réponses, alors, demanda-t-elle à voix basse, comme un étudiant qui triche à un examen.
Si elle s'attendait à ce que Luna lui dise que pour obtenir des réponses, elle devait au préalable formuler une question, elle fut déçue. La Serdaigle s'empara du livre sans hésiter et l'ouvrit grand sur ses genoux. Elle le feuilleta lentement, plissant parfois les yeux, marmonnant de temps à autre. Elle finit par le tendre de nouveau à Hermione.
– Le mieux serait que tu cherches toi-même. Il y a là dedans une image qui demande à être observée, mais je ne trouve pas laquelle. Toi, tu n'auras aucun mal à la faire apparaître... Car c'est toi qui l'as gorgée de toute cette Magie.
Comment Luna pouvait-elle savoir ? Quelle sensibilité à la Magie elle devait avoir, pour avoir deviné qu'une des pages du livre avait été l'objet de bien plus d'attention que toutes les autres !
Hermione, après un intense moment de cogitation, ouvrit le livre à la photo qu'elle observait tout-à-l'heure avec tant de concentration. Elle scruta le visage de l'autre sorcière avec curiosité, attendant d'y capter l'expression d'une révélation fulgurante.
Qu'allait penser Luna de cette photo ? Quelles réponses éclairantes allaient bien pouvoir sortir de nulle part, alors qu'aucune question n'avait encore été posée ?
– C'est donc cette photo-là ! dit Luna d'un ton chantant, en se penchant vers le livre, grand ouvert sur les genoux de la Gryffondor.
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Le cliché représentait deux jeunes sorciers de seize ou dix-sept ans, marchant l'un à côté de l'autre et riant aux éclats. Ils semblaient être les meilleurs amis du monde et pourtant... quelque chose, dans cette photo apparemment banale, n'avait cessé de chiffonner Hermione depuis qu'elle était retombée dessus par hasard, en faisant sa valise pour Poudlard, quelques jours plus tôt. Et ce quelque chose, elle n'arrivait pas à dire ce que c'était.
Était-ce les vêtements à la fois formels et décontractés arborés par les jeunes Albus Dumbledore et Gellert Grindelwald ? Était-ce l'étrange coupe de leur pilosité faciale, qui témoignait d'une mode disparue ? Ou encore l'arrière-plan de l'image, où l'on reconnaissait un pan d'église et un bout de stand de fruits et légumes ?
Non, évidemment, tous ces éléments étaient trop flagrants... Ils contribuaient à l'ambiance générale de la photo. Sans les robes portées avec désinvolture, sans les poils douteusement répartis sur les deux visages épanouis, sans les tomates et les carottes esquissées au fond de la photo, celle-là n'aurait jamais semblé aussi ordinaire. Toutes ces choses faisaient que le cliché n'aurait pas paru déplacé dans un vieil album poussiéreux, rassemblant des scènes de la vie quotidienne qui n'intéressaient que ceux qui y figuraient.
En tout cas, c'était là la première impression que Hermione avait eue de cette photo. A l'époque de la chasse aux Horcruxes, elle n'avait accordé qu'un rapide coup d'œil aux nombreuses images parsemées dans Vie et mensonges d'Albus Dumbledore, consacrant toute son attention au texte qu'elles accompagnaient.
Pourtant, aujourd'hui, la photo de Gellert Grindelwald et Albus Dumbledore adolescents lui semblait fausse, comme si elle cachait un truc ou un trucage. Quelque chose lui échappait, mais quoi ?
Mais voilà bien l'épineux problème : Hermione n'était pas douée pour les détails. Elle était une personne terriblement synthétique. Ce qu'elle aimait, c'était les formes générales, les formules d'Arithmancie applicables à tous les cas, ou presque. Elle éprouvait pour les généralités une immense admiration. La vérité ne résidait-elle pas dans l'idée intransigeante de loi ?
Bref, les exceptions, les accidents, les événements non-nécessaires et toutes les petites choses superflues, accessoires ne l'intéressaient pas. Pourquoi perdre son temps avec des détails inutiles qu'elle ne pouvait pas maîtriser ?
Tandis que Luna observait la photo de Dumbledore et Grindelwald comme si sa vie en dépendait – elle était tellement absorbée par l'image en noir et blanc que Hermione craignit un instant que ses yeux globuleux ne s'échappent de leurs orbites, roulent sur le papier et échouent dans le tapis de feuilles mortes – la Gryffondor détourna la tête du livre pour la regarder.
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Luna aurait décidément pu être une jeune fille romantique. Elle avait pour elle la silhouette fragile et évanescente, la traîne lisse et blonde, le visage et les poignets graciles. Si à ses oreilles n'étaient pas pendus des radis, si de son sac ne dépassaient pas ses sempiternelles lorgnospectres ! Mais alors, elle serait une jeune fille ordinaire...
Cette idée ne plaisait pas à Hermione. Est-ce que cela voulait dire que sans ses accessoires, Luna n'était plus Luna ? Cela paraissait très radical.
Profitant du fait que la Serdaigle contemplait toujours aussi attentivement la photo, Hermione détailla son visage, à la recherche de ce qui faisait que Luna ne pourrait jamais être une autre personne qu'elle-même.
Pour la première fois, Hermione remarqua que la blonde sorcière avait l'œil gauche plus petit que l'œil droit et que cela était encore plus flagrant quand elle avait les yeux baissés, comme c'était justement le cas.
La Gryffondor n'était pas sans savoir que l'asymétrie physique était loin d'être exceptionnelle et qu'elle était d'ailleurs la norme – elle-même avait un sein plus gros que l'autre et un pied légèrement plus fort que l'autre – mais ce détail, sur le visage raffiné de Luna, lui sauta soudain aux yeux.
Comment n'avait-elle pu jamais s'en apercevoir ?
Hermione continua à observer furtivement son amie. Maintenant qu'elle savait plus ou moins quoi chercher, elle n'eut aucune difficulté à dénicher les petites singularités qui faisaient que Luna était un individu unique, comme chaque être vivant et même chaque minéral sur la Terre.
La Serdaigle clignait trop lentement des yeux. Les poils de ses sourcils étaient très courts, presque drus. Dans sa bouche à peine entrouverte, ses dents n'étaient pas vraiment alignées et ses incisives supérieures se chevauchaient, ce qui ne pouvait que choquer la fille de dentistes que Hermione était.
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– Pourquoi as-tu verni un seul de tes ongles ? demanda finalement Hermione.
– Pourquoi n'as-tu verni aucun de tes ongles ? répondit Luna, sans quitter la photo des yeux, sans même ciller.
– Tu vas rêver de cette photo cette nuit, si tu continues à la regarder, dit la Gryffondor, ne sachant que répliquer. Alors, qu'est-ce que tu en penses ?
– Je n'en pense rien, il n'y a rien à imaginer. Les faits sont là. Tout est là, dans ce rectangle, expliqua Luna, en traçant du doigt le cadre qui délimitait la photo imprimée.
– Je ne vois rien de spécial ! lâcha Hermione, dépitée. Cette photo est si banale mais elle retient mon attention, pour une raison inconnue. Ça me rend folle.
– Chaque photo est unique, même celles qui sont tirées en grand nombre. Le Dumbledore et le Grindelwald de cette image ne sont pas exactement les mêmes que ceux d'un autre exemplaire, la corrigea Luna, en consentant enfin à regarder Hermione dans les yeux.
Ses pupilles, deux trous noirs dévorant le bleu de ses iris, se rétractaient lentement.
– Certes, c'est comme ça pour les photos sorcières. J'imagine que dans un autre Vie et mensonges, Dumbledore et Grindelwald quittent souvent leur photo, se grattent parfois la tête ou pratiquent d'interminables parties de jeu de la barbichette. Mais pour les photos moldues, toutes les copies sont identiques, argumenta Hermione.
– Je ne comprends pas comment deux objets différents, qui occupent deux places différentes dans l'espace, pourraient être un même objet, dit Luna sur le ton de la confession. Tu as sûrement raison, Hermione, car tu es la sorcière la plus intelligente que je connaisse !
– Bon, revenons-nous en à cette photo ! D'accord, tu n'en penses rien, mais qu'est-ce que tu y vois, alors ?
– C'est si simple, soupira Luna. Cette photo montre leur première rencontre.
– Je ne te crois pas, bredouilla grossièrement Hermione. Ils ont l'air si complices !
– Les écailles ne font pas le dragon, proclama Luna, comme si un proverbe était un argument d'autorité. Comme tu dis, ils ont l'air complices, et un air n'est qu'un air...
– Tu ne te bases sur rien, la photo n'est pas datée.
– Il suffit d'un regard attentif pour qu'elle révèle ses secrets.
– Je l'ai regardée ! Et rien ne me porte à croire que–
– Tu n'as pas regardé comme il faut. Là, tu vois ? dit Luna en posant son majeur sur la photo.
Hermione trouvait le fait de pointer quelque chose avec un autre doigt que l'index particulièrement impoli. Ce n'était pas tant parce que tendre le majeur était un geste obscène dans nombre de pays européens, mais plutôt parce que ça allait contre l'ordre établi.
Mais comme Luna Lovegood n'avait jamais pris en compte l'ordre établi, Hermione accepta cette bizarrerie de plus et regarda ce que la jeune fille lui montrait.
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Au début, elle ne nota rien d'extraordinaire. Le bras jeune et non veineux d'Albus Dumbledore se balançait sagement le long de son corps, comme le font tant de bras quand leurs propriétaires ne savent trop qu'en faire. Puis, Hermione crut surprendre un infime mouvement, quelque chose de furtif, presque sournois, une sorte de tressaillement. Après une dizaine de secondes, elle en était désormais convaincue : elle avait sous les yeux un mouvement avorté.
Albus semblait sur le point de poser la main sur l'avant-bras de son compagnon. C'était comme si son cerveau avait donné l'ordre à son bras de bouger, mais qu'il s'était ravisé au dernier instant. Et, pour toujours dans la biographie de Rita Skeeter, on pourrait voir ce signe d'indécision.
Mais qui d'autre que Luna et Hermione y avait jusque-là prêté attention ? C'était si insignifiant, si ridicule... ça aurait pu passer pour un tic ou un frisson, peut-être même pour un geste d'inconfort.
Luna avait pourtant raison. Ce mouvement indécis et stérile était un indice clair de la distance qui séparait les deux jeunes hommes. Ils n'étaient pas encore complices. Il était fort probable qu'ils venaient tout juste de faire connaissance et que, oublieux, trop pris dans leur discussion, Albus Dumbledore avait cru une seconde qu'ils étaient de vieux amis.
Hermione et Luna regardèrent longuement la photo ensemble, penchées sur elle comme deux enfants sur un jeu de l'oie. Et plus elles la regardaient, plus le monde autour d'elles perdait de sa consistance, jusqu'au point où les seules choses qui existaient à leurs yeux appartenaient à la petite fenêtre photographique.
Au bout d'un certain temps, les deux jeunes filles étaient si détachées de leurs corps et du Parc que c'était comme si elles avaient plongé la tête dans une pensine. Et la scénette qui se déroulait en noir et blanc sur le papier avait tellement envahi leur esprit qu'elle aurait tout aussi bien pu se passer pour de vrai, devant leur nez, qu'elles n'y auraient vu que du feu.
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L'intérêt poli avait succédé dans le dos d'Albus, sans qu'il n'y prenne garde, en une authentique fascination. L'ennui relatif qu'il avait ressenti quand Bathilda Bagshot l'avait invité à prendre le petit-déjeuner chez elle, en compagnie de son petit-neveu qui allait passer quelques temps au village, n'était plus qu'un lointain souvenir.
Grindelwald – Gellert –, d'un an son cadet, était un sorcier accompli. Loin d'être un adolescent boudeur envoyé de force chez un parent éloigné et projetant de gâcher son été à fulminer sur l'injustice de la vie, il séjournait à Godric's Hollow de son propre choix.
Selon ses dires, l'exploration de l'illustre village semi-sorcier, ainsi que l'impressionnante bibliothèque de sa grande-tante ne pourraient qu'enrichir ses connaissances. Car Gellert était un garçon passionné de recherches.
Depuis qu'Albus l'avait rencontré dans le salon confortable de Bathilda, une heure plus tôt, son estime pour lui n'avait pas cessé d'augmenter. Gellert s'exprimait bien, il avait la conversation facile et des manières exquises. Toutefois, ce qui faisait son charme, c'était qu'il n'essayait pas de dissimuler son talent et son intelligence derrière une modestie vaine et artificielle.
Il était imbu de lui-même, cela se sentait à la manière affectueuse, presque condescendante, dont il parlait du niveau médiocre de ses anciens camarades à Durmstrang. Mais il ne s'était pour l'instant jamais montré vulgaire ou méprisant. Au contraire, avant de parler de ses propres travaux, il avait vanté les écrits de Bathilda, complimenté la qualité de son thé et n'avait pas manqué de féliciter Albus pour les nombreux prix et récompenses qu'il avait obtenus ces six derniers mois.
Il avait lu un grand nombre des articles que l'ancien Gryffondor avait écrits pour diverses revues renommées, et il lui en avait même cité des morceaux de mémoire, d'un air appréciateur et admiratif. Il était si bien renseigné sur le parcours d'Albus qu'il semblait avoir préparé leur rencontre. C'était bien entendu une idée insensée.
Quand Albus avait exprimé sa gêne devant tant de flatteries de la part d'un inconnu, Gellert lui avait répondu qu'il n'aurait pas été honnête de sa part de feindre ne pas le reconnaître.
– Bathilda, bien entendu, m'a plusieurs fois parlé de toi, Albus. Mais quiconque se tient au courant de l'avancée de la Magie, qu'elle soit théorique ou pratique, ne peut passer à côté de tes thèses. Je suis certain que tu continueras à faire de grandes choses, des choses encore plus importantes, des choses qui vont changer le monde.
Cette prophétie, dans la bouche de n'importe quel autre garçon de seize ans, aurait fait sourire Albus. Mais Gellert parlait de son avenir avec tant d'assurance que l'ancien Gryffondor oublia complètement que son tour du monde avec Elphias ne se réaliserait jamais car, son père étant à Azkaban et sa mère étant morte, c'était à lui que revenait la tâche de s'occuper d'Ariana et d'Aberforth.
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Bathilda, enchantée de les voir si bien s'entendre, leur proposa d'aller faire un tour tous les trois au village. Elle avait des petites courses à faire et cela serait une occasion pour Gellert de prendre ses repères à Godric's Hollow. Albus n'ayant rien de prévu ce jour-là – et jubilant secrètement à l'idée de poursuivre leur débat sur l'impact des récentes découvertes en Magie Élémentaire –, menait la marche avec enthousiasme.
Tout en réfléchissant à un moyen de contrer les ingénieux arguments de Gellert, il le fit passer par les ruelles les plus pittoresques, attirant son attention sur les points d'intérêt, les monuments remarquables et distançant, sans le vouloir, Bathilda Bagshot qui ne s'en formalisait pas.
Elle trottinait derrière eux, se réjouissant de voir le jeune Gellert si calme, si attentif. Elle ne pensait pas que son petit-neveu avait mauvais fond, loin de là, mais force était de constater que son renvoi de Durmstrang, une école pourtant réputée pour son excessive tolérance envers les infractions au règlement, ne pouvait pas être anodin.
Gellert avait d'ailleurs pris soin d'éviter le sujet, lui répondant toujours à côté, avec une expression si glaciale qu'elle avait dissuadé Bathilda d'insister. Depuis qu'il était gamin, il avait toujours su garder ses secrets bien enfouis. Et, sans jamais montrer les crocs, il grognait tout bas, décourageant quiconque tentait de l'amadouer avec des sucreries ou une promesse de silence.
Albus ignorait encore tout de l'instabilité de son interlocuteur. Sous le soleil estival, devant l'église de Godric's Hollow, Gellert lui paraissait l'ami idéal, l'égal qu'il avait désespéramment attendu à Poudlard et qui n'était jamais venu. Enfin, son futur lui semblait moins sombre, moins grossier, maintenant qu'il avait rencontré un sorcier digne de lui !
– Dire que tu rêves de quitter Godric's Hollow et que moi je compte bien y vivre un moment ! C'est amusant, non, comme nous pouvons souhaiter des choses différentes, alors que nous nous comprenons si bien sur tant de points, dit Gellert en riant.
Il riait facilement. Il faisait tout facilement et, en sa présence, le monde paraissait soudain plein de possibilités. Il avait l'aura d'un enfant unique, élevé comme s'il était le centre autour duquel l'univers tout entier était organisé... contrairement à Albus. Il était exactement le genre d'entités lumineux que l'ancien Gryffondor avait toujours désiré être.
– Tu es enfant unique, Gellert ? demanda Albus, pour vérifier sa théorie.
– Je n'ai pas de famille, répondit joyeusement Gellert. Je me suffis à moi-même.
Albus n'osa pas le contredire mais il jeta un regard sur Bathilda, qui choisissait ses légumes avec le soin d'une quarantenaire célibataire.
– Pour former une famille, il faut bien plus que des liens de sang, dit Gellert, qui avait surpris le coup d'œil que son compagnon avait lancé à sa grande-tante. Ne te trompe pas, j'ai beaucoup de respect pour Bathilda. Mais toi entre tous, tu dois comprendre ce que c'est que d'être né dans une famille où personne ne comprend tes projets ou ne les évalue à leurs justes valeurs.
Albus n'eut même pas la présence d'esprit de se demander s'il était vraiment judicieux de se confier à un quasi-inconnu. Il en avait gros sur la patate et finalement, quelqu'un prêt à l'écouter lui était tombé dessus ! Il n'allait pas se priver... il bénissait déjà Merlin de lui avoir envoyé Gellert, une étoile pour le guider, une lueur pour trouer la nuit noire.
– Mon frère... mon frère n'a jamais approuvé mon projet de tour du monde, même avant ce qui est arrivé à notre mère, raconta-t-il. Il ne comprend pas pourquoi j'aspire à d'autres horizons, à d'autres cultures. Il fait l'apologie de la vie simple, rustique et il est ouvertement satisfait de me savoir retenu ici, à Godric's Hollow. Et maintenant, mon voyage ne se fera jamais et mes projets... Oh, je ne dis pas que la santé d'Ariana ne m'inquiète pas, évidemment ! Il y a simplement un âge où l'on veut se prouver à soi-même ce que l'on vaut, où l'on rêve de vivre pour soi et pour ses désirs.
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Gellert opina du chef. Il savait déjà tout de l'histoire des Dumbledore, car sa grande-tante, en plus d'être une importante historienne de la Magie, était aussi une fabuleuse commère. Toutefois, le fait qu'Albus ait déjà suffisamment confiance en lui pour lui raconter des choses aussi personnelles l'excitait agréablement. C'était un long frisson dans sa colonne vertébrale, une tension délicieuse dans ses orteils : un tendre sentiment de pouvoir.
Il choisit d'orienter la conversation vers un sujet plus léger car son objectif n'était plus de soutirer, l'air de rien, une confession déprimée d'Albus Dumbledore mais de le faire rire. Il n'avait pas ni le temps ni l'envie de respecter le protocole en s'embarrassant des formalités d'usage. Faire tout doucement ami-ami ne l'intéressait pas car il avait jeté son dévolu sur le fils aîné des Dumbledore et il était du genre têtu. Comme d'habitude, il obtiendrait ce qui lui était dû.
Dans trois jours, tout au plus, ils seraient inséparables et Albus ne pourrait plus envisager sa vie sans lui. Et ce serait pareil pour Gellert, évidemment, qui serait bien idiot s'il se passait de l'amitié et du soutien d'un sorcier aussi brillant.
Albus riait, désormais, et ses petits yeux bleus se plissaient compulsivement, et il penchait la tête en avant, comme pour se retenir d'exposer sa gorge. Ce n'était pas qu'il était gêné de rire trop ouvertement devant Gellert. Albus, Gellert l'avait compris au premier coup d'œil, n'était tout simplement pas du genre à s'esclaffer. Gellert se mit lui aussi à rire de bon cœur, la tête rejetée en arrière, la bouche grand ouverte, comme un trou noir sous l'étincelant soleil.
Bathilda, les voyant ainsi si complices, dégaina son appareil photo magique, un modèle inspiré du Brownie Kodak moldu, visa les deux jeunes gens et appuya sur le bouton. Albus et Gellert ne s'étaient aperçus de rien, tant l'action avait été simple et efficace. C'était précisément cette facilité d'utilisation qui avait fait l'immense popularité de la série Brownie.
Quand la sorcière recevrait ses tirages, une semaine plus tard, elle ne remarquerait pas le mouvement avorté de la main d'Albus. Elle ne verrait que leurs visages rieurs, se dirait qu'ils étaient décidément faits pour s'entendre et placerait la photo encadrée sur le manteau de sa cheminée, où elle resterait jusqu'à ce que, un siècle plus tard, une journaliste répondant au nom de Rita Skeeter ne s'en empare.
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Hermione battit rapidement des paupières. Il lui arrivait très rarement de se laisser ainsi aller à la rêverie mais, assise dans l'herbe à côté de Luna, elle s'était trouvée absorbée dans des spéculations. La photo qu'elle connaissait désormais par cœur avait-elle été prise par Bathilda, le jour de la rencontre de Dumbledore et Grindelwald ?
Elle ne le saurait certainement jamais mais la photo... oui, la photo, telle une fenêtre sur le passé, avait bien voulu lui livrer quelques semblants de réponses. Il avait suffi, comme l'avait promis Luna, de la regarder comme il fallait.
– Nous ferions mieux de retourner au château ! croassa-t-elle, après avoir jeté un coup d'œil à sa montre. Tu as raté la première heure, mais si nous partons tout de suite, tu seras à l'heure pour la second.
Elle rangea son livre dans son sac et se leva précipitamment, soudain prise d'un besoin de bouger et de laisser derrière elle l'histoire d'Albus et Gellert. Cela s'était passé il y avait tant d'années, à quoi bon remuer la poussière et exhumer les souvenirs ?
– Si ce qu'il y avait entre le Professeur Dumbledore et Monsieur Grindelwald t'intrigue tant, je pourrais te présenter des amis à moi, lui proposa Luna, en se levant à son tour.
– D'ac... d'accord, hésita Hermione. D'accord, si tes amis ne sont pas les Sombrals !
– A la prochaine sortie à Pré-au-Lard, alors ! lui cria Luna, qui était déjà en route vers le château.
Hermione la regarda faire un, deux, trois tours sur elle-même, tituber comme si elle était ivre, recommencer à tourner sur elle-même et, finalement, franchir les portes du Grand Hall avec son insouciance caractéristique.
– A la prochaine sortie à Pré-au-Lard, répéta Hermione à voix haute, avant de se mettre elle aussi en chemin.
Elle marcha inconsciemment dans les pas de Luna Lovegood qui, bien que probablement déjà assise dans une salle de classe, dansait encore pour Hermione dans le Parc désert, comme un fantôme, une hallucination ou un souvenir.
A Suivre...
Chapitre 2 en ligne le 31 juillet 2016
Voilà, voilà ! Comme un premier chapitre est toujours délicat, qui plus est sur des pairings peu courants, n'hésitez pas à laisser un avis ou un petit mot pour me dire ce que vous en pensez.
