Bonsoir tout le monde :) me revoilà avec une nouvelle traduction, et pas des moindres, puisque j'ai eu l'autorisation de la déesse Chazzam pour traduire The Sidhe. C'est un peu genre...ma fiction préférée. Et je trouvais ça dommage qu'elle ne soit pas accessible aux fans français donc voilà voilà. J'espère réellement lui faire justice, mais c'est un challenge de taille vu la portée de la fiction. La fiction comporte 32 chapitres, et j'en ai déjà traduit 10. Je compte poster un chapitre tous les week end donc normalement j'ai de la marge jusqu'à la rentrée! J'espère que ça vous plaira, je fais ça en grande partie pour moi, mais n'hésitez pas à laisser des commentaires, critiques, etc.

Le lien de la vo sur FF : fanfiction s/6988158/1/The-Sidhe ou sur AO3 (comme ça vous avez le choix hehe) : archiveofourown works/1541129/chapters/3263348

Enjoy!


Blaine n'avait jamais particulièrement aimé les marchés aux esclaves.

Il aurait sûrement du y être insensible maintenant, mais cela semblait toujours si immoral. Jeune garçon de N'auri, sa grand-mère lui avait appris que les Sidhe étaient un peuple très puissant et noble, qui devait être respecté et quelque peu craint. Ils étaient magnifiques et magiques, et en apercevoir un nous portait chance jusqu'à la prochaine nouvelle lune.

Blaine avait toujours été captivé par les Sidhe. Il en avait vu un pour la première fois à l'âge de 12 ans : une créature svelte et splendide qui sortait de la rivière près de la petite maison de Blaine et qui s'était enfuie dans la forêt, complètement nue, et avec un rire qui ressemblait à une musique.

C'est à ce moment très précis que Blaine comprit qu'il aimait les garçons.

Il fut confus en voyant un Sidhe pour la deuxième fois. Il était au marché avec sa mère, et il vit ce qui était indéniablement un des plus bels elfes. C'était une femme cette fois, et sa beauté avait été ternie par une ample robe en toile de jute, des cheveux ternes et des yeux vides. Elle suivait silencieusement une femme à l'air hautaine et elle portait un collier en fer.

"Mère, qu'est-ce que.. c'est un Sidhe, n'est-ce pas?"

"Oui," dit sa mère d'une voix saccadée et tendue. Blaine pouvait voir que cette vue la bouleversait.

"Que..pourquoi elle est comme ça ? Qu'est ce qu'il se passe?"

Sa mère s'arrêta et se retourna pour lui faire face.

"C'est une esclave, Blaine," répondit elle doucement.

Blaine la regarda en silence, choqué. Il ne savait même pas par où commencer.

Au cours des semaines suivantes, Blaine réussit à tirer plus d'informations auprès de sa mère, qui ne semblait pas vouée à admettre oralement toute la laideur de ce monde à son fils.

Il apprit que, malgré le fait que les Sidhe étaient naturellement puissants, ils étaient capturés et vendus en tant qu'esclaves depuis de nombreuses années à Villalu. Leurs pouvoirs étaient contenus par des colliers en fer et par des injections de verveine infusée. Blaine n'avait jamais vu de Sidhe esclave avant car la région où il habitait était très pauvre, et seuls les riches pouvaient s'offrir un Sidhe. Ils étaient rares à trouver et difficiles à attraper.

Cependant, il y avait beaucoup de choses que sa mère ne lui disait pas.

Elle ne lui avait jamais parlé des marchés aux esclaves. Elle ne lui avait jamais dit ce que beaucoup d'hommes aristocrates et cultivés, aux yeux froids et durs, aimaient faire à leurs esclaves Sidhe.

Il commença à en entendre des murmures quand on lui accorda une bourse pour intégrer l'Académie à Villalu Proper. Et ce qu'il n'entendit pas, il le déduisit quand son propre éveil sexuel commença à révéler précisément ce qui était caché sous ces vérités sociales.

Les relations sexuelles entre hommes étaient officiellement aussi tabous à Villalu Proper qu'à N'auri, même si cette mesure officielle était accompagnée d'un hochement de tête et d'un clin d'oeil. Blaine n'eut aucun mal à trouver des partenaires à l'Académie, et il n'avait jamais vraiment eu peur de se faire attraper. Les garçons qui se faisaient attrapés étaient généralement réprimandés avec des yeux rieurs, on leur disait de se sortit ça du système pendant qu'ils pouvaient encore et qu'ils devraient être plus discrets à l'avenir.

C'était quelque chose de complètement différent avec un Sidhe.

Généralement parmi les personnes les plus aisées, et parmi les gens de la royauté en particulier, c'était commun et accepté de tous qu'un homme achète un Sidhe pour un usage sexuel. Le sexe d'un Sidhe n'avait aucune importance. Les elfes n'étaient pas humains, et donc tout ce qu'on pouvait leur faire n'avait pas d'importance non plus. La moitié des hommes riches mariés de Villalu Proper semblait posséder un Sidhe, et un homme qui utilisait un Sidhe pour son plaisir était tout aussi commun qu'une homme qui utilisait un cheval pour se déplacer.

Au début, ça avait rendu Blaine malade.

Ça le rendait toujours malade, mais il avait été plus ou moins forcé de l'accepter comme une réalité sociale. Beaucoup des camarades de classes de Blaine avaient pu utiliser le Sidhe de leurs pères pour leur seizième anniversaire, comme passage traditionnel de l'adolescence à l'âge adulte. Certains garçons riches avaient même eu un Sidhe pour eux. Et le seul objectif du travail de Blaine à l'Académie était d'obtenir un poste de courtisan à une des cours royales, là où la présence des Sidhe esclaves était clairement omniprésente.

Blaine y était peut-être légèrement devenu insensible. Parfois ça le heurtait de nouveau, quand il voyait un des elfes fiers avec le regard vaincu, en train de boiter, sa peau lumineuse couverte de bleus.

Parfois il pleurait silencieusement dans son lit la nuit, embarrassé de sa propre incrédulité puérile face à ce monde si cruel.

Bien sûr que le monde était cruel. Blaine le savait depuis très longtemps. Il l'avait compris quand sa grand mère avait été assassinée dans son lit durant l'un des nombreux raids de son village qu'il avait réussi à éviter.

Il l'avait compris quand sa mère avait passé la journée suivante à boiter et à pleurer, allongée en boule alors que Blaine lui apportait des chiffons propres pour changer ceux couverts de sang qu'il allait ensuite laver dans la rivière.

Il l'avait compris quand, neuf mois plus tard, sa mère avait donné naissance à un garçon qui ne pouvait pas être de son père et quand, un mois après, celui-ci était parti avec une serveuse.

Sa mère ne l'avait pas fait se battre pour une bourse à l'Académie car elle le savait prometteur, mais simplement car elle ne pouvait pas se permettre de nourrir Blaine et son frère plus longtemps.

Quand il quitta la maison, les yeux de sa mère lui rappelèrent étrangement ceux du premier Sidhe esclave qu'il avait vu sur le marché il y a de ça des années.


Malgré tout, toute cette peine ne l'avait pas endurci contre ça.

Il était l'employé du Prince Dronyen depuis plus d'un an maintenant, et il avait déjà été sélectionné pour l'accompagner au marché d'esclaves pour choisir un nouveau « jouet ».

Dronyen semblait épuiser sa réserve de « jouets » assez rapidement.

Blaine le détestait.

Mais seulement un peu plus qu'il ne se détestait lui même.

Dronyen bailla largement alors que le prochain Sidhe était conduit sur la plate forme devant eux et celui-ci était une femme.

"C'est honnêtement le pire lot qu'il m'ait été donné de voir," dit Dronyen d'une voix traînante. "Si je ne trouve pas quelque chose de nouveau aujourd'hui, je n'aurais plus qu'à utiliser Brissa ce soir, et ce serait vraiment trop déprimant."

Brissa était la femme de Dronyen.

Blaine essaya de ne pas regarder la plate forme. Il essaya de ne pas voir les éclairs de colère cachés derrière ces yeux défaits, alors que l'un après l'autre ces êtres magnifiques étaient offerts pour être abusé et dégradé.

Mais soudainement un éclair bleu attira l'oeil de Blaine et il se tourna instinctivement.

Et le monde s'arrêta de tourner.

Car devant lui sur la plate forme se trouvait la créature la plus époustouflante qu'il ait vu de toute sa vie.

Le Sidhe était souple et agile, comme tous les Sidhe, avec une peau pale qui brillait comme un clair de lune et qui recouvrait des muscles minces et crispés. Comme tous les autres, il était vendu aux enchères complètement nu pour que les acheteurs puissent voir exactement ce sur quoi ils enchérissaient.

Et il était extraordinaire, de la tête aux pieds.

Ses cheveux étaient d'un châtain étincelant, et lui retombait juste derrière les oreilles. Ses lèvres étaient roses et délicates et ses yeux..

Ses yeux.

Ce n'était pas juste qu'ils étaient de la couleur la plus incroyable possible – d'un bleu vif et doux légèrement tinté de vert marin.

Et ce n'était pas non plus le fait qu'ils étaient larges et en forme d'amandes, avec une myriade de cils ambrés.

C'était le fait qu'ils étaient remplis à ras bord de vie.

Blaine n'avait jamais vu auparavant un Sidhe esclave avec des yeux si vivants et expressifs. Ils n'étaient pas inertes et défaits du tout. Méfiants, oui, et complètement dénués de confiance, mais aussi éclatants.

Éclatants comme ce Sidhe qui s'était échappé de la rivière quand il avait douze ans. Le seul Sidhe libre que Blaine avait eu la chance de contempler.

L'elfe se tenait sur la plate forme comme s'il la possédait, comme s'il les jugeait tous, et pas l'inverse.

Il replaça une mèche de cheveux derrière son oreille délicate et pointue d'elfe, le menton saillant révélant une mâchoire ciselée qui contrastait magnifiquement avec ses traits fins.

Et même s'il savait que c'était insensé, Blaine était quasiment sûr d'être amoureux.

Il savait aussi, sans l'ombre d'un doute, que Dronyen allait acheter cet elfe.

Et pourtant, il n'était pas préparé à la douleur de son cœur se contractant lorsque Dronyen se leva de son siège pour commencer l'enchère, les yeux brillants d'une soif qu'il n'essayait pas de cacher.

Les enchères montèrent très haut. Blaine n'était surpris – s'il n'avait jamais vu quelqu'un d'aussi beau, il était certain que les autres hommes non plus.

Quand l'enchère tomba à trois participants, la tradition voulait que les hommes soient autorisés à toucher avant de finaliser leur enchère. Blaine ressentit une vague de colère en voyant leurs mains potelées tripoter la peau parfaite du Sidhe, inspectant l'intérieur de sa bouche, l'étoffe de ses pieds, l'intérieur de ses fesses.

Et l'air dans les yeux de l'elfe quand ils le firent fut déchirant.

Parce que c'était la première fois que Blaine voyait la peur. Elle était pure et cela le déchirait et lui donnait envie de se jeter entre cet être parfait et ses porcs répugnants qui se permettaient de le toucher.

Blaine se sentit mourir intérieurement quand Dronyen remporta l'enchère.

Blaine chevaucha derrière le Prince Dronyen sur le chemin du retour, tiraillé entre une profonde tristesse et une colère bouillante. L'elfe chevaucha avec Dronyen, collé contre l'avant de son corps. Le Sidhe était habillé d'un simple pantalon, d'un justaucorps et de chaussures en cuir. Blaine était reconnaissant du fait qu'on lui ait au moins donné la dignité temporaire d'avoir des vêtements.


Ce fut une des pires nuits de la vie de Blaine, juste après celle du meurtre de sa grand-mère et du viol de sa mère. Il pouvait entendre combien Dronyen appréciait sa nouvelle propriété, et Blaine était à peu près certain qu'il avait entendu plus d'un gémissement de douleur provenant de la chambre du prince, et il ne pouvait qu'enfoncer sa tête dans ses mains et pleurer.

Il se dit qu'il n'allait pas le faire. Il jura qu'il ne le ferait pas. Mais même si son cerveau le niait, son corps se déplaça silencieusement à travers le château, évitant les gardes et glissant dans les coins jusqu'à être dans le vestibule qui menait à la cellule du Sidhe.

Il n'y avait pas de gardes. Pourquoi y en aurait-il ? Les veines de l'elfe étaient remplies de verveine, annulant ainsi toute menace qu'il pourrait poser dans son état naturel.

Et encore moins dans cet état.

Car il était en boule dans un coin du mur de pierre, le clair de lune s'infiltrant par les barreaux de la fenêtre et reflétant sur sa peau pale et éclatante, maintenant recouverte de bleus.

Son visage était appuyé contre ses genoux, et il sanglotait. Sanglotait. Blaine n'avait jamais écouté une peine aussi musicalement torturée et pure. Cela réussissait à être horriblement beau, et cela lui bouleversait l'âme.

C'est seulement à sa réaction au son que Blaine réalisa que peut-être, malgré ce qu'il était devenu et ce dont à quoi il s'était habitué, peut-être qu'il n'avait pas encore complètement perdu son âme.

Et Dronyen ? Dronyen n'avait pas d'âme. Blaine en était certain. Il était capable d'écouter ses sanglots et de continuer tranquillement sa vie. Il était capable d'utiliser cet être céleste comme un morceau de viande et de le jeter quand il avait fini, nu et battu, dans une cellule en pierre froide. Il était capable de prendre plaisir à essayer de briser quelque chose de beau.

.

Mais Blaine ne laisserait pas cette créature – ce Sidhe – cet homme magnifique se faire briser. Il n'était pas sûr de savoir quoi faire, mais cela devait arriver très vite. S'il avait les moyens de le sauver ce soir – avant que Dronyen puisse le retoucher – il le ferait, mais il savait que c'était impossible. Cela ne leur serait d'aucune utilité à tous les deux si Blaine se faisait exécuter pour avoir essayé de secourir l'elfe, puisqu'il était certain que personne d'autre ne s'en souciait assez pour essayer.

Mais bientôt. Car s'il y avait ne serait-ce qu'une petite chance que Dronyen réussisse à ternir la lumière dans ces yeux bleus océan, Blaine ne se le pardonnerait jamais.

Jamais.


Blaine se retourna encore et encore dans son lit cette nuit là, murmurant fébrilement, espérant que le magnifique Sidhe esclave trois étages plus bas pouvait l'entendre.

"Je t'aime," chuchota-t-il.

Et, "Je te sauverai."

Et, "Je suis désolé."

"Je suis tellement, tellement désolé."


A la semaine prochaine :)