C'est très court, et ça n'est pas spécialement appelé à connaitre une suite, mais je choisis quand même un Rating M parce que j'estime que l'inceste en lui-même est un concept dérangeant, et que si il y a une suite, elle sera forcément ratée M, me connaissant. J'avoue à corps défendant que j'aime beaucoup ce couple Cersei/Jaime, même si les personnages en eux-même sont assez odieux dans la réalité du bouquin/de la série, parce qu'ils ont seulement eu la malchance de naître frère et soeur, jumeaux de surcroît, et d'être condamnés sans l'avoir même mérité à ne jamais vivre leur amour, pourtant bien plus fort que tout, aux yeux de tous, emprisonnés par ce tabou qu'est l'inceste.
C'est très modeste, aussi, pas spécialement de grande qualité, mais tout mot est le bienvenu, sincèrement. Le trône de fer m'a redonné envie d'écrire, et c'est pourquoi je pose ces quelques lignes avec une grande joie.
J'écoutais "Monuments and melodies" d'Incubus en écrivant, et je pense que c'est un bon accompagnement.
N'oubliez pas : l'hiver arrive.
Au loin, la ville se mourait. De ci, de là, des volutes de fumée noir s'élevaient dans le ciel, et les reliefs de la citadelle, qu'elle avait appris à connaitre, n'étaient plus les mêmes. Elle savait qu'à chaque bâtiment détruit, à chaque émeute correspondait son lot de morts, mais elle avait depuis longtemps appris à brider son cœur. Elle ne pouvait pas se permettre de pleurer des inconnus, elle ne pouvait pas se permettre de les pleurer alors que sa propre fille était bien trop loin d'elle, alors que son fils ainé était la cruauté incarnée, et que tout ceci était de sa faute.
Elle ne l'aurait reconnu pour rien au monde. Aucune torture, aucune menace, aucune promesse ne l'aurait jamais amenée à prononcer la moindre phrase en ce sens.
Elle savait comment on la voyait. Il lui suffisait de voir le regard que Tyrion posait sur elle. Mi-désolé, mi-honteux. Gêné d'être le frère d'une femme qui passait pour cruelle, avide de pouvoir et de richesse, manipulatrice à l'excès, lui qui pourtant était si laid que les yeux se détournaient depuis toujours, lui qui pourtant était fourbe et malin comme le renard.
Elle avait beau nier en bloc, prendre ses airs les plus outragés, Cersei était effrayée. Les gens étaient si proches de la vérité, ils la prononçaient, jusque dans les campagnes les plus reculées. Même les Greyjoy en parlaient entre eux, de cette inceste qui aurait donné naissance à un roi blond, adolescent, cruel bien qu'à peine sorti de l'œuf.
Alors, debout sur le balcon qui surplombait Port-Real, elle oublia l'odeur de mort qui venait obstruer ses divines narines, et la désolation que ses yeux voyaient, mais n'enregistraient déjà plus. Depuis longtemps, elle avait appris à fuir le réel, le présent, pour se souvenir de scènes idylliques qui n'appartenaient qu'à elle et à Jaime.
Dans sa mémoire, tout était beau, il n'y avait nulle ombre au tableau. Elle se souvint de cette époque bénie des dieux, les Nouveaux comme les Anciens, où ils n'avaient pas d'autre soucis que de cacher leur tendresse mutuelle aux yeux des autres habitants du château : leurs parents, les domestiques, et toutes ces personnes qui baissaient les yeux sur leur passage mais n'en épiaient pas moins leurs moindres faits et gestes.
Elle se souvint de ce jour magnifique, au début du printemps, où elle n'avait encore aucune idée de ce que sa vie serait. Elle s'était réveillée au petit matin dans le lit de Jaime, collée contre son corps, et avait ris lorsqu'il avait resserré ses bras autour d'elle, grognant dans son sommeil de mécontentement : il ne voulait jamais la laisser partir. Elle l'avait embrassé, au coin des lèvres, trop chaste encore pour oser poser franchement ses lèvres pleines sur les siennes, en tout point identiques, à l'exception du léger duvet blond qui picotait un peu, qui la chatouillait, aussi, parfois, et trop proche déjà de la pente raide pour se contenter d'un baiser sur la joue.
Et puis, elle avait quitté la chambre, sur la pointe des pieds, resserrant sur elle sa robe de nuit, se cachant dans l'ombre pour éviter d'être vue, empruntant les couleurs les moins fréquentés. Cersei connaissait parfaitement le château, et des années de nuits secrètes passées en compagnie de Jaime l'avaient habituée à se déplacer sans être ni vue, ni entendue. Peu lui importait de poser ses pieds à même le sol, elle aimait sentir le danger si proche, et le tromper à chaque fois. C'était tout aussi bon que de se blottir dans les bras de Jaime, et ainsi, elle avait le sentiment de le mériter.
Tous les deux avaient toujours eu une relation privilégiée. Aimés, chéris par leurs parents depuis leur enfance, les jumeaux avaient été accueillis comme une bénédiction. Une seule âme pour deux corps. Comment Cersei aurait-elle pu être quelqu'un d'autre que la parfaite version masculine de son frère ? Là où il maitrisait déjà plus que parfaitement les bases du combat, se battait au corps à corps comme personne d'autre, faisait voltiger son épée avec la légèreté du vent, elle utilisait son intelligence, l'acérait sans la moindre pitié, et combattait avec la même opiniâtreté que lui sur un terrain peut-être différent, mais pas moins dangereux.
Cersei se revoyait courir dans une prairie proche du château, le plus vite possible, et pouvait presque sentir les doigts de Jaime frôler son dos, ses cheveux, alors qu'il tentait de la rattraper. Elle fuyait, se faufilait, agile et au comble de la joie, le forçait à s'épuiser un peu plus, lui qui avait passé la journée à s'entrainer au maniement de l'épée, lui qui était déjà fourbu et qui souffrait déjà de mille courbatures, et même si elle ne souhaitait qu'une chose, être rattrapée, elle continuait, ignorant le point de côté qui la lancinait et son souffle court : elle voulait voir jusqu'où il était prêt à courir pour elle, jusqu'où il était prêt à la poursuivre, et chaque jour, elle courait un peu plus loin, l'obligeait à se dépasser un peu plus.
Et il courait. Jamais il ne se plaignait, jamais il ne se fâchait, pas plus qu'il ne manquait le moindre de leurs rendez-vous clandestins. Il courait, lui laissait un peu d'avance, puis la rattrapait, lorsqu'il sentait que c'était le bon moment. Il n'aurait pas su expliquer pourquoi c'était cet instant et pas un autre, toujours est-il que jamais il ne se trompait. Ils roulaient dans l'herbe, lui riant, elle tentant de se dégager, mais il sentait, il savait qu'elle n'aurait voulu être ailleurs pour rien au monde. Elle avait toujours été ainsi Cersei : difficile à approcher, à apprivoiser, et lui était la seule personne au monde à avoir la chance de tenir à la fois son corps et son cœur entre ses mains. Et c'était une promesse qu'il avait faite, la plus solennelle qui soit, peut-être alors qu'ils étaient encore dans le ventre chaud de Lady Joanna, que de ne jamais la blesser, jamais l'abandonner, jamais lui donner la moindre raison d'être déçue de lui. Il avait toujours su que sans l'amour de Cersei, était un homme mort.
Elle était belle, allongée sous lui, elle n'était que lumière et grâce, allongée dans l'herbe, ses longs et soyeux cheveux blonds étalés sur le sol et reflétant la lumière du soleil. Ses grands yeux verts, posés sur lui, et la moue faussement boudeuse qu'elle affichait, le mettant au défis de faire le moindre geste, et sa gorge à peine dénudée, le plein de sa poitrine naissante et le léger galbe que cela formait. Il resta un long moment à la regarder, la dévorant, la buvant, la respirant du regard, et ses doigts s'approchant de sa peau sans jamais vraiment la toucher, comme si ç'avait été trop, comme si ç'aurait été la mettre en danger de la toucher, comme si elle avait pu disparaitre au moindre contact.
D'autres qu'elle, il le supposait, auraient détourné le regard, tourné la tête et offert leur plus beau profil, rougissant délicatement et exprimant leur immense gêne. Cersei n'était pas de cette engeance. Elle le regardait sans rougir, le fixait sans la moindre honte, sans la moindre fausse pudeur. Elle l'avait vu nu des tas de fois, et n'avait jamais hésité à se montrer dépourvue du moindre vêtement devant lui, alors pourquoi aurait-elle rougit d'être ainsi regardée par lui ?
Ses bras commençaient à fatiguer, alors s'approcha-t-il et effleura-t-il les lèvres pleines de sa sœur, avant de se laisser tomber près d'elle, sur le dos, le regard fixé au ciel. Les mots étaient superflus, inutiles. Ils savaient le genre de problèmes qu'ils auraient eu s'ils avaient été surpris ici, mais ne pouvaient s'empêcher d'en prendre le risque, jour après jour, priant silencieusement pour qu'il ne vienne à l'idée de personne de se demander ce que frère et sœur pouvaient bien faire chaque jour dans la forêt. Père ne disait rien, et parfois, Jaime s'était demandé s'il ne se doutait pas de quelque chose, avant de reléguer cette idée à la folie, sachant que si quelqu'un risquait de se montrer sans pitié avec eux, c'était bien lui.
Ce fut Cersei qui prit sa main dans la sienne, entrelaça leurs doigts, et serra, serra, aussi fort qu'elle le pouvait, le mettant au défis de se dégager, de fuir ses ongles de jeune femme qui s'enfonçaient dans la chair de ses paumes endolories par l'épée. La vie près de Cersei était un combat constant, un défi qui jamais ne prenait fin.
C'est un après-midi comme celui-là, qu'ils s'embrassèrent réellement pour la première fois, que leurs corps réagirent avec ferveur à ce contact nouveau qui les emplissait d'un empressement jamais connu auparavant, jamais imaginé jusque dans leurs rêves les plus secrets. C'est aussi un après-midi comme celui-ci qu'ils se dévêtirent l'un devant l'autre, parfaitement conscient que cette fois-ci, ça n'avait plus rien d'un jeu, et que rien ne serait jamais plus comme avant. Ils scellèrent cet amour interdit, touchèrent le corps de l'autre et apprirent à le connaitre tant et si bien qu'ils auraient pu le reconnaitre les yeux fermés, rien qu'à son odeur après l'amour, rien qu'à la texture de la peau au creux du coude, ou à la saveur de l'épiderme au creux du cou. Ils se promirent en silence qu'ils seraient tout l'un pour l'autre, jusqu'à la mort, que même s'ils n'avaient pas droit au mariage, que même s'ils n'avaient aucun droit à la moindre légitimité, rien ne mettrait jamais fin à leur amour qui faisait paraître les chansons ridicules et fades.
Eux aussi auraient mérité qu'on chante leur histoire d'un bout à l'autre du monde, qu'on admire leur courage et leur mépris du danger, les sacrifices qu'ils avaient été prêts à faire l'un pour l'autre, et à ce que les petites filles rêvent d'être la Cersei d'un Jaime qui pourtant n'existait qu'en un seul lieu : dans le cœur de la vraie Cersei.
Elle baissa le regard et cacha un sourire, se retira du balcon et clotura cet instant de faiblesse et de nostalgie sur une pensée qui la rassurerait toujours : où que soit Jaime à cet instant, chacun des pas qu'il faisait, chacune des pensées qu'il avait ne pouvait être que pour elle, elle le savait, pour une raison très simple.
Ses propres pensées n'étaient tournées que vers lui. Leur amour était interdit ? Alors elle gagnerait le droit, par le sang, la trahison, le meurtre, la torture, l'empoisonnement, la manigance et la tromperie, d'aimer son frère jumeaux. Peu lui important que ses propres enfants ne la comprennent pas. Ils étaient le fruit de leur amour, et lui apportaient la certitude qu'elle était dans son bon droit.
