Kanon

Saga.

Ce nom est comme une litanie dans ma tête, il résonne à travers chaque fibre de mon corps, résonne sur le même rythme que les battements de mon cœur. A croire que si je vis, c'est uniquement grâce à ton nom qui pulse en moi comme mon sang, ton nom qui accompagne chacune de mes respirations, chacune de mes pensées conscientes. Comme si mon corps tout entier se résumait à toi et à toi seul.

Mon frère.

Tu es mon frère, mon jumeau, ma chair et mon sang, mon double, ma moitié, l'autre partie de moi-même. Je ne suis complet qu'en ta présence. Quand tu t'éloignes, je me sens diminué, faible, en manque. En manque de toi, de ton sourire, de la chaleur de ton cosmos, de la limpidité de tes yeux d'émeraude. Tu es mon lien en ce monde, le reflet du miroir, l'idéal que j'aimerais atteindre un jour, moi le mauvais jumeau.

Le Sanctuaire.

C'est un peu une maison pour nous ou du moins un repère important, nous y avons laissé tant de souvenirs et de gens auxquels nous tenons. Je sais que la séparation a été difficile mais nous n'en sommes pas totalement coupé. Nous allons toujours aux dîners mensuels qu'organisent Shion et Athéna, histoire de revoir nos frères d'armes et les vieilles pierres qui ont bercé notre enfance.

L'entraînement.

On y a passé des années, à développer notre cosmos, pour être dignes d'obtenir un jour l'armure d'or des Gémeaux. L'ennui, c'est qu'il n'y en avait qu'une et que nous étions deux. L'entraînement est devenu compétition et nos liens se sont détériorés. J'étais obnubilé par cette armure, par le prestige qu'elle représentait que j'en ai oublié l'amour profond et fraternel que j'éprouvais pour toi. Tu étais devenu un gêneur, un obstacle sur la route qui était censée me conduire jusqu'à la gloire. Quelle désillusion pour l'enfant immature et orgueilleux que j'étais quand l'amure t'a recouvert.

Etre ton ombre.

Depuis ce jour, j'ai vécu à travers toi, j'ai voulu pour toi la grandeur et le prestige qui m'étaient désormais inaccessibles. Je suis devenu ton ombre pour que tu brilles encore plus. Mais tu as tellement brillé, toi le généreux et exemplaire chevalier d'Athéna, que tu m'en as oublié, le frère jaloux et aigri qui vivait dans l'ombre de ton temple.

Ma haine.

J'étais devenu ta honte, tu me cachais, tu m'évitais. J'en ai développé une telle rage contre tous ceux qui t'avaient arraché à moi. J'ai haï la terre entière, Shion qui refusait de reconnaître ta grandeur, Ayoros qui ternissait ton éclat, Athéna qui avait ordonné qu'on nous sépare et même ce petit apprenti, Camus, qui te regardait avec adoration… Je voulais leur faire tout le mal possible, qu'ils souffrent, qu'ils meurent dans les plus atroces souffrances possibles. Tu as pris peur devant cette haine démesurée que tu as perçu en moi et tu m'as enfermé.

Ta trahison.

Je t'ai observé, de ma grotte puis du Sanctuaire sous-marin. J'ai vu que toi, le gentil Saga, avait succombé à la folie que j'avais fait naître en toi. Je t'ai vu tous les assassiner : Shion, Ayoros… Tu as même levé un poignard sur Athéna. Pour le coup, j'étais heureux, heureux que tu prennes les rennes, que tu affirmes ton éclat ainsi. Mais je me sentais trahi aussi, trahi parce que tu voulais briller seul et que tu n'avais pas besoin de moi. Je t'ai haï et je me suis haï moi-même. J'en ai perdu la raison.

Ta mort.

J'ai su exactement, à la seconde près, où tu es mort. Jamais je n'ai cru autant souffrir de ma vie. Le vide que j'ai ressenti quand tu m'as quitté pour de bon… j'ai cru qu'il allait m'avaler tout entier. Jamais je ne souhaite revivre cela. Jamais de la vie. C'est pourquoi, j'espère égoïstement que si nous devons mourir une fois encore, je partirai le premier. Jamais je ne supporterais de revoir ton beau visage pâle et froid, de voir ton corps inerte et de ne plus entendre les battements de ton coeur.

La guerre.

Si j'ai déclenché ces deux guerres, c'était dans un sens premier pour venger ta mort et poursuivre ton œuvre inachevée. J'étais tellement aigri, tellement fou furieux, tellement en colère contre le monde, si tu savais. Heureusement, Athéna m'a ouvert les yeux. Je ne Lui serais jamais assez reconnaissant pour cela.

Athéna.

Elle m'a accepté, moi le comploteur de première, le mauvais jumeau, l'ombre, celui dont personne n'avait voulu. Elle m'a pardonné mes faiblesses et a accepté de m'offrir la rédemption à laquelle j'aspirais tant. Et en La voyant, j'ai compris Saga, ce qui te fascinait autant chez Elle. Je me suis mis à L'aimer, moi aussi, et à vouloir donner ma vie pour Elle.

Milo.

Son aiguille écarlate fut douloureuse mais c'était un bien maigre prix à payer pour qu'il m'accepte comme un de ses pairs, comme quelqu'un de digne de combattre à ses côtés. C'est vraiment quelqu'un de bien. Un vrai Chevalier dans l'âme. Il m'a offert une renaissance, à moi qui n'espérais plus. Il a été mon guide sur cette voie que j'ai souhaité reprendre, de tout mon cœur. Mon meilleur ami.

Ton retour.

J'ai cru mourir quand je t'ai vu dans cette armure noire. En fait, j'ai souhaité mourir, souhaité ne plus ressentir cette douleur en vrille qui me perçait le coeur. Comment toi, l'ange des Gémeaux, avait-il pu tomber aussi bas ? Je t'ai affronté à distance, plus par désespoir qu'autre chose, j'ai tenté d'apercevoir quelque chose de l'ancien Saga en toi, mon Saga. Rien. J'ai fini par abandonner, préférant garder une image de toi plus vivante, plus rayonnante.

Te revoir.

Tu es arrivé au temple d'Athéna, faible et chancelant, soutenu par Mû. Moi, j'avais la cassette contenant la dague d'Athéna dans les mains. Sans un mot, je te l'ai tendue et tu l'as prise. Tes mains ont frôlé les miennes et nos regards se sont croisés. Tu cherchais mes yeux désespérément, comme pour essayer de me faire passer un message silencieux. Ton regard était douloureux, le mien ne devait pas être mieux. Pendant une seconde, nous nous sommes retrouvés. Puis le temps a reprit et Athéna est morte. De ta main.

Les Enfers.

Tu étais mort, une fois encore. Mais je n'avais pas voulu y penser, préférant me concentrer sur ma mission : aider Athéna et les Bronzes à parvenir à Hadès. J'ai traversé les Enfers, sans rencontrer de véritable problème. J'avais ton armure sur le dos et je dois t'avouer que sans cela, je n'aurais pas tenu, sans cette certitude que tu m'accompagnais. Puis, je suis tombé sur un os.

Rhadamanthe.

Qui aurait pu penser que nous soyons amis, lui et moi, maintenant que les guerres sont finies ? Il m'avait collé aux basques pendant que je visitais le Royaume d'Hadès et j'ai fini par l'affronter pour de bon. Mon dernier combat… Le meilleur, sans doute. Nous étions tous ceux de force égale et rien ne semblait vouloir ébranler nos convictions. J'ai senti l'armure répondre aux appels des autres et je te l'ai envoyée. Puis, j'ai rassemblé toute mon énergie et je nous ai pulvérisés, l'enragé en face et moi. Belle façon de mourir, non ?

La résurrection.

Quand j'ai ouvert les yeux, dans la salle du Pope, tu es le premier que j'ai vu. Je n'ai pas hésité, je me suis jeté sur toi, t'enlaçant, te couvrant de larmes et de paroles d'excuses sans queue, ni tête. Tu m'as répondu avec force et nous sommes restés l'un contre l'autre pendant longtemps. La mélodie des battements de ton cœur n'avait pas changé. Cela m'a tellement rassuré. Tu étais là. Mieux, tu me pardonnais. C'était sans conteste le plus beau jour de ma vie.

Les autres.

Se redécouvrir, se faire pardonner… Voilà à quoi on s'est consacré pendant le premier mois. Nous deux bien sûr mais pas seulement… Combien de fois je n'ai pas été invité chez Milo ? Combien de temps je n'ai pas passé avec Ayoros, retissant les liens d'amitié que j'avais perdu ? Combien de fois je n'ai pas pris le thé avec Shaka, Mû et Camus ? Combien de fois je n'ai pas fait mordre la poussière à Aiolia ? Combien de fois je ne me suis pas soûlé avec Shura, Angelo et Aphrodite ? Combien de fois Rhada n'est-il pas venu pour me proposer d'aller boire un verre dans un bar branché de Londres ? Combien de soirées je n'ai pas passées au Sanctuaire sous-marin à jouer au poker avec Krishna, Kassa et Io tandis qu'Isaac et Baian se disputaient et que Julian s'endormait sous la musique relaxante de Sorrente et Thétis ? C'est aussi ça, la chance de notre nouvelle vie… Pouvoir la partager avec les autres.

Te réapprendre.

Je te regardais de loin, te redécouvrais à distance. Tu étais devenu un bel homme, plein de grâce et de charisme, une image de la perfection. Un ange incarné sur Terre. Je suis persuadé que tu es un ange. Et selon les dires de beaucoup, je ne me trompe pas. Et comment pourrais-je ? Tu es si pur, si parfait. Rien n'est plus merveilleux à par toi.

L'amour.

Peut-être que si je n'avais pas été aussi obsédé par toi, j'aurais remarqué l'affection croissante que me portaient Milo et Rhadamanthe. Je leur ai fait beaucoup de peine, je pense. Mais cela a été bénéfique pour nous trois. Cela a été ma première perception de l'amour qui pouvait exister entre deux hommes. Et j'ai vu que cet amour était beau. Maintenant, Milo et Rhadamanthe sont ensemble. Je suis heureux pour eux. Sans eux, je n'aurais jamais pu réaliser que ce que j'éprouvais pour toi était devenu aussi fort.

La peur.

J'avais pris conscience de mes sentiments. Mais j'ai eu peur. N'allais-tu pas me rejeter, comme l'ange de lumière repousse le démon vil et tentateur que j'étais. Oui, j'avais peur, peur que ce que j'éprouvais te choque, te dégoûte, peur de te perdre à tout jamais. J'aurais préféré mourir que de voir ce refus et cette colère dans tes yeux.

Toi à moi.

Tu es venu vers moi cette nuit, doucement, timidement, comme on approche un animal craintif. Tu as posé ta main sur ma joue et tu m'as parlé tout bas, comme par crainte de me briser. Tu m'as dit des choses et des choses, et pendant que tu parlais, ton visage s'est penché vers le mien.

Moi à toi.

J'étais fasciné par ta bouche, je n'ai pas réfléchi. J'ai posé mes lèvres sur les tiennes, avec douceur, empressement et amour. Et contre toute attente, tu m'as répondu. Notre premier baiser. J'ai cru mourir de bonheur.

Nous.

La première fois que j'ai fait l'amour avec toi, j'ai cru qu'il ne pouvait rien exister de plus beau, de plus sublime. Puis je me suis réveillé dans tes bras. Au-delà de cette passion incestueuse, j'ai ressenti comme une Explosion Galactique dans toute mon âme. Et j'ai compris que jamais je ne serais plus heureux.

Après.

Contre toute attente, notre union n'a pas été condamnée ou quoique ce soit d'autre. Athéna était très touchée, les autres Ors étaient émus également. Shion nous a offert de vivre heureux dans une petite maison hors du Sanctuaire. Un cadeau qu'il a fait à tous les Chevaliers en couple. Maintenant, nous vivons dans cette maisonnette aux briques blanches du Sud-est de la France avec vue sur l'Océan Atlantique. Le Sanctuaire me manque parfois, mais ce n'est rien comparé au fait de pouvoir me réveiller régulièrement à ton côté.

Mon amour.

Il fait chaud, c'est l'été. Pas aussi chaud qu'en Grèce en tous cas. Ce qui ne t'empêche pas de vouloir te barbouiller de crème solaire. Je te traites gentiment de mauviette. Tu me tires la langue et tu te penches pour capturer mes lèvres. Je te réponds, avec tendresse. C'est sûrement ça, le bonheur ?

Je t'aime.