Bonjour à tous !
Voici mon premier one-shot sur sdk. Je ne sais pas pourquoi mais j'ai eu envie de relire le manga qui me fascinait tant au lycée et, une fois les mangas finis, comme d'habitude, je suis restée sur ma faim. J'ai donc visité la section fanfiction et... et ben il n'y a presque rien sur ma famille préférée ! J'ai donc décidé d'évacuer ma frustration en écrivant un one-shot. A savoir que, s'il y a des réponses positives, j'en ferai une fiction plus longue
Voilà voilà, j'espère que cela vous plaira.
Mille et une nuits pluvieuses
La première fois qu'il la rencontra, c'était un jour de pluie. Il était entré dans son hôtel, au pied du Mont Kurama, pour s'abriter et pour trouver un toit pour la nuit. Il avait hâte de revoir son frère, qu'il n'avait pas vu depuis tant d'années mais la traversée du clan, puis celle de la forêt d'Aokigahara, les centaines de kilomètres de marche sur la route royale et enfin son altercation avec des bandits tentés de tirer parti de son handicap l'avait vidés. L'escalade du Mont Kurama attendrait demain. Pour l'instant, le soleil se couchait, il était trempé – ses vêtements imbibés d'eau et, il l'espérait, de pas trop de sang – il était fatigué et il avait faim. Il était donc entré dans la première, et la seule, auberge au pied de la montagne, suffisamment éloignée de la ville de Kibune et de la route royale.
Sans surprise, l'endroit était presque désert. C'était une vieille bâtisse qui tenait debout par miracle et dont la devanture répugnerait même un chat errant. L'intérieur n'était pas mieux. L'air sentait l'humidité. La chaleur était à peine présente. Quelques tables en bois se battaient duel et un vieux comptoir qui craquait lorsque l'on s'appuyait dessus trônait dans l'angle, quelques tabourets posés autour. Une vieille femme qui sentait l'encens buvait un thé appuyée justement sur le comptoir était la seule cliente. Bien vite, une jeune fille à la démarche maladroite déboula dans la pièce, attirée par la clochette de la porte d'entrée. Elle s'immobilisa à quelques mètres de lui, probablement en train de débattre s'il était un client ou un voleur. Il ôta la capuche de sur sa tête, dévoilant son visage dans l'espoir d'attirer un semblant de confiance.
La jeune fille resta encore silencieuse un instant. Il attendit patiemment. S'il y avait bien une chose que sa famille de neuf frères et sœur et un élève lui avait appris, c'était la patience. Finalement, elle se décida à ouvrir la bouche.
"Bienvenue," salua-t-elle d'une voix claire mais hésitante, "je peux vous aider ?"
Elle semblait circonspecte et il ne pouvait que deviner pourquoi. Etait-ce son état, sale et trempé ? Son aura, destructrice, comme celle de tous les Mibu, bien qu'il fasse de son mieux pour la masquer. Ou peut-être tout simplement son handicap. Il supposait que ce n'était pas tous les jours que la jeune fille croisait un vagabond aveugle.
"Je voudrais une chambre pour la nuit. Seul. Et un repas." Ajouta-t-il lorsque son ventre protesta.
Il grogna intérieurement et maudit Anna. Elle les faisait trop manger, ils finiraient tous gras et incapables de se priver une seule journée. D'un autre côté, il connaissait les talents, ou l'absence de talent en l'occurrence, de cuisinier d'Anri. Il ferait mieux de faire des réserves.
La jeune hocha la tête, il le sentit dans le mouvement de l'air et aux bruits de ses mèches. Mais ça, elle ne pouvait pas le savoir. Elle prit donc une inspiration choquée de sa propre maladresse alors qu'il retenait un sourire moqueur.
"Oui, bien sûr. Tout de suite, Monsieur…"
"Yuan." Répondit-il simplement. Il n'osait pas donner comme nom Mibu, des fois qu'Anri s'en soit déjà servi dans le coin.
Elle hocha à nouveau la tête et grogna imperceptiblement lorsqu'elle réalisa, encore une fois, l'inutilité de son geste.
"Nous avons une chambre de libre au premier étage mais…" Elle hésita. Puis se ravisa. "Le repas de ce soir est une soupe de ramen." Yuan acquiesça. Il sentait la maladresse de la jeune fille, probablement en poste depuis peu de temps. Ou tout simplement peu habituée à avoir de vrais clients. "Je peux vous conduire à une table, si vous le désirez."
Elle hésita une nouvelle fois, avança vers lui de quelques pas, tendit sa main, la reposa le long de son corps. Yuan, amusé, la laissa faire quelques instants, avant d'avoir pitié de son calvaire et de se diriger seul vers une table. Elle comprit le geste et disparut dans une pièce au fond de la salle.
Le samurai détacha la cape qui lui servait de piètre protection contre la pluie et se laissa tomber sur l'une des chaises avant de passer une main dans ses cheveux humides dans l'espoir de les décoller de son crâne. La serveuse revint, heurta un coin de table en chemin, et s'arrêta à côté de lui avant de commencer d'installer les couverts et un verre.
"La soupe sera prête dans quelques minutes. Je peux vous servir quelque chose à boire en attendant ?"
Il hésita. Très honnêtement, il avait envie d'un verre de saké mais il doutait de la qualité de la boisson dans un tel bouiboui.
"Je…" commença la jeune fille. Il se demanda même si la voix qu'il entendait était celle d'une adulte ou d'une enfant. "Notre saké est très bon, c'est un artisan de Kibune qui nous le livre."
"Va pour un verre de saké alors." Céda-t-il. Au moins, s'il était mauvais, il saurait que la soupe ne serait pas meilleure. Ce qui n'était pas grave en soit. Il devait préparer son estomac à l'infâme cuisine d'Anri. Que son frère ait survécu seul si longtemps était un miracle.
La jeune fille déguerpit aussi vite qu'elle était arrivé et revint avec un verre qu'elle posa à sa table.
"Je ne sais pas quand je dois vous le dire exactement mais… Sachez que la nuit et le repas coûte trois ryôs." Annonça-t-elle avec plus de fermeté.
Il lui lança un sourire acéré. Il ne put s'en empêcher.
"Ne t'inquiète pas, petite. Je ne suis pas un vagabond."
Pour preuve, il posa les trois ryo qu'il sortit de sa poche sur la table. Après une brève courbette qui s'arrêta à mi-chemin – aveugle semblait crier son esprit – la gamine le remercia et repartit en cuisine. Yuan se demanda vaguement si elle était seule à tenir l'endroit. Une tâche colossale pour une enfant seule… Le samurai se sermonna lui-même. Il fallait qu'il arrête de faire ça, de toujours s'inquiéter pour tout le monde. Il avait déjà assez de responsabilité comme ça. Neuf, très exactement. Il soupira et savoura le calme de la salle. C'était un étrange contraste – un agréable contraste – avec sa propre maison, toujours bruyante et pleine de vie. Ici, les seuls sons qu'il pouvait entendre étaient le bruit de la pluie qui battait les fenêtres, les occasionnels bruits de casserole dans la cuisine et le bruit de la vieille femme qui buvait son thé à petite gorgée.
Cette dernière tourna sur son tabouret dans un froissement de vêtements fripés et lui fit face alors qu'il goutait son saké, pas si mauvais que cela. Il profita de son handicap pour faire comme s'il n'avait rien vu, ce qui était le cas, en un sens… Il sentit son regard sur lui pendant de longues minutes et fit de son mieux pour rester calme. Ici, il n'était qu'un inconnu, un voyageur, et certainement pas un samurai, certainement pas un "dieu". Pourtant, l'insistance de la grand-mère lui fit froncer les sourcils. Que voulait-elle donc ? Il dut se retenir de tourner la tête vers elle.
"Yuan… c'est un nom étrange." Marmonna-t-elle à peine assez fort pour qu'il l'entende. "Et c'est un étrange tatouage sur votre main."
L'interpellé ne put s'empêcher de se tourner en direction de l'empêcheuse de tourner en rond, un pied sur la banquette et un bras appuyé sur son genou surélevé.
"C'est une étrange question." Se contenta-t-il de répondre.
Il n'aimait pas le ton de sa voix. Une voix rauque, abimée par les années et probablement par le tabac. Une voix désinvolte, blasée.
"Ce n'était pas une question." Fit-elle remarquer d'un air désinvolte.
Pourtant, il sentait quelque chose… Quelque chose de plus. Le plus discrètement qu'il put, il utilisa son œil intérieur pour scruter la femme en face de lui. Etait-elle un ancien ninja ou quelque chose du genre ? Une chamane ? Savait-elle pour le clan ? Savait-elle pour Anri ?
Contrairement à ce qu'il avait soupçonné, sa petite inspection ne donna rien. Une simple humaine. Aucun pouvoir particulier. Juste une vieille femme trop curieuse. Et peut-être pas très bien dans sa tête.
"Vous voulez le même, mamie ?" s'autorisa à plaisanter le samurai, désormais confiant qu'il ne risquait rien.
La vieille lui sourit d'un air étrange avant de se retourner vers le comptoir. Yuan retint une grimace. Il savait qu'elle n'était pas une menace. Pourtant, il n'arrivait pas à s'ôter de la tête la sensation qu'elle était… quelque chose…
"Grand-mère Ostuka !" s'exclama la gamine en revenant dans la salle, un bol de ramen fumant à la main. Yuan pria pour qu'elle ne glisse pas avec. Il mourrait de faim. "J'espère que tu n'ennuis pas les clients." LE client, corrigea Yuan pour lui-même en retenant un rire. Pauvre gosse.
"Bien sûr que non." Répliqua la vieille qui ne manquait pas de souffle.
La gamine posa le bol et scruta Yuan dans l'attente d'une réponse. Il aurait pu attendre qu'elle s'exprime à voix haute, s'en voulant encore de sa maladresse, mais il avait trop faim pour jouer.
"Ne vous inquiétez pas, j'aime bien les vieilles pies curieuses." Il entendit le dos de la vieille se raidir sous l'insulte. Yuan sentit ses joues s'étirer sous son sourire carnassier. Bien fait, mémé.
La gamine fronça les sourcils mais s'excusa simplement, avec une nouvelle révérence stoppée en plein milieu, avant de lui souhaiter un bon appétit. Yuan ne se fit pas prier et plongea dans son bol, une mauvaise habitude gagnée à force d'essayer de finir de manger avant le début de "la course" entre Anthony et Keikoku. Il grogna presque devant la qualité de ce qui se présentait à lui. Il fallait une nouvelle cuisine pour se rendre compte de la piètre qualité de celle d'Anna. Pourquoi, alors qu'il devait supporter de vivre avec tant de femmes, aucune ne cuisinait bien ? Il se baissa presque, attendant le bol volant en direction de sa tête. Qui n'arriva jamais. Il soupira. Une autre mauvaise habitude de sa famille. Il avait horreur de manger seul et en silence.
Il hésita quelques instants. La gamine faisait les cents pas dans la salle, faisant de son mieux pour prétendre être occupée, ce qui ne faisait qu'empirer le nombre de table et de chaise qu'elle percutait. Sa décision prise, il leva une main et fit signe à la jeune fille d'approcher, ce qu'elle fit si vite qu'il dut retenir son sourire typique de peur de l'effrayer encore plus. Il posa deux ryo sur la table.
"Mange avec moi." Proposa-t-il, ordonna-t-il. Il ne savait pas exactement quel ton utiliser. Aucun membre de sa famille n'attendait que l'on lui demande pour manger… Il sentit l'hésitation de son hôte, entendit le froissement de vêtement de la vieille qui se crispait. Toutefois, après un hochement de tête, la jeune fille courut en cuisine et revint avec un deuxième bol de ramen qu'elle posa en face de lui. Elle s'assit de l'autre côté de la table et joignit ses mains en prière dans un clap sonore avant de commencer de manger.
Il l'entendit prendre quelques gorgées avant de prendre la parole.
"Vous n'avez pas à payer, vous savez. J'en aurai mangé un bol quoiqu'il arrive."
Yuan acquiesça mais l'ignora à la fois. Il savait la valeur de l'argent. Et il savait reconnaître ceux qui en avaient besoin. Pas qu'il roule sur l'or lui-même mais son nouveau statut de "sage" avait ses avantages.
"Tu tiens cette auberge seule ?" demanda-t-il plutôt.
Il continua de manger. La jeune fille hésita, se mordit l'intérieur de la lèvre dans un bruit de salive et finalement déglutit, choisissant ses mots avec précaution.
"Mon père est le propriétaire. Et ma mère… Elle n'est plus là." Expliqua-t-elle. Il ne demanda pas ce qu'elle entendait exactement par là. Il savait d'expérience qu'un parent "plus là", même s'il n'était pas mort, c'était tout comme. "Mon père gère l'accueil normalement, et je fais la cuisine." Ce qui expliquait son malaise par rapport à lui. Peut-être. "Mais il est parti depuis plusieurs semaines. Il ne m'a pas dit pourquoi." Avoua-t-elle d'une voix plus basse, presque désemparée, presque effrayée, avant de se reprendre. "Mais il va revenir dans pas longtemps. J'en suis sûre ! Après tout, la forêt d'Aokigahara n'est pas si loin !" Elle lui sourit, confiante, tout du moins en apparence.
Yuan, lui, s'était figé. Pourquoi un tenancier d'hôtel irait dans la forêt maudite ? En tout cas, une chose était sûre, s'il n'avait pas menti et qu'il était bien là-bas, il était en face d'une enfant qui ne reverrait jamais son père. Et il compatissait réellement pour elle. Bien qu'il ne put rien lui dire.
Après un silence gênant, il reprit le cours de son repas.
"Il n'y a pas d'autres membres de ta famille, ici ?"
"Non," répondit-elle d'un air neutre, pas plus dérangée que cela. Le samurai grimaça. Elle serait donc définitivement toute seule, lorsqu'elle comprendrait que son père ne reviendra jamais. "Et vous ?" La question laissa Yuan pantois. Elle l'avait sorti de ses pensées si brutalement qu'il lui fallut quelques secondes pour réagir. "Vous avez de la famille ?"
"J'ai neuf frères et sœur." Expliqua-t-il sous les yeux ronds de la jeune fille, un sourire aux lèvres. "Un frère aîné, qui habite pas loin – c'est lui que je viens voir – et tous les autres plus jeunes. J'ai aussi un père absent et …" il hésita. Il ne pouvait pas dire un élève. "Un chat." Conclut-il. "Un drôle de chat."
Un sourire amusé lui répondit. Pourquoi toutes les femmes s'attendrissait-elle lorsqu'on parlait d'animaux ?
"Ah oui ? Pourquoi drôle ?"
"Arf !" s'exclama Yuan, prenant son verre de saké pour faire bonne mesure. "C'est un vagabond. Je l'ai trouvé dans la rue et je l'ai ramassé. Il me faisait pitié. Mais il est un peu, beaucoup, sauvage. Il ne parle jamais et passe son temps à me dévisager d'un air mauvais. Il refuse de manger ce qu'on lui donne mais il râle si on lui enlève."
Un rire cristallin éclata dans la salle. Un rire honnête.
"C'est vraiment un drôle de chat." Admit l'inconnue.
"Hmm, il a quitté la maison il y a quelques années maintenant mais… les chats retrouvent toujours leur chemin, pas vrai ?" En posant la question, il se sentit comme la jeune fille lorsqu'elle assura que son père reviendrait… En plus, son "chat" avait un terrible sens de l'orientation. Il était capable d'atterrir en Chine en tentant de rentrer. Il préféra changer de sujet et se rendit compte d'un détail capital. "Je ne sais toujours pas ton nom…" constata-t-il.
"Anju." Répondit la gamine, et, pour la seconde fois, Yuan se figea. Un nom Mibu… Pourtant, son aura ne dégageait aucune violence si typique de son clan. Peut-être était-ce une simple coïncidence. Il l'espérait. "Anju Sagashima."
Anju se leva ce matin-là un sourire aux lèvres. Elle repoussa les couvertures et entreprit de se préparer pour une nouvelle journée. Elle avait d'abord eut peur la veille, à l'arrivée de l'inconnu. Il était dans un état misérable, trempé jusqu'aux os, un bandage en travers des yeux et du rouge sous les ongles. Elle préférait croire qu'il s'agissait d'un simple ouvrier, un qui travaillait un sol ocre. Lorsqu'il avait relevé sa capuche et dévoilé un sourire avenant, elle s'était reprise. Elle n'allait pas rejeter le seul client qui était venu depuis des semaines. Elle l'avait donc accueilli du mieux qu'elle pouvait malgré son attitude déconcertante.
Elle soupira en brossant ses cheveux blonds. Tout avait été déconcertant en lui, en réalité. La première chose qui l'avait choquée était ses cheveux blancs. Il ne semblait pourtant pas avoir plus de trente ans. La seconde chose qui l'avait déconcertée était son handicap. Et sa confusion n'avait été que plus grande lorsque, malgré le bandage sur ses yeux, il s'était déplacé dans la salle comme n'importe qui.
Mieux que n'importe qui, se corrigea-t-elle en faisant glisser un crayon noir le long de ses yeux bleus. C'était là le plus étrange. Il se déplaçait avec une grâce presque féline. Elle l'enviait, elle qui s'entravait dans ses propres pieds. Aussitôt, elle se sermonna. Comment osait-elle envier cela ?! L'homme était aveugle, un terrible sort. Particulièrement dans un monde en guerre comme le leur. La jeune fille enfila son simple kimono gris, la tête basse.
Il l'avait encore surpris lorsqu'il lui avait demandé de manger avec elle. Elle avait hésité, pas sûre que ce soit convenable. Avant là encore de se raisonner. Elle n'avait eu aucun client à part grand-mère Otsuka, qui faisait presque partie des murs maintenant tant elle était présente. Et elle avait vraiment été affamée, elle aussi. Elle ne regrettait pas, pensa-t-elle en souriant à son reflet dans le miroir de fortune de la petite chambre. Pour la première fois depuis des mois, elle avait passé une journée différente des autres.
La jeune fille sautilla en descendant les marches, heureuse d'avoir brisé la monotonie grise qu'était sa vie, et trébucha sur la dernière marche. Les joues rouges et les mains tentant de remettre en place son kimono, elle entra dans la grande salle. Enfin, grande… Plus grande que les autres pièces. Et eut le déplaisir de la trouver vide, sauf pour la grand-mère assise sur une chaise. La jeune fille tenta de ravaler sa déception.
"Il est parti à l'aube." Lui apprit la vieille femme avec un sourire compatissant.
Anju se résigna. C'était le principe d'un hôtel, les gens allaient et venaient. Même si dans son cas, peu de gens allaient, en réalité. La jeune fille se força à sourire, un sourire probablement pas aussi éclatant qu'habituellement.
"Qu'est-ce-que je vous sers, Grand-mère ?" demanda la jeune fille bien qu'elle passait déjà derrière le comptoir pour attraper une théière.
"Un thé." Répondit la cliente sans surprise.
Anju disparut en cuisine, déprimée par le fait qu'il avait fallu l'arrivée d'un étranger pour qu'elle se rende compte à quel point elle s'ennuyait de sa vie de campagne. Quand son père rentrerait, peut-être pourrait-elle partir voyager ? Voir le monde….
La jeune fille, prise par ses rêves de voyage, continua sa journée comme elle avait l'habitude. Elle servit son thé à son unique cliente, nettoya son commerce, descendit faire le marché de Kibune en comptant scrupuleusement ses petites économies et s'offrit une brochette de thon malgré tout. Elle entendit des femmes parler entre elles de la bataille de Sekigahara, pronostiquant le vainqueur et priant pour que la guerre reste loin de cette ville. Anju regarda autour d'elle, les bâtiments en ruine à force de manque d'entretien, l'absence criante d'hommes "capables" sur le marché. La guerre est déjà dans la ville, pensa-t-elle tristement.
Une fois son marché fini, quelques légumes achetés et aucune viande – aucune n'était proposée de toute façon – la jeune fille rentra chez elle. Elle arriva légèrement essoufflée par le chemin escarpé et entra pour trouver Ostuka toujours là. Elle se demanda vaguement pourquoi elle ne quittait jamais l'endroit. Etait-elle seule à ce point ? D'un autre côté, Anju n'avait personne à aller voir non plus…
Cela suffisait ! Elle devait se reprendre. Elle attaqua donc gaiement de faire la cuisine pour le soir, des petites quantités. Parfois quelques marchands s'arrêtaient pour manger, jamais pour dormir. Elle était en train de couper des carottes lorsque la clochette de l'entrée retentit. Elle manqua se couper un doigt et rejeta le couteau en jurant. Malgré elle, elle avait sursauté.
Elle étouffa sa bouffée d'espoir dans l'œuf alors qu'elle s'essuyait les mains. Il était parti rendre visite à son frère. Il ne repasserait pas par ici de si tôt. Et même s'il le faisait, elle connaissait la piètre qualité des futons. Il ne reviendrait pas dans cet endroit.
Malgré ses certitudes, elle passa la tête dans l'entrebâillement de la cuisine timidement, espérant malgré elle. Elle retint un cri de joie et de surprise et glissa sur le carrelage, elle se rattrapa sans mal et courut presque dans la salle principale. Il était là, ses cheveux gris encore souillé par la pluie et son bandeau rouge encore sur les yeux, un sourire narquois sur le visage.
"Tu sais, c'est presque un signe d'agilité, de trébucher si souvent sans jamais tomber."
Anju encaissa la moquerie avec un sourire et ignora le regard accusateur de la vieille femme assise avec un livre dans un coin de la salle. Il enleva sa cape et la posa sur une chaise.
"Vous n'alliez pas voir votre frère ?" demanda-t-elle en retour.
L'homme se laissa tomber sur la chaise sur laquelle il s'était assis la veille, ses longues jambes étendues devant lui. Il était vraiment grand, élancé et surtout, beaucoup plus musclé que la normale. Anju rougit. Puis se reprit. Ce n'était pas du voyeurisme. L'homme se promenait les bras et les mollets nus en plein automne… Il n'était pas l'énorme masse d'os et de muscle qui s'appelait Haiken et qui était parti à la guerre il y a quelques années mais sa peau ne semblait être que de l'épaisseur d'un papier, tendue par ses muscles allongés. Elle se demanda vaguement quel visage il avait. Son bandeau rouge en masquait une grande partie.
"Il s'avère que mon frère à huit enfants, et un neuvième en chemin, et donc aucune place pour moi dans sa maison." Anju rit malgré elle. Neuf enfants !
"Félicitations à la maman !" plaisanta-t-elle avant de se diriger vers le comptoir. Elle leva une main pour montrer la bouteille de saké et, avant qu'elle ne puisse corriger son erreur et poser la question à voix haute, il avait répondu d'un hochement de tête. Anja fronça les sourcils en avançant vers lui, bouteille et verre en main. Etait-il vraiment aveugle ?
"Et puis, je préfère monter et descendre tous les soirs plutôt que de manger son infâme gâteau aux vipères." Marmonna-t-il en acceptant le verre qu'elle posa devant lui.
En entendant cela, Anju se figea, les yeux écarquillés.
"Monsieur Anri ?" demanda-t-elle en clignant des yeux plusieurs fois. Son client s'était figé à mi-mouvement, ses doigts blanchis par la pression qu'il appliquait sur le verre. Elle ne releva pas, trop surprise. "C'est lui votre frère ? Anri le Tengu ?"
Anju vit ses doigts retrouvés leur couleur normale et son sourire moqueur revenir sur son visage.
"Le Tengu ?" demanda-t-il.
Oups, pensa la jeune fille, trop tard. Elle rit maladroitement, une main derrière la tête.
"Oui, hum… C'est comme ça que les gens d'ici l'appellent. A cause de son nez." Expliqua-t-elle, gênée.
Un long silence s'en suivi, finalement brisé par le rire communicatif de l'homme qui se contorsionnait sur sa chaise, pris dans sa crise d'hilarité, une main sur ses yeux bandés.
"Il est plutôt connu par ceux qui habitent au pied de la montagne." Expliqua-t-elle en souriant. Elle aimait bien son rire. Il réchauffait la pièce. "Il vient parfois pour vendre ses gâteaux." Anju ne put retenir sa grimace. Elle en avait acheté, une fois.
"Alors comme ça tu connais Anri…" reprit-il d'un ton plus sérieux.
"Oui," elle accepta l'invitation qu'il lui faisait d'un signe de main et s'assit en face de lui comme la veille. Cette fois-ci, il lui servit un verre de saké dans son propre verre. Par politesse, mais embarrassée, elle accepta. "Il est un peu effrayant, de prime abord, avec tous ses piercings mais c'est quelqu'un de très gentil. Il a aidé mon père l'année dernière avec la charpente de l'hôtel."
"Anri charpentier…" murmura Yuan en secouant la tête, incrédule, bien qu'Anju ne comprit pas ce qu'il y avait de si drôle.
"Certains disent qu'il est ami avec l'esprit protecteur du Mont Kurama."
"Hmm," se contenta de répondre son client d'un air étrange. Avait-elle dit une idiotie ?
Avant qu'elle ne s'en rende compte, la bouteille de saké était vide et la nuit était tombée sur l'auberge. Ils avaient discuté de tout et de rien jusqu'à ce que la lune soit la seule chose qui les éclaire. Grand-mère Otsuka avait disparu. La jeune fille se leva pour allumer une lampe à huile et proposa un bol de ramen - encore - à son client. Gênée, elle lui expliqua que trop peu de client venaient pour qu'aucun ne mange deux fois la même chose. Il rit à nouveau et accepta en souriant.
Lorsqu'il partit se coucher, elle le regarda monter les marches sans mal en espérant le revoir le lendemain, cet étrange vagabond.
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