Joyeux Noël ! Ce matin, je me suis dis qu'à défaut d'un drabble, vous voudriez une petite surprise... Voici donc pour vous le premier chapitre de ma fic UA sur Rogue et Yukino. La suite sera postée le 19 janvier (et encore, le 19 janvier ce devait être le poste du premier chapitre !). Pour l'histoire, la SPPS organise une RoYu week (donc une semaine pour écrire du Rogue X Yukino) et c'était au départ un OS sur le thème "UA" qui a fini en fic à plusieurs chapitres (un peu comme Pour toi...). Le titre pourrait bien changer en cours de route, donc si vous avez des suggestions ou des commentaires, n'hésitez pas.
J'aimerai que ce ne soit pas le cas mais Fairy Tail appartient à Mashima et pas à moi (si c'était le cas, pas mal de détails auraient changé) mis à part quelques OCs dont Yuna ! Autre petit point technique : on est d'accord que Sorano, c'est Angel ! En tout cas, dans ma fic...
Je remercie également du fond du coeur ma complice Hudgi Ny qui fait la bêta (le premier qui va tenter de la soudoyer pour savoir la suite est privé de chocolat !) et qui trouve toujours de merveilleuses idées pour les fics...
Dernier point technique (après j'arrête, promis !) : j'essaierai de vous indiquer avant certains chapitres des subtilités de la "bienséance" ou des règles qu'on ne connait pas forcément pour ne pas vous perdre. Pour ce chapitre, sachez qu'une jeune fille de bonne famille ne doit pas se promener sans chaperon et toujours avoir des gants et un chapeau lorsqu'elle sort. Pour ce qui est des vêtements, les couleurs claires sont réservées aux célibataires (sauf enterrement ou deuil), les plus sombres sont pour les femmes mariées, tout comme les bijoux.
Edit du 21/04/16 : cette histoire est maintenant disponible en téléchargement pour que vous l'ayez directement sur votre ordi sans passer par le site. Je vous invite à vous rendre au tout dernier chapitre, le 45 où il y a un petit mot vous expliquant comment l'avoir gratuitement et en quelques clics ;)
Bonne lecture et joyeux Noël !
Yukino se baissa pour éviter de se cogner la tête tout en continuant de trottiner à un bon rythme. Elle avait repéré ce passage rocheux plusieurs mois auparavant dans cette partie peu explorée de la ville souterraine et l'avait arpenté dans tous les sens jusqu'à le connaitre comme sa poche. Si bien qu'elle le parcourait maintenant à toute vitesse malgré le peu de lumière apporté par sa lanterne, sans se soucier du qu'en-dira-t-on.
Aujourd'hui, les dragons revenaient à la nouvelle capitale. Alors que le royaume était criblé de dettes et sur le point de mourir avec des ennemis à sa porte, le roi avait trouvé des alliés inattendus : les dragons. Ces reptiles géants avaient accepté de donner une partie de leurs innombrables richesses afin de sauver le royaume contre un certain nombre de privilèges : la fin de la chasse des leurs, l'interdiction de les tuer pour utiliser leurs organes à des fins médicales et des propriétés pleines de bétails. Parce qu'un dragon, c'était comme un chat. Un gros flemmard qui aimait bien quand la nourriture arrivait servie sur un plat d'argent, garni de pierres précieuses de préférence.
Et suivant sa manie de tourner autour des riches et des puissants, la Cour avait migré vers la nouvelle capitale, creusée dans la roche, plus adaptée aux dragons, bien qu'un certain nombre les déteste ouvertement. On trouvait rarement plus hypocrite que les nobles. Ils n'avaient cessé de râler quand, au printemps, les dragons étaient, pour la plupart, partis pour s'accoupler. Maintenant qu'ils revenaient, tous étaient là, pour les accueillir dans l'espoir de se faire voir et d'être remarqué par les dragons. Les reptiles regardaient la ville qui avait profité de leur absence pour finir d'être décorée, l'air étonné. Mais ils passaient, insensibles.
Yukino, elle, de sa galerie ouverte qui surplombait la ville, les admirait. Le spectacle de la lumière brillant sur les écailles ne cessait de la faire rêver. Alors elle avait joué la malade ce matin pour échapper au troupeau et gagner son perchoir. Ses parents avaient été ravis de laisser à la maison leur fille cadette qui aurait dû être un garçon, si maladroite qui semblait décidée à ne pas se marier et à finir vieille fille chez sa sœur afin de se débarrasser des conventions sociales pour passer son temps à lire. A lire ! Vous rendez-vous compte ?
Cette idée plaisait bien à Yukino. Ainsi, elle pourrait rester avec sa sœur adorée et ne pas être obligée de supporter un homme qui ne voudrait d'elle que des héritiers mâles. Aussi était-elle ravie que tout le monde l'ignore aux bals et que sa maladresse légendaire lui garantisse le célibat. Elle détestait l'idée de devoir épouser un vieil homme veuf plusieurs fois ! Elle voulait aussi pouvoir profiter de ses neveux et nièces qui tardaient à venir afin de pouvoir les choyer, comme sa sœur l'avait choyée. Elle leur raconterait des histoires, les garderait le soir quand leurs parents devraient sortir…
Elle sortit de ses pensées en entendant des voix dans son dos. Elle posa sa lanterne et se retourna, prête à s'enfuir. Le fait de se retrouver dans une ville en partie creusée dans la roche avait valu à la mode, cet instrument de torture social, de s'assouplir. Les corsets étaient moins serrés et les femmes avaient le droit de porter des pantalons longs sous leurs jupes plus courtes ou fendues afin de bouger un peu plus facilement. Et même si beaucoup de femmes nobles tentaient de garder en vie l'ancienne mode, Yukino parcourait la ville de long en large autant qu'elle le pouvait.
-Sting-sama.
Et elle se réfugia derrière une révérence. Il n'était pas compliqué de reconnaitre Sting Eucliffe. Blond aux yeux bleus, à peu près toutes les femmes fantasmaient sur sa cicatrice près de son sourcil. Au point qu'une bonne partie de la gente féminine était passée dans son lit dans cette ville. Yukino savait très bien qu'elle devait faire attention avec lui parce qu'il adorait la taquiner bien qu'il ne semblait pas vouloir l'ajouter à son tableau de chasse.
-Yukino.
Il lui était d'un rôle social supérieur, elle aurait pourtant pu être flattée qu'il la taquine comme ça. Mais mis à part Minerva Orland, il n'avait jamais plus d'une nuit avec ses conquêtes. Et pourtant, les femmes faisaient la queue pour lui. Après tout, c'était un seigneur dragon comme on les appelait ici, de jeunes gens élevés par des dragons. Tout le monde leur courait après vu qu'ils s'agissaient des seuls héritiers des dragons à pouvoir être vraiment abordables malgré leurs grands pouvoirs et beaucoup cherchaient des alliances en proposant des mariages très lucratifs… Cependant, vu la richesse des dragons qui leur avait permis d'acheter des places dans la société, n'importe quelle union pour un seigneur dragon aurait été une mésalliance. Qu'ils se marient aurait eu une symbolique incroyable mais pour l'instant, il n'y avait qu'une exception, un seigneur dragon un peu fou dont les épouses mourraient toujours au bout d'une semaine, maximum.
En attendant, Sting n'était pas seul. Rogue Cheney l'accompagnait. Aussi brun que son ami était blond, il était aussi très renfermé et on ne lui connaissait que très peu d'amitiés. Il avait été le seul seigneur dragon à rester en ville pendant le printemps parce que sa mère n'avait pas voulu prendre part aux accouplements. Il était, à la connaissance de tous, le seul enfant qu'elle avait. Ils s'étaient bien croisé à de nombreux bals et autres réjouissances mais il était sans cesse cerné par une horde de courtisans et prenait congé dès que possible pour s'en débarrasser. Seuls leurs yeux avaient pu échanger quelques mots. Ils n'étaient donc pas officiels présentés ce qui signifiait qu'ils ne pouvaient pas discuter. Quelqu'un devait les introduire.
-Bon, fit Sting qui semblait pressé. Rogue, tu dois connaitre Yukino Aguria. Et Yukino doit te connaitre vu que tu es Rogue Cheney. Maintenant que c'est fait, je te laisse, salut vieux.
Et tandis que Rogue le regardait partir aussi impassible que d'habitude, Yukino rougissait. Comment ? Rogue avait voulu être présenté auprès d'elle ? Il avait demandé à son ami à être introduit auprès d'elle ? Pourquoi ? Elle serra sa large jupe sombre, nerveuse. Cela tordait le tissu, faisant hurler sa mère mais elle avait besoin de s'occuper les mains, de tenir, de tripoter quelque chose pour se rassurer tandis que dans sa tête défilaient ces histoires de femmes abusées, trompées, qui s'étaient déshonorées pour un homme qui n'avait fait que quelques promesses avant de partir lâchement, les laissant parfois avec un bâtard, preuve physique de leur disgrâce.
Non. Non Rogue n'était pas comme ça. Il était poli, distant certes, mais c'était plutôt Sting le coureur de jupons. Mais Rogue… N'était-il pas l'exact opposé de Sting, ce qui rendait leur amitié si incongrue ? A moins que la débauche ne soit leur point commun ? Elle ne savait pas, elle ne le connaissait pas et personne ne pouvait se vanter de le connaitre vraiment. A part Sting mais elle ne le connaissait guère plus et il venait de la laisser. Seule, avec un autre homme. Elle rougit un peu plus. La décence était certes ridicule mais en ce moment, elle aurait bien voulu avoir quelque chose de rassurant à quoi s'accrocher. C'est que… Elle ne s'était jamais retrouvée seule avec un homme… Enfin, juste quelques fois avec son beau-frère, Midnight dont elle ignorait le vrai nom, mais c'était très bref et puis il était déjà marié et il aimait sa sœur…
Elle se réfugia derrière une révérence, essayant de ne pas renverser l'huile de sa lanterne sur ses vêtements. C'étaient de vieux vêtements qu'elle cachait dans le fond de son armoire pour que sa mère ne les trouve pas, démodés par leur couleur terne et trop sombres pour une célibataire mais tellement pratiques… Misère, et elle rencontrait quelqu'un d'aussi important et vêtue comme ça ? Oh quelle honte, si ça s'ébruitait, sa mère allait la tuer !
-Je suis heureuse de faire votre connaissance, bafouilla-t-elle en faisant sa révérence.
Et comme un malheur n'arrivait jamais seul, elle renversa effectivement une partie de l'huile sur sa robe. Elle rougit et ferma les yeux, n'osant plus bouger. Zut, zut, zut… Elle qui avait déjà un pied dans la tombe à cause de la menace maternelle, cette fois elle était morte et enterrée. Pauvre Sorano qui n'aurait pas de tante gâteuse pour ses enfants… A moins que ce soit mieux pour elle ?
En tout cas, elle n'avait sans doute plus rien à perdre, alors elle rouvrit les yeux, écarlate. Rogue avait fait un pas vers elle.
-Tout va bien ?
-Non. Elle rougit de sa franchise. Mais ça ira.
Elle n'avait même pas de mouchoir pour éponger l'huile. Aïe… Rogue eut l'air de comprendre sa détresse car il tira de sa poche un mouchoir propre et le lui tendit. Elle tenta de décliner son aide mais rien à faire, il épongea lui-même la tâche. Elle rougit encore plus.
-Je suis désolée…
-Ce n'est rien.
Yukino ou comment gâcher dès le départ une rencontre. Est-ce qu'elle pouvait s'exiler ? Difficilement ? Dommage ! Cela dit, si elle le leur demandait, ses parents seraient sans doute ravis de se débarrasser d'elle. Simplement, elle n'était pas sûre que ce serait partir en exil. Cela serait très certainement plus définitif.
-Je suppose que je t'ai fait peur…
Il la tutoyait. Cependant, ce n'était pas taquin comme le faisait Sting ou moqueur, voire irrespectueux comme avec certains courtisans, non. Il la traitait comme une égale, comme s'ils étaient amis depuis longtemps, de rang égal. Elle aurait dû se fâcher, s'indigner mais c'était tellement naturel pour lui… Et puis, la petite trace d'accent dans sa voix était charmante… Elle ne savait pas d'où il venait pour avoir un accent mais elle trouvait ça très… quel était le mot que la décence autorisait ? Ah oui ! Exotique. C'était ça. On le sentait surtout à son intonation mais pour Yukino, c'était déjà la pensée de contrées lointaines dont les livres n'avaient pas assez de choses à lui raconter.
-Non, ça va…
Derrière elle, elle entendait toujours les dragons passer et les murmures étouffés des nobles qui se croyaient discrets. Il y avait très certainement sa sœur, son beau-frère et ses parents qui la croyaient tous sagement couchée. Mais elle n'osait pas tourner le dos à un seigneur dragon… Quel cruel dilemme…
-Tu es venue voir les dragons toi aussi, n'est-ce pas ?
-Je… En fait… Oui…
Il lui offrit son bras pour l'accompagner jusqu'au rebord où il s'assit. Elle hésita avant de l'imiter, ses jambes se balançant dans le vide. Il pouvait la pousser s'il le voulait, elle n'était plus à ça près maintenant… Elle venait de cumuler les bourdes aujourd'hui alors…
-Je ne te dérange pas j'espère.
Elle ne leva pas le nez de sa contemplation des dragons. C'était drôle de se dire que les nobles n'avaient qu'à lever les yeux pour les voir mais n'en n'avaient rien à faire. Par contre, les dragons les regardaient un bref instant, saluant vaguement leur presque congénère.
-Non. Cet endroit n'est à personne.
Elle sentit le poids de son regard sur elle et rougit encore une fois. C'était vrai. Elle n'avait pas à dire qu'elle refusait sa présence, surtout qu'il s'était montré… prévenant ? à son intention. Elle essayait de se méfier mais… Elle n'en n'avait pas vraiment envie. Elle aurait voulu croire qu'il n'avait aucune mauvaise intention envers elle. Sinon, il n'aurait pas demandé à Sting de les présenter non ? A moins que Sting ait refusé de le suivre dans son ambition et l'ait abandonné ? Non, il ne pouvait pas…
-Tu as raison. Pourquoi… n'es-tu pas en bas ? Avec les autres ?
Elle eut l'impression que parler ne lui était pas naturel mais une corvée imposée par les autres, par la société. Il essayait de communiquer mais avait du mal. Est-ce que le si adulé seigneur dragon avait du mal à communiquer ? C'était… inattendu mais reposant comparé à la bruyante Cour qu'elle tentait d'éviter. Il parlait parce qu'il voulait échanger quelque chose qui lui tenait à cœur et non colporter ces horribles rumeurs pour nuire à autrui.
-Je voulais regarder les dragons. Pas me pavaner en bas. Alors j'ai dit que j'étais malade et je suis venue ici… Et toi ?
Elle commença à bafouiller. Elle venait de le tutoyer. On ne tutoyait jamais les gens qu'on venait de rencontrer, qui plus est quelqu'un d'un rang social plus élevé. Elle ne tutoyait même pas ses parents, contrairement à Sorano qui ne se gênait jamais pour tutoyer ses proches en privé… Décidément, elle devenait… Elle jeta un regard timide au seigneur dragon.
-Tu peux me tutoyer, trancha-t-il. Je venais voir les dragons moi aussi. Et Sting.
Il s'était retrouvé privé de son meilleur ami pendant plusieurs mois. C'était compréhensif. Malheureusement, il avait été abandonné… Elle se surprit à le plaindre alors que ses leçons étaient de garder la pitié pour les malheureux qui étaient démunis de tout. Mais rien à faire, elle se sentait peinée quand elle voyait quelqu'un qui avait un peu de douleur.
-Il a dû vous… te manquer.
-Un peu. Mère ne suit jamais les autres à cette période de l'année, aucun de ses œufs n'a jamais éclos… Elle ne veut plus essayer et voir son compagnon déçu de ses œufs morts.
C'était personnel. Quelque chose qui concernait la sphère familiale. Lui qui ne parlait d'habitude jamais sauf pour répondre aux convenances venait de faire ce qui ressemblait à une confidence. Mais que se passait-il ? Elle se pinça discrètement, s'attendant à se réveiller dans sa chambre. Rien n'y fit. Elle resta dans sa robe tachée d'huile, assise près d'une galerie ouverte à regarder des dragons défiler devant des nobles trop bien habillés.
-Je suis désolée.
Elle aurait voulu trouver quoi dire d'autre. Que ce soit autorisé par la décence ou non. Elle était vraiment triste de quelque chose qui semblait le toucher lui autant que sa mère adoptive. Mais elle resta là, assise à même le sol, à jouer avec sa large jupe. Oui elle était désolée. De ça, de sa maladresse, de sa mauvaise compagnie. Il était venu retrouver son meilleur ami pour profiter du spectacle et par sa seule présence, il n'avait pas pu …
-Ce n'est pas ta faute. Ce n'est la faute de personne.
Elle croisa son regard rouge et il lui adressa l'ombre d'un sourire, la faisant rougir encore. Ils regardèrent passer les derniers dragons en silence. Puis le défilé cessa, les nobles s'éparpillèrent et quittèrent la place. Yukino songea à ses parents qui devaient être rentrés. Ils ne s'inquiéteraient certainement pas de la voir absente même si ça chaufferait. Sorano s'en ferait sans doute, si elle n'était pas partie faire un tour avec son mari… Mais ils étaient bien là, tranquilles… Et finalement, Rogue se releva. Puis il lui tendit la main pour l'aider à se mettre debout. Elle accepta avec plaisir et épousseta sa robe, contemplant sa tache d'huile. Bon ben… Sa mère allait la tuer. Elle tendit la main pour récupérer sa lanterne pour le retour, avec un peu de chance elle allait se mettre le feu, mais Rogue la devança.
-Permets-moi de te raccompagner.
Elle ouvrit la bouche, la referma puis bafouilla. Encore. Elle était venue seule, en douce et se voyait mal expliquer à ses parents et à ceux qu'elle rencontrerait comment quelqu'un d'aussi bien placé pouvait l'escorter ainsi.
-A moins que tu ne veuilles pas.
Elle eut l'impression qu'il se méprenait sur son silence, son hésitation. Il semblait même déçu, persuadé qu'elle allait refuser. Pourtant, elle ne se voyait pas refuser. D'abord parce qu'il faisait partie du sommet de la société et qu'on ne refusait pas grand-chose aux puissants, ensuite parce qu'il avait quand même été… gentil avec elle. Il n'avait pas ri en la voyant rougir ou renverser son huile.
-Si ! Enfin je veux dire… Ce serait un honneur… Mais je peux rentrer seule sinon…
Parce que s'il la raccompagnait, elle serait certaine qu'ils passeraient par la grande porte et qu'on se rendrait compte, si ce n'était pas déjà fait, de son absence. Et sa mère hurlerait en voyant sa robe et son état déplorable.
-Ce n'est pas un grand détour, au contraire.
Peut-être. Elle ignorait, comme beaucoup en ville, où il logeait en ville. Et puis, s'il lui offrait de la raccompagner, c'était qu'il voulait encore rester avec elle. Enfin, elle l'avait déjà vu flanquer aussi poliment que possible certaines femmes qui le collaient un peu trop dans les chaises à porteur au lieu de leur servir d'escorte. La présence des dragons rendait presque fou les chevaux si bien que les voitures avaient cédé la place aux chaises à porteurs. De rares courageux allaient à pied, comme Yukino qui aimait cette liberté qui consistait à choisir son itinéraire.
-D'accord…
Elle le laissa allumer la lanterne puis s'engagea dans le couloir étroit de boyaux de pierre. Elle se sentit secrètement soulagée qu'il n'ait rien tenté ici. Elle avait eu raison de lui faire confiance. Son retour chez ses parents ne l'inquiétait pas pour ce qu'il pouvait dire. Ses parents lui feraient sa fête alors qu'ils croient ou non qu'elle soit partie perdre sa vertu…
Ils allèrent à pied, d'un accord commun. Rogue marchait tranquillement, vérifiant de temps en temps si elle arrivait à suivre. Les rues étaient quasiment désertes, seuls quelques serviteurs qui vaquaient à leurs occupations. Mais ce serait sans doute suffisant pour que toute la ville l'apprenne. Elle préférait ne pas penser à ce qui allait pouvoir en sortir.
Elle sentit son cœur se mettre à battre très vite tandis qu'ils franchissaient la petite arche qui décorait l'entrée de la nouvelle maison de ses parents. Ce n'était pas vraiment son chez-elle, elle préférait la bibliothèque et sa chambre, ce qui limitait ses déplacements dans la maison. Elle déglutit tandis qu'elle s'arrêtait devant les trois marches du perron. Elle préférait ne pas penser à ce que ses parents allaient pouvoir dire quand ils la verraient. Parce qu'à entendre les bruits de course à l'intérieur, on la cherchait un peu partout… Oh misère, elle avait trop tardé et pourtant, elle s'était jurée de rentrer avant ses parents pour avoir le temps de remettre une robe plus correcte…
-Merci de m'avoir raccompagné… Et de m'avoir tenu compagnie pour voir les dragons.
La porte s'ouvrit à la volée dans son dos et elle s'obligea à rester aussi calme que possible. Grillée. On l'avait repérée, elle allait se faire taper sur les doigts… Elle adressa un sourire gêné à Rogue avant de se retourner. Elle n'eut pas le temps de terminer que Sorano lui sautait déjà dessus.
-Yukino ! Où étais-tu passée ? J'étais inquiète ! Imagine, je rentre et je ne te trouve pas au lit ! Tu vas bien ?
Elle sentit le rouge lui monter aux joues. Non seulement elle avait fait paniquer sa sœur mais en plus, elle se faisait gronder en public. Ce n'était pas la première fois qu'on la sermonnait ainsi, comme une enfant, mais cette fois c'était très humiliant. Pour une fois que ce n'était pas sa sœur ou ses parents qui lui présentaient quelqu'un !
-Oh mademoiselle ! fit une servante qui semblait vraiment soulagée depuis la porte. Vous êtes saine et sauve !
La pauvre domestique se retrouva expulsée par sa mère qui descendit les trois pauvres marches, l'air bien remontée. Sorano serra sa sœur contre elle, comme pour la protéger de ce qui allait suivre. Yukino se mit à prier que l'huile ne laisse aucune trace sur la jolie robe de sa sœur qui continuait à porter du blanc malgré son mariage.
-Il suffit Sorano. Où étais-tu passée toi ? Depuis quand…
Elle s'interrompit subitement. Ah, elle devait avoir remarqué Rogue. Yukino se fit toute petite. Elle entendit le hoquet de surprise de sa sœur face à la découverte de son escorte. Sacrée Sorano qui avait sans doute été trop préoccupée par elle pour remarquer son accompagnateur… La jeune fille se souvint subitement que leur mère n'avait cessé d'essayer d'inviter Rogue, comme beaucoup de seigneurs dragons sans succès, du temps où Sorano était encore célibataire. Après ses fiançailles et son mariage, elle avait cessé d'inviter de beaux partis, n'ayant pas envie de perdre du temps pour son incapable de benjamine.
-En fait, je crains d'être responsable de tout ce désordre. Je voulais inviter Yukino à m'accompagner voir les dragons mais je suis arrivé en retard et n'ai pas pu vous demander la permission… Qui plus est, je m'excuse, j'ai également renversé une partie de l'huile de ma lanterne sur la robe de Yukino après l'avoir pressée pour avoir de bonnes places, ce qui l'a empêché de vous laisser un mot… Toutes mes excuses, madame.
C'était un énorme mensonge. Mais sa mère l'avala tout cru, sans broncher. Elle se tourna vers sa fille, presque choquée qu'elle puisse être invitée par quelqu'un d'aussi important… Mais les bonnes vieilles habitudes revinrent très vite et elle se remit à minauder, comme si Yukino n'avait jamais disparu. Sorano se mit à rire silencieusement contre sa sœur. Cette dernière se rendit compte avec plaisir que le tissu épais de sa robe avait absorbé toute l'huile, ne laissant que très peu de traces sur la robe de sa sœur.
-Oh vraiment ? Comme c'est gentil ! Yukino ne nous avait pas dit que vous vous connaissiez… Elle se tourna vers sa fille et réussit malgré tout à lui faire une réprimande. Et tu es sortie comme ça ?
Yukino rentra la tête dans les épaules, rouge de honte. Oui, elle était sortie comme ça, persuadée qu'elle ne verrait personne. Cette robe était tellement confortable et pratique… Elle pouvait bouger ou respirer…
-Oh tant pis, tu étais pressée, c'est une vieille robe, ça ne fait rien, tu n'auras qu'à la jeter.
Pour de bon cette fois, ordonnèrent les yeux maternels. Elle devait être folle de rage de voir qu'une chose qu'elle aurait jugée bonne pour faire des chiffons lui avait échappé dans la garde-robe de sa cadette. Seulement, un témoin extérieur à la famille ou au cercle des domestiques l'empêchait de laisser libre cours à une scène dont elle avait le secret. Il était certain que Yukino y aurait le droit une fois « l'indésirable » parti. En attendant… C'était le calme avant la tempête, le moment où on la voie arriver et tout ce que l'on peut faire, c'est regarder…
-En tout cas c'est très généreux de votre part seigneur dragon d'avoir accepté de la raccompagner. J'étais tellement inquiète de ne pas voir ma petite fille adorée en rentrant… S'il lui était arrivé quelque chose, je crois que j'en serais morte de chagrin !
Woh ! C'était sans doute la première fois depuis… sa naissance que Yukino entendait sa mère parler d'elle comme sa fille et sans un terme dévalorisant. Il y avait presque des larmes dans sa voix. Sorano émit un couinement étouffé au milieu de son rire étouffé et fut obligée de tourner le dos pour cacher son fou rire. Et bien malgré elle, Yukino sentit un sourire étirer ses lèvres. Sourire qui disparut quand sa mère la serra dans ses bras de toutes ses forces, la vicieuse devait se venger en tentant de l'étouffer, en l'appelant sa « chérie. » Le choc calma même Sorano.
-Mais maintenant elle est de retour, saine et sauve et…
-Je vois. Et bien, je vais vous laisser vous remettre de vos émotions et vous laisser.
Yukino vit très clairement sa mère passer de « oh ma fille tant détestée est de retour mais je dois faire semblant d'être contente » à « misère, l'un des hommes célibataires les plus gradés en ville va s'en aller, je dois absolument faire quelque chose ! »
-Vraiment ? Laissez-moi au moins vous offrir quelque chose… Pour vous remercier !
-Non merci, je vais être en retard pour le thé et mère ne le supporterait pas. Mesdames.
Il salua d'un signe de tête Sorano et sa mère avant de réussir à faire un baisemain pour Yukino, toujours coincée dans les bras maternels. Tout cela devenait très inconfortable… Pas mal…
-J'espère sincèrement te revoir Yukino.
Et il prit congé. Dès qu'il fut parti, sa mère la lâcha, l'air presque dégoutée. Puis elle la considéra, les mains sur les hanches. Sorano fit un pas, l'air prête à passer sa sœur à la question. La cadette songea à aller se barricader dans sa chambre, derrière un bon livre le temps que sa famille se calme. Elle profita donc de l'avantage que lui conférait sa robe plus simple pour opter pour un repli stratégique. Autrement dit, elle prit la fuite.
-Reviens ici !
-Yukino ! Tu ne t'en tireras pas comme ça ! Je veux tout savoir ! Yukino !
Cours pour ta vie Yukino... Voilà, c'était le premier chapitre, j'espère qu'il vous a plu et je vous souhaite un très joyeux Noël ! On se retrouve pour cette fic le 19 janvier !
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