Chapitre 1 : Quel jeu stupide!
J'ai une sensation étrange proche de l'estomac, un sentiment d'impuissance. Quelque chose que je n'arrive pas à définir avec des mots mais qui n'en pèse pas moins lourd.
Une insatisfaction, l'impression de ne pas être capable d'aller au bout des choses. Je n'arrive pas à être optimiste. C'est une morosité face à un nouveau commencement, peut être une peur d'aller plus loin, du futur et de son aspect si sombre.
Un trop plein de tout, de faire face en essayant de se convaincre qu'on fait les bons choix, en essayant de croire qu'on peut s'aimer soi même malgré tout.
C'est à ce stade de ma réflexion que je suis lorsque j'aperçois face à moi deux yeux gris sombres qui me regardent fixement.
Reprenant part à la réalité en sursautant légèrement, je jette un coup d'œil autour de moi pour me souvenir que je suis à la bibliothèque, entouré de livres de potions auxquels je cherchais - jadis- un intérêt, un sens.
Que font ces yeux dans un tel endroit? J'enlève ma main de sous mon menton et me tourne vers eux.
- Ca n'a pas l'air d'aller bien fort Moony, à quoi tu pensais pendant tout ce temps?
- Oh! A rien de précis, je rêvais...
Il me regarde d'un air qui me fait comprendre immédiatement que je n'ai pas réussis à le duper mais il ne cherche pas plus loin et je lui en suis reconnaissant.
- Qu'est ce que tu fais ici? C'est pas ton genre de traîner dans la bibliothèque.
- J'étais venu voir si tu préférais pas prendre l'air et profiter du beau temps au lieu de potasser des heures sur des ingrédients farfelus mais ce n'est plus une question, c'est un ordre! Les potions te donnent un teint de sombral. Viens, on va dans le parc! Dit-il en ensorcelant toutes mes affaires pour les ranger dans mon sac.
- Mais je...
- Pas de mais! T'as pas le choix.
Je souris malgré ma frustration face au non respect de mes choix, après tout, il ne le fait pas pour m'embêter.
On parcourt les quelques couloirs qui nous séparent de la liberté en marchant tranquillement. Je sens que Sirius n'est pas là pour rien, il doit vouloir me demander quelque chose, la même chose que ces derniers jours sans doute et un coup d'œil vers lui me le confirme. Je surprends son regard inquiet, je devais encore être en train de rêvasser avec un air lointain...
On arrive près du lac et on s'assoit tranquillement. Je regarde, au loin, les vallées verdoyantes qui entourent le château, le lac immense et le calmar qui, de temps à autres fait une apparition.
- Alors, c'est qui?
Oh, non! Il ne va pas recommencer... Je fais semblant de ne pas comprendre pour me laisser le temps de trouver une réponse.
- Pardon?
- Cette fille pour qui tu en pinces, c'est qui?
- Je n'en pince pour aucune fille Pad, je te l'ai déjà dis.
- Bon...
Il ne me croit pas. Derrière l'air détaché et désinvolte qu'il prend, je le vois bien. Il a tort, je me garderais bien de lui mentir. Enfin... il n'a pas si tort que ça, je contourne juste la vérité.
- Alors qu'est ce qui te rend si étrange, si t'es pas amoureux?
Et merde! Il ne veut pas me lâcher avec ça non? La pleine lune est dans 3 jours, c'est vraiment pas le moment de me chercher!
- Laisse tomber Siri, tu veux?
Il fronce les sourcils.
- Non, je ne veux pas! T'es pas bien, je le vois, t'es tout le temps ailleurs, "en train de rêver" tu parles!
Son ton sec me met mal à l'aise, il n'y a pas de reproche dans sa voix, juste de la tristesse et de la peur que je ne lui fasse pas confiance... si il savait!
- Je... Sirius, je...
Ah non, je vais pas me mettre à bégayer!
- Je voudrais bien t'en parler mais je ne peux pas.
Il me regarde avec de grands yeux écarquillés qui me font immédiatement culpabiliser.
- Tu ne peux pas? Il s'arrête un instant comme pour se retenir de hurler. Ou tu ne VEUX pas? Je pensais que tu me faisais confiance, que tu pouvais tout me dire!
- Tu le sais non, que tu peux tout me dire? Sa voix est très calme sur cette dernière question, basse, sourde et c'est pire que s'il avait hurlé. Cette fois, elle est remplie de reproche, de tristesse et d'autres choses que je n'identifie pas.
Je détourne les yeux à contre cœur, je ne sais pas lui mentir mais taire mes réponses n'est pas plus simple, je le sens s'énerver près de moi, je sens que sa patience a atteint sa limite... Cela fait des jours qu'il me taraude pour que je lui dise ce qui ne va pas et qui est cette fille qui me rend si bizarre...
Bon sang, il va me rendre dingue! Pourquoi faut-il qu'il cherche tant à savoir? Pourquoi?
- Bon, si tu veux en parler, je suis là. Dit-il, agacé, en se levant. Je lève les yeux vers lui pour voir qu'il s'est déjà un peu éloigné pour retourner au château. Je sens ma gorge se nouer.
- Et merde!
oOo
On est dans la salle commune où James relis pour la 100ème fois son programme d'entraînement intensif pour l'équipe de quidditch dont il est le capitaine.
Il a un air sérieux qu'il n'arbore que très rarement au grand malheur des professeurs, et articule chaque phrase silencieusement comme s'il apprenait une poésie par cœur. Il s'arrête de temps à autre, pour gribouiller des schémas compliqués qu'il est le seul à comprendre et qu'il ré-examine avec une précision exaspérante.
Peter est plongé jusqu'au cou dans son devoir, il a de l'encre sur le bout du nez et sur les doigts, son parchemin est plus raturée qu'autre chose et il a une tête désespérée caractéristique des moments où il travaille la métamorphose.
Sirius est assis dans un fauteuil et n'a de cesse de me jeter des regards en coin, au point où il m'est devenu totalement impossible de me concentrer sur quoi que ce soit. Je ferme donc mon livre dont je n'ai pas tourné une seule page depuis que je l'ai ouvert il y a une heure et lève un sourcil interrogateur en le regardant.
Il soutient mon regard, fixement, je me sens mal à l'aise et fronce les sourcils. Il me sourit brièvement et se lève pour se diriger vers le portait de la Grosse Dame. Je le suis des yeux un instant, un étrange sentiment d'angoisse dans l'estomac. Finalement, je me lève et le suis en essayant de ne pas me poser trop de questions.
Il m'attend dans le couloir et quand j'arrive à sa hauteur, il se remet à marcher sans rien dire. On arrive près du lac sans avoir dit un mot. Le sentiment d'angoisse dans mon estomac grandit au fil des minutes. Je suis presque aussi paniqué qu'un première année le jour de la répartition quand il se tourne enfin vers moi avec un air... beaucoup trop sérieux à mon goût. Il s'assoit sans m'avoir rien dit. Je l'imite.
- J'imagine que si tu n'es pas venu, c'est que tu veux toujours rien me dire... heu... ne peux -pardon- tu ne peux rien me dire.
Beaucoup trop d'ironie et d'amertume dans sa voix, ce n'est pas bon signe. J'ouvre la bouche pour répondre Merlin seul sait quoi, mais il me coupe avant.
- Si tu ne veux rien dire, je peux peut-être essayer de deviner?
Mauvais plan... très mauvaise idée... trouve quelque chose à dire pour fuir ça, Moony! La pleine lune est maintenant dans deux jours et je m'étonne du calme dans lequel je suis... Dans ces périodes, en principe je l'aurais déjà envoyé paître avec les hippogriffes.
- Je prends ton silence comme un oui. Alors voilà les règles : Tu es obligé de répondre à mes questions. Disons, pas plus de 20. Tu disposes de deux jokers. A chaque fois que je te pose une question, tu peux me la retourner ou m'en poser une autre. Au moins, tu ne peux pas me dire qu'à toi, ça ne t'apporte rien ajoute t-il en me lançant un regard amusé. Ah! Et on n'a pas le droit de poser deux fois la même question.
Je le sens mal, très mal et ça commence à m'énerver... je savais bien que ça durerait pas longtemps ce calme juste avant la pleine lune...
- Je continue à prendre ça pour un oui, dit-il en souriant.
Je lui lance un regard noir. Je vais le tuer! Ferme-la Sirius, ne me demande rien! Déjà que je sais pas te mentir, alors si tu me fais ça juste avant la pleine lune, je vais avoir du mal à... mais...
mais ...
Mais, il le fait exprès! Par les dessous en soie de Godric! Ca y est, j'ai les nerfs!
Il me regarde avec son petit air désinvolte et j'ai envie de le lui faire avaler! Il a l'air de comprendre mon air effarouché par la compréhension mais il continu de sourire, cet espèce de gobelin !
- Alors, je commence. Voyons... est-ce que tu es amoureux?
Oh non, Merlin, non, tout, mais pas ça! Il pouvait pas se contenter de sa question "c'est qui cette fille Moony?" Non, il ne pouvait pas! Il fallait que pour une fois il pose une putain de bonne question, celle que je ne peux même pas contourner!
- Oui. Ma voix n'a rien de posée, finis mon calme exemplaire... Là, le loup gigote comme un démon à l'intérieur de moi. S'il le pouvait, je suis sûr que ce fichu clébard serait en train de chanter la marche funèbre.
Et pourquoi il me regarde comme ça, cet espèce de ronflak ? Ah, je dois poser une question aussi... Fichu jeu stupide, bien une idée de Sirius ça! J'ai pas la tête à chercher une question.
- Et toi?
- Je pense, je n'en suis pas très sûr.
Oh merde... je sens une brique qui tombe dans mon estomac, sacrément lourde d'ailleurs. J'essaye de ne pas le montrer mais j'ai un geste beaucoup trop nerveux pour éloigner une de mes mèches de cheveux rebelles.
- C'est encore à moi... Alors... Il me fait patienter comme s'il cherchait une question et ça m'énerve encore plus...
- Bon alors?!
- Oula, quelle susceptibilité!
Je me lève d'un bond mais avant d'avoir pu faire quoi que ce soit, je sens sa main sur mon bras qui me retient.
- Reste là, 'Mus.
Je me rassois en me demandant pourquoi je lui obéis si facilement... Fait chier!
- Deuxième question donc : Je connais cette fille?
Ah, facile celle-là! J'essaye quand même de ne pas répondre trop vite, faudrait pas que je fasse une gaffe...
- Non. Ca m'étonne que tu puisses être amoureux... je croyais que toutes ces demoiselles n'étaient pas faites pour toi?
Il sourit devant ma réplique remplie d'acidité mais il a l'air d'hésiter dans le choix des mots.
- Je comprends ton étonnement et cette personne n'est pas faite pour moi... ou plutôt si, elle l'est peut être mais il y a peu de chance que je sois fait pour elle.
Merde, il a l'air sincère en plus. Je ne suis plus si énervé que ça. Je suis quelque chose qui doit se rapprocher du terme anéantis.
- Comment ça ce fait que je ne la connaisse pas? Poursuit-il. Je connais la plupart des filles de Poudlard! C'est pas une serpentard hein? Demande t-il soudain, les yeux écarquillés.
Je souris tant bien que mal et répond:
- Non ce n'est pas une serpentard.
- Ok mais ça ne répond pas à ma question ça, comment ça se fait que je ne la connaisse pas?
- Tu as posé deux questions, j'ai pas le droit de choisir dans ces cas là? J'essaye d'avoir l'air malicieux mais au fond de moi je bous littéralement... Qu'est ce qu'il veut que je réponde à ça?
- Fait pas le malin avec moi Lupin, tu ne m'auras pas à ce jeu là! Réponds!
- Non.
Là, il me gonfle vraiment! Il ne va pas me casser les pieds dix ans pour une question!
- Tu utilises un joker pour ça? S'étonne-t-il.
- Oui.
J'ai pas le choix... qu'est ce que je pourrais répondre?
Il me regarde un instant, très indécis sur ce qu'il doit en conclure.
- Ok, à toi de poser une question.
- Depuis quand tu es -peut être- amoureux? Dis-je en laissant paraître de l'ironie dans ma voix.
- Bonne question... je suppose que c'est depuis que je l'ai vu la première fois... j'ai tout de suite vu que ce serait différent... Mais certaines choses font qu'il me parait peu probable que je sois amoureux et d'autre -comme le fait que lorsque cette personne m'a fait part de certains problèmes, ça m'a touché beaucoup plus que ça n'aurait dû- font que je pourrais. Je veux dire... ce n'est pas forcement plus que de l'amitié mais ça pourrait.
Je suis pas sûr de vouloir continuer ce jeu... j'ai l'estomac retourné comme si j'allais vomir... Mais Sirius n'a pas l'air de vouloir arrêter...
- C'est quelqu'un de Gryffondor?
Oh, bon sang! Troisième question et mes nerfs sont sur le point de rompre sous autant de pression. Ca va être dur... très dur...
- Oui, dis-je la voix légèrement tremblante.
Il tourne la tête vers moi, les sourcils froncés et je me dépêche de poser une autre question.
- Qui?
Oh, non seigneur, faites qu'il ne me retourne pas la question! Nom d'un basilic sans venin, Remus, tu fais n'importe quoi! Il faut que tu te calmes. Respire. Là, voilà. Encore.
- Joker mon cher... tant que tu ne me diras pas, je me tairai aussi.
Oh non... mes mains se crispent légèrement sur mes genoux en attendant la question fatidique... je n'ai plus qu'un seul joker. Oh non...
- Mais, je te suis pas là... tu m'as dis que je la connaissais pas cette fille! Et maintenant tu dis qu'elle est à Gryffondor! Je comprend pas, elle est en première année ou quoi? Attends... une fille de Gryffondor... dit t-il en levant les yeux comme s'il les comptait dans sa tête. Je les connais toute je vois pas pourq -
Un silence s'installe pendant lequel je sens les rouages se mettre en marche dans sa tête à une rapidité impressionnante. Je sens mon pauvre cœur qui bat comme si il voulait à tout prix sortir de ma cage thoracique.
- Oh.
Oh? Quoi oh? Qu'est ce qu'il veut dire par oh? Ça y est je fulmine littéralement!
- Quoi oh?! grogné-je sur un ton beaucoup trop agressif.
- Heu... c'est... à moi de poser une question dit-il sans me regarder. Remus, est ce que... est ce que c'est une fille?
Non! Non, je peux pas répondre à ça! Mais si je mets un joker, ça voudra en dire autant. Je fais quoi maintenant? Il va plus vouloir me parler. A cette idée les trois quarts de mes muscles se mettent à trembler. Je sens son regard posé sur moi, ça me brûle.
- Non. Réponds-je dans un souffle presque inaudible.
