Un simple parchemin usé, où les marques de divers messages effacés persistaient.

Un parchemin qui semblait tout à fait anodin et pourtant qui pesait lourdement dans les mains du roi.

Ce carré de peau n'apportait pas de missive importante ni la réponse de la commande de joyaux qu'il avait faite aux nains d'Erebor. C'était un parchemin qui n'avait de valeur que pour le roi et le prince, que pour deux personnes dans un royaume mais qui pouvait y provoquer de terribles répercutions.

Le roi relut la lettre, encore une fois, comme pour vérifier son authenticité. Il avait parcourut les lignes de ses yeux au moins une dizaine de fois ce matin et en restait toujours bouche bée. Incapable de croire à ce qu'il lisait et pourtant, il désirait plus que tout que ce que la lettre disait soit la vérité.

Ainsi disait cette mystérieuse lettre :

Cher Thrandy, mon amour, mon bien aimé, que je suis restée longtemps sans te donner de mes nouvelles! Trop longtemps même. J'espère que tu te souviens de moi, après tout ce temps passé, séparés l'un de l'autre. Je pense que tout prospère au royaume avec un roi comme toi. Ces lignes que tu lis doivent sans doutes te surprendre. Tu devais penser que j'étais morte, moi, dont tu as enterré le corps il y a plus de mille-cinq-cents-ans. Mille-cinq-cents-ans passés sans toi, mille-cinq-cents-ans de souffrance. Chaques jours je pensait à toi en espérant avoir toujours une place dans ton cœur.

En ce moment, pendant que tu lis ces lignes, tu dois sûrement te demander si elles sont ou non, vraiment envoyées par moi. Je ne peux rien te prouver maintenant, là où je suis. Cette lettre avait seulement pour but de te dire que j'étais en vie, quelque part.

Ne viens pas me chercher. N'envoie personne à ma recherche. Ou je regretterais de t'avoir communiqué.

Sache que je t'aime toujours, et que ton visage me manque énormément. Exprime à notre fils toutes les excuses que je lui doit, que je n'ai pas été une bonne mère pour lui. J'aimerais tellement le voir, ce qu'il est devenu maintenant... Mais dis lui aussi que je l'aime plus que tout, plus même que ma vie.

Ta femme qui t'aime.

Tawarwen

Le roi serra le papier dans ses doigts. Pourquoi sa femme avait elle attendu si longtemps avant de lui dire qu'elle était vivante ? Pourquoi ne venait elle pas en personne le retrouver ? Pourquoi ne voulait elle pas qu'il aille la chercher ?

Toutes ces questions se bousculaient dans sa tête, le mélange de cette confusion et de sa béatitude face à la lettre ainsi que son doute quant à sa provenance le fatiguaient énormément. Car il était un vieil elfe, très vieux même pour sa race immortelle. Et dans son corps éternel siégeait un esprit usé par le temps.

Il posa lentement la lettre sur une table. Il avait beau se convaincre qu'elle était fausse, il restait en lui un puissant espoir qui aurait pu le détruire. Car il aimait sa femme plus que tout au monde, et après une telle espérance que sa vie, il n'aurait pu supporter de la perdre une nouvelle fois.

Il passa son index sur chaques lignes du parchemin en repensant aux beaux jours joyeux passés avec elle. En regardant la lettre, cette fine écriture, il voyait devant lui la jeune elfe pleine de vie et de bonheur. Il revoyait ses longs cheveux blonds ondulant dans le vent, ses yeux verts scrutant l'âme des gens plutôt que leur nom et leurs exploits. Elle avait le rire facile, et même si elle était aussi prompte à la colère, elle se montrait parfois très empathique envers les autres.

Son fantôme le hantait chaque soir, faisait irruption dans ses rêves.

Et voilà qu'il apprenait qu'elle était peut-être en vie, quelque part. Mais quelque part où il ne devait aller. Il avait reçu une nouvelle empoisonnée.

Il se souvenait encore de ce jour, l'enterrement de sa femme. Un jour où le soleil luisait dans le ciel, brillant de toute sa splendeur dans un azur incontestable. Mais pour le roi, ce jour n'était pas beau, le soleil resplendissant lui semblait rire de son malheur et la Mort créait un vide dans son cœur. Un vide que seul sa femme vivante pouvait combler.

Il avait vu le cercueil d'or et d'argent arriver à travers le jardin, les fleurs rouges et blanches semblaient escorter ce funèbre cortège. Le cercueil fut posé dans un trou creusé dans le sol, dans un sanctuaire au fond de ce jardin fleuri. A cet instant, le roi avait espéré de tout son cœur entendre un son, un bruit même des plus infimes provenant de cette boîte. Mais seul le silence se faisait entendre durant cette belle journée. Le soleil luisait dans le ciel mais le vent ne soufflait pas. Les branches des arbres ne frémissaient pas et les oiseaux ne chantaient plus. Et tout le peuple elfe restait silencieux, car personne n'osait enfreindre ce terrible silence. La reine manquait au roi plus que tout, alors que le cercueil n'était même pas enterré.

Avant de recouvrir le trou, les proches parents du roi et de le reine y déposèrent de petits objets de valeurs et quelques paroles. Des parchemins, des pierres précieuses et divers objets coûteux y furent déposés. Le roi enfin s'avança pour y poser la statuette noir d'un cerf sculpté dans le sombre fer d'un météore. La même matière grâce à laquelle furent faites les deux épées noires jumelles.

Puis la tombe fut recouverte et le roi se retira dans ses appartements pour verser ses larmes en silence, pour panser son cœur déchiré et déplorer loin de tous le malheur qui s'était abbatu sur lui.

Plus tôt dans la journée, le médecin était venu lui annoncer que Tawarwen n'avait pas supporté l'étrange mal qui s'était abbatu sur elle. Contrairement aux humains, les Elfes ne pouvaient tomber malade. Le roi alors suspecta les maléfices de Morgoth et jura un jour de le lui faire payer très cher, ainsi qu'à tous ceux qui aidaient le mal.