Chapitre 1
Il pleuvait des cordes, Dhannalia courait sous la pluie, son bébé dans les bras. Elle arriva au Monastère. Le bâtiment était immense. C'était une grande tour en pierre et en fer. La porte était plus haute que large. Elle frappa avec le marteau. Rien. Elle frappa encore, mais plus fort cette fois. Elle entendit un cliquetis et la porte s'ouvrit. Un vieil homme en robe de nuit apparut et elle le reconnut immédiatement. La cicatrice qui arpentait depuis vingt ans son visage, son crâne toujours bien rasé : Odricus.
« Qu'es que tu fais là ? demanda-t-il.
-Je t'en prie laisse-moi entrer. Je vais tout t'expliquer. »
Il regarda l'enfant, recula et ouvrit un peu plus la porte. Elle entra et il l'emmena à une petite table dans un des salons du rez-de-chaussée. Elle s'assit et il reparti dans les ombres. Odricus revint quelques minutes plus tard avec une tasse de thé ou de tisane à la main. Elle n'en avait que faire, du moment que c'était chaud. « Tien, bois. » dit-il.
Elle posa le bébé sur ses genoux, prit la tasse et bu à grandes gorgées. Lorsqu'elle eut fini, il reprit :
« Bien, maintenant dis-moi ce qui t'amène.
-L'enfant.
-Oui, quoi « l'enfant » ?
-Il faut que je sache.
-Non. »
Il se détourna et s'assit.
« Pourquoi ? demanda la femme.
-Parce que tu as reniée Kèrnahèle, voilà pourquoi.
-C'est ridicule ! Tu es Malhakay, tu es dans l'obligation de me dire si mon enfant en est Fils de Loup ou non.
-Figures toi que non. Je serais obligeais si tu étais disciple de Kèrnahèle. Mais comme ce n'est pas le cas…
-Bien. En tant qu'ami alors.
-Pourquoi es si important que ça. Ça ne peut pas attendre demain ? »
Elle ne répondit pas. Mais il lut en elle comme dans un livre ouvert. Il lut anxiété et la culpabilité dans ses yeux.
« Qui est le père ? » demanda-t-il simplement, mais il n'avait pas besoin de posé la question, il le savait mais il besoin de l'entendre de sa bouche.
Elle ne répondit pas. Mais elle commença à pleurer.
« Dhannalia, qui est le père ? demanda-t-il sur un ton plus autoritaire.
-C'est…, et elle lui murmura son nom à l'oreille.
-Par Kèrnahèle. Pourquoi ?
-A ton avis ? C'est leur chef, comment aurai-je peut refuser ?
-Tu es une servante ! Tu n'as pas à… faire ce que tu as fait avec cet homme. C'est son fils qui est là. Si Irvan l'apprend, il vous tuera tous les deux.
-C'est pour ça qu'il faut que je sache s'il a hérité… plus que prévu, de son père. »
Il la regarda droit dans les yeux. Elle disait vrais.
« Soit, je ferais le Rituel. »
Dhannalia sécha ses larmes et reprit le bébé dans ses bras. Elle se leva et Odricus fit de même.
« Suis-moi. »
Elle le suivit et ils arrivèrent dans une petite salle. Dhannalia connaissait cette pièce. Elle y avait passé des heures avec Odricus pour les différents rituels utilisés par les Prêtres du Monastère, il y a quinze ans.
« Donnes-le moi, dit-il. »
Elle lui tendit le bébé. Il le prit et le posa sur la table au milieu de la pièce. Il y avait une fenêtre en face de là où se trouvait Odricus. Elle y regarda la plaine, il ne pleuvait presque plus.
« Viens. »
Elle s'approcha et regarda son enfant, c'était un magnifique bébé, à la chevelure d'ombre. Mais elle arrêta de l'observer et se tourna vers Odricus.
« Te souviens-tu comment faire ? demanda ce dernier.
-Bien sûr.
-Aller. »
Il tendit les bras vers l'enfant. Dhannalia se plaça de l'autre côté de la table de pierre et ferma les yeux. Cela faisait quinze ans qu'elle n'avait pas utilisée la magie divine de Kèrnahèle. Son rôle dans le Rituel était de surveillé l'état mentale et physique de son partenaire. Le Rituel était extrêmement dur à maintenir : il fallait pour l'accomplir des années d'entraînement à la magie, et une force mentale et physique à toute épreuve.
Odricus commença le Rituel. Des tatouages apparurent partout sur sa peau, jusqu'aux bouts de ses doigts, les marques de magie divine : la Bénédiction de Kèrnahèle. De longs et fins fils d'ombres, tirés de ces fameux « tatouages » sortirent de ses doigts bourrus de vieillard et s'attachèrent à l'enfant. Les « tatouages » se déplacèrent sur toute sa peau, jusqu'à le recouvrir entièrement. Odricus commença une formule. Elle consistait à appeler Kèrnahèle pour qu'elle veille sur le rituel. Bien sûr, l'enfant ne devra jamais savoir qui était le père, en tout cas pas avant qu'il soit près. Mais que ferait-elle le moment venu ? Car quand une personne comme lui découvre son pouvoir, la marque, qui le suivra depuis sa naissance disparaîtra ; mais, la magie était encore une notion très vague, jamais on ne pourrait prédire le moment où il découvrirait sa véritable force. D'ici-là, le Roi-Dieu pourrait le retrouver n'importe où grâce au Cercle de Cirasius, de vieux sorciers qui vénéraient un dieu ancien et méconnu.
Une lumière noire éclaira l'enfant de l'intérieure. Les deux adultes se regardèrent. S'il était Fils de Loup comme son père, alors il serait initié soit à l'art de la diplomatie, soit au combat, selon ses aptitudes. Enfin, si elle réussissait à convaincre Odricus de prendre l'enfant au Monastère… Mais elle n'avait nullement l'intention de leur laisser son fils unique. « Le moment est venu », dit Odricus.
Les fils noirs qui reliaient le bébé au prêtre allèrent se loger dans le cœur de l'enfant. Une onde de choc se propagea dans toute la pièce, et une fumée s'échappa de la poitrine de l'enfant et prit une forme canine ; le petit loup de fumé hurla sur la poitrine de l'enfant, qui s'était endormit, puis se dissipa dans l'aire.
« Par Kèrnahèle », jura Odricus.
Dhannalia baissa la tête.
« Que devons-nous faire maintenant, Odricus ? demanda-t-elle.
-« Nous » ? Je t'ais seulement aidé pour ça ! J'ai fait ce que tu voulais que je face. Maintenant, je souhaiterais que vous quittiez le Monastère.
-Mais je n'ai nulle part où aller. Ce ne serait pas la volonté de Kèrnahèle. Et tu le sais.
-Ne me dite pas ce que Kèrnahèle voudrait. Tu l'as reniée.
-Je t'en en pris ! (Il réfléchit un instant.)
-Soit. Prend-le. »
Il sortit de la salle, suivit de près par Dhannalia. Ils arrivèrent dans une autre pièce. Odricus sortit une bourse du tiroir d'une commode. Il regarda à l'intérieur et la tendit à Dhannalia.
« Tien. Tu vas prendre un cheval et aller à une petite ville, Coïl, dans l'est de Narvet. J'ai une maison de campagne dans le nord du village. Voilà la clé, dit-il en la lui tendant.
-Merci Odricus. Merci pour tout, répondit-elle en la prenant.
-Oui, oui, je sais. Maintenant il faut que tu y aille. Il n'y a pas de temps à perdre. Je ne veux pas qu'un prêtre te vois ici, encore moins avec moi. »
Dhannalia rangea la bourse et la clé dans une des poches de sa robe de servante. Elle était partie du château en vitesse, il y a deux jours et n'avait pas eu le temps de se changer. Elle devait partir.
« Bien, dit-il simplement. Aller. »
Il la raccompagna jusqu'à la porte et dit :
« Dhannalia, je ne voudrais pas que tu te face de fausses idées, par rapport à ce soir.
-Qu'es que tu veux dire ?
-Je ne suis pas, et ne serait jamais plus, ton ami, ou quoi que ce soit d'autre. Tu m'as compris ? Cette nuit-là, tu n'as pas reniée que Kèrnahèle. Tu as reniée tous tes amis du Monastère, et moi avec. »
Elle le regarda fixement pendant quelques secondes. Un éclair frappa, et elle sortit, droit vers les écuries. Elle entendit la porte se fermer. Mais continua. C'était une femme forte, et même si elle ne savait pas encore comment, elle s'en sortirait. Dhannalia vit un cheval à peu près à sa taille et le monta. Le bébé ne s'était toujours par réveiller malgré l'orage et la pluie qui s'abattaient de nouveau sur eux puis quelques minutes.
Et bien soit, que cet enfant soit Fils de Loup ou pas, elle l'élèverait et lorsqu'il sera prêt, elle le mettrait sous le nez du roi. Et puis qu'il aille au diable, il crèverait comme le sale chien qu'il est ! Dess, son fils unique, sera celui qui libèrerait Valheindir de ce tirant. Elle sortit le cheval de l'écurie. Elle regarda droit devant elle et admira le soleil qui se levait tout doucement. La pluie s'arrêta. Elle fit claquer les rennes et le cheval partit au galop, direction Coïl.
