Chapitre 1 : Sœur Marie
Sœur Marie du Cœur Ardent se relève de son agenouillement. Elle a passé la nuit dans la chapelle du couvent, abîmée dans de ferventes prières. Sa piété est connue de tous. Elle est même remontée jusqu'aux oreilles du Pape, bien que sœur Marie elle-même n'ait jamais fait aucune démarche en ce sens.
Elle aspire à l'humilité, à l'obscurité. La publicité qui est faite autour d'elle l'ennuie.
Si sœur Marie passe ses nuits à prier, elle consacre ses journées à faire le bien. Ou du moins, à le tenter pour les âmes les plus perdues : les criminels endurcis, ceux qui sont condamnés pour les plus horribles forfaits. Elle fréquente assidûment les parloirs des prisons.
Elle cherche, non pas à les convertir, mais à les soulager. Elle ne leur parle jamais de Dieu, ou de la foi. Elle les écoute, essentiellement. Dans le fond de son cœur, habité par la passion de la bonté, elle les plaint.
« Sœur Marie ! l'interpelle sœur Berthe, à l'instant où elle traverse le corridor en direction de la salle à manger. Voilà quelqu'un qui pourrait vous intéresser. »
La jeune religieuse lui montre, sur l'écran de télévision qui orne un angle de la petite salle de loisirs, un homme habillé tout de noir, que des soldats font entrer dans une voiture blindée.
« Qui est-ce ? demande sœur Marie.
– Un nommé Magister. Il paraît que c'est l'un des pires gredins qui ait sévi ces dernières années. Il a manqué de peu d'être condamné à mort, mais finalement, il va passer sa vie dans une prison spécialement apprêtée pour lui. Il représente un grave danger pour tout le pays, paraît-il. Je sais que nous devons nous montrer charitables, même avec les plus mauvais des pécheurs, ajoute la sœur. Cependant, je me demande si les juges n'ont pas fait une erreur en étant aussi indulgents. Imaginez qu'il réussisse à s'échapper. »
Sœur Berthe frissonne.
« Notre vie et notre destin sont dans les mains de Dieu, lui répond sœur Marie. S'il a jugé bon de permettre que cet homme soit épargné, c'est qu'il a une bonne raison pour cela.
– Vous donner l'occasion de lui rendre visite, par exemple ? » suggère sœur Berthe, ses yeux pétillants d'une gentille malice.
Sœur Marie réfléchit à l'idée que vient de lui donner sa jeune consœur.
« Oui, c'est possible, finit-elle par murmurer. Cette âme doit être tellement seule, et enfoncée dans le mal. »
