Alors, cette fic est une AU ou si vous préférez, un univers alternatif. Basé sur les évènements autour de Jack l'éventreur. Tous les personnages m'appartiennent sauf Chloé et Lex que j'emprunte à but non lucratif ^^

J'espère vous étonner avec cette fic. N'oubliez pas les reviews :)

Bonne lecture!


Aout 1888

Une pluie drue tombait depuis des heures sur les pavés sales. La nuit était tombée depuis peu et étrangement, les rues étaient désertes. Le silence, parfois brisé par le passage d'un cheval tirant une voiture, était oppressant.

Une jeune femme, cachée sous une lourde cape, tentait en vain de se protéger de la pluie. Un coup de vent plus fort que les autres fit voler sa cape et le vent s'engouffra dans sa robe. Le riche tissu s'imprégna de quelques gouttes de pluie le temps que sa propriétaire réajuste au mieux sa cape. Ses cheveux était maintenant dégoulinants et elle ne voulait plus qu'une chose : rejoindre son domicile au plus tôt.

Le bruit de ses pas résonnait dans les petites rues de Londres.

Elle ne s'aventurait jamais la nuit dans Whitechapel, ni même dans un autre quartier que le sien. De naissance aisée, la demoiselle craignait que l'on puisse tenter de s'en prendre à elle.
N'était-il pas connu que les ouvriers qui avaient fait leur apparition dans la ville n'étaient que des gens négligés et avides d'argent ?

Sa tante, qui s'était mis en tête d'aider les familles dans le besoin, l'avait sermonnée pour son égoïsme et l'avait envoyée pour porter à une famille de quoi se sustenter.
Leur demeure si modeste était froide et lugubre à ses yeux. Ne pouvaient-ils pas bruler un peu de bois pour la rendre plus accueillante ?

Elle pesta en sentant les gouttes d'eau glacée glisser le long de sa peau. Vraiment, c'était la dernière fois qu'elle se lançait dans ce genre d'aventure. Si sa tante voulait expier ses pêchers, elle devrait dorénavant le faire seule. Ce n'était certainement pas à elle de faire cela.

Elle entendit des pas derrière elle. Se sentant en danger – probablement un horrible ouvrier – elle s'apprêtait à hurler mais une main gantée vint se poser sur ses lèvres et elle fut emmenée de force dans une petite ruelle sombre et si possible, encore plus sale. Plaquée contre le mur, elle pu enfin voir la tête de son agresseur. Il avait une cape et son visage était protégé par une capuche noire. Ses yeux étaient d'un bleu presque parfait et elle se sentit comme hypnotisée. Pas un mot ne sortait de sa bouche.

Il la dévisagea en silence quelques instants, puis, avec un accent de Lord anglais qu'elle trouva immédiatement charmant, il lui indiqua qu'une demoiselle de son rang ne devait pas se promener seule dans un tel endroit. Il réajusta le col de sa cape et laissa ses doigts courir le long de son coup gracile.

- Pardonnez madame mon geste. J'ai eu peur que la personne qui vous suivait ne soit mal intentionné. J'ai préféré vous enlever avant que cet individu ne le fasse.
- Ce… ce n'est rien. » Elle était si surprise par les manières et la délicatesse de cet homme qu'elle en avait perdu toute raison. Enlevée par un gentilhomme désireux de la sauver.
- Madame, puis-je vous proposer de vous accompagner jusqu'à votre domicile ? Je serai plus tranquille de vous savoir à l'abri plutôt qu'ici.

La prudence voulait qu'elle refuse mais mue par une curiosité folle et inconsciente, elle acquiesça d'un mouvement de tête.
Il lui offrit son écharpe pour se protéger de la pluie et resta silencieux tout le long du trajet.

Une fois devant sa demeure, elle se retourna vers son mystérieux compagnon. Il était impassible et plongeait son regard dans le sien.

- Je vous suis reconnaissante. Il est rare de rencontrer un homme tel que vous. Pourrais-je connaître votre nom ?
- Alexandre. Simplement.
- Mais…
- Non, madame, je vous assure que ce nom vous importe peu. Je préfère que vous ne connaissiez de moi que ce prénom.

Ne sachant comment le remercier, elle se pencha vers lui et déposa un baiser sur sa joue. Elle était douce comme de la soie.

L'homme s'éloigna sous la pluie et en rentrant chez elle, elle remarqua qu'elle avait toujours son écharpe à lui.

***

Janvier 1998

- Papa ! Papaaaaaaaaaaa…
- Chloé, je suis au salon !

Chloé Sullivan, 11 ans, déboula dans le salon avec précipitation. Son pull noir portait des traces de poussière et même de quelques toiles d'araignées.
Elle s'approcha de son père et se jeta à ses cotés dans le canapé. Gabriel Sullivan, dit Gabe, se prépara intérieurement à la nouvelle que sa fille allait lui annoncer. Dotée d'une curiosité sans limite, elle arrivait toujours à le surprendre : au cours des dernières années, elle lui avait annoncé que grand-mère Violette avait eu une aventure ou encore que le voisin « piquait » les nains de jardin du quartier pour les libérer dans la forêt.

La petite fille lui tendit une boite ouvragée couverte de poussière. Il ne l'avait pas depuis plus de quelques secondes qu'elle souffla dessus.

Impressionnée par le coffret, elle se tourna vers son père qui enlevait les traces de poussière de son pull. Lui semblait étrangement indifférent, ce qui intriguait sa fille. Connaissait-il cette boite ? Que faisait-elle dans leur grenier entre les décorations de Noel et les cartons contenants des papiers administratifs ?

- C'est quoi ?
- Un coffret.
- Et il y a quoi dedans ?
- Des… »

Il s'interrompit, tentant de mettre un peu d'ordre dans ses idées. Qu'y avait-il dans cette boite ? La dernière fois qu'il l'avait vue, c'était… Il hésita. Sa mère lui avait offert cette boite, oui ! C'était ça. A la naissance de Chloé, elle la lui avait confiée en prétextant que cette boite restait toujours chez les femmes de la famille Sullivan. Il n'avait pas réellement fait attention à cette remarque.

- Chloé, je l'ignore en réalité. Je ne me suis jamais posé la question.

Elle resta bouche bée devant cette déclaration. Comment pouvait-on avoir un tel trésor entre ses murs et ne pas savoir ce qu'il contenait ? Choquée au plus au point, elle se colla contre son père pour mieux voir l'ouverture de la boite.

Il s'y prit avec mille précautions. Il frotta le dessus avec sa manche, oubliant probablement qu'elle en serait salie, et passa son doigt sur l'argent finement ciselé. Son doigt retraça les initiales gravées.

- C et S ?
- Une personne qui portait ces initiales, je suppose.
- Ce sont les miennes.

Il se tourna surpris vers sa fille. Elle avait raison. Sa vivacité d'esprit l'étonnerait toujours. Il n'eut pas le temps de lui répondre qu'elle commençait déjà à réfléchir. Elle commença un monologue à haute voix, testant ses hypothèses.

- C. Sullivan. Surement, sinon ça n'aurait pas été dans la famille. Les Sullivan… Dans la famille, on avait grand-mère Violette et grand-père. Papa, toi c'est Gabriel. » Il acquiesça un peu pour la forme, elle était dans un autre monde. « Les parents de grand-père ? »
- Euh…
- Tu ne connais même pas le nom de tes grands-parents. Papa, t'es pas doué mais je t'aime quand même.
- Charmant.
- Ouvre-le.
- Tu l'as trouvé, à toi l'honneur.

Cet instant-là resta gravé à jamais dans l'esprit de la jeune Chloé Sullivan. Elle l'ouvrit presque religieusement avec respect. Tant de secrets autour de cet objet…

A l'intérieur, des pages de journaux jaunies. Lorsqu'elle vit la date, son cœur rata un battement. 1888.
Tout en douceur, elle les sortit du coffret. L'assassin de Whitechapel… ce nom lui disait quelque chose. Mais quoi… Son père murmura alors la solution « Jack l'éventreur ». Elle avait entre ses mains des documents authentiques qui dataient de l'époque de Jack l'éventreur. Comment s'étaient-ils retrouvés là dedans ? Par qui ?
Elle posa avec délicatesse les journaux et découvrit un bout de tissu qui cachait une autre enveloppe. Un sceau aux initiales « C.S. » la protégeait encore.

***
Aout 1888

A peine fut-elle dans sa maison que Miss Sullivan se débarrassa de sa longue cape trempée. Le majordome qui venait à sa rencontre fut congédié au plus vite. Lorsqu'il fut hors de sa vue, elle se laissa enfin aller. S'adossant à la porte, elle ferma les yeux.

Elle ne savait plus quoi penser. Enlevée pour être mieux sauvée. Digne d'un vrai roman. Mais c'était sa vie. Elle avait eu si peur et pourtant… ces yeux bleus semblaient la hanter. Elle frissonnait mais n'en avait que faire. Sa peur avait décuplé ses sens et il lui sembla qu'elle avait été comme hypnotisée par cet homme. Il devait faire partie de l'aristocratie… Ou était-il un familier de la cour ? Mais que faisait un tel homme dans ce lieu si peu recommandable ?

Elle sourit de l'incongruité de la situation. Elle non plus n'était pas une familière d'un tel endroit et cela ne signifiait pas qu'elle eut été à mettre en cause.

Sa femme de chambre, sans doute alertée par le majordome, arriva près de la porte. Elle semblait craintive. La lady n'avait-elle pas congédié toute personne ?

- Marianne, faites moi un bain.
- Bien madame.

Elle fit une révérence et partit à son travail.

Alors qu'elle se délassait dans sa baignoire, un feu crépitant dans l'antre de la cheminée, son esprit tentait d'oublier les horribles images qui l'assaillaient. Si Alexandre ne l'avait pas secourue, elle aurait pu être… Elle s'obligea à ne plus y penser. Elle allait finir folle.

Lorsqu'elle se glissa dans son lit, elle sentit que quelque chose avait changé dans sa vie. Et elle ne savait pas si c'était une bonne ou une mauvaise chose.

***

Juin 2001

Gabe Sullivan était très en retard ce matin-là, son réveil ayant décidé de faire vœu de silence. Dévalant les escaliers, il attrapa son sac dans le hall d'entrée. Il fit quelques pas en arrière pour vérifier quelque chose.

Chloé était dans la cuisine plongée dans ses articles de 1888. Elle leur vouait une fascination sans bornes et il lui semblait qu'en relisant tout cela, elle percerait le mystère d'Alexandre.

Jack l'éventreur avait-il rencontré son arrière, arrière grand-mère ? Avait-il tenté de l'assassiner et avait échoué suite à l'intervention d'Alexandre ? Ou pire… Jack portait-il le nom d'Alexandre ?

Soupirant, elle s'étira tel un chat après un long sommeil. Réintégrant lentement son temps, elle laissa le Londres de 1888 pour s'occuper du regard réprobateur de son père.

- Chloé, tu vas encore être en retard en cours…
- Désolée.
- Allez, file. Chérie, tu sais que je ne t'en veux pas de te passionner pour cela, je te demande juste de ne pas délaisser tes études.
Même s'il ne l'avouerait jamais, elle savait qu'il était lui aussi intrigué par cette affaire. Mais un des plus grands mystères restait tout de même le fait qu'elle était la première Sullivan à s'intéresser à cette histoire ?

***

Juillet 2008

La longue robe de gala vert émeraude de Chloé volait légèrement sous le vent londonien. De lourds nuages noirs courraient dans le ciel. Elle se dirigeait dans l'East End, un peu pressée. La ponctualité ne serait décidemment jamais sa tasse de thé. Elle ne pu s'empêcher de rigoler devant cette réflexion si bien adaptée au pays où elle se trouvait.

Un coup de vent plus fort que les autres fit voler la petite cape si chic qu'elle avait déniché dans une petite boutique du centre de Londres. Elle frissonna et accéléra le pas. Ses talons résonnaient dans les petites rues.
Les pavés avaient laissé la place aux dalles de béton mais Chloé se sentit soudain moins à l'aise. Elle rejoignait un théâtre non loin de là où elle avait été invitée par son maître de stage. Après avoir passé six mois à Cambridge pour ses études de journalisme, elle s'était installée pour quelques temps à Londres. Elle logeait chez une charmante dame dans Nothing Hill et même si son père lui manquait un peu, la vie était douce.

Les gens se pressaient devant le théâtre et soudain elle entendit quelqu'un qui évoquait Jack l'éventreur. Au diable son rendez-vous, le professeur Jones devait avoir l'habitude de ses retards ; n'était-elle pas arrivée avec plus de trois heures de retard à son examen ?

Elle se faufila à travers la foule et se retrouva près d'un groupe de touristes. Le guide montrait une rue non loin du théâtre. « Durward Street, appelée ensuite Bucks Row, fut le témoin du premier meurtre de Jack l'éventreur. » Chloé eut un frisson d'effroi. Ce n'était pas tant le ton macabre du guide qui la choqua mais surtout le fait que son ancêtre s'était trouvée à quelques rues d'ici le jour où elle rencontra Alexandre.

Elle s'éloigna de ce lieu, trop intriguée, et se dirigea dans les rues. Elle s'imaginait très bien C. Sullivan. Elle l'imaginait blonde, nécessairement blonde. Elle rentre sous la pluie, une voiture conduite par un cheval… Chloé sursauta. Quel était ce bruit ? Simplement une porte que l'on ferme. Son cœur bat un peu plus vite. Elle continue. Etait-ce dans cette petite ruelle qu'Alexandre l'avait emmenée ? Elle pouvait presque sentir une présence dans son dos. Les pas se rapprochaient. Une petite fille d'une dizaine d'années la dépassa. Elle tenait dans ses mains un pain. Il était probable qu'elle rentrait chez elle. Comment avait-elle pu se laisser surprendre ? C'était idiot, personne n'allait l'attaquer. Jack, Alexandre et son arrière, arrière grand-mère avait rejoint l'au-delà depuis bien longtemps. Elle imaginait cette nuit-là depuis tellement d'années que sa raison avait du mal à prendre le relai. Etre ici était comme un voyage dans le temps.

En discutant avec madame Chandler, sa logeuse, Chloé se rendit compte du ridicule de sa situation. Elle avait eu peur d'un fantôme. Un simple fantôme. Madame Chandler lui fit promettre deux choses : de ne plus tenter de rencontre Jack et de téléphoner au professeur Jones. Elle promit. Le lendemain, elle téléphona donc et dû promettre d'assister au moins une fois à la représentation qu'elle avait malheureusement raté. Chloé promit à nouveau, elle trouverait bien le temps pour y aller.
Madame Chandler lui avait laissé un mot sur le percolateur : « Londres a connu Jack l'éventreur en 1888, même si aujourd'hui, il a bel et bien disparu, il ya ici des gentils et des méchants comme partout dans le monde. Soyez prudente Miss Sullivan. »

Elle le glissa dans sa poche, se jurant de faire attention. Au moins un peu.

Jack n'était pas la personne la plus importante pour elle, d'autres mystères devaient être résolus. Elle sortit de la maison et laissa son instinct la guider. Le soleil perçait doucement les nuages lorsqu'elle alla à la rencontre de C. Sullivan.

***

Une grande maison victorienne se dressait dans l'est de Chelsea. La bâtisse était en parfait état et Chloé se serait presque attendue à voir son aïeule descendre les quelques marches du perron. Elle frappa trois coups contre la porte en chêne et attendit.

La jeune femme eut un sursaut de surprise à l'instant où un majordome lui ouvrit la porte. Décidément, le monde entier voulait la voir se croire comme transportée dans le temps. Rien ne semblait avoir changé.

Il l'invita à entrer dans le vestibule et la pria de lui donner son manteau. Quoiqu'un peu intriguée par sa demande, elle obtempéra. Elle se trouvait dans la maison Sullivan. Elle eut à peine le temps de parcourir du regard la grande pièce où trônait un impressionnant escalier en marbre. Sa famille avait réellement vécu ici ? Le majordome lui indiqua d'un signe de la main la pièce à gauche de l'escalier et partit à ses occupations.

Elle entra dans la pièce. Le style était clairement victorien et Chloé se sentit encore et toujours plus happée par le passé.

- Vous voilà enfin Miss Parker… » Il marqua une pause en voyant son interlocutrice. « Vous »

Le majordome avait du la prendre pour quelqu'un d'autre. Chloé s'avança incertaine sur la conduite à adopter.

- Je suis navrée, monsieur. Je suis américaine et je ne sais absolument pas quels sont les usages d'un majordome…
- Je comprends, vous veniez pour ?

Il la dévisageait étrangement. Il n'avait pas l'air très commode au premier abord. Son maintien était excellent et elle s'obligea à se redresser. Elle n'avait peut-être pas le chic britannique mais elle ne pouvait décemment pas se tenir voutée devant un homme si…droit.

- Mes ancêtres ont vécu ici. Je voulais… je désirais voir la maison.
- Je… Oui. Je comprends… vous voulez savoir quelque chose, miss Sullivan ?
- Comment…
- Il y a eu peu de personnes dans cette maison.

Chloé était intriguée. Cet homme semblait la connaître. Il la dévisageait avec un intérêt qui la mettait mal à l'aise. Comme s'il tentait de découvrir les tréfonds de son âme.

- Et vous ressemblez étrangement à votre ancêtre.
- Comment pouvez-vous le savoir ?
- Je suis immortel.

Elle écarquilla les yeux. Etait-elle tombée dans une autre dimension ou allait-elle mettre la main sur le plus grand scoop du millénaire ? Un instant, elle se demanda si Jack l'éventreur, devenu immortel par ses meurtres, se trouvait devant elle. L'immortel Jack l'éventreur qui avait choisi de s'installer dans la maison de la seule survivante et qui décidait d'exécuter sa descendante pour… Chloé s'obligea à rester calme. Son imagination débordante devait être contenue à tout prix. Elle dévisagea son interlocuteur, s'obligeant à avoir des pensées cohérentes.

- Je plaisante. Vous les américains prenez toujours ce que nous disons pour vérité. Un océan nous sépare, que voulez-vous, cela a dû vous changer.
- L'humour britannique, je suppose.
- Très probablement. Mais je ne puis répondre à vos questions en ce moment, j'attends une… lady pour le travail. James, ramenez la à l'entrée.

James apparut immédiatement à sa droite. La voix sèche de l'étrange propriétaire avait quelque chose d'effrayant. Le domestique la conduisit alors dans le hall d'entrée mais lui fit signe de l'attendre. On frappa trois coups à la porte. James laissa entrer une dame qui ne cacher son intérêt pour Chloé en la dévisageant. La fameuse Miss Parker supposa-t-elle. Cette maison recelait bien des secrets et elle les découvrirait, foi de Sullivan.
A peine avait-elle descendu les marches du perron qu'elle se rendit alors compte que sa veste était toujours à l'intérieur. Ce James était futé. Peut-être même trop rusé. Elle se félicita de ne jamais laisser la moindre petite chose dans ses poches.

Il la rejoignit quelques instants après, la veste délicatement posée sur son bras. Le vent de la veille étant tombé, l'air était assez doux. Elle récupéra son bien et ne le remit pas tout de suite. James la dévisageait avec fascination.

- Je suppose que monsieur vous l'a déjà dit mais vous ressemblez de manière incroyable à Miss Sullivan.
- Oui, on me l'a déjà dit mais je suis très… confuse. Comment le savez-vous ?
- Il ne vous a pas parlé du portrait ?
- Non…
- Lors de son installation dans la demeure, Monsieur a trouvé un vieux portrait qui avait été abandonné dans le grenier. Il l'a restauré et… Enfin, cela vous ressemble trait pour trait. Les vêtements en moins.
- C'est un nu ?!
- Euh, non. Je voulais dire que les vêtements ne sont pas de la même époque.
- Oh…
- Je pourrais vous montrer ce cadre mais pas tant que monsieur sera là. Donnez-moi votre numéro. Je vous contacterai.

La prudence n'étant pas son fort ce jour là, elle le lui donna. Un portrait de C. Sullivan… Même s'il semblait que leur ressemblance était des plus particulières, il fallait qu'elle le voie de ses propres yeux. Il pourrait certainement éclairer un peu ses recherches.

Septembre 1888

Le soleil matinal s'était glissé à travers les rideaux de sa chambre la réveillant bien trop tôt. Toute la nuit n'avait été que cauchemars et angoisse. Elle quitta donc les draps froissés par une nuit agitée et enfila ses chaussons.

Sa dame de chambre était déjà debout et discutait avec sa nièce qui venait parfois l'aider aux taches ménagères. Miss Sullivan descendit les escaliers et demanda qu'on lui serve son petit-déjeuner. Marianne l'accompagna dans la salle où la table était déjà dressée tandis que sa nièce, Alice, allait chercher le plateau.

Un simple morceau de pain à peine couvert de confiture d'orange suffit à la sustenter et Marianne ne put s'empêcher de lui lancer un regard désapprobateur. Miss Sullivan qui avait l'habitude à ce genre de réflexion silencieuse venant de sa femme de chambre ne s'en formalisa pas. Elle demanda tout de même un thé.

- Que désirez-vous avec ?
- Un nuage de lait et deux sucres, s'il vous plait.

- Et un biscuit.
- Bien madame.

Après une révérence, elle se retira dans la cuisine pour préparer le fameux thé. Charles arriva alors portant un plateau en argent sur lequel le journal du jour était posé. Elle le prit tout en remerciant son majordome. Elle devait bien se faire un peu pardonner de l'avoir si mal traité la veille. Elle parcourut la page d'un œil distrait mais certains mots retinrent cependant son attention. Les sens en éveil et le cœur battant à tout rompre, elle commença sa lecture.

« Meurtre à Whitechapel

Cette nuit, un corps sans vie a été retrouvé dans Whitechapel par deux passants qui se rendaient sur leur lieu de travail. La victime est une femme et sa chaire est profondément marquée par des coups de couteau d'une violence rare. Le cou et l'abdomen ont été profondément meurtris. A l'heure actuelle, la police se refuse à tout commentaire. Nous encourageons nos lecteurs à être prudents et à ne pas effectuer de déplacements dans ce quartier. »

Un instant, elle avait craint pour la vie d'Alexandre. Son soulagement en lisant que c'était le corps sans vie d'une femme avait été de courte durée. Les pas qu'elle avait perçus derrière elle… se pouvait-il seulement qu'il eut appartenus au meurtrier de cette malheureuse ?
Avait-elle échappé au pire des destins ?

Alexandre. Elle revoyait encore ses beaux yeux d'un bleu presque parfait. Il lui avait probablement sauvé la vie. Il avait même été plus loin, il avait risqué sa vie pour sauver la sienne.

La pauvre femme avait payé à sa place ? Miss Sullivan se sentit soudain prise d'un malaise. Une vie pour une autre. Ce meurtrier avait-il meurtri le corps avec autant de violence pour faire passer sa colère de l'avoir laissée s'échapper ?

Un frisson d'horreur et d'effroi la parcourut alors. Elle déposa le journal sur un meuble. Ses mains tremblaient. Marianne arriva avec le thé. Pensant qu'une gorgée pourrait lui être favorable et la réconforter quelque peu, elle s'efforça de respirer calmement. Saisissant sa tasse d'une main un peu plus ferme, elle la porta à ses lèvres mais les tremblements reprirent de plus belles et la tasse alla voler en éclat sur le sol.

Le bas de la robe de la femme de chambre et les chevilles dénudées de sa maitresse furent touchés par le liquide encore bouillant.

- Miss, venez donc vous asseoir.

Elle se laissa aller sur le canapé et accueillit avec un certain réconfort l'étreinte de Marianne. Elle veillait sur elle comme une mère qui veille sur ses enfants. Elle appela Alice d'une voix forte et fit prévenir le médecin. Miss Sullivan eut beau clamer qu'elle ne sentait rien, Marianne ne voulut rien entendre. Ne pouvant accueillir le médecin en tenue de nuit, on lui apporta une de ses robes.

A peine fut-elle habillée qu'Alice revint avec le docteur Meldener.

Il exigea qu'on nettoie à l'eau fraiche la peau qui avait été atteinte et recommanda que la demoiselle resta bien loin de tout chausson. Il ne voulait pas que le tissu puisse occasionner des lésions sur une peau déjà fragilisée.

- Ma chère enfant, pourquoi tenir ainsi vos mains si serrées l'une contre l'autre. Auriez-vous autre chose à me dire ?
- Monsieur, je suis toujours divertie par votre façon de m'appeler votre enfant. Je suis…
- N'ayez crainte, parlez.
- Et bien, ce meurtre à Whitechapel m'a meurtrie.
- Je vais vous prescrire quelques onguents pour vous soulager. Miss, vous vivez dans une charmante demeure et bien loin de cet atroce coin de Londres. Vous n'avez pas à vous en faire. Cet homme, car le meurtrier ne peut-être qu'un homme, ne s'en prendrait pas à une Lady.
- Comment pouvez-vous en être si sûr ?
- Il a choisit de perpétrer son méfait dans un quartier sinistre, ma chère enfant. Et je ne doute pas qu'il ne soit lui aussi de cet endroit. Promettez-moi simplement de ne point vous aventurer de ce coté là. J'en serai beaucoup plus aise.
- Je vous le promets. Qu'irais-je d'ailleurs chercher dans un tel endroit ?

Le médecin ne répondit rien et ce silence fit rougir inconsciemment la demoiselle. Elle avait rêvé d'Alexandre. Elle voulait le revoir et son seul indice était que c'était un homme qui l'avait protégée la menace d'un criminel. Irait-elle mettre sa vie en danger pour le voir réapparaitre ?

Juillet 2008

Chloé marcha longtemps dans Londres, flânant ci et là. Au détour d'une rue elle se rendit compte qu'elle retournait à Whitechapel comme tentée par une force invisible. Elle ressentait le besoin de retourner là-bas comme un papillon attiré par la lumière… au risque de s'y brûler.
Une fois sur place, elle ne prit pas garde aux bruits de pas, refusant de se faire peur une nouvelle fois. Elle avait eu sa dose la veille. Elle respira un grand coup et ignora simplement ce qui l'entourait. Le passé ne devait pas venir hanter le présent.

En tournant dans Hambury Street, elle commença à douter. Les pas continuaient de la suivre, elle en était certaine. Son instinct la fit entrer dans un immeuble. Un escalier de bois montait dans les étages et Chloé se souvint alors que Jack appréciait ces lieux pour ses meurtres. Elle se retourna un instant et vit qu'un homme rentrait lui aussi dans l'immeuble. Elle monta les marches quatre à quatre. Son cœur battait à un rythme effréné. Voulait-il simplement parler ? Devait-elle s'arrêter et lui demander pourquoi il la suivait ?

Elle continua de monter, accélérant le pas.

La porte d'un appartement s'ouvrit. Sauvée ! Elle l'appela l'homme pour qu'il la laisse entrer. Elle tenta de reprendre son souffle pour expliquer la raison de son intrusion lorsqu'il l'immobilisa en bloquant ses bras d'une main tandis que de l'autre il la bâillonnait. L'autre homme entra et la regarda d'un air mauvais. Le cœur de Chloé battait à tout rompre, elle comprenait tellement son arrière arrière grand-mère. Son enlèvement avait du être le moment le plus atroce de toute sa vie…