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Fic qui se joue dans une autre réalité, en un autre temps. J'emprunte seulement les personnages que l'on connaît déjà, avec leurs personnalités adaptées pour les besoins de cette fic. Une AU quoi...


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Nights in black satin

Avertissements : Ah! Tout m'appartient, sauf les personnages ! :P

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Chapitre 1

Il faisait, dehors, à peine plus frais qu'à l'intérieur. Cette caniculaire nuit d'août me trouva assise sur le large canapé de la véranda, incapable de trouver le sommeil. Une nuit sans lune à Black Hollow. Je me délectai de chaque brise qui daignait trouver ma peau. Seul l'ondoiement des herbes hautes des champs avoisinants venait briser cette quiétude immobile.

Je n'eus aucune difficulté à déceler au loin, le bruit d'une voiture et le crissement des gravillons sous ses roues tandis qu'elle approchait sur la route de gravier. Un touriste qui devait encore avoir perdu son chemin.

Jamais personne ne venait jusqu'ici à moins de s'être complètement égaré. Ce qui me fit loucher vers le cadran de ma montre. Minuit quinze. Surtout à cette heure.

J'habitai ce rang isolé tout à l'Ouest, à environ quatre kilomètres de Black Hollow. Aucun voisin, à part cette énorme et ancestrale maison victorienne inhabitée de l'autre côté du champ sur ma gauche. Trois étages, recouverts de bardeaux en écailles, muni d'une tourelle octogonale, de fenêtres à guillotine et de gâbles décoratifs. Une grande véranda en faisait presque complètement le tour. Elle avait dû être prestigieuse autrefois. Rendue délabrée par le temps, ses jours de gloire faisaient sans doute partie d'un bien lointain passé.

Je n'avais jamais vu personne y vivre, et cela, d'aussi loin que je puisse m'en souvenir. On disait qu'elle appartenait à une très vieille famille d'outre-mer.

Dans mon jeune âge, je m'étais imaginé tellement de chose à son sujet. Dans mes songes d'enfants, le plus souvent cette maison appartenait à un prince charmant dormant à la cave, victime d'un sort de sommeil éternel, attendant le baiser de son grand amour, c'est-à-dire moi, pour ouvrir les yeux. Ou encore, quand j'avais l'humeur morose, à une vieille sorcière édentée qui ne sortait que la nuit en enfourchant son balai pour venir me tourmenter.

Maintes fois, j'avais fait le tour de la grande véranda pour tenter de discerner quelque chose à l'intérieur, toujours en vain, car les rideaux avaient tous été tirés, ce qui constituait toujours une frustration énorme pour la petite fille curieuse que j'étais.

Toutes les fois où j'avais tentées de percer à jour les mystères de cette maison en posant des questions, ma mère et ma grand-mère s'étaient toujours montrées évasives, mais il y avait toujours ces regards à la dérobée, empreints de sous-entendus qu'elles échangeaient en pensant que je ne les regardais pas. Savaient-elles que cela ne faisait qu'enflammer ma folle imagination ?

Une fois, je devais avoir environ huit ans, bien décidé à braver tous les dangers pour sauver mon prince endormi, j'avais eu l'idée à l'aide d'un caillou de briser l'un des carreaux de la cave. Mais à l'instant précis où je me penchais à la fenêtre cassée, ma grand-mère, mue par je ne sais quel démon était sortie en trombe sur la véranda de notre maison et s'était mise à crier contre moi. Je m'en souviens très bien, car jamais je ne l'avais vu se mettre dans une telle colère.

Sa voix avait résonné tel un coup de tonnerre à mes oreilles et quand elle avait appelé mon nom, on aurait dit que le ciel me tombait sur la tête. Repentante, je l'avais rejointe si vite que je ne me rappelais pas avoir parcouru la distance qui nous séparait. Elle m'avait passé un savon de tous les enfers. Elle m'avait aussi fait promettre de ne jamais lui refaire un coup pareil. Les dames bien élevées ne se conduisaient pas en vulgaires vandales. Bref, j'avais été quitte pour un sermon sur la bienséance, et ce n'est rien de dire que ma mère, quand elle l'avait su, m'avait servi une diatribe tout aussi virulente. À compter de ce jour, on m'avait strictement interdit d'aller jouer près de la maison voisine.

Quelques jours plus tard, un dimanche, elles avaient demandé à Phil d'aller clouer une planche de bois sur le carreau brisé et on n'en avait jamais plus reparlé.

En vieillissant, et aussi parce que avec le temps cette maison faisait partie du décor, elle était devenue quasi invisible à mes yeux . Elle était simplement la vieille victorienne d'à côté.

Mis à part cette maison et la mienne, il n'y avait rien dans les environs. Ni même sur des kilomètres à la ronde pour être franche.

Bien tapi dans la pénombre, je me remis à siroter mon verre de limonade et vis les phares dépassés la montée du diable comme je l'appelais. Cette montée était vraiment abrupte et aussi cahoteuse qu'une planche à laver. D'ici quelques minutes, qui que soit cette personne, elle réaliserait qu'elle devrait faire demi-tour. La route se terminait à moins de soixante mètres de chez-moi.

Je plissais les yeux histoire de me faire une idée du genre de véhicule qui venait tandis que ce dernier, de toute évidence, ralentissait sa course. Un quatre-quatre.

Malgré la noirceur, il me sembla que c'était tout de même un véhicule haut de gamme. Je vis le quatre-quatre dépasser la maison voisine de quelques mètres avant qu'il ne freine doucement. Puis je le vis faire marche arrière et s'engager dans l'allée de la vieille victorienne.

Je pris une autre gorgée de limonade maintenant rendue tiède et tirai une grimace. Rien de plus mauvais que de la limonade chaude. Une brise vint me chatouiller le visage et j'eus presque envie de louanger le Seigneur. Cependant, je me raidis un peu en réalisant que l'on venait de couper le moteur et non de faire demi-tour comme je l'avais anticipé. Je tournai la tête en plissant les yeux pour scruter la noirceur.

Le quatre-quatre tous phares éteints était toujours visible et une silhouette en descendit. Impossible d'en dire plus, sinon que cette silhouette était celle d'une femme. Elle se dirigea vers la maison, j'entendis le distinctif tintement que font les clés sur un trousseau. Elle sembla chercher un instant puis ouvrit la porte avant de disparaître à l'intérieur. Je déposais mon verre sur la table basse en fronçant les sourcils.

Toujours est-il que je la vis ressortir et tentait une fois de plus, tant bien que mal, de distinguer quelque chose au-delà de la nuit. Dans cette pénombre, je pouvais me permettre de l'épier, bien qu'au fond de moi, mon indiscrétion me mette mal à l'aise, impossible de détourner les yeux. J'étais curieuse.

Je la vis tirer une valise de l'arrière du quatre-quatre puis se diriger à nouveau vers la maison.

Déconcertée, je murmurais un petit, 'Vraiment...'

À mi-chemin entre son véhicule et la vieille victorienne elle s'arrêta.

Je la vis tourner la tête vers moi. Ma main au feu qu'il faisait trop noir pour qu'elle me voie ! Et j'avais murmuré si bas que c'était impossible qu'elle ait entendu. Pourtant, je sentis ses yeux se poser sur moi comme en plein jour. Me voyait-elle ? Ma parole, on aurait bien dit que oui ! Derechef, le rouge me monta aux joues comme un enfant prit en flagrant délit. J'eus ensuite cette impression qu'elle me détaillait, et cela, même si je savais qu'il était tout à fait insensé qu'elle puisse le faire d'aussi loin.

J'eus l'étrange sensation de ressentir le souffle de quelque chose ou de quelqu'un contre ma nuque. J'en eus la chair de poule. Mon malaise dura encore quelques secondes puis disparut quand elle tourna les talons pour s'engouffrer à nouveau dans la maison. L'avais-je entendu ricaner ou avais-je seulement imaginé qu'elle le faisait ?

Un corbeau perché dans le vieux chêne de devant croassa. Je sursautai. Cela fut suffisant pour me tirer de mes pensées.

J'avais trop d'imagination.

Mal à l'aise et avec ce drôle de pressentiment, je rentrai dormir.