Ceci est un petit cadeau à l'intention de Sans-Reflet (encore merci). Une énième version de Comment sauver Mitchell de l'atroce fin de la saison 3 (et attention, spoiler !). Si vous ne comprenez pas trop ce qu'ils font là, c'est normal, je vous explique dans les chapitres suivants. Chapitres déjà écris qui n'attendent que vos reviews pour être postés… À bon entendeur, salut !

L'œil était dans la tombe, et regardait Mitchell…

- Non mais tu t'écoutes parler ? Lui, c'est un vampire, chérie, pas un humain ! Un humain peut être généreux, un humain pour se faire pardonner, se repentir ! Pas un vampire, et certainement pas lui ! Tu crois qu'il t'aime ? Laisse-moi rire ! Ce n'est pas pour te sauver toi qu'il est descendu au puregatoire, c'est pour se sauver lui-même ! Tu crois qu'il pensait à toi ? Tu te trompes ! Il ne pensait qu'à lui, qu'à son petit plaisir personnel, et devine quoi ? Si tu lui disais que tu veux y retourner parce qu'il est temps pour toi de mourir, il t'en empêcherait ! Il te retiendrait ! Jamais il ne te laissera partir loin de lui, jamais, qu'est-ce que tu crois ?

- C'est faux…

Mitchell avait parlé tout bas, mais on l'avait entendu quand même. Il était toujours à genoux par terre, mais il avait relevé la tête. Il regardait Annie, et on aurait pu se demander s'il voyait les autres.

- Oh, je… Je te cache pas que ça me foutrait en l'air, Annie…

Le sel des larmes lui brûlait les yeux, mais il ne clignait pas des paupières. Ses lèvres tremblaient et, par moment, il avait du mal à trouver les mots. Il avala sa salive et reprit, toujours en la regardant, elle et elle seule.

- Je t'aime. Lia va dire que c'est du chantage, mais je peux pas laisser partir la femme que j'aime sans essayer de la retenir. Mais, si tu…

Un peu tremblant, il se leva, et pendant un instant, Annie crut qu'il allait tomber. Mais il parvint à se mettre debout, il fit même deux pas dans sa direction, la main tendue comme pour la toucher.

- Si tu me regardes droit dans les yeux et que… Que tu me jures que c'est ce que tu veux, que c'est ton choix et seulement le tien, alors je… Putain, ça va me foutre en l'air ! Mais je te laisserais y aller. Je te laisserais partir, je le jure devant Dieu !

Annie ne savait pas quoi dire. La foule des morts semblait retenir son souffle… Puis, alors qu'on croyait que Mitchell allait retourner s'agenouiller sur le sol, il sembla trouver soudainement autre chose à dire :

- Mais je t'attendrais ! Ne crois surtout pas que je t'oublierais et que ça finira par aller mieux ! Ça va me foutre en l'air, ça va complètement me foutre en l'air, et je passerais le restant de mes jours à attendre que la télé ou la radio se mette à grésiller et que tu m'appelles pour que je vienne te chercher. Et je viendrais… Sans rire. J'y retournerais encore. J'affronterais ça encore une fois pour toi. Deux fois, même. Dix. Un million de fois, s'il le faut, mais je le ferais, parce que je t'aime tellement, Annie…

Il avait l'air au bord des larmes, et elle eut très envie de courir le prendre dans ses bras, mais Lia les coupa en s'exclamant :

- Bla, bla, bla… ! C'est bien du Mitchell, ça ! Quel beau parleur ! « Ce n'était pas de ma faute, ce jour-là j'étais bourré ! », « C'était pas de ma faute, c'était la première fois ! », « C'était pas de ma faute, j'étais en colère ! », « C'était pas de ma faute, y avait Daisy ! », « Oh, Annie, je t'aime, Annie ! »…

- La ferme !, cria Annie.

Lia fut si surprise qu'elle se tut aussitôt. La jeune femme se tourna alors vers Mitchell, toujours debout quelques pas plus loin, qui semblait hésiter entre s'effondrer sur le sol, implorer le pardon et la pitié de ses bourreaux ou bien se mettre à pleurer. Doucement, elle alla vers lui, et prit son visage entre ses mains.

- Sache une chose, avant que je ne continue mon plaidoyer : comment veux-tu que j'ai envie de partir loin de toi ? Après ce que tu viens de dire ?

Il la regardait d'un air éperdu, la bouche légèrement entrouverte. Elle appuya son front sur le sien.

- Je t'aime, Mitchell. Je t'aime. Jamais je ne m'en irais volontairement loin de toi, est-ce que c'est clair ?

Il hocha la tête, lentement. L'information semblait avoir du mal à arriver jusqu'à son cerveau traumatisé. Annie déposa un bref baiser sur ses lèvres, murmura :

- Courage.

Et se détacha de lui pour s'adresser à la foule des victimes, devenues bourreaux.

- Vous avez entendu ? Tu as entendu, Lia ?

- Il…

- Tait-toi !

L'émotion de la jeune femme était si grande que son aura s'en trouvait transformée, et les morts reculaient quand elle passait trop près d'eux.

- J'ai connu un homme qui se faisait passer pour gentil. Il a fini par me tuer en me poussant dans l'escalier parce qu'il était bourré et me soupçonnait de le tromper. J'en ai connu d'autres qui roulaient des mécaniques. Certains offraient des fleurs, déclamaient des poèmes, s'inventaient des exploits. Je n'en connais qu'un seul qui me jure devant Dieu de me laisser partir si c'est ce que je veux vraiment ! Vous savez, ce groupe d'amis qu'on formait, George, Nina, Mitchell et moi, et bien… On fonctionnait comme ça : quand l'un de nous quatre avait un problème, on s'y mettait tous les quatre pour essayer de le régler, même quand les trois autres n'étaient absolument pas concernés. Sauf quand il s'agissait de Mitchell, vous savez pourquoi ? Parce qu'il ne nous le disait pas, quand il avait un problème. Il le gardait pour lui ! Il nous protégeait de tout, il nous aidait quand on en avait besoin, mais jamais, jamais il ne demandait notre aide ! Jamais il ne nous a dit qu'il avait besoin de nous !

- C'est la Peste !, cria quelqu'un dans la foule.

- La Mort !

- Un animal !

- Ouais ! C'est lui-même qui l'a dit !

- Il doit payer ! Il doit payer pour chacun de nous !

- J'avais une famille !

- J'avais un frère !

- J'étais amoureux !

- J'allais bientôt être père !

- Je venais de me marier !

- Oh, fermez-là un peu !, cria encore Annie, faisant taire le début de rumeur de protestation qui montait dans la foule des morts. Ah, ça, on peut dire que vous avez bien choisi l'objet de votre vengeance ! J'ai rencontré plein de vampires qui ont fait dix fois plus de victimes que Mitchell et qui s'en vantent ! Mais non, vous, vous faîtes payer le seul d'entre eux qui essaye de se retenir et qui regrette ! Vous savez qui devrait être là ? Herrick devrait être là ! Ou Daisy ! Ou n'importe lequel d'entre eux ! Pourquoi est-ce que le seul vampire qui est déjà puni de son vivant, qui est hanté par tous les crimes qu'il a commis, qui ne connaît pas un seul instant de paix, est le seul qui croupis en Enfer ? Le seul qui soit réellement puni ? Pourquoi lui ? C'est le plus innocent d'entre tous, pourquoi est-ce que c'est lui qui doit payer pour tous les autres ?

- Innocent ?, s'étrangla Lia. Il paye parce qu'il nous a tué ! Tu veux qu'on se venge sur qui ? Le Pape ?

- Je ne veux pas que vous vous vengiez. Je veux que chacun de vous s'en aille reposer en paix, et que vous laissiez Mitchell tranquille !

- Je suis tellement désolé, gémit Mitchell, au milieu du cercle de haine qui s'était formé autour d'eux.

Il était retombé sur les genoux et sanglotait, le visage ravagé par la douleur.

- Je me dégoûte, si vous saviez à quel point…

- Pas autant que nous, railla Lia, qui fut aussitôt approuvée vigoureusement par la foule.

- Je mérite d'être puni… Je mérite tout me que vous me faîtes subir… Mais j'en peux plus, je vous en supplie, j'en peux plus, faut que ça s'arrête… ! Pitié, je vous le demande, pitié ! Laissez-moi ! Je ferais n'importe quoi mais laissez-moi !

Il avait du mal à parler tellement il pleurait. Il avait basculé en avant et s'était rattrapé sur les mains, mais ses bras et ses jambes tremblaient dangereusement : il allait tomber d'un instant à l'autre.

- J'veux pas être comme ça, j'veux pas… Je voudrais tellement changer ! Je donnerais n'importe quoi pour changer, j'ferais n'importe quoi… Pitié, pitié…

- Tu en as eu, toi, de la pitié ?

- Ça va, Lia.

- Ouais, il a raison, arrête deux secondes.

Surprise, la jeune femme hargneuse tourna sur elle-même, cherchant l'origine des voix. Ça n'était pas Annie qui avait parlé, à qui leur bourreau inspirait-il de la pitié ? Elle fut surprise de trouver la plupart des regards qu'elle croisa chargés d'exaspération qui n'était pas dirigée contre Annie et Mitchell, mais contre elle. Les autres regardaient le vampire d'un air indéchiffrable…

- J'aimerais bien qu'un beau mec affronte plusieurs fois le puregatoire pour venir me sauver, soupira une fille, au premier rang.

- Franchement, en ce qui me concerne, un mec qui me sert le même discours que tout à l'heure, je l'épouse direct, vampire ou pas…

Il y eut quelques rires. Lia était tellement scandalisée qu'elle ne trouvait plus ses mots. Annie sentait l'espoir renaître en elle. Mitchell ne sentait rien, il avait juste envie de crever une bonne fois pour toute, et qu'on le laisse dormir pour toujours dans les bras d'Annie.

- Entre nous les gars, on n'a pas de bol : le mec qui nous a tué est le seul de son espèce qui essaye de se racheter.

- Ouais, c'est vrai. Du coup on peut même pas le haïr correctement.

- Putain, tu nous auras fait chier jusqu'au bout, salopard !

Il y eut une nouvelle rumeur d'approbation.

- Bon, la petite nana complètement déchaînée, déclara une fille en se tournant vers Annie, bras croisés sur sa poitrine. Admettons qu'on soit prêts à négocier, tu veux quoi, de ton côté ?

- Il repart avec moi.

Dans la foule, un certain nombre de morts commencèrent par refuser catégoriquement et voulurent le faire savoir haut et fort, tous en même temps, ce qui donna naissance à un joyeux brouhaha. Lia, qui aurait bien aimé donner son humble avis sur la question, avait été repoussée vers les rangs du fond, ayant perdu sa place d'oratrice en même temps que l'approbation de la majorité. Sa remplaçante leva une main pour faire taire ses compagnons.

- Ok, ok, on s'énerve pas. C'est un deal, d'accord ? Y a des exigences d'un côté, mais y en a aussi de l'autre. Supposons qu'on laisse partir le monstre, qu'est-ce qu'on veut en échange ?

Plusieurs suggestions plus ou moins absurdes fusèrent à droite et à gauche : qu'il vienne livrer au paradis des glaces et des pizzas tous les dimanches, qu'il cesse de se balader avec ce blouson de cuir et ces bouclettes ridicules, qu'il se fasse limer les canines, qu'il se balade le restant de ses jours avec une pancarte « Je suis un monstre dangereux » accrochée dans le dos, et autres joyeusetés que, par bonheur, Mitchell n'était pas en état d'entendre. Quelqu'un de sensé finit tout de même par lancer :

- La garantie qu'il ne fera plus jamais la moindre victime !

On se tut pendant une seconde, puis on approuva bruyamment.

- Ouais, bien vu, l'aveugle !, lança la nouvelle oratrice. Qu'est-ce que t'as à répondre à ça, ma poulette ? Et le monstre, il a une idée ?

- Suis incontrôlable…

Sans laisser à la foule le temps de répliquer, Annie lança haut et fort, prise d'une soudaine inspiration :

- Je m'en assurerais !

Une fois de plus, la mesure de ce qu'elle était prête à faire pour Mitchell coupa le sifflet à tout le monde, y compris au principal intéressé. Annie reprit, détaillant son plan :

- Je n'ai pas besoin de dormir, de manger ou de prendre une douche. Alors je le surveillerais. Je ne le quitterais jamais des yeux, je serais avec lui vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Il ne sera jamais seul.

- Est-ce que ça suffira à l'arrêter ?, demanda quelqu'un.

- Hep ! Tu oublies qu'elle l'a empêché de buter toute une escouade de flics, tu te rappelles ? Ceux qui sont venus l'arrêter !

- Ouais, et puis elle est balèze, cette petite nana : elle a pieuté un vampire !

- Dans le dos !

- Et d'un coup !

- Et puis bon, elle est quand même venue le récupérer jusqu'ici, son chéri. Elle devrait être capable de l'empêcher de faire des bêtises…

Ce point étant réglé, quelqu'un d'autre suggéra :

- Qu'il fasse quelque chose de sa vie qui rattrape, au moins un minimum, tout le mal qu'il a fait auparavant.

Cela fit relever la tête à Mitchell, bien qu'il paraisse évident que ce simple geste lui avait demandé un immense effort. Annie se tourna vers lui, ne pouvant répondre à sa place à cette exigence.

- J'vous promets que j'le ferais… Que j'deviendrais médecin, ou un truc comme ça, n'importe quoi pour aider les gens…

- Pareil, tu seras la garantie, lança l'oratrice, à l'adresse d'Annie. Tu t'assureras qu'il remplisse sa part du contrat. Sinon, zou ! Retour ici pour faire mumuse avec nous.

Elle hocha la tête. La foule se calmait peu à peu, quelque part assez satisfaite de l'arrangement qui était en train de se mettre en place. Annie n'osait plus dire un mot de peur qu'ils ne changent d'avis : ils n'étaient pas encore dehors.

- Personne d'autre n'a d'exigence ?

- Putain, qu'il fasse quelque chose à ses cheveux !

- Un exigence sérieuse, Mac !

- Tiens, moi j'en ai une, s'exclama l'oratrice.

Décroisant les bras, elle s'avança à grands pas vers Mitchell, s'accroupit pour être à sa hauteur, l'attrapa par le menton et lui fit tourner la tête vers Annie.

- Tu vois cette petite nana, Mitchell ? Elle vient de négocier ta remise de peine avec des morts pleins de sang, au beau milieu d'un des coins les plus horribles de l'Enfer, et elle vient de prendre un engagement éternel pour te sauver. Alors tu as intérêt à ne jamais, jamais, la faire souffrir ! C'est bien clair ?

Mitchell hocha péniblement la tête, désormais trop épuisé pour dire un mot de plus. La fille le lâcha et retourna vers Annie.

- Je te souhaite bien du plaisir, ma cocotte : il est complètement laminé. Ceci étant dit, j'espère qu'il en vaut la peine et que tu n'as pas fait tout ça pour un connard…

La jeune femme eut un petit sourire.

- La dernier connard qui a réussi à m'avoir a fini par me tuer. Maintenant je les sens venir à des kilomètres.

Il y eut quelques rires, dans la foule, puis quelqu'un lança :

- Cela dit, je sais pas ce qui aurait été le mieux pour toi, chérie : un connard un peu psychopathe sur les bords, ou un psychopathe incontrôlable…

Personne n'ajouta rien. Il semblait que tout avait été dit. Une voix se fit entendre, qui, indubitablement, ne venait pas de la foule des bourreaux :

- Eh bien c'est entendu : Mitchell est libre, et Annie sera désormais son ange gardien. L'accord ne doit être rompu ni d'un côté, ni de l'autre, sinon tout serait aussitôt terminé, et chacun reviendrait à sa place. C'est bien compris, Annie ?

La jeune femme hocha la tête, fermement décidée.

- Mitchell ?

- Oui…, souffla le vampire, dans un dernier filet de voix.

- Alors qu'il en soit ainsi. Allez, à présent.

Puis, en un instant, le décor changea, et soudain Annie se trouva sur la galerie, près de la plage, là où elle et Mitchell avaient été plus ou moins téléportés en sortant du puregatoire, la première fois qu'il était allé l'y chercher. Le vampire était couché sur le ventre, à ses pieds. Il ne pleurait plus : il avait à peine encore la force de respirer. Annie inspira à pleins poumons –enfin, façon de parler- l'air marin, infiniment heureuse et soulagée d'être de retour sans encombres, et avec Mitchell. Ils venaient de se sauver l'un l'autre. Encore. Ça commençait à devenir une habitude. Elle songea avec amusement qu'elle n'était pas seulement son ange gardien quelque part, il était aussi le sien. Se penchant sur lui, elle le saisit par le bras et l'encouragea pour qu'il se lève. Il s'appuyait de tout son poids sur ses épaules, mais elle savait, au fond d'elle, qu'elle aurait la force de le porter. Tout irait bien, à présent. Ils étaient ensembles, et elle ne laisserait plus jamais quoique ce soit les séparer. Bien sûr, le chemin serait encore long, semé d'embûches. Mitchell allait devoir se désintoxiquer une dernière fois, et rien que cela serait une douloureuse lutte. Et il faudrait qu'il apprenne à se pardonner, petit à petit, ce qui serait sans doute le plus difficile. Il devrait réapprendre à vivre, et à se supporter lui-même. Mais Annie savait qu'il y arriverait. Elle y veillerait. Elle n'aurait de repos que lorsqu'elle aurait la preuve qu'il irait mieux. Elle lui dit tout cela en le soutenant jusqu'à la maison, jusqu'à ce qu'ils passent la porte d'entrée et que George et Nina ne prennent le relais, ne portent un Mitchell à demi évanoui jusqu'à son lit, à l'étage, et qu'enfin la vie reprenne un cours presque normal.

To be continued...