Avant, il y avait...
Disclaimer : Malheureusement, tous les personnages d'Harry Potter et le monde qui l'entoure sont la propriété de Mme Rowling. Cependant, les personnages originaux qu'on peut voir dans cette histoire sont à moi et à moi seule.
Harry Potter est un orphelin de 9 ans qui vit avec son oncle et sa tante qui le détestent. Malgré qu'il se croit destiné à de plus grandes choses, personne ne semble venir le sauver de sa vie qu'il hait. Ceci est ma version de la dernière année qu'a passé Harry avant d'aller à Poudlard.
Oublis, soupirs et Mme Figgs
« Alors comme ça vous n'étiez pas morts, juste dans le coma? »
Harry n'en revenait pas. Lorsque sa tante Pétunia lui avait demandé d'aller ouvrir la porte, il était loin de se douter ce qu'il verrait.
Ses parents.
Son père et sa mère étaient là, devant lui, et lui souriait. À peine entrée, Lily le prenait dans ses bras dans une étreinte étouffante, tandis que James lui expliquait que l'accident de voiture dans lequel ils avaient soit-disant perdus la vie ne les avait pas tué du tout, mais plongé dans un profond coma.
« Jamais plus nous te quitterons Harry, » lui dit sa mère en s'écartant un peu de lui. « Ton père et moi sommes venus te chercher pour te ramener à la maison. »
Harry vit alors des larmes perlées au coin des magnifiques yeux de sa mère. Les mêmes que les miens, ne put-il s'empêcher de penser.
« Au fait, nous devons absolument te dire quelque chose mon bébé. Ton père et moi, nous som... »
Mais Harry n'entendit pas la suite, car soudain tout se brouilla et la mélodieuse voix de Lily Potter se transforma en un rire effrayant un rire à faire glacer le sang. Surgit aussitôt une étrange lumière verte qui l'aveugla, ainsi qu'un....qu'un tremblement de terre?!
« Debout! » aboya sa tante Pétunia de l'autre côté de son placard. « Dudley est déjà levé et attend son petit déjeuner. Alors dépêche-toi! »
C'était donc ça le tremblement de terre qu'il avait crû sentir : son énorme cousin avait descendu l'escalier.
Tout en soupirant, Harry s'assis dans ce qui lui servait de lit, mais qui était en fait qu'un amas de vieilles couvertures abandonnées dans le placard sous l'escalier. Elles grouillaient d'araignées et étaient remplies de poussières, et pourtant Harry ne se plaignait pas, car il s'était résigné ; résigné à hocher de la tête à tout ce que pouvait bien lui dire les Dursley. Harry avait compris au fil des ans que s'il désirait une vie calme il devait absolument obéir à son oncle et à sa tante. Et si ceux-ci voulaient qu'il dorme dans le placard sous l'escalier avec pour seules compagnies des araignées et de la poussière, et bien soit, Harry Potter dormirait là.
Harry détestait sa vie. Il n'avait que 9 ans, et pourtant ses yeux révélaient un tout autre âge qui est celui d'une enfance brisée à tout jamais. Une enfance qui ne s'était jamais épanouie puisque le jeune garçon résidait dans cette maison depuis 8 ans. 8 années à se faire réveiller par les cris de sa tante, à se faire dire à quel point ses cheveux sont exaspérants, à se faire battre par son cousin et ses amis, à se faire haïr tout simplement.
Mais cela ne servirait à rien de s'apitoyer sur son sort, rien ne changerait. Harry rejeta donc sa couverture, alluma le plafonnier et chercha ses vêtements qui étaient étendus pêle-mêle dans le placard. Il prit le premier chandail et le premier pantalon qui lui tombèrent sous la main, ne prenant même pas la peine de savoir à quoi ils ressemblaient. Peu lui importait puisqu'il aurait l'air ridicule de toute façon, car tous les vêtements qu'il possédait avaient auparavant appartenu à Dudley et étaient par ce fait même, 4 fois trop grands pour lui. Rajoutés à cela ses lunettes rafistolées au ruban adhésif et ses chaussures aux semelles trouées et il avait la parfaite apparence d'un psychopathe fou dangereux. En-tout-cas, c'est ce que pensaient ses camarades de classes.
Après avoir terminé de lacer ses lacets, Harry sorti de son placard pour se diriger vers la cuisine. Son gros cousin était déjà assis autour de la table et attendait manifestement qu'on lui serve son petit déjeuner. Tout à coup, Harry s'arrêta net de bouger. Non pas en raison de l'attitude de Dudley, il n'y avait rien de nouveau là-dedans, mais ce qui était nouveau par contre, c'était tous les cadeaux empilés à côté de la table.
L'anniversaire de Dudley. Comment Harry avait-il pu oublié?
« Mais qu'est-ce que tu attends? » lui demanda sèchement la tante Pétunia. « Viens faire cuire les œufs au lieu de rester là, à rien faire, comme le fainéant que tu es. »
« Euh...oui, tante Pétunia, » répondit Harry.
Au moment où il commençait à faire cuire les œufs, l'oncle Vernon entra dans la salle manger en sifflotant un air joyeux. Il s'assit sur sa chaise et débuta la lecture de son journal qui avait été déposé sur la table par sa femme.
« Alors, mon garçon, » dit l'oncle Vernon sans même lever les yeux, « comment se sent-on quand on a 10 ans? »
Dudley se lança alors dans une longue et stupide réponse, allant même jusqu'à affirmer que le goût des bonbons avait changé. Qu'est-ce qu'il pouvait être bête!
Finalement, Harry fini de faire cuire les œufs, et comme la tante Pétunia s'était déjà occupée du reste du petit déjeuner, ils se mirent à table, déjeunèrent, puis regardèrent Dudley ouvrir ses 38 cadeaux. Il avait notamment reçu une console de jeux vidéo, un magnétoscope et un perroquet qui n'arrêtait pas de dire 'salut à vous tous'. Malgré qu'avoir un perroquet était son rêve de toujours, selon ce qu'il avait dit à sa mère le mois dernier, Dudley ne fut guère enchanté par celui-ci. Harry le soupçonna d'avoir cru que ce genre d'oiseau répétait tout ce qu'il entendait dès qu'il l'entendait.
Mais ce petit contretemps fut bien vite oublié lorsque la sonnette d'entrée se fit entendre. C'était Piers Polkiss et Gordon Calbert, deux des meilleurs amis de Dudley, qui allaient passer la journée avec lui au parc d'attraction, pendant que Harry irait se faire garder chez Mme Figgs, la vieille folle du quartier. Harry détestait aller là-bas. La maison empestait le chou bouillis et était infestée de chats. De plus, il était obligé d'endurer les marmonnements inaudibles de Mme Figgs sur sa famille abjecte et peu ouverte d'esprit.
Un peu avant de quitter la maison, l'oncle Vernon se retourna vers Harry et, arborant un air qui signifiait 'fait-ce-que-je-te-dis-où-ça-va-aller- mal', lui lança « Va te peigner les cheveux!! »
Tout en retenant un autre soupir (le deuxième de la journée), Harry grimpa les escaliers et alla dans la salle de bain pour essayer de peigner ses cheveux de façon correcte. Après tout, il devait se faire beau pour la vieille folle. Malheureusement, toutes tentatives étaient vaines : Harry ne pouvait pas domestiquer ses propres cheveux. Il réussit cependant à les aplatir à l'aide d'un peu d'eau, mais il savait bien qu'au bout d'un instant, ils sécheraient et se redresseraient de nouveau en épi derrière sa tête. Espérons seulement qu'ils tiennent jusqu'à ce qu'on arrive chez Mme Figgs, se dit Harry.
Comme l'oncle Vernon et la tante Pétunia avait peur qu'Harry n'ailles pas chez Mme Figgs s'ils le laissaient faire le chemin tout seul (ils croyaient qu'il reviendrait dans leur maison pour tout faire sauter ou quelque chose du genre), ils l'emmenèrent chez elle dans leur voiture. Harry dû s'asseoir à côté de Dudley, de Piers et de Gordon qui ne se lassaient pas de vanter les mérites des supers manèges qu'ils allaient essayer au parc d'attraction aujourd'hui. En arrêtant devant la maison de sa gardienne, les 3 autres garçons lui souhaitèrent une 'excellente journée', puis Harry ouvrit et referma la porte de la voiture sous les ricanements et un 'amuse-toi bien' de Dudley.
Harry savait parfaitement bien que l'oncle Vernon ne partirait pas tant et aussi longtemps qu'il n'avait pas sonné à la porte. Rassemblant tout son courage, Harry ouvrit la barrière à la peinture blanche écaillée qui entourait la maison et entreprit de se diriger vers la porte en faisant bien attention à ne pas toucher les lignes qui séparaient les dalles du chemins de pierres (bien oui, sinon il aurait explosé). Finalement, il arriva devant la porte, et tout en soupirant une troisième fois, il appuya sur la sonnette...
Rien.
Peut-être qu'elle n'était pas là. Peut-être qu'elle avait oublié qu'elle devait garder Harry aujourd'hui et qu'elle était partie en voyage. Comme par magie, toute la boule d'angoisse qui s'était formée au creux de l'estomac d'Harry commença à s'estomper. Il pourrait aller au parc d'attraction aujourd'hui. Il pourrait passer une journée à s'amuser. Et surtout, il se passerait une autre année avant de retourner chez Mme Figgs et de voir des photos des ses chats tout en humant une odeur nauséabonde de chou. Une autre année avant de...
Mais tous les espoirs d'Harry s'envolèrent à ce moment-là en entendant la voiture de son oncle partir en trombe et en voyant la porte de Mme Figgs s'ouvrir. Elle se tenait sur le seuil de la porte, ses cheveux gris retenus par une sorte de filet, portant une vieille robe et un tablier qui n'auraient pas parues déplacés dans un bal costumé dont le thème aurait été les années 30, et tenant entre ses vieux doigts crochus et décharnés une sorte de petit bâton d'une trentaine de centimètres.
Un petit bâton qui ressemblait à s'y méprendre à une baguette magique...Harry était sous le choc. Mme Figgs était une sorcière. Voilà que tout s'expliquait : sa laideur, sa folie, sa méchanceté envers les enfants et cette obsession avec les chats. C'était probablement pour ça qu'elle avait pris autant de temps à répondre, elle devait sûrement être occupée à cacher tous ses grimoires et son chaudron dans lequel elle avait concocté une potion destinée à le changer en crapaud.
« Quoi? Qu'est-ce qu'il y a? Qu'est-ce que tu regardes comme ça? » lui demanda sèchement Mme Figgs, le sortant de ses rêveries. C'est avec une horreur non déguisée qu'Harry vit l'une des vielles mains ratatinées de la sorcière se tendre vers lui pour le prendre par le bras. Cependant, Harry fut plus rapide qu'elle et réussit à s'esquiver.
« Arrière, sorcière! » lui cracha presque Harry.
À ses mots, les yeux de Mme Figgs semblèrent doubler de volume dans leurs orbites. Dans un bredouillement où l'on pouvait sentir de la nervosité, la vieille femme essaya de s'expliquer.
« Écoute Harry...ce n'est.. ce n'est pas du tout ce que tu crois. En f..fait..j..j..je ne suis p..pas...je ne suis pas une sorcière, j..je suis une... »
« Pas la peine, je viens de voir votre baguette magique dans votre main, » la coupa Harry.
À l'instant même où il relâchait ses mots, la tension qui s'était accumulées dans le petit corps maigre de Mme Figgs s'évapora presque instantanément. Ses lèvres s'étirèrent pour laisser voir ses dents gâtées dans ce qu'Harry supposa être un sourire.
« Tu parles de ça? » lui dit-elle tout en lui mettant la 'baguette' sous le nez. « Il s'agit que d'un vieux plumeau qui vient de casser en deux. » Et, pour appuyer sa théorie, elle sortit l'autre morceau du plumeau de son tablier et le lui montra sous tous ses angles.
« Mais qu'est-ce que tu es aller imaginer là? Une sorcière? Et puis quoi encore ? » dit Mme Figgs dans un rire qu'elle voulait sarcastique mais dans lequel Harry dénota une certaine note de soulagement. Elle fourra les deux morceaux de plumeau dans son tablier crasseux, ouvrit grand la porte et lui fit signe d'entrer. Harry pénétra donc dans le hall d'entrée de Mme Figgs en poussant un énorme soupir de celui qui a eu l'air idiot.
La maison de Mme Figgs ressemblait beaucoup à celle des Dursley ; en fait, toutes les maisons du quartier étaient plus ou moins semblables. Toutefois, au lieu de la propreté qui régnait au 4 Privet Drive, la maison de Wisteria Walk était sale et mal entretenue. Les murs revêtaient un papier peint défraîchi qui, au temps de sa jeunesse, avait dû représenter des fleurs vert pâle sur un fond vert forêt. Dans le salon, il y avait un vieux divan de cuir, deux fauteuils dont le tissus ressemblait étrangement au papier peint et une chaise berçante dont les coussins étaient affublés de motifs de fleurs pourpres. Chacun de ses meubles étaient affublés d'affreux appuie- tête crochetés. Dans l'un des coins droits de la pièce, reposait un téléviseur noir et blanc couvert de poussière qui semblait avoir pour seule utilité de servir de tablette pour les chats de porcelaines de Mme Figgs. Quant aux véritables chats, ils se promenaient un peu partout dans la maison, jetant de temps à autres un regard perçant au visiteur. Harry aurait préféré mourir plutôt que de l'admettre, mais il se sentait toujours terriblement mal à l'aise en compagnie des chats de Mme Figgs, pour la simple raison qu'on aurait dit qu'ils comprenaient tout ce que les gens disaient. Harry trouvait qu'il était très anormal qu'un chat obéisse à tout ce que son maître lui disait ; hors, c'est ce que faisaient les 'petits amis' de Mme Figgs.
« Pourquoi restes-tu planté là? Allez, bouge-toi un peu! » lui ordonna Mme Figgs. « Tu as mangé je suppose? »
« Oui, j'ai mangé, » répondit Harry, qui était déjà las de sa journée.
« Voudrais-tu arrêter de gémir sans cesse? Tu commences à me donner mal à la tête. »
Sur ce, elle le précéda dans le hall en le brusquant un peu. Elle marcha jusqu'à la cuisine et ouvrit la porte patio de la salle à manger. Elle s'apprêtait à sortir dans son jardin quand elle sembla se rappeler la présence d'Harry.
« Mais alors, qu'est-ce que tu attends? » lui demanda-t-elle d'un ton plein de mépris. « Tu vas travailler dans le jardin aujourd'hui. J'ai besoin que tu arraches les mauvaises herbes, que tu sarcles la terre et que tu tondes le gazon. Tous les outils dont tu auras besoin sont dans la remise qui est située au fond de la cour.» Voyant qu'Harry ne faisait pas mine de commencer le travail, elle s'énerva. « Mais qu'est-ce que tu crois? Que le travail va se faire tout seul? Allez, mets-toi au travail! Je n'ai pas toute la journée! »
Harry sorti dehors, passa devant Mme Figgs et regarda le jardin...si on pouvait appeler ça un jardin. Le jeune garçon était quasi certain que sa gardienne n'avait seulement jamais travaillé un seul instant dans sa cour : celle-ci était infestée de mauvaises herbes. De la vigne avait même commencé à serpenter le long des murs de la maison et de la remise. Le gazon était si long qu'il arrivait presque aux genoux d'Harry et les branches d'un arbre étaient si basses qu'elles lui touchaient la tête. En faisant bien attention à l'endroit où il mettait les pieds, Harry essaya de se frayer un chemin jusqu'à la remise dont la porte avait disparu derrière les vignes. Il arracha plusieurs tiges et tira de toutes ses forces sur la poignée rouillée, car l'humidité ambiante avait fait coincée la porte. Finalement, celle-ci céda sous l'effort et un énorme BANG retentit dans le jardin.
Une odeur de moisi s'infiltra aussitôt dans les narines d'Harry lorsqu'il franchit la porte de la remise. Plusieurs outils y étaient entassés dont certains qu'il ne connaissait pas. Enfin, il repéra la tondeuse à gazon derrière un établi contenant des objets bizarres. Harry y vit d'ailleurs une horloge qui n'indiquait même pas l'heure, mais où était plutôt inscrit des choses comme 'tu es en retard', 'c'est l'heure du dîner' ou bien 'va te coucher, il est tard'. Cet objet ne fit que renforcer l'idée que c'était fait le petit garçon de 9 ans sur la vieille femme. « Elle est complètement folle, » souffla-t-il pour lui-même.
Non sans difficulté, il réussit à extraire la tondeuse à gazon de la remise et se mit en devoir de tondre le gazon en premier lieu avant de s'attaquer à ce qui resteraient ensuite des mauvaises herbes. La tâche fut très ardue. Quand Harry termina enfin, le soleil, qui avait déjà parcouru la moitié de sa trajectoire, tapait fort sur son visage et sa nuque cramoisis, lui donnant mal à la tête. Il suait à grosses gouttes et sa bouche était sèche et pâteuse de quelqu'un qui a extrêmement soif. Heureusement pour lui, c'est ce moment que choisi Mme Figgs pour l'inviter à venir prendre son repas du midi. Harry ne se le fit pas dire deux fois. Il rangea la tondeuse le plus rapidement qu'il pu, faisant tomber quelques objets au passage, puis s'engouffra littéralement dans la salle à manger de Mme Figgs où son assiette remplie de ragoût de légumes l'attendait. Il prit deux énormes potions de ragoût ainsi que trois verres de soda que lui versa Mme Figgs. Jamais de sa vie quelque chose ne lui avait paru si délicieux et ce malgré l'odeur de chat qu'il pouvait presque goûter en temps normaux.
À la fin du repas, Mme Figgs lui demanda s'il désirait faire une pause de son travail, le temps de digérer un peu. Harry aurait été tenté de dire oui, s'il n'avait pas aperçu l'album de photo que Mme Figgs tenait à la main.
« Euh...non, ça va aller. Je crois qu'il serait peut-être préférable que je ne m'attarde pas trop, sinon...euh...sinon... » Harry fit une pause, ne sachant pas trop quelle excuse utiliser.
« Bah, » dit Mme Figgs en faisant un geste de la main comme si elle essayait de chasser une mouche, « tu peux le dire. Tu n'as pas envie de regarder encore une fois les photographies de mes chats adorés. Je comprends. Un garçon de ton âge n'en a que faire des obsessions félines d'une vieille femme détraquée. »
« Non, » se rattrapa Harry qui n'avait pu s'empêcher de se sentir étrangement coupable en entendant les propos de Mme Figgs, « non, ce n'est pas ça. C'est juste que si je ne fais pas tout mon travail immédiatement, je ne serai probablement plus aussi motivé à le faire plus tard. »
Mme Figgs n'avait pas l'air d'avoir entendu ce qu'il disait, car elle continuait de parler comme si Harry ne l'avait pas interrompu.
« Après tout, je suis habituée. Tout le monde m'évite, même ma propre famille. Je ne suis pas assez bien pour eux. Quoique je serai bientôt plus toute seule. D'après ce que j'ai entendu dire, la fille d'un de mes cousins, qui est peut-être un peu plus âgée que toi, n'a pas réussi à faire l'école elle non plus. »
Harry ne comprenait rien à ce qu'elle racontait, mais il ne voulait pas qu'elle soit fâchée contre lui. Il joua donc sa dernière carte.
« Peut-être pourrait-on feuilleter votre album après que le travail soit terminé? »
À ses mots, Harry aurait pu se frapper lui-même. Mais pourquoi es-tu allé lui proposer ça Potter? Maintenant tu vas être obligé de regarder les photographies de Pompon, Mignonette et de tous ses autres stupides chats et que tu as déjà vus plus d'une bonne dizaine de fois. Bravo! Non mais vraiment... Bravo! Et Harry crut s'entendre s'applaudir dans sa tête.
Mais Mme Figgs paru très satisfaite de la réponse d'Harry et celui-ci la soupçonna d'avoir fait exprès de dire ce qu'elle avait dit pour le faire sentir coupable. Le pire, c'est qu'il était tombé dans le piège et Harry entendit de nouveaux applaudissements.
C'est d'un pas très lent qu'il retourna au jardin pour finir sa besogne. Le soleil était encore plus ardent que jamais et une humidité de l'air très forte s'était jointe à la partie. Cependant, Harry continua sans rechigner : il arracha toutes les mauvaises herbes, y compris la vigne, coupa tant bien que mal les branches basses des trois arbres qui entouraient la remise et tailla la haie de cèdres, qui se trouvait à la droite de la cour et qui délimitait la propriété de Mme Figgs d'avec celle du voisin.
Puis, tout fut terminé. Harry contempla son œuvre pendant plusieurs minutes avant de se faire arracher de ses pensées par la petite voix rauque de sa gardienne.
« Ah, tu as fini à ce que je vois. Pas mal, je dois dire. Je m'attendais à pire, je l'admets. Mais bon, on s'entend que ce n'est pas encore les jardins du Luxembourg, hein? Allez viens, nous avons des photos à regarder. »
Pourquoi cela ne surprenait-il pas Harry? Jamais un bon mot sur ce qu'il avait fait. Que de reproches. Pourtant, il avait fait de son mieux ; il avait tout essayé pour rendre le jardin de Mme Figgs le plus beau possible. Mais que pouvait-il faire en une seule journée? Il n'était pas Superman! En fait, il n'était qu'un Super-rien-du-tout. Un petit orphelin, qui n'est pas capable de faire quoi que ce soit de ses dix doigts et qui est un véritable parasite pour le reste de la communauté. Refoulant à grande peine les larmes qui commençaient à se former dans ses yeux, Harry suivit Mme Figgs dans son salon et s'assis à côté d'elle sur son divan de cuir.
« Pourquoi as-tu les yeux rouges? » lui demanda Mme Figgs d'une voix concernée.
Ce genre de comportement était l'une des choses qui rendaient Mme Figgs si bizarre aux yeux d'Harry. Alors qu'elle était d'ordinaire aussi amère et dure avec lui que les Dursley, il arrivait parfois qu'elle se mette à lui parler d'une voix douce et compréhensive et son regard était dans ces moments-là empreint de compassion et de tristesse. Ces changements radicaux dans l'attitude de Mme Figgs déconcertaient Harry plus que si elle s'était mise à lui crier après.
« Ce n'est rien, » balbutia-t-il, « juste une petite poussière dans l'œil. »
« Tu me prends pour qui? Une vieille folle? » Harry se retint difficilement de répondre.
« Allons, dis-moi ce qu'il y a? » insista-t-elle.
« Je vous assure qu'il n'y a rien, » dit-il en souriant d'un sourire forcé.
Mme Figgs se contenta de pincer les lèves, signe qu'elle était contrariée, et fit quelque chose qu'elle n'avait jamais fait auparavant : elle referma son album sans même qu'ils aient eu le temps de le regarder et alla le ranger au-dessus de sa cheminé qui dominait le salon au centre du mur principal. Ensuite, elle se dirigea dans le hall et Harry l'entendit enfiler sa veste.
« Tu viens?! Je vais te reconduire chez ton oncle et ta tante, après tout, tu as de l'école demain et je ne voudrais pas que tu te couches trop tard. »
Le chemin qui séparait le 4 Privet Drive du 27 Wisteria Walk était relativement court et même en marchant il était possible de franchir la distance en moins de 10 minutes. Pour Harry, les 10 minutes semblèrent durer des heures tant la tension était palpable entre lui et Mme Figgs. Ni l'un, ni l'autre ne pipait mot, et Harry remarqua qu'elle avait toujours les lèvres pincées. Elle marchait d'un pas rapide, ce qui contrastait nettement avec sa démarche traînante habituelle.
Finalement, ils arrivèrent à destination et Mme Figgs lança à Harry un bref « bonne nuit » avant de tourner les talons et de reprendre le chemin inverse de son pas décidé. Il la regarda partir et la suivit des yeux jusqu'à ce qu'elle disparaisse complètement de sa vue.
Décidément, c'était tout un numéro cette Mme Figgs.
Avec un dernier soupir, Harry se décida enfin à rentrer dans la maison. Son oncle et sa tante étaient dans le salon et écoutaient avec ravissement leur gigantesque fils leur faire un rapport détaillé de sa journée (comme s'ils n'avaient pas été là).
« Alors, j'ai dit à Gordon : qu'est-ce que tu en penses? Et il m'a répondu que c'était une excellente idée. Donc, nous nous sommes faufilés dans la file, même si selon leurs règles on est pas assez grands, et... »
Harry, lui, n'avait pas envie d'entendre Dudley lui raconter à quel point il s'était amusé et qu'il avait passé le plus bel anniversaire de sa vie. Tout en sachant très bien que la tante Pétunia n'accepterait pas de lui donner à manger (« Mme Figgs ne s'attendait quand même que je te nourrisse alors que tu as passé la journée entière avec elle »), Harry tenta désespéramment d'oublier sa faim et alla directement s'enfermer dans son placard.
Il se déshabilla, s'enfouit sous les couvertures miteuses et se releva d'un bond. Il regarda frénétiquement autour de lui et entreprit de secouer les draps à la rechercher d'un objet en particulier.
« Ne cède pas à la panique. Ne cède pas à la panique, » se répétait-il dans un murmure. Il commençait à sentir le picotement familier dans ses yeux quand soudain, ses doigts se refermèrent sur quelque chose. Écartant les couvertures et les vêtements qui s'étaient accumulés sur l'objet en question, Harry réussit à sortir le cadeau le plus précieux que son oncle et sa tante ne lui aient jamais offert. Son ourson en peluche, M. Keezle. Bien sûr, l'oncle Vernon et la tante Pétunia ignoraient que leur neveu tenait autant à ce vieil ourson qui avait autrefois appartenu à Dudley. Après tout, il était vieux, défraîchi et décousu à plusieurs endroits. Mais pour Harry, M. Keezle était son meilleur ami ; son seul ami. C'était lui qui le consolait et qui le réconfortait quand il ne pouvait éviter une crise de larmes. Or, ce soir était l'une de ses fois.
Harry se réfugia de nouveau sous ses couvertures. Il ramena ses genoux sur sa poitrine dans la position du fœtus, puis étreignit M. Keezle comme un naufragé s'accroche à une bouée de sauvetage. Un sanglot étranglé sortit de sa gorge, suivit d'un deuxième. À cet instant, le petit garçon mature et responsable qu'était Harry Potter n'existait plus : à sa place, gisait un enfant de 9 ans, un orphelin de surcroît, qui ne croyait plus à la vie. Il était malade. Malade de tristesse et de peurs. De grosses larmes coulaient à présent sur ses joues, mais il n'y faisait pas attention. Pourquoi continuer? se demandait-il continuellement, mais personne ne lui répondait.
En fait, personne ne lui répondait jamais, car personne n'était au courant de la maladie d'Harry Potter.
Et cette nuit-là, le petit garçon rêva une nouvelle fois qu'il se faisait sauver par ses parents qui ressuscitaient des morts pour venir sortir leur fils de l'enfer qu'était devenue sa courte et triste vie. Il rêva également d'une moto volante qui survolait Bristol sous un magnifique ciel étoilé...
