Note de l'auteur :
Sorte de policier d'ambiance, sur fond de surnaturel comme il apparaîtra par la suite, cette histoire est noire, pas franchement gaie et présente des personnages entretenant des relations ambigües. Quant aux romances, elles s'installeront progressivement. Sentez-vous libre de critiquer à votre guise, ou d'ajouter des éléments, ou de conjecturer sur le pourquoi du comment !
Amicalement,
Solange S.-C.
Les vivants et les morts : AU Policier/Mystère/Fantastique Lorsqu'Hermione Granger, devenue une journaliste un peu désabusée, se retrouve suite à un accident coincée sur l'île d'Asphodèle, elle décide de passer le temps en retraçant une histoire de disparitions de cadavres vieille de dix ans, affaire que tout le monde dit élucidée. Aussi, lorsqu'elle croit croiser dans la rue une des victimes, en vie, apparemment sans aucun souvenir de sa mort supposée et souriante, elle pense avoir des hallucinations. Mais pourquoi l'étrange Monsieur Riddle, patron de l'île et adoré de tous, semble-t-il toujours revenir dans la conversation ? Et qui est cette jeune femme si pâle, aveuglé par le soleil, qu'il promène toujours à son bras et qui semble ne jamais sortir seule de sa propriété ? Même le vieil Albus Dumbledore pourrait bien ne pas savoir répondre à ces questions lorsque la frontière entre les vivants et les morts semble de plus en plus fragile.
"…how sad, no way
to change the mad
cultivated asphodel, the
visible reality...
and skin's appalling
petals-how inspired
to be so Iying in the living
room drunk naked
and dreaming, in the absence
of electricity...
over and over eating the low root
of the asphodel,
gray fate..."
« …il est si triste, nul moyen
de transformer la folle
asphodèle cultivée, la
réalité manifeste…
et de la peau les effroyables
pétales – si inspiré
d'être ainsi étendu dans le salon
ivre nu et rêvant, en l'absence
d'électricité…
encore et encore mangeant la basse racine
de l'asphodèle
grise destinée… »
Allen Ginsberg (traduction réalisée par mes soins)
Chapitre 1 : Des vies accidentées
Il y a une vingtaine d'années de cela, Hermione Granger avait choisi de devenir journaliste. Elle s'était rêvée en grand reporter, imaginée dans de lointains pays, risquant sa vie, faisant preuve d'héroïsme, sublime et torturée.
Sa famille l'aurait courageusement soutenue, ses enfants tremblants pour elle et son mari l'accueillant à son retour par de grandes embrassades et un tendre baiser au front. Il lui aurait murmuré qu'il l'aimait et qu'il était fier d'elle, et elle aurait versé une petite larme. Elle la voyait encore maintenant dans ses rêves, cette scène d'unité et de beauté, cette tranche d'une vie qui aurait pu, qui aurait dû, être la sienne.
Elle se reconcentra, et chassa d'un revers de main un moucheron qui était venu se coller à sa joue, passant par la fenêtre entre-ouverte de la voiture. La chaleur était étouffante. La route, droite, si droite, droite dans cette fichue forêt, lui semblait n'en finir jamais. Elle n'avait croisé personne depuis déjà plusieurs kilomètres. Par une belle journée comme celle-ci… Au diable le beau temps. Quelques oiseaux lui semblaient la narguer, et la voiture peinait un peu, peu habituée aux longs trajets et à la chaussée mal entretenue. Elle ferma les yeux une seconde.
Lorsqu'elle les rouvrit elle se trouva violemment aveuglée par la lumière.
Comme un éblouissement. Elle appuya sur le frein, et il lui sembla que la voiture déviait. Hermione donna un brusque coup de volant sur la droite. La voiture chancela, un crissement. Frein, frein, frein. Bon sang. Le moteur rugit et s'arrêta d'un coup. La voiture fit comme un bond, et Hermione sentit sa tête cogner contre le volant.
Immédiatement, elle se redressa et poussa un cri de frustration en frappant le tableau de bord du véhicule désormais immobile. Elle se força à inspirer, expirer, doucement, et chercha son portable dans son sac sur la banquette arrière
Pas de réseau. Hermione ferma les yeux un instant, essaya de remettre le contact, sans résultats. Alors, elle enleva sa veste, en tirant un peu sur les manches, prit son sac, et laissa les clés à l'intérieur sans fermer la voiture.
Elle commença à s'éloigner sur la route à pieds, et jeta un rapide coup d'œil à la voiture arrêtée en plein milieu de la voie. Elle soupira. Il ne semblait pas voir âme qui vive à la ronde. Le magazine de voyage pour lequel elle travaillait maintenant depuis quelques années l'avait d'ailleurs envoyée pour cette raison à Asphodèle. Une île isolée, complètement inconnue, au large des côtes normandes, lieu paradisiaque aux yeux de leurs lecteurs sédentaires et des citadins en mal d'horizons. Ce n'était pas vraiment Bora-Bora pourtant, ce paysage plat, ces plages inexistantes et remplacées par des falaises, des falaises à perte de vue. Il semblait qu'une main invisible avait placé Asphodèle au-dessus du niveau des eaux, et que ses habitants s'élevaient vers les cieux – c'est du moins ce qu'elle avait noté négligemment dans ses brouillons, alors qu'elle était coincée dans un café. Il pleuvait des cordes ce jour-là. Hermione se rappelait avoir pensé que c'était peut-être ça la véritable raison de cette surélévation, juste pour éviter la noyade collective.
Évidemment, elle n'allait pas noter ça dans son article. Ce n'était pas vraiment ce que Draco, son directeur de rédaction, attendait d'elle. Draco. Il était allés ensemble au lycée, lui, plutôt du type de toutes les soirées, elle, différente. Pleine d'ennui et de mépris pour ceux qui l'entouraient. La sensation de passer ses journée entourée d'un brouillard humide qui lui transperçait les os et glaçait ses pensées. Elle se souvenait de ce qu'elle pensait alors. Je peux attendre. Dans deux ans, dans un, je leur montrerai. Ailleurs, dans une plus grande ville, on me donnera ma chance. Je sais, je sais que j'écris bien, j'aime ça, j'ai une certaine sensibilité, je lis bien les gens. J'aurais des entrevues en tête-à-tête où je révèlerais vraiment les âmes. Je mènerais des enquêtes qui libéreront les hommes. Je serais libre, je serais bien, je serais heureuse, je serais comprise.
Et puis, et puis tout ne s'était pas vraiment passé selon ses rêves. Elle agaçait les autres, toujours à remettre en question les instructions, jugeant ce qu'ils faisaient superficiel, critique de ce qu'on lui faisait faire, et toujours, toujours les mettant mal à l'aise. Ils sentaient son mépris, ces Autres, ils sentaient confusément ce qu'elle savait : qu'il n'étaient pas de la même race, pas du même bois, qu'elle, elle était au-dessus de la nuée, que comme cette fichue île, elle les surplombait.
Ils le sentaient, mais ils n'auraient pas su l'exprimer. Ils étaient comme ces lions qui voyant que les leurs grandissent et prennent de la puissance, les chassent de la horde, de crainte qu'ils ne prennent leur place. Et elle, elle était déjà plus grande, plus forte qu'aucun d'entre eux, et ils ne pouvaient l'accepter. Elle était de la race des grands. Des combattants.
Et Hermione s'était battue, longtemps, stylo bic en guise d'arme, elle les avait haïs, maudits, chaque jour se levait la rage au bord des lèvres, les narines frémissantes. Et puis, un jour, Draco, Draco qui était l'un d'Eux, l'avait croisée par hasard. Et il lui avait tendu la main. Elle était fatiguée, avait mal dormi, plusieurs piges en retard, pas eu le temps de se coiffer, ni de véritablement s'habiller convenablement, et pour la première, toute première fois de sa vie, elle avait eu honte et elle avait baissé les yeux, pour ne pas croiser son regard, pour pouvoir prétendre ne pas l'avoir vu, sentant son cœur battre dans sa poitrine.
Elle qui lui crachait au visage quand ils étaient si jeunes, elle qui… Mais il lui avait tendu la main. Et elle l'avait saisie, confusément, sans sentir ce serpent qui s'enroulait autour de son cœur, cette dette, ce mélange amer de rancœur et de gratitude mêlées, sans comprendre que cette main la tirait vers le bas, la faisait chuter avec lui, toucher Terre à nouveau, elle qui avait été si proche des Cieux.
Une petite calèche touristique était passée juste derrière eux à ce moment et elle s'était retournée en entendant tinter les grelots à l'encolure des chevaux. Ils portaient des œillères.
Elle avait murmuré :
« Ces chevaux…
- Ravi de voir qu'après tant d'années, la seule chose qui te préoccupe est extérieure à ma personne. Je sais que tu m'as toujours pris pour un terrible narcissique, mais tout de même Granger, tu blesses mon pauvre cœur fragile. Tu as l'air terrible. Laisses-moi deviner, tu travailles comme une dingue et tu n'as pas le temps de … »
Le reste de sa tirade s'était perdu pour elle, et elle l'avait simplement regardé sans l'entendre, ses yeux lourds un peu écarquillés, comme s'il était une sorte d'hallucination. Cela aurait pu être le cas, elle calculait probabilité plutôt élevée. Jusqu'à sa proposition de travailler pour lui. Elle avait haussé les épaules, et accepté, parce qu'après tout, il allait disparaître, cette invention de sa conscience, et cela semblait amusant.
Et le lendemain, Draco-l'hallucination l'avait appelé et il s'était avéré que Draco-l'hallucination-n'était-pas-une-hallucination. Et elle s'était retrouvée à travailler pour son stupide magazine de voyage, à écrire ces mêmes articles insipides qu'elle fustigeait plus jeune, « 20 paradis », « Les nouvelles merveilles du monde », « Où passer votre hiver au soleil », « Passez un Noël typique au Pôle Nord », ce genre de conneries.
Hermione commençait à avoir mal aux pieds à force de marcher. Ses chaussures de ville lui sciaient les chevilles et en équilibre sur une jambe, elle les retira. Pieds nus, le béton de la route l'enflamma.
Elle devait bien avoir fait deux kilomètres, elle aurait dû au moins trouver une borne d'appel d'urgence, ou une habitation.
Il lui sembla voir un petit sentier qui s'enfonçait dans la forêt et elle le prit, avançant gauchement, les pieds piqués par des épines, le sac à l'épaule et ses chaussures dans une main. Le chemin s'agrandit finalement, fait de petits graviers blancs, semblant bien entretenu et elle poussa un soupir de soulagement tandis qu'un léger sourire venait éclairer son visage neutre.
Le sentier, bordé de fossés des deux côtés, descendait et menait à une ancienne ferme aux volets verts, une grande cour pleine de mauvaises herbes y menant.
« Bonjour ! Bonjour, excusez-moi, je… Il y a quelqu'un ? Il y a quelqu'un ? »
Un vieillard aux cheveux et à la barbe blanche, étrangement habillé d'une sorte de cape à carreaux multicolores apparut. Il portait sur la poitrine un étrange médaillon rond, de l'ivoire peut-être, lisse et non sculpté.
« Ah, Madame, dit-il avec un large sourire, vous êtes pieds nus.
- Je, oui, oui, c'est vrai, hum, en vérité j'étais sur la route, et je ne sais pas, ma voiture ne démarre plus, peut-être une panne de batterie. Enfin, dans tous les cas, je voulais savoir si je pouvais utiliser votre téléphone pour essayer d'appeler une dépanneuse ?
- Pour le téléphone, bien sûr, bien sûr, je vous en prie, mais… Je vous en prie, entrez, ne vous gênez pas, je suis navré, les tommettes sont un peu froides au sol, et ce salon est décidément trop sombre. Mais vous savez, avant, c'est ainsi que l'on faisait, de gros murs épais et pas trop de fenêtres, les déperditions de chaleur, sinon, et puis, c'est une vieille dame cette ferme, pas une antiquité bien sûr, mais tout de même, tout de même. Asseyez-vous, asseyez-vous, je vous en prie. N'ayez pas peur, n'ayez pas peur, je sais, tous ces bibelots, mais si vous en cassez un ou deux ce n'est pas grave, cela devait arriver. Oui, je disais, pour la dépanneuse, je crains que nous n'ayons pas vraiment cela sur l'île, votre voiture risque de rester là un certain temps avant que nous ne puissions la ramener en ville. Mais bon, ne vous faites pas de bile, il n'y a pas vraiment de passage de ce côté d'Asphodèle. A part Monsieur Riddle et moi, je crois bien que personne ne vit ici. Trop isolé vous comprenez, et puis, toute cette forêt, certains trouvent ça oppressant, et puis certains ont encore en mémoire, enfin… alors que plus au Sud, toute notre petite élite locale est rassemblée, ils organisent des concerts, quelques festivals, c'est plus vivant, très certainement. Vous avez déjà pu visité ? Car j'imagine que vous n'êtes que de passage ?
- Ah, oui, j'étais venue pour mon travail vous savez, j'écris… J'écris pour un magazine de voyage et bien sûr…
- Oui, bien sûr, le mystère de la ténébreuse Asphodèle, tout ça vous aura attiré ! »
Il lui fit un clin d'œil amusé mais elle pensa un instant qu'il se moquait d'elle.
« Non, vraiment, à moins que les disparus décident de vous prendre votre voiture à la tombée de la nuit, vous n'avez pas de soucis à vous faire. Je peux vous servir quelque chose ? Une tasse de thé ?
- Non, merci Monsieur…
- Dumbledore. Albus Dumbledore.
- Oui, c'est très gentil à vous et en d'autres circonstances… Mais par contre si je pouvais téléphoner ? »
Un léger gémissement empêcha Dumbledore de répondre, comme une longue plainte, venant de l'étage de la ferme, là où avant que le vieil homme ne s'installe, il y avait dû y avoir un grenier à foin. Hermione se leva brusquement.
« Oh, je suis navré, rasseyez-vous, rasseyez-vous chère Madame, ce n'est rien. Mon petit-fils… »
La voix de Dumbledore s'était adoucie, et avait ralenti comme pour ne pas froisser la délicate créature qui avait pu produire un tel son.
« Mon petit fils est très malade voyez-vous. La plupart du temps, il dort, mais quelquefois il se réveille ainsi, et il a des visions, causées par la fièvre, des migraines terribles, et son front lui semble en feu, comme si un éclair lui passait à travers le crâne. C'est un si gentil garçon. Il est encore tôt, mais le soir, il est parfois très lucide, et c'est un grand compagnon. Il vous écoute avec attention, sans dire mot, et tout d'un coup, il vous dit ce qu'il voit, de sa voix si douce, si douce, ah, c'est un si gentil garçon. »
Un silence. Hermione ouvrit la bouche mais le vieillard reprit.
« Vous voulez bien m'excuser ? Je vais monter voir… Le téléphone est dans la cuisine si vous le voulez, juste à côté des marches, sur votre droite, vous devriez trouver. »
Elle hocha la tête et il disparut dans un froissement d'étoffes arc-en-ciel et de senteurs citronnées laissant la pièce comme soudain obscurcie. Hermione eut l'impression que l'air même s'était alourdi, et que la chaleur, qu'elle avait un instant oubliée, décuplait.
Laissant ses chaussures et son sac près de la cheminée encombrée de papiers vers laquelle était orienté le fauteuil sur lequel elle s'était assise obéissant à l'injonction de Dumbledore, elle rentra dans la petite cuisine, un peu vieillotte, avec ses anciennes plaques à gaz et son évier jauni.
Sur le combiné, les chiffres étaient à moitié effacés.
« Draco ? Oui, j'ai eu un accident, non rien de grave. Juste pour… Non, je n'ai rien, problème de batterie je pense. Mais bon, au beau milieu de nulle part, sur cette fichue île, je ne sais pas combien de temps ça va me prendre de rentrer, je pensais du coup, si on pouvait décaler… Oui, je sais que ce n'est pas urgent mais je tenais à te prévenir… Oui, eh bien réjouis-toi que je sois très professionnelle plutôt que de te moquer, blaireau…Non, je ne veux pas de congés, de vacances, non, je te dis, je, Draco ? Draco ? Il m'a raccroché au nez. »
Elle plissa les yeux, exaspérée, regarda avec fureur le téléphone et chercha dans sa poche la carte de son hôtel.
« Oui, bonjour, Hermione Granger, oui c'est ça la journaliste, je voulais savoir s'il serait possible de prolonger mon séjour, j'ai eu un accident de voiture et… Non tout va bien. Ah, oui merci, tant mieux, oui, mais par contre… Oui, exactement, si quelqu'un pouvait venir me chercher, ahah c'est très aimable à vous merci. Alors je ne sais pas exactement, au nord, dans la forêt d'Erèbe, j'ai suivi une longue route droite, et… Oui, c'est ça. Ah non, je vous appelle d'un fixe, j'ai marché jusqu'à… Non, pas Monsieur – comment dites-vous ? Monsieur Riddle ? Non. Oui c'est ça, Albus Dumbledore, tout à fait, ah c'est gentil merci. »
Hermione raccrocha tandis que Dumbledore descendait les marches dans le même, lui offrant un large sourire. Ses traits étaient creusés, son teint un peu cireux, remarqua-t-elle à présent qu'elle y prêtait véritablement attention, et ses yeux, bien que pétillants, étaient cerclés de noir. En même temps, songea-t-elle, s'il passe son temps à veiller son petit-fils, il a des chances d'être claqué.
Elle lui sourit en retour.
« Alors Madame, cette tasse de thé ? »
L'envoyé de l'hôtel était finalement arrivé près de deux heures après qu'elle lui ait téléphoné, et après lui avoir fait ses adieux et l'avoir remercié, Hermione avait laissé Albus Dumbledore derrière elle, pressée de partir après avoir entendu une histoire de trop sur sa jeunesse.
« C'est un drôle de type, pas vrai ?, lui dit l'employé qui conduisait.
- Hum ?
- Dumbledore ! C'est un drôle de type, nan ? Je veux dire, me faites pas dire ce que j'ai pas dit, hein, il ferait pas de mal à une mouche mais c'est un peu un original quand même. Avec ses grigris partout là, son talisman à la poitrine, vous savez que c'est taillé dans le crâne d'un fou, moi ce genre de truc ça me dégoûte mais bon, il est superstitieux, le vieux. Le genre qui croit aux esprits, tout ça. A ce qu'il parait, à l'époque des disparitions, il croyait que c'était un coup des esprits de la forêts ou je sais pas quoi. Il est gentil, hein, mais il débloque pas mal faut dire.
- Des disparitions ?
- Ah oui, c'est sûr vous sur le Continent vous savez pas, c'est sûr qu'on en a pas trop parlé même à l'époque, ça sortait pas d'Asphodèle, sinon, scouic, plus de touristes, et là à l'hôtel, déjà qu'en ce moment la saison est pas terrible, alors imaginez avec c't'histoire…
- Oui, oui, j'imagine. Quelle histoire ?
-Eh bien… »
L'envoyé se redressa légèrement face au volant et baissa d'un ton, ce qu'Hermione trouva proprement ridicule. Elle leva intérieurement les yeux aux ciels.
« Y'a une dizaine d'année, on a eu beaucoup beaucoup, mais franchement beaucoup de morts d'un coup. Enfin, c'est surtout que c'était pas des gens qui devaient mourir, vous voyez. Des gosses, mêmes, et tous, tous ou presque, ça ressemblait à des accidents, mais horrible hein, parfois, et puis un jour ça s'est arrêté au bout de, je sais pas, deux mois, un truc comme ça. Et là, un peu plus tard, on laisse passer un petit bout de temps, et cette fois ci, trois cadavres à nouveau, mais cette fois, y'en avait bien un sur les trois si vous voulez mon avis, qui était pas si accidentel que ça. Alors bien sûr, c'est la panique, les gens flippaient vous comprenez, parce que bon, sur l'île on est quoi, deux, trois cent mille ? C'est pas mal, c'est clair, mais bon, quand même, c'est une île. Et donc à chaque fois on trouvait les cadavres dans la forêt d'Erèbe, et puis, fallait bien les laisser au début, pour enquêter, tout ça. Mais tout d'un coup, il disparaissent, pfioout, plus de cadavres.
- Vous voulez dire qu'après avoir été découverts, ils semblaient s'évaporer ?
-Oui, c'est ça, le truc, c'est que bah, y'avait un cadavre, ils inspectent et tout leur truc, et puis je sais pas quelqu'un regarde pas, et là, plus de cadavre. Pour le premier, c'était comme ça. Et puis, le second, ils ont trouvé du sang en patrouille dans la forêt, mais l'hémorragie hein, vraiment la fille s'était vidée de son sang, mais que dalle, pas de corps, rien. Et le troisième, pareil. Ça vous fait froid dans le dos pas vrai ? Enfin, vous inquiétez pas, ils ont choppé le type, un détraqué, il a tout avoué, s'est présenté au Commandant un jour et il a tout tout dit. Il a juste pas révélé ce qu'il avait fait des corps, alors c'est sûr, ça fait toujours jaser un peu.
- Votre Commandant, il est toujours en exercice ?
-Ah non, ils l'ont muté, plus haut poste, promotion, vous pensez après une telle affaire. Monsieur Riddle lui avait confié ses doutes sur le type, c'est sûr, un vrai héros Monsieur Riddle, mais bon, c'est quand même le Commandant qui a fait l'job.
- Et ce fameux Monsieur Riddle, c'est un ami de Dumbledore aussi c'est ça ? Quel est son rôle ici au juste ?
- Vous n'avez pas rencontré Monsieur Riddle ? Ah, ça m'étonne, en général les journalistes il s'arrange toujours pour leur souhaiter la bienvenue. Un grand homme, ça, un grand homme. Il dirige le Ministère. Vous savez, nous avons un statut plus ou moins indépendant ici, et Monsieur Riddle, si vous voulez, c'est notre Président. Il a beaucoup fait pour l'île, vraiment, sans lui, Asphodèle serait toujours miséreuse. Ah, on arrive, vous voulez que je vous accompagne ou-
- Non, ne vous inquiétez pas, je vais me débrouiller. »
Hermione claqua la portière et monta les marches du petit hôtel de la ville d'Ybris, une espèce de chambre d'hôte familiale dont la gérante lui tapait sur les nerfs. Elle se voyait plutôt mal passer ici encore trois semaines, mais puisque Draco lui avait forcé la main… Et puis, elle pourrait toujours essayer d'en profiter pour faire le point. Peut-être écrire un papier sur ces histoires de disparitions, sûrement, il y avait bien un journal que ça intéresserait, si le chauffeur n'avait pas exagéré. Elle eut un sourire crispé pour la gérante, une grosse femme aux cheveux artificiellement bouclés et blonds, Ombridge quelque chose, sale bonne femme obséquieuse, et après avoir récupéré sa clé, monta dans sa chambre et se jeta sur le lit sans se déshabiller. Peut-être allait-elle enfin dormir.
