Note de l'auteur : Situé dans le même univers que le « Printemps des Peuples », cette histoire se déroule quelques années après la « bataille du Senkaimon ». Je ne pense pas qu'il soit impératif d'avoir lu ma première fanfiction pour comprendre cette histoire-ci. Mais bien sûr, si vous ne savez pas ce qu'est une Suki-chan (c'est bien dommage !), un reiatsu de type omega, ou encore qui est Manatsu Dengeki, qui est Reiichi, je vous conseille fortement de vous reporter aux 60 chapitres du Printemps des peuples. Il y aura des oc comme dans toutes mes histoires ( je préviens toujours par politesse lol ). Il y aura de nombreux points de vue de personnages différents. Tout est dit. Enjoy... or not ! Hope you enjoy, still !

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Le petit chemin de briques jaune


Orihime Inoue

Ex-petite-amie d'Ichigo Kurosaki

Amie d'Ichigo Kurosaki, Uryu Ishida, Tatsuki Arisawa, Keigo Asano, Mizuiro Kojima

La vie ressemblait à un petit chemin de briques jaunes. Il s'étendait à perte de vue. Sans début, ni fin. On avait mal au pied mais on continuait à marcher. Orihime Inoue continuait à marcher.


Any other world – Mika

Son âme d'enfant était coincée dans l'enveloppe corporelle d'une femme. Orihime Inoue n'avait pas vieilli d'une journée depuis la mort de Chad. Elle avait toujours la même petite bouche rose pétale, le même petit nez frondeur, les mêmes taches de rousseur, et pas une ride (contrairement à Tatsuki). La même masse de cheveux roux encadrait son visage et même s'il lui arrivait encore d'attacher ses cheveux dans un chignon complexes avec ses shun-shun rikka. La plupart du temps, comme aujourd'hui, elle préférait les laisser libre sur ses épaules.

La rouquine poussa un soupir avant de forcer un sourire sur ses lèvres. C'était une belle journée ensoleillé, quoique l'atmosphère fût plutôt chaude et humide. La sueur collait son tablier de cuisine à sa blouse à fleur. Il semblait à Orihime Inoue qu'hier encore, elle assistait à la cérémonie de remise des diplômes du lycée de Karakura. Il lui semblait qu'hier encore, elle était une lycéenne un brin naïve avec des rêves irréalisables plein la tête. Hier encore, elle combattait hollow et arrancar sans ressentir la moindre peur pour son avenir. Hier encore, elle pensait sauver le monde avec ses amis, devenir un robot-dinosaure, adopter un chien et épouser Kurosaki-kun, et tout ça dans la même journée. Hier encore, sa tête était remplie de plein d'idées de gosse.

In any other world

You could tell the difference

- Orihime-chan ?

Orihime leva la tête de son ouvrage, son pochoir à meringue dans les airs.

- Orihime ?

La quinquagénaire passa sa petite tête de fouine par l'encadrement de la porte. Nana Ozuka était la patronne des « P'tits Cœurs en Pâtes à choux », une boulangerie pâtisserie artisanale dans le centre-ville de Karakura et Orihime était sa meilleure employée (presque la seule surtout).

- Hime-chan, je viens d'avoir madame Fuyutsuki au téléphone. Elle demande si ses cupcakes sont prêt ? Je ne me rappelle pas avoir...pris une commande. Tu as une idée où se trouverait le carnet de commande ? Il n'est plus sur le comptoir.

- Jeudi dernier, elle est passée au magasin, oba-san. Trois douzaine de cupcake pour célébrer la réussite aux examens de sa fille Mizuki. Elle a été acceptée à Todai... Enfin, le carnet de commande est dans le premier tiroir en partant de la gauche.

- Oh, où avait-je la tête ?

Orihime se contenta de sourire. Ozuka-san avait souvent ce genre de trou de mémoire depuis son accident cardio-vasculaire.

- Pas de panique ! Tout est sous contrôle ! J'ai pratiquement fini ! Répondit la rouquine en mettant la touche finale aux cupcakes en question.

Bien sûr, après le lycée, elle s'était posé beaucoup de questions comme tous les jeunes gens de son âge. Voulait-elle aller à l'université comme beaucoup de ses amis ? Voulait-elle travailler tout de suite ? Elle avait commencé à travailler pour Nana et son mari tous les après-midi après le lycée pendant sa dernière année. Nana et feu son mari avait toujours été d'une extrême gentillesse avec Orihime. Elle pouvait rentrer à la maison avec autant de pâtisserie qu'elle voulait et les samedis, elle pouvait sortir plus tôt pour aller faire du shopping ou aller au cinéma avec Tatsuki-chan. Deux mois avant la remise des diplômes, Nana-san était devenu veuve. Le fils de cette dernière vivant dans le nord, Orihime n'avait pas eu le cœur d'abandonner sa patronne. Ou peut-être avait-elle tout simplement choisi la voie de la facilité ? Contrairement à tous ses amis, elle n'avait jamais eu de grands rêves très précis. Tout ce qu'elle savait, c'était qu'elle voulait un travail qui rendait les gens heureux. Elle se plaisait à la boulangerie et aimait discuter avec les clients alors c'était tout naturellement qu'elle avait proposé à Nana-san de rester à plein temps. Nana lui avait tout appris des ficelles du métier. Elle lui avait appris à cuisiner (pour de vrai et c'était déjà un bon début) puis à gérer un commerce. Malgré l'AVC d'Osuka-san, trois ans plus tôt, la petite entreprise s'était agrandie l'an dernier en proposant un service de livraison à domicile et en embauchant un mi-temps, un lycéen du nom de Shishigarawa.

- Ça y est, Nana-san ! J'ai fini. Je m'en vais les lui porter sur le champ.

- Que ferais-je sans toi, Orihime-chan ?

- Oh ! Ce n'était rien du tout. Je suis contente au contraire. Notre carnet de commande est plein pour les deux semaines à venir, Nana-san ! Notre petite affaire marche du tonnerre !

Orihime ferma les trois boîtes avec soin et les empila les unes sur les autres. Elle déposa le tout sur le comptoir de la boutique.

- Il est déjà 16h. Prends le reste de ta journée, ma chérie.

- Non, je ne vais pas laisser Nana-san fermer seule.

- Shishigarawa ne va pas tarder. Je ne serais pas seule. Allez-va retrouver ton merveilleux petit-copain !

- Il n'est pas mon petit copain, Nana-san.

La vieille dame lui fit un clin d'œil espiègle.

- C'est ça ! Oh la jeunesse ! Oust ! Du vent ! Hors de ma vue ! C'est un ordre !

Orihime soupira en accrochant son tablier derrière le comptoir. Elle se dirigea vers sa petite fourgonnette[1]. La voiturette avait été un cadeau de sa patronne qui avait dit être lassé de la voir effectuer des livraisons à bicyclette l'hiver. Deux places, trois quand on se serrait bien, il était d'un rose rutilant et portait à l'arrière le logo de la boutique. Elle posa les cartons sur les étagères fixes dans le coffre et grimpa derrière le volant. Son bébé démarra au quart de tour et elle prit la route à une allure prudente. Le soleil était encore haut dans le ciel. Les arbres agitaient leurs feuilles bruyamment. L'été qui s'annonçait promettait d'être chaud et moite. Le vent soufflait chaud et froid à travers la vitre côté passager laissée grande ouverte. Ses cheveux flamboyants ondulaient dans le vent quand il n'était pas collé à sa nuque.

Elle longea le fleuve aux reflets jaune et orangé avant de prendre à droite à la première intersection. Au loin, les pilonnes d'acier du pont était plus étincelant que jamais sous les rayons du soleil. Difficile à croire que dix ans auparavant, il avait été pulvérisé par les primeros d'Aizen. Il n'y avait plus aucune trace de cet épisode surnaturel de la vie de Karakura. Mise à part le monument au mort sur la place principale en centre-ville qui avait accueilli les noms des cinq milles habitants disparue pendant...

Le nom de Chad était sur cette stèle...

Leurs doigts enlacés, le peu de reiatsu qu'Orihime Inoue produisait coursa dans les veines d'un certain espada comme un rush d'adrénaline. Une déferlante de Cero rouge presque orangé sortit de la main d'Ulquiorra Schiffer et balaya l'atmosphère.

« Tu n'es plus celui qui a combattu Ichigo. Tu ressens les choses maintenant. Tu sais ce que cela veut dire ? Cela veut dire que comme Ichigo, tu ne peux pas perdre. »

Orihime freina en entrant dans le lotissement et s'arrêta quelques deux cent mètres plus loin devant la maison de Fuyutsuki-san. La livraison fut rapide et sans incident. Fuyutsuki-san avait été ravi et s'était empressé d'offrir un bon pourboire conséquent qu'Orihime s'était promis de partager avec Osuka-san. La rouquine repartit le sourire aux lèvres. C'était une bonne chose de faite. On aurait pu croire qu'elle avait choisi ce travail par dépit. Il n'y avait rien de prestigieux à livrer des cupcakes. Elle ne sauvait pas des vies comme d'autres. Mais il n'y avait rien qu'Orihime appréciait plus que de voir un sourire perler sur les lèvres de ses clients au moment de déballer leur commande. Elle se disait à ce moment-là que ce sourire surpassait tous les fois précédentes. Elle se disait qu'elle avait réussi à égayer leur journée. Elle se sentait partie intégrante de leur moment de bonheur. La vie était trop courte pour ne pas profiter de chaque moment de bonheur.

Smile like you mean it

And let yourself let go

La vie bien était trop courte. Elle était bien placée pour le savoir. Quand Nana avait eu son attaque. Elle avait cru revivre la mort de Chad. Et si elle avait pu utiliser Shun-shun Rikka, elle connaissait aujourd'hui les limites de ses pouvoirs. La mort, c'était dans l'ordre des choses. Un jour ou l'autre...

Le pied sur le frein, Orihime s'arrêta net à un carrefour malgré le feu vert. Un homme et une femme traversèrent la route, main dans la main, leurs très longues chaines du destin dont les anneaux étaient encore rattachés à l'immeuble à l'angle de rue tintinnabulait derrière eux comme dans un cortège. Elle se pencha pour scruter le ciel anxieusement. Pas de Hollows en vue... Les deux spectres ne semblèrent pas réaliser qu'Orihime pouvait les voir et continuèrent leur chemin, main dans la main. Orihime s'apprêta à descendre pour leur parler mais ils disparurent de son champ de vision tout aussitôt. C'était des choses qui arrivaient. Ses pouvoirs étaient des plus instables ces derniers temps. Elle ne savait pas trop à quoi c'était dû. Au manque d'entraînement... Au manque d'interaction avec l'au-delà... Ou peut-être que comme lui elle perdait petit à petit ses pouvoirs... Elles les avaient peut-être obtenu grâce à lui alors peut-être que les perdre était naturelle dans une telle situation. Dans tous les cas, il n'y avait rien qu'elle puisse faire. Elle ne savait même pas si elle avait réellement envie de faire quelques choses. Elle ne pouvait pas dire que les périls et les dangers incessants, les batailles du passé, cette atmosphère tragique qui entourait sa vie passé lui manquait vraiment. Une voiture klaxonna derrière Orihime, sortant la jeune femme de ses pensées. À cause d'elle, la circulation était interrompue dans les deux sens. Orihime remit le contact et reprit la route.

'Cause it's all in the hands of a bitter, bitter man

Say goodbye to the world you thought you lived in

Elle essuya une larme, puis une autre. Ok, peut-être... que certaines choses lui manquait. Elle voulait retourner en arrière. Elle aurait voulu retrouver l'Orihime dont la seule ambition était de suivre Kurosaki-kun, l'Orihime dont la seule ambition était d'être le soutien de ce dernier, celle qui croyait n'être qu'au début de sa vie. Elle serra le volant très fort avant de prendre une profonde inspiration. Elle n'était pas déprimée. La vie qu'elle s'était arrangé n'était pas si mal.

Elle s'arrêta dans un autre quartier résidentiel et gara sa voiture le long du trottoir. Elle vérifia son visage dans le miroir. Pas si mal ! Elle était toujours Orihime. C'était ça le plus important. Elle ramassa son sac tombé sous le siège et descendit de la voiture en claquant la portière derrière elle. En toute honnêteté, elle n'aurait jamais su dire à quel moment de sa vie, elle se trouvait. Elle verrouilla la portière. Elle avait abandonné les interrogations depuis longtemps. Elle se contentait juste de vivre. C'était pas bien compliqué depuis que les shinigami avaient envoyé des remplaçants pour Ichigo et Chad à Karakura. En dix ans, les attaques de hollow avaient diminué de moitié. Elle n'avait pratiquement plus rien à faire à part se laisser vivre. Vraiment...

- Orihime-chan, ça a été la journée ?

Elle s'arrêta devant la boite aux lettres. Le courrier avait été ramassé. Finalement, elle tourna la tête en direction de sa voisine. Celle-ci était perchée sur un escabeau avec des sécateurs au-dessus de la haie qui séparait leurs deux jardins. Orihime lui fit un grand signe de la main.

- Très bien et vous, madame Tonami ?

- Mon fils est toujours libre, ma toute belle.

Le visage d'Orihime s'empourpra.

- Je sais bien, madame Tonami. J'y penserais.

- Tu devrais venir prendre le thé à la maison ce week-end. Viens avec ton cousin. J'ai aussi une nièce très jolie à lui présenter. En plus, elle est éducatrice spécialisé... Elle est très douce et patiente.

- Oh, je travaille aussi ce week-end. Nous avons une pièce-montée à faire pour un mariage.

- Oh ! Orihime-chan travaille constamment. Quand aura-t-elle le temps de trouver un mari à ce rythme?

- Ha ! Ha ! Ha ! Je n'en cherche pas spécialement.

- Impossible, un joli brin de fille comme toi !

- Madame Tonami, arrêtez, vous allez me faire rougir ! Passez le bonjour à Monsieur Tonami de ma part !

- Très bien, Orihime. Je n'y manquerais pas. Je ne désespère pas non plus.

Take a bow, play the part of a lonely lonely heart

Orihime poussa la porte d'entrée du pavillon et la referma avec empressement. Elle poussa un soupir. Elle avait eu chaud. Elle était partie juste avant que la vieille dame n'entame le couplet sur son âge et son horloge biologique. Oui, elle avait 27 ans et elle n'était toujours pas mariée. Orihime avait bien essayé. Elle avait essayé toute sorte de relations après le fiasco qu'avait représenté son premier amour. Des petits, des grands, des timides, des moins réservé, ils s'étaient tous sauvé dès qu'un brin de bizarrerie était venu troubler leur quotidien.

- Tadaima, onna.[2]

Surgi de nulle part, Ulquiorra s'arrêta devant elle avec un panier de linge à étendre dans le jardin. Orihime soupira. Cela ne servait à rien de lui rappeler la bonne formule. Le concept semblait lui échapper totalement. Elle se contenta de sourire. Oui, elle avait essayé d'être normale, d'avoir un bon travail, d'avoir un fiancé, de se marier... Elle avait même essayé de vivre seule pendant deux ans. Mais elle refusait de revenir sur ces années-là. Ces souvenirs-là étaient encore trop pénibles.

I tried to live alone

But lonely is so lonely, alone

So human as I am

I had to give up my defenses

- Okaerinasai[3], répondit-elle doucement, les yeux luisants.

Elle s'écarta de son chemin avec un sourire. Elle ne se remettait jamais du sentiment de soulagement qu'elle pouvait ressentir en le retrouvant après une journée de travail. Lui, il l'observait avec la même indifférence pénétrante. Au bout de quelques secondes, il passa son chemin pour se rendre dans le jardin. Elle écarta le rideau de la salle à manger pour suivre ses faits et geste avec l'ombre d'un sourire. Un brin de bizarrerie... Elle n'avait jamais rencontré quelqu'un qui aimait autant faire la lessive. Elle n'avait jamais compris la fascination qu'il éprouvait pour la machine à laver. Depuis qu'ils avaient emménagé dans ce petit pavillon en lieu et place de son vieux studio, la buanderie était devenue le refuge exclusif de son colocataire. Elle pensait que cela avait à voir avec le son du roulement du linge dans le tambour qu'il trouvait sans doute apaisant. Quand l'ancienne machine était tombée en panne, Ulquiorra avait veillé toute la nuit en attendant la visite du réparateur.

Normal ressemblait à des journées comme ça. Rien d'étonnant à ce qu'elle soit toujours célibataire. Pour éviter les rumeurs, elle avait dit à l'ancien propriétaire qu'Ulquiorra était son cousin venu d'Europe. Quand ce dernier avait questionné son comportement étrange, elle avait ajouté que son pauvre cousin souffrait d'une forme d'autisme sévère. Ce n'était pas très gentil pour les vrais autistes mais c'était tout ce qu'elle avait trouvé sur le moment pour expliquer pourquoi Ulquiorra examinait la moumoute du vieux monsieur aussi attentivement. De fil en aiguille, elle avait perpétué ce mensonge auprès de ses voisins et des gens du quartier. Pour sa patronne, cela avait été une toute autre histoire. Elle l'avait rencontré à plusieurs occasions depuis sa sortie du lycée et savait qu'il était son colocataire. Bizarrement, Nana-san l'aimait beaucoup. Elle ne le trouvait pas le moins du monde étrange. Surtout, malgré toutes ses protestations, Nana imaginait qu'ils étaient une sorte de couple ultra-moderne qui haïssait les formalités du mariage.

Elle était de plus en plus consciente avoir fait des choix de vie. C'était peut-être ça grandir ? Elle ouvrit le courrier qu'Ulquiorra avait rangé de la plus petite enveloppe à la plus grande dans un trieur près de l'entrée. Avait-elle précisé qu'Ulquiorra Schiffer était un brin maniaque et bourré de tocs ? Non... Elle s'étendra plus sur le sujet la prochaine fois.

Une carte postale attira son attention et lui tira un nouveau sourire exalté. Elle venait de Tatsuki–san. Keigo et Tatsuki étaient partie en vacance trois semaines en Australie, le cadeau de leur dernier anniversaire de mariage. Ils avaient confié leurs trois enfants à la mère de Tatsuki. Dans sa carte postale, Tatsuki promettait de lui ramener une super surprise.

Elle n'avait jamais imaginé que Tatsuki serait la première à se marier et encore moins qu'elle passerait la corde au cou de Keigo Asano. Keigo ? Ils s'étaient mariés juste après leur première année de fac et habitait depuis à deux pâtés de maison du pavillon d'Orihime. Elle les voyait très souvent le weekend.

On s'imaginait souvent qu'à la sortie du lycée, un grand destin nous attendait, et puis on devenait juste comme les autres adultes, incroyablement blasé et inintéressant. Au final, la vie quotidienne prenait le pas sur tout le reste. Keigo était employé dans une compagnie de télécom et Tatsuki enseignait le karaté dans un dojo. Mizuiro avait monté sa propre agence de communication. Il gagnait très bien sa vie et roulait même en voiture de sport. Elle le rencontrait une fois par an au barbecue annuel des Asano. Il venait toujours avec une fille différente. Il était resté Mizuiro quoi. Ishida était partie en Allemagne pour ses études et n'était toujours pas revenu. Elle n'avait pas eu de ses nouvelles depuis une éternité. Chizuru était journaliste et travaillait en freelance pour le Ghost Gossip, le journal à scandale le plus influent de la ville. Elle sortait avec la Miss Météo de la chaîne locale. Dans un de ses moments les plus excentriques, Chizuru avait demandé à Orihime d'être la mère porteuse de ses enfants. Oui, ils étaient tous devenu adulte avec un grand A.

Say goodbye to the world you thought you lived in

To the world you thought you lived in

Une heure plus tard, Orihime sortit de la salle de bain bien plus fraîche et revigoré. Par la fenêtre de sa chambre, le soleil terminait sa course derrière les toitures en ardoise. Orihime resta quelques minutes à observer le quartier. C'était grâce à Keigo et Tatsuki que trois ans auparavant Orihime avait trouvé l'offre de vente de ce pavillon. Armé des économies que ses parents et son frère Sora lui avaient laissé, elle avait signé l'achat de sa première maison. Il se trouvait que son salaire plus celui d'Ulquiorra (qui travaillait à mi-temps à la bibliothèque municipale) était largement suffisant pour couvrir le reste des traites et les différente charges mensuelle. C'était un vieux pavillon dont l'architecture datait des années 70. L'électricité et la plomberie avaient dû être entièrement refaites à leur emménagement, ce qui avait fait baisser le prix d'achat de la maison. Mais la taille du pavillon compensait à lui seul tous ses petits désagréments. Ils avaient chacun leur propre chambre et de grandes parties communes. La cuisine avait été rénovée quelques années auparavant par les anciens propriétaires et la pièce était ouverte sur un petit jardin traditionnel japonais à l'arrière de la maison. Son petit pavillon, situé 18, Rue des Pavés d'Or, avait tout d'une vraie maison. Une maison de grande personne.

Après avoir revêtu un t-shirt kangourou par-dessus un short, Orihime descendit préparer le diner. Ulquiorra et elle avaient un deal. Ce dernier s'occupait du ménage et du linge, la rouquine s'occupait de la cuisine, et enfin, il faisait les courses ensemble le weekend (comme ça monsieur pouvait acheter la marque de lessive qu'il voulait !). Si le deal vous semblait inégale, pensez qu'Orihime passait de très longues journées à la pâtisserie et qu'Ulquiorra rentrait souvent avant elle du travail. Après avoir mis les ingrédients pour le curry sur le feu, elle ouvrit une canette de soda. Elle entendit la machine repartir au sous-sol et réprima un sourire. Ulquiorra alla s'asseoir dans le canapé avec l'ordinateur portable sur ses genoux. Il passait aussi une grande partie de son temps à surfer sur youtube. Il adorait aussi twitter. Elle ne savait pas trop ce qu'il y racontait. Mais il avait déjà quelques choses comme 15 000 followers. Il s'était rapidement adapté aux nouvelles technologies. L'an dernier, elle lui avait offert l'ordinateur avec un iPod pour son « anniversaire » (à la date marqué sur sa fausse carte d'identité).

Normal. Il n'y avait pas plus normal. Elle ne l'avait pas vu en dehors de son gigai thérapeutique un une seule fois ces trois dernières années. Elle savait qu'il avait la possibilité d'en sortir et qu'il avait retrouvé ses pouvoirs dans une moindre mesure. Elle n'en savait pas plus. Ils n'en discutaient jamais. Elle n'osait pas lui demander si cela lui manquait de peur sans doute que sa réponse soit positive. Ulquiorra ne se plaignait jamais. Il n'était jamais malade. Il n'était jamais mélancolique. Elle était impressionnée par sa capacité à s'adapter à sa nouvelle vie. Elle l'enviait même. Chaque journée était une nouvelle expérience pour lui. Il semblait le prendre comme telle.

- Comment ça s'est passé au travail ? demanda-t-elle.

Ils étaient attablés chacun devant une belle assiette de curry. Promis, elle n'avait mis aucun ingrédient bizarre dans la préparation (mise à part la mangue, les épinards, l'ananas et les poivrons). Ulquiorra renifla la nourriture prudemment avant de faire une première tentative. Avec un hochement de tête en signe d'approbation, jugeant le curry comestible, il piocha une nouvelle fois dans son assiette.

Il ne parlait jamais de son travail de sa propre initiative. Pourtant, elle savait qu'il lui plaisait immensément, surtout l'archivage. À la grande surprise de son patron, Izumo-san, il avait mémorisé au bout de deux mois le contenu entier du catalogue de 200 000 références de la bibliothèque. Apparemment, c'était une sorte d'exploit et Ulquiorra avait été sacré deux fois, meilleur employée municipal de l'année. Nouvel exploit, il avait réussi à faire un discours pendant la remise des récompenses (pas trop excentrique). La photo trônait encore sur le buffet. Il n'avait presque pas l'air dangereusement pâle et alien sur cette photo. Elle n'avait jamais été aussi fière que quand elle avait vu le maire de Karakura serrer la main de son colocataire et cousin.

- J'ai recensé de nouvelles disparitions dans le rayon roman pour jeunes adultes.

Les rayons « Jeunes adultes » et « manga » était sa bête noire. Il rêvait constamment de les pulvériser à coup de cero. S'il trouvait de l'intérêt pour la physique quantique, l'astronomie, les théories statistiques, et même pour la théologie, la fiction représentait pour lui un genre inutile, une perte de temps, un regroupement de concept creux débilitant.

- Twilight ? Encore ? Cela fait combien de fois ?

- C'est très simple. Ces écolières ne se souviennent jamais qu'il faille ramener le livre après trois semaines de prêt. Pourtant c'est un concept simple que l'« emprunt responsable ». J'ai laissé encore une fois Izumo-sama régler le problème. Mais je continue à penser que si nous avions fait des exemples de cette première jeune fille, l'an dernier, en lui amputant les deux mains comme je l'avais suggéré, tout ceci ne serait jamais arrivé. Izumo-san est bien trop naïf de penser qu'une simple amende dissuaderait ses criminels endurcis.

Oui, et puis il ouvrait la bouche et sortait ce genre de choses ! Orihime émit un petit rire gêné.

- Mais tu ne penses pas que ce serait bien trop sévère ? Les mains ! On a tous besoin de nos mains.

Il la considéra avec une certaine condescendance. Stupide Onna !

- Si la petite mortelle avait besoin de ses mains, elle ne penserait pas à voler ! C'est pourtant logique !

Orihime fronça les sourcils. Voler...Punition...Voler...

- Hum, il y a du vrai. Mais ce sont des enfants et...

Il y avait toujours du vrai dans la logique implacable de l'ancien espada. Ulquiorra haussa les épaules mécaniquement.

- Elles sont peut-être un peu jeune pour comprendre la gravité de leur actes et...

- À sa mort, son esprit sera tellement tourmenté par le remord, elle sera une proie parfaite et délicieuse pour un hollow en pleine maturation. Cette Idiote !

Orihime ne put s'empêcher d'éclater de rire à se tordre les côtes. Ce n'était pas tant ce qu'il disait que sa façon de le dire. Elle trouvait amusant l'indignation dans ses yeux, le sursaut de révolte permanent. Ses sentiments étaient pour le moins absent de l'ancien Ulquiorra. Elle prit une profonde inspiration pour retrouver son sérieux.

- Je déteste Twilight.

Il acquiesça vigoureusement la tête après avoir avaler une nouvelle cuillerée de curry. La bouche encore pleine, un grain de riz sur le bord de son menton, Ulquiorra ajouta pince-sans-rire :

- Je déteste Twilight... Twilight ET Vampire Knight... Surtout Vampire Knight !

Orihime esquissa le plus large des sourires. Le reste du repas s'écoula dans un silence confortable. Elle essuya le coin de ses lèvres avec une serviette en papier telle une mère poule. Et comme une mère poule, elle était plutôt fière des progrès de sa progéniture. Le repas terminé, Ulquiorra débarrassa la table et fit la vaisselle. Orihime était au beau milieu de son Drama préféré quand il retourna s'installer à ses côtés. Elle lui fit de la place sur le canapé.

- Mina-chan va sans doute se confesser aujourd'hui.

- Quel intérêt ? Ne m'as-tu pas dit que le docteur en aimait une autre ? L'autre docteur qui n'a pas l'air de savoir-faire une addition correctement !

Okay, c'était peut-être leur drama préféré !

- Bien sûr, mais ceci n'empêche pas cela. C'est important de confesser ses sentiments à l'être cher.

- Il ne l'aime pas. Elle perdra son temps. Elle nous fait perdre notre temps et cette stupide série télé n'en finit pas. C'est une dépense d'énergie inutile. C'est aussi un grand aveu de faiblesse. C'est une imbécile.

- J'adore moi ce moment, il est parfait. C'était intense. J'adorerais qu'un garçon me déclare sa flamme sous un feu d'artifices comme elle l'a fait. Au moins, elle a osé ! Tu n'es pas très romantique.

- Je vois à quel concept tu fais référence et je ne me reconnais point dans cette catégorie. Quel bien tirais-je à m'avilir de la sorte, femme ? Quant aux feux d'artifices, une statistique importante veut qu'ils y avaient une chance sur 6 qu'il lui explose dans une main ou au visage. Plus d'un accident ayant lieu dans un jardin sur dix concerne l'emploi de feux d'artifices amateur. La manipulation approximative des décharges explosives lui aurait couté dans un cadre hors fiction sa main. La bêtise de cette femme est effrayante. Elle mérite d'être rejetée, femme.

Orihime fit la moue.

- Orihime. Je m'appelle Orihime.

- Nouveau détail insignifiant.

La rouquine le poussa du coude sans arriver à le faire bouger bien entendu avant de croiser les bras.

- Merci, Ulqui-chan.

- Femme, je t'interdis d'utiliser ce nom ridicule. Mon nom est Ulquiorra.

- Non, tu es plutôt Mr Rabat-joie !

Elle éclata de rire.

- Tu le fais exprès. C'est ta manière irrationnelle de poser un argument contradictoire avec peu de poids.

- C'est une série télé et...

- Cela n'a rien avoir avec la nature du programme. Une imbécile reste une imbécile.

- C'était quand même touchant. Il va clairement changer d'avis. Je ne suis pas sûre qu'il soit vraiment amoureux d'Ayami-san. C'est une preuve d'amour qu'elle lui a donné. Je suis une grande romantique. Je veux croire que si j'ouvre mon cœur, l'être aimé me renverra mes sentiments.

Elle baissa la tête et grimaça. Elle ne devait pas pleurer. Elle ne pouvait pas pleurer juste parce que sa théorie avait démontré des failles en ce qui concernait Ichigo. Elle renifla dans le vide. Elle savait qu'Ulquiorra savait exactement à quoi elle pensait. Mais il n'avait rien dit. Elle reporta son attention sur la télévision. Il avait changé de chaine et s'était arrêté arbitrairement sur un documentaire historique.

Non, décidemment ce n'était pas vraiment le même homme... le même espada. L'ancien Ulquiorra aurait tout fait pour accentuer sa peine. Il lui semblait qu'il devenait de plus en plus humain à mesure que le temps passait... À mesure qu'il restait dans ce gigai thérapeutique... Ou peut-être pas... Ou peut-être... Elle ne savait pas pourquoi cette perspective l'effrayait autant qu'elle l'enthousiasmait. Elle était peut-être effrayée à l'idée de ne plus jamais plus se rappeler du monstre en lui. Elle arrêta le fil de ses pensées.

Elle n'avait pas besoin de se poser tant de questions parce qu'elle aimait sa vie. Orihime se leva prestement et dans le même élan déposa un baiser sur sa joue.

- Je vais me coucher, Ulqui-kun. Bonne nuit !

Ulquiorra continua de changer de chaines, les yeux rivés sur l'écran plat.


Ulquiorra Schiffer

Espada Cuatro

Son petit chemin de briques jaunes à lui étaient pavés de cadavres et ça ne semblait pas déranger le moins du monde l'idiote de rouquine qui marchait à ses côtés.


Les lèvres pulpeuses et moites de la rouquine étaient entrées en contact avec sa joue pâle bruyamment. La première fois qu'elle s'était permis un truc de ce genre, il l'avait étranglé d'une main et elle était restée une demi-seconde suspendue dans les airs comme un poisson en manque d'oxygène. Ulquiorra ouvrit et ferma le poing simultanément. Aujourd'hui, il anticipait facilement ces mouvements, et la violation de son espace vitale, n'enrageait plus la bête qu'il était. Il y avait aussi ce gigai de malheur. À cause de lui, il était assailli de tout un tas de sensations nouvelles qui brouillait la plupart du temps ses sens. Il garda les yeux rivés sur le poste de télévision tandis qu'elle rejoignait sa chambre en grimpant l'escalier quatre à quatre.

Ulquiorra n'était pas exactement cloué dans ce gigai comme au premier temps de sa résurrection. Non, il avait fait un choix, il y a trois ans. Il aurait pu aller n'importe où. Ces pas avaient continué de le mener encore et encore jusqu'à onna le forçant à prendre une décision.

Quand il était parti la première fois, cinq ans plus tôt, à la suite de ce qu'on pouvait qualifier de dispute insignifiante, il avait erré pendant des jours avant de se fixer. Urahara l'avait hébergé une nuit. Cela avait été l'humiliation suprême que de manger à la table de ce shinigami et dormir sous son toit. Le lendemain, il avait sauté dans le premier train en partance pour Tokyo et n'avait pas regardé en arrière. Il avait fait le tour du pays, avait combattu hollows et shinigami sans distinction çà et là au détour de ses escales.

S'il n'avait pas regagné la totalité de ses pouvoirs, il était toujours un guerrier au-dessus de la moyenne, les pauvres qui avaient eu le malheur de croiser sa route pouvaient en attester. Avant son escapade, il avait pensé qu'être resté trop longtemps auprès d'elle avait nuit à sa régénération. Il avait pensé avoir oublié sa vraie nature au contact de la rouquine. Il s'était mis dans la tête qu'elle avait contribué à l'affaiblir. Il avait donc chassé jour et nuit pour se souvenir de ses origines. Au bout d'un an et demi, il avait pu rouvrir un garganta de lui-même. Il était resté moins d'un mois au Hueco Mundo avant de revenir dans le monde des vivants, dans le monde d'Orihime. Ce mois avait paru être un siècle. Les choses immobiles et immuables n'avaient plus aucun attrait pour lui. Il rêvait de couleur et de bruits. La solitude d'Onna avait continué à l'appeler et bientôt il ne pouvait entendre à nouveau que les battements du Coeur. Partir était devenu dénué de sens. Rester loin d'elle était illogique. Ne pas pouvoir la voir était comme un acte manqué...un aveu de faiblesse.

Trois ans plus tôt. C'était au mois de septembre. Il pleuvait très fort. Les feuilles mortes formaient des tas boueux dans de grandes flaques d'eau. L'eau des gouttières s'écoulaient bruyamment dans les caniveaux. Ulquiorra s'était retrouvé en gigai sous la pluie battante à attendre qu'elle sorte de la boulangerie. Il s'était imaginé qu'en un an elle aurait changé. Un humain changerait forcément d'apparence. Il s'était imaginé qu'elle l'aurait oublié. Il s'était imaginé qu'elle sortirait de la boutique, accroché au bras d'un autre, peut-être Kurosaki ou l'autre Quincy ... Ou d'un de ces types de passage dans sa vie. Il s'était imaginé qu'elle serait une toute autre onna.

Après avoir verrouillé le rideau métallique, Orihime s'était engagée dans une bataille avec son parapluie tapissé d'ours en peluche et de cornets de glace. Elle portait une de ses robes préférées avec une courte veste en jean et une longue écharpe ocre. En le voyant, le parapluie était parti s'envolé avec le vent pour retomber à ses pieds. Il ne s'était pas baissé pour le ramasser. Leurs regards s'étaient croisés. Ulquiorra sentit quelques choses d'immatériel tirailler au fond de lui. Elle était exactement comme il l'avait laissé, le regard tout aussi larmoyant. Elle sanglotait maintenant sous la pluie. Il n'avait pas bougé. Il n'y avait pas le moindre signe... pas le moindre signe, qu'il n'avait pas sa place au côté de cette femme. Il n'y avait pas eu un signe pour rendre superflu le pas en avant qu'il avait fait dans sa direction. La pluie arrosa la chaussée avec la même intensité.

Orihime n'avait pas bougé, sans doute de peur qu'il ne soit qu'un mirage. Elle avait eu beaucoup de ces derniers, les mois précédents. Elle avait aperçu sa silhouette fugace dans sa tasse de thé, dans les miroirs, dans les vitres et fenêtres. Elle avait cru le reconnaitre des milliers de fois à travers une foule dense.

Ulquiorra se pencha finalement pour ramasser le parapluie. C'était comme s'il lui avait donné le signal par ce geste qu'il était bien celui qu'il prétendait être. Elle s'était précipitée dans ses bras et l'avait enlacé aussi fort que possible.

- Je t'en supplie, reste avec moi. Pour toujours. Reste avec moi. S'il te plaît, Ulquiorra...Je n'ai que toi. Ne me quitte plus jamais.

Elle avait continué à murmurer pendant un temps indéfini. Il n'avait plus fait aucun mouvement tandis qu'Orihime rendait l'immatériel matériel.

Trouver un travail le lendemain avait semblé la chose à faire. Il avait exercé diverse professions : Magasinier, convoyeur de fonds, fleuriste, serveur...

Il se trouvait que Bibliothécaire était le seul job qu'il avait réussi à garder plus d'une journée. Son salaire avait permis d'aider Onna à supporter les charges de la nouvelle maison. Il n'avait jamais imaginé que les vivants gaspillaient tant de temps et de ressources dans de vaines procédures et transactions. Payer un loyer, des factures, faire des courses... Au départ, il avait trouvé tout cela extrêmement éreintant et irritant. Mais Onna l'avait aidé quand il était le plus vulnérable et même s'il rêvait encore de se pendre, du moins même s'il rêvait à tous les moyens possible pour s'extirper de ce calvaire constant, de mettre fin à ce chemin de croix qui était la vie des vivants. Pour rien au monde, il n'abandonnerait onna à son triste sort. Elle lui avait demandé « pour toujours ». Il lui consacrait sans peine une « éternité ». Il n'était pas une créature si faible qu'une « éternité » aurait pu effrayer.

À minuit, il éteignit la télé avant de saisir l'ordinateur pour twitter le dernier mot du jour.

« Elle a dit : Je déteste Twilight.»

Il citait la rouquine dans une série de tweets journaliers et ils avaient tous en commun de commencer par « Elle a dit... »Ou « Onna a dit... » . Tout avait commencé quand il avait demandé pourquoi Orihime vénérait autant les oursons et les crocodiles en gelée. Il avait reçu une avalanche de réponses venu des quatre coins de la planète, la plupart d'autre femelles, aussi accroc au sucre que la rouquine, et tout un paquet d'explication du plus scientifique au plus incongrue.

C'était alors devenu une habitude de tweeter les petites phrases d'Orihime avec l'espoir que les réponses des internautes l'aiderait à mieux comprendre les élucubrations de la rouquine.

« Elle a dit que les couchers de soleils était très triste. À peine coucher, le soleil lui manquait déjà. »

« Elle a dit que les arc-en-ciel devait sentir aussi bon que les friandises. »

« Elle a dit que de vrais guerre se déroulaient dans les supermarchés la nuit entre les friandises et les produits de premières nécessités. »

Ceci pour n'en citer que quelques un. Moins d'une demi-seconde plus tard, plusieurs messages affluèrent sur son compte. Re-tweeté cinq fois, la page se mettait à jour graduellement.

« Twilight, c'est pour les décérébrés et puis c'est dépassé ! Vive « Zombie Paradise ! »

« J'adore Twilight, moi. Team Edward à fond ! Mais je t'adore quand même Ulqui. »

« Décidément mon genre de nana... ta nana, Ulqui ! »

« Elle est trop kawaii »

« Ulqui-cchi, à quand la bague au doigt ? »

« Elle est priceless, mon ami. Ma femme adore cette merde. Mes amitiés des Indes ! »

La liste continuait jusqu'en bas de la page. Cette technologie primitive avait son charme.

Après un rapide rollover avec la souris, il ferma l'ordinateur portable et le reposa sur la table basse. Il monta au premier étage. Sa chambre était à l'opposé de celle d'Orihime. Elle était peu lumineuse la journée, la plupart des rayons du soleil masqué par les branches d'un grand cyprès japonais. La nuit, l'étroitesse des murs lui donnait l'aspect d'un garganta, un vrai trou noir. Cela avait un aspect familier, le familier représentait ce qui était déjà connu, le sans-surprise. La plupart du temps, la jeune femme gardait la porte de la sienne fermée. La plupart du temps, Ulquiorra se contentait de passer son chemin, sans jeter un regard vers sa chambre. Tous ces rituels (coucher, réveil, travail) était tout ce qu'il y avait de plus éreintant pour son esprit. L'humain de base épuisait son enveloppe spirituelle avec toutes ses tâches inutiles et écourtait un peu plus chaque jour leur espérance de vie déjà très brève.

Il ne pouvait pas dire qu'il aimait cette vie. Il n'avait jamais aimé quoi que ce soit. Il trouvait de l'intérêt à être ici, ce qui était totalement différent. Il y avait en général en tout chose. Il y avait sans doute une raison à sa présence dans ses lieux. Seulement, il admettait ne pas la connaître. Il savait juste qu'aujourd'hui il avait une raison autre de se lever tous les matins autre qu'assurer sa propre survie. Il pouvait étudier le mode de vie de ses proies naturelles. Cela semblait satisfaire la bête pleinement. Il admettait être curieux de la vie et des choses. Il voulait comprendre ce qu'était le cœur, le cœur qui faisait tant pleurer Onna, celui qui la faisait tant sourire, surtout le cœur qui rassasiait la Bête. Il voulait encore comprendre la source du pouvoir de Kurosaki Ichigo, la clé de son évolution. Tant de questions restaient encore sans réponse. Il devait juste être là.

Il s'arrêta sur la dernière marche de l'escalier. La chambre d'Orihime était à moitié entrouverte. Il pouvait l'entendre distinctement étouffer des sanglots dans son oreiller.

Ulquiorra poussa la porte d'une main. Il resta sur le seuil à observer la silhouette de la jeune femme au-dessus des couvertures. Orihime était consciente de sa présence, il savait. Il l'entendit prendre une profonde inspiration puis plus rien... Elle ferma les yeux. Elle fit semblant de s'endormir. Il y avait encore tant de choses qu'Ulquiorra ne comprenait pas... Tant de connaissances qui semblaient encore hors de sa portée.

In any other world

You could tell the difference

Il pencha légèrement la tête sur le côté et scruta la forme dans le lit, les courbes voluptueuses de la rouquine. Ses cheveux roux se détachèrent naturellement du décor en tons de gris. Les yeux d'Ulquiorra brillèrent pendant quelques secondes dans la pénombre tandis qu'il faisait l'examen de l'humaine à la recherche de blessures éventuelles. Pur habitude. Cela faisait dix ans presque jour pour jour, que Kurosaki Ichigo avait jeté l'humaine après s'être amouraché de la shinigami Kuchiki Rukia. Il n'avait jamais eu l'occasion de croiser le chemin de son pire ennemi depuis son retour. Orihime avait bien fait en sorte d'éviter toutes rencontres imprévus. Il n'avait jamais pu demander à Kurosaki ce que Kuchiki Rukia avait de plus qu'Onna. Hormis ses déficiences intellectuelles, son reiatsu faible mais pas déméritant, pour Ulquiorra, elle semblait un partenaire décent. Elle pleurait souvent... Mais beaucoup de femelles de ce monde pleuraient tout aussi facilement. D'un point de vue socio-anthropologique, rien ne semblait expliquer ce favoritisme.

Depuis Kurosaki, Onna pleurait beaucoup trop souvent à son gout. Sa souffrance, Ulquiorra la sentait parfois combler le vide de son trou d'hollow sous le gigai. C'était à des moments pareils qu'elle lui semblait le plus appétissant. Naturellement, il avait du mal à l'admettre. L'aveu était trop simpliste. Pour un hollow, les sentiments les plus sombres poussés à leur paroxysme rendaient un esprit enivrant et appétissant. Mettre ce qu'il ressentait pour l'humaine sur le coup de sa nature d'hollow était avilissant.

Il recula dans l'entrée. Elle étouffa un nouveau sanglot. Pendant une fraction de secondes, elle tressaillit dans le lit.

C'était exactement le temps qu'il lui avait fallu pour faire un nouveau pas en avant. Avant qu'il ne réalise bien, il était penché au-dessus de son lit, à inhaler le parfum qui s'émanait de ses cheveux flamboyant. Il l'entendit renifler plus fort. Il ne savait pas pourquoi Kurosaki avait rejeté la rouquine. Il avait bien l'idée que cela avait peut-être quelques choses à voir avec lui. Une certaine fierté primale s'emparait de lui à cette idée. L'idée qu'il ait souillé Orihime à jamais par sa seule proximité, la rendant à jamais inadéquat pour ses pairs, pour tous les mâles humains, le comblait de satisfaction à vrai dire.

Elle pouvait très bien le chasser, hurler, ou faire les deux. En l'approchant aussi lentement, il lui donnait le choix. Ulquiorra mit un genou sur le matelas. Peut-être qu'il ne lui donnait pas vraiment le choix. Il était présentement à bout. Dans cette chair plastique, il mourrait d'envie de sortir du gigai et de causer d'intolérable dégât dans ce plan d'existence. Il posa une main devant elle comme pour l'enjamber. Elle agrippa aussitôt entre ses deux petites mains. Il laissa son poids reposer sur le matelas. Peut-être qu'il l'avait souillé et cassé en chemins... Il posa une main envahissante sur le sommet de son crâne, c'est alors qu'elle se retourna vers lui, ses yeux luisants dans la pénombre. S'il l'avait endommagé à jamais, il n'y avait aucune raison que lui, Ulquiorra Schiffer, Ancien quatrième Espada de l'armée d'Aizen, chef des opérations spéciales, ne prendrait pas pleinement ses responsabilités. Il n'avait jamais eu de fraccions, trouvant leur admiration envahissante et ordurière. Il n'avait pas le temps pour éduquer les inférieurs et ne ressentait aucune loyauté pour son prochain. Cependant...

Il ferait une exception pour Onna. Une de ses petites mains caressa son avant-bras en remontant vers son épaule. Il encercla son cou. Il avait lu assez de livres. Ils avaient eu assez de pratique pour que le geste soit tout à fait naturel dans cette enveloppe de fortune. Elle l'embrassa en premier dans le cou, sur la canule, au plus près de son trou d'hollow. Il ne pouvait lui rendre l'appareil. Il posa ses lèvres sur son front. Elle se redressa, s'accrocha à lui d'une main, et prit l'initiative de l'embrasser. Il faisait une exception pour Onna. Ses lèvres plièrent naturellement sous les siennes. Il sentit son sourire contre sa bouche. Leurs secrets. Il ouvrit les yeux dans la pénombre pour admirer les contorsions de son visage. Orihime soupira tout contre son oreille.

- Ulquiorra !

Ses bras vinrent l'enlacer au creux de ses hanches. Il la souleva à moitié. Seulement pour Onna, la bête était prête à faire des concessions. Pourquoi ? Peut-être parce qu'elle lui avait tendu la main ce jour-là. Il hésitait à la prendre là. Si facilement, elle s'offrait à lui. Tâche aisé, il pouvait profiter de sa vulnérabilité. Si facile, il n'était pas humain et ne connaissait pas le remord. Il pourrait tout lui prendre en une nuit. Il achèverait de teinter la moindre parcelle du Cœur. Il la rendrait méconnaissable et inexploitable. Ses mains connaissaient déjà ses courbes. Il connaissait déjà le goût de ses lèvres alors pourquoi pas ? Elle emprisonna son visage entre ses mains et même s'il avait voulu se détacher d'elle, il n'aurait pas pu sans lui faire mal. C'était ce qu'était devenue leur relation. Forcément, au final, elle souffrait toujours. Il se redressa mettant fin à leur étreinte de manière soudaine et brusque. Dans la pénombre, il vit Orihime écarquiller les yeux tandis qu'il gardait la même expression. Ils n'étaient jamais allé plus loin que ceci. Il savait qu'elle ne le désirait pas vraiment. Elle voulait Kurosaki Ichigo et il refusait de jouer les doublures pour le shinigami.

Ses lèvres remuaient dans le noir et il lui fallut quelques secondes pour réaliser qu'elle ne faisait que murmurer son nom. Enfin, elle esquissa un sourire qui le mit hors de lui.

- Ce n'est pas un jeu, Onna. Se sentit-il obliger de lui rappeler.

Ce n'était vraiment pas un jeu pour lui. Avait-elle une idée de ce qu'elle mettait en jeu ? Il pouvait tout lui prendre. Il était son ennemi. Peut-être qu'il n'était pas exactement son ennemi, mais il pouvait toujours tout lui prendre. Si elle persistait dans cette idiotie, il prendrait plaisir à tout lui prendre. Il n'était point Kurosaki Ichigo. Il ne servirait pas de remplacement. Il ne ferait pas d'elle son partenaire. Il ne jurerait pas bêtement de l'aimer et de la chérir pour l'éternité sachant qu'il était certain que viendrait un jour où leurs chemins se sépareraient. Ils n'avaient rien d'égaux. Il la considérait toujours comme son inférieur et même s'il faisait une exception pour...

- Je... sais. Répondit-elle naïvement. Tu ne m'aimes pas comme je t'aime. Je sais cela. J'accepte cela.

Que venait-elle de dire ? Il plissa imperceptiblement les sourcils.

- Je suis terrifié, moi aussi.

Qu'insinuait-elle? Qu'il avait peur d'elle ? Qu'il avait peur comme elle ?

Ulquiorra Schiffer n'avait jamais ressenti de la peur pour quoi que ce soit (sauf peut-être pendant cette minute fatidique sur le pont) mais c'était un sentiment fugace qui n'était pas destiné à s'installer durablement. Il n'avait peur de rien. La mort lui paraissait inéluctable. La vie, il s'en accommodait parfaitement. Il avait bien prouvé qu'il pouvait s'adapter à beaucoup de choses. Il n'avait peur de rien. Rien.

Il se pencha en avant. Orihime et lui se rencontrèrent à mi-chemin. Leurs lèvres se frôlèrent à peine quand il se retira à nouveau.

Elle avait dit qu'elle l'aimait. Lui...

Il bondit hors du lit si vite qu'Orihime n'eut que le temps de sursauter.

- Ulquiorra...

Il descendit les escaliers quatre à quatre avant de pousser la porte de la buanderie aux sous-sols. La porte métallique claqua derrière lui faisant vibrer les murs de la maison, il posa les trois verrou en acier qu'il avait fait installer en l'absence d'Onna. Peut-être qu'il était endommagé ? Peut-être qu'il était cassé ?

Il inspira et expira brusquement.

Cela ne s'arrêtait pas...

Les battements du Cœur.

Il ramassa une pile de vêtement dans le panier de linge sale, les jeta dans la cuve de la machine comme on jette les bûches de bois dans un foyer de cheminée pour l'alimenter. La machine se remit en marche dans un sifflement bruyant. Il prit une profonde inspiration. Forcément, quelques choses n'allaient pas chez lui, pour qu'il puisse envisager...

Ulquiorra se laissa glisser contre les parois frémissantes et froides de la machine. Les décharges électrostatiques firent se dresser les cheveux noirs à la base de sa nuque. Il palpa son cou nerveusement. Il ne devait pas oublier ce qu'il était et qui il était. Elle et lui... des univers les séparaient. Il ne devait pas laisser cette cohabitation lui monter à la tête. Temporaire. Éphémère. Tu ne m'aimes pas comme je t'aime. Je sais cela. J'accepte cela.

Il y avait forcément quelques choses d'étrange avec ce gigai. Pourquoi se souciait-il de ses sentiments ? Pourquoi voulait-il la croire ?

Cela n'avait pas la moindre importance. Il ferma les yeux.

La machine tambourina contre le mur. Ulquiorra Schiffer n'entendait plus les battements du Cœur. Il n'entendait plus ses sanglots.


[1] Il existe des voitures que l'on peut conduire sans le permis B. Micro-citadine ou utilitaires, ces voitures n'ont en commun que le fait de ne disposer en général que de deux places assise et d'être bien sûr plus petite que les voitures normal, d'être en général interdite sur autoroute, et d'avoir une vitesse maximal extrêmement limité. Enfin, elles sont très répandues en Asie.

[2] Traduction approximative : « Je suis rentré », femme.

[3] Je vous invite à aller chercher la signification profonde de ces deux expressions. Tadaima veut dire très globalement « je suis rentré » et Okaerinasai est une forme de « Bienvenue » extrêmement poli. Ulquiorra confond clairement les deux expressions. A la place, il dit « je suis rentré » et attends d'Orihime qu'elle lui souhaite la « Bienvenue ».

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