Une histoire en deux parties écrite absolument au feeling. En tout cas je me suis bien amusée à l'écrire !
Bonne lecture !
L'épopée de la Larme de Lune
Partie I : La Traversée de l'Univers
Le silence se brise dans un souffle ravagé, mêlé de craquements de bois et de bruissements de feuilles.
Le goût d'éternité touche le ciel un instant, quand la Larme de Lune ouvre les yeux. Combien de temps cela fait-il qu'elle dort ? Elle lève un bras vers l'Univers paré de milliards de couleurs. Les racines des arbres de poussière se déchirent sèchement. Certaines enserrent son cou, son torse, ses jambes. La fille se relève doucement. Les branchages se craquellent, redevenant sable gris. Une envie irrépressible tient Naminé. Celle de partir. Elle ne sait pas où, ni pourquoi. L'impression suffocante de devoir retrouver une partie de soi est tout ce qui bourdonne dans ses oreilles. Elle s'enfante elle-même une nouvelle fois, comme la première. Est-ce qu'elle a déjà voyagé ? Elle se lève.
Autour d'elle, tout se dessine en ombres irisées, du gris au bleu à la couleur même de la nuit. Là où elle se tenait allongée quelques instants plus tôt, un trou dans le sol entouré de racines, comme une tombe, laisse s'échapper des poussières nacrées. En face, un grand lac rempli d'eau de ciel l'appelle. Sur sa surface on voit les étoiles, et si ce n'est pour cette ligne d'horizon grise, on l'eut confondue avec l'Univers même. À sa droite, une forêt de diamants gris. Les branches des arbres minéraux se penchent pour caresser le sol, éclatant par moments en septelles de nuances de blanc lumineux. Plus loin, un éclat aveuglant se propage. À gauche, rien que des plaines d'herbe pâle et bleutée, comme des brins de glace souple. Et une ombre immense. Elle marche sur la limite. Le clair-obscur qui sépare les deux côtés de la lune. Elle s'avance vers le lac, se plonge dans son eau transparente et cristalline. Le sol sous ses pieds est fin et dur. Elle se sent entourée de Vérité soluble. Ses cheveux flottent dans l'eau de ciel, et elle se surprend à respirer. Des étoiles minuscules vivent là. Brillantes comme de petites lucioles assoupies sur un velours infini. Elle prend ses bras entre ses jambes, dans la position de l'Enfant qui n'est pas encore né. Elle reste si longtemps ainsi que lorsqu'elle sort, il lui semble qu'elle avait oublié ce qu'était l'air. Des gouttes ruissèlent sur sa peau nue. Cela ressemble à de la pluie. Elle prononce ce mot, comme un glouglou des lèvres, comme un soupir de femme. Un bruit mouillé qui attend. Elle sait où elle doit se rendre. C'est par là où il y a la lumière. Elle veut retrouver Gaïa. Il y a là-bas quelque chose, ou quelqu'un qui a été fait avec elle, pour elle. Une âme-sœur. Elle n'hésite pas.
Elle court, court à travers la forêt diamantine pour se retrouver submergée par l'éclat brûlant. Sa nudité la frappe. Elle se contemple. Le platine de ses cheveux, le blanc irréel de ses poils pubiens, l'odeur d'éther de sa peau. La nacre de ses ongles. Elle se trouve belle, pareille à ce lieux sublime et morne. Un nuage passe, juste en-dessous de la lune, à peine au-dessus d'elle. Elle prend son élan et saute, du plus fort qu'elle peut. Son corps est léger comme l'eau poussiéreuse des pluie lunaires. Le nuage l'accueille en son sein comme une grosse couverture de soie et de coton. Elle s'y installe avec délices. Elle s'endort à nouveau, car le trajet sera long. Elle est réveillée par un choc mat et osseux. Un garçon, tout de noir vêtu, lui fait face. Ses yeux ressemblent au fond de l'eau de ciel. Il regarde son corps à elle, nu. Une pudeur incompréhensible la saisit. Le garçon comprend, et de ses doigts longs et fins comme ceux d'un mort, il arrache au nuage du tissus pour en filer une robe du blanc le plus pur, qu'il lui tend. Quand elle l'enfile, il demande :
« Qui es-tu ?
—La Larme de Lune, Naminé. Et toi ?
—Je suis le côté sombre de la Lune. Roxas.
—Qu'est-ce que tu cherches, Roxas ?
—Quelqu'un. Quelqu'un qui me complètera.
—Tu n'es pas complet ?
—Tu l'es, toi ? … Je n'ai pas de cœur. Mais regarde, comme le Soleil brille rouge et or ! Je suis sûr qu'il y a quelqu'un, là-bas. Quelqu'un pour moi
—Tu es comme moi, alors.
—Quoi ? Ne me dis pas que tu vas aussi au Soleil ?
—Non. Mais il y a quelqu'un pour moi, aussi. Sur Gaïa.
—Qu'est-ce que tu dis ? C'est interdit d'aller là-bas, tu le sais bien !
—Comment ça ? Pourquoi y a-t-il des interdits ?
—Gaïa a été envahie par les humains. On ne peut pas y aller.
—Mais Roxas … si ce quelqu'un pour toi était dans le bleu de cette planète, tu n'irais pas ?
—Je … »
Il se tait ainsi, tout à ses pensées. Gaïa a été corrompue. Il aurait peur. Parce qu'il sait bien qu'il finirait par y aller, si son quelqu'un était là-bas. Le voyage jusque le Soleil ne met que quelques temps, aussi Roxas fut-il vite rendu. En face d'eux, l'immensité du soleil les calcinait sans douleur. Cela sent le souffre, et les hydrocarbures. Le charbon et les pierres chaudes. Naminé s'en écœure à peine quand Roxas, lui, la hume comme s'il s'agissait de l'odeur la plus délicieuse de l'Univers. Naminé se demande si ce sera pareil, quand elle-même s'approchera de son âme-sœur. Un rai lumineux vient à leur rencontre. Il se jette sur Roxas, et pendant un moment, Naminé a peur de le voir brûler tout entier. Après tout, s'il vient du côté sombre de la Lune, tant de lumière et de chaleur doit lui être étranger. Mais à sa grande surprise, il ne fait rien que se mettre à briller, la peau opalescente du jeune homme semble rejeter des reflets nouveaux sur le nuage, et en travers d'elle, les vaisseaux sanguins transparaissent en lumière rouge orangée. On dirait que de la lave en fusion coule dans ses veines. C'est magnifique. Dans une rafale de flammes dansantes, l'autre être se dessine. Au contact de Roxas, ses doigts se précisent, et ses traits. Le jaune éblouissant de ses yeux tourne au vert acide et bientôt, son corps est semblable aux leurs, et seuls ses cheveux s'entremêlent encore à des flammes rouges et vives. Il embrasse le blond, aussi vite qu'il s'est jeté sur lui. Et aussi vite qu'il est apparut il disparaît, emportant avec lui Roxas. Naminé soupire doucement. D'eux il ne reste déjà plus qu'un souvenir éblouissant, et quelques braises fumantes sur le nuage. Roxas ne lui a pas dit au revoir. Elle le comprend sans vraiment l'entendre, disons qu'elle devine. Alors le nuage poursuit sa route, sans s'offusquer de rien, impassible.
Elle s'endort à nouveau. Si elle se souvient bien, il y a encore une autre étoile par laquelle elle doit passer avant de changer de nuage.
C'est cette fois un barouf de tous les diables qui la réveille. Un bruit du tonnerre comme elle ne l'a jamais entendu. Sa respiration se bloque sous la terreur, son non-cœur s'arrête un instant, quand elle découvre la source du vacarme. Là, une nymphe de foudre, furieuse comme Trawilke, s'échine à une tâche qu'elle ne comprend pas, entre deux étoiles. Il faut du temps à Naminé pour comprendre : La nymphe naît. Les étoiles, si incroyablement puissantes, paraissent se battre à corps perdu et c'est ce choc qui enfante la foudre. Quand elles s'éloignent enfin, le corps de la fille chute, chute, jusqu'à se réceptionner sur un nuage noir.
En un sursaut terrible, la fille se réveille, s'étouffant d'électricité et de tempête. Le nuage se transforme, se déforme. Rien qu'à cette vue, une souffrance digne des Enfers prend Naminé. Elle saute vers le cumulonimbus en construction, s'y réceptionne malhabilement et s'efforce à enserrer la silhouette de fureur. Des éclairs sortent de ses yeux, de ses cheveux, et sa peau même est parcourue de filets électriques, les jambes se tordent, se déploient et se resserrent sur elles-mêmes avant de, finalement, s'immobiliser dans le cri foudroyant de la nymphe. Elle continue de hurler quand bien même Naminé, luttant contre la douleur, la tient du mieux qu'elle peut. Quelle horrible nativité est-ce là ? Quel Dieu fut assez cruel pour l'engendrer ainsi, la laisser naître entre cris de désespoir et châtiments physiques ? Est-ce que les étoiles n'en ont pas marre de faire souffrir par leur haine ? Enfin, tout ce calme et le silence assourdit, semble-t-il, l'Univers entier. D'un ultime haut-le-cœur, la respiration de la nymphe arrive, et celle-ci se relève aussi sec, bousculant la Larme de Lune pour tout observer autour d'elle. Le nuage a encore grandi. Elle se met à courir, démente, et Naminé la sauve de sa chute. Ses yeux regardent tout, déboussolés. Des mots rapides sortent de sa bouche.
« Il est là. Là, tout près. Je suis sûre que je peux le toucher. »
Naminé ouvre de grands yeux. Elle aussi, cherche son âme-sœur. Elle se souvient, quand elle est née quelques infinités de temps plutôt, la sensation pressante et vague de manque, de nécessité. Alors que son quelqu'un était loin. Si pour cette fille, le quelqu'un est près … elle va devenir folle. Faisant fi de l'angoisse, elle entoure la fille du tissus orageux, qui forme naturellement autour d'elle un pantalon noir et souple comme les abysses et un haut lourd et humide comme l'air électrique de la tempête à venir. Alors, à droite, passe le nuage de printemps qui mène vers la Terre Gaïa, et, rejetant au loin l'empressement qu'elle sent de le prendre, Naminé reste là, à attendre que la folie se calme un peu. Elle trouvera un autre moyen de rejoindre son quelqu'un, elle n'a aucun doute là-dessus.
« Où est-il ? »
Na sachant que répondre, Naminé caresse les cheveux fourmillants d'électricité, et souffle des mots sans rapports.
« Tout vas bien, éclair d'orage. Fille de deux étoiles. J'ai nom Naminé. Sais-tu le tien ?
—Larxène. »
Le nuage de printemps se rapproche d'elles, alors qu'il aurait dû s'éloigner. C'est étrange. Elle y voit alors la silhouette fugace et ondoyante d'un être de vent. L'odeur de pluie chaude se mêle aux relents de fleur. L'ombre rose sur le nuage se fait plus nette. Larxène se redresse, et fixe le Printemps. C'est lui, elle en est certaine. De loin, incapable de se déplacer plus vite, la silhouette rosâtre se met à parler.
« Je te cherche depuis si longtemps ! Je savais que tu existais ! Les autres disaient que j'étais fous mais je ne rêve pas, n'est-ce pas ? Tu es réelle, pas vrai ? Tu le sens aussi, non ? »
Toujours furieuse, en un éclair, Larxène se transporte auprès de l'autre, qui continue son discours.
« J'ai guetté chaque saison et chaque nuage, toutes les étoiles n'ont pas été assez éloignées pour que je ne t'y cherche, mais quel Dieu parmi tous a fait dépérir si longtemps mon amour-
—Tu parles trop, imbécile. Touche-moi. »
Le contact n'est pas moins violent que tout à l'heure et tout à coup, tout se fait plus précis, tout semble se décomposer et se recomposer, ils se réinventent auprès de l'autre. Elle les voit devenir comme un orage de printemps. Cela sent les pétales mouillés, les relents entêtants de l'humidité du gazon. Naminé est abandonnée de nouveau, et s'y condamne en fermant les yeux. Mais ils apparaissent tous deux à ses côtés, accompagnés de leur nuage blanc, qui se mélange au nimbus gris sombre en fils de soie.
« Qui es-tu, fille pâle ? J'ai vu ce que tu as fait pour mon aimée, et il n'est rien en ce monde qui puisse égaler la reconnaissance que j'ai envers toi à ce jour, pas plus que l'infâme souffrance à laquelle m'aurait condamné l'avortement suicidaire de cette nymphe.
—Je suis la Larme de Lune. On m'appelle Naminé.
—Comme tu es pure et douce ! Quelle est ta quête ?
—Mon quelqu'un pour moi. Il est sur Terre.
—Comment ? Dans ce lieu pourri d'humains ?
—Oui. Toi, qui es-tu ?
—Marluxia. Je suis le Souffle d'un nuage de printemps. Un Souffle d'orage, à présent. Je vais vers Gaïa pour y déposer la pluie et le vent. Puisque tu es une Larme, tu dois pouvoir traverser avec elles.
—Merci. Je ne connais pas tous les nuages, j'avais peur de me perdre.
—Ce que je comprends. J'ai déjà croisé un être, comme nous, qui ne faisait que de se perdre. Il est devenu fou.
—Comment ?
—En se trompant de nuage à chaque fois. Vanitas était l'Éclat d'un trou noir. La Chance ne pouvait pas être avec lui. »
Naminé se sent peinée, un moment. Nul ne mérite d'être perdu ainsi. Pas même un être de ténèbres et de chaos. La nuage vire, sous le commandement silencieux de Marluxia. Elle est heureuse, tout de même, d'avoir su trouver un être du vent.
Lorsque, épuisés, ils atteignent la Terre, Naminé est aussi soulagée que triste de quitter les cris hystériques de Larxène et les discours sans fin de Marluxia. Or, comme ils ne sont pas encore assez puissant pour déclencher un véritable orage à hauteur de Mer, c'est avec une fine pluie que Naminé descend, juste sur de grandes montagnes. On dirait que la terre monte jusqu'au ciel. Attirée instinctivement par l'eau, elle retombe dans un étang clair, à peine grisé par le temps. Le ciel s'y reflète, et elle se rappelle avec une mélancolie étrange le lac de ciel sur la limite entre l'ombre et la lumière de la Lune.
De nouveau surprise, Naminé se rend compte que même ici, elle peut respirer sous l'eau. Cette eau sent la terre mouillée, comme celle de la Lune sent la poussière et l'éther. Alors qu'elle se complait dans le liquide translucide, elle sent qu'on la tire par le bras. Aveuglée un moment, elle panique. On la sort de l'eau. En face d'elle, essoufflée, une femme la regarde, et s'ébahit de la voir éveillée.
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Fin de la Première partie !
Je poste la deuxième demain, elle est déjà finie.
Mata nee ^^ !
