Auteur : Snegurochka Lee
Traductrice : Lynaëlle
Rating : NC-17
Disclaimer : L'univers de Harry Potter appartient à JK Rowling. L'histoire appartient à Snegurochka Lee. La traduction seule m'appartient. Aucun profit n'est tiré de cette histoire.
Avertissements : relation homosexuelle – contenu très mature – l'épilogue n'est pas pris en compte – maladie en phase terminale d'un enfant (mais si vous connaissez Dickens, vous savez que tout se terminera bien !)
Résumé : Drago tient pour acquis sa liaison « sex friends » avec Harry. La visite de quatre fantômes la veille de Noël pourrait cependant chambouler l'ordre de ses priorités dans la vie.
Note de l'auteur : Mes plus plates excuses au grand Charles Dickens. L'idée d'écrire une Harry/Drago qui s'inspirerait d'Un Chant de Noël s'est infiltrée dans mon esprit et ne m'a plus quitté. Un énorme merci à mes bêtas, M., H. et L..
Note de la traductrice : Me revoilà un an après la publication de ma première traduction. J'ai vécu une année particulièrement mouvementée et je remercie Lee pour sa patience face au retard que j'accumulais dans la publication de cette traduction. Cette histoire a été écrite l'année dernière dans le cadre d'un échange de fictions et de fanarts Drarry pour Noël. Elle m'a tout particulièrement touchée et j'espère que cette traduction saura lui rendre hommage.
Pour celles et ceux qui souhaiteraient lire l'histoire en VO, le lien se trouve dans mon profil.
Bonne lecture tout le monde et joyeux Noël à tous !
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Sottise ! (Un Chant de Noël)
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Rogue était mort.
Laissons de côté toutes croyances contraires. Aucun doute n'était permis. Il n'avait pas été secouru dans la Cabane Hurlante, pas plus que son sang n'avait pas développé au fil des ans un sérum antivenimeux qui aurait pu le sauver. Cela n'avait pas non plus été un rêve. Et même si Drago aurait fervemment souhaité le contraire, Rogue était mort. Définitivement. Sans aucun doute possible. Aussi incroyable que cela puisse paraître.
Enfin… aussi mort qu'il était possible de l'être dans le monde sorcier, bien sûr. C'était un point qui valait la peine d'être mentionné. Il n'est pas rare de croire que les sorciers peuvent altérer la mort comme ils l'entendent. Certains le peuvent et l'ont mis en pratique. Soyons donc d'autant plus clair : Rogue n'était pas non plus devenu un Inferi, ni un esprit frappeur, ni un souvenir de Pensine sur pattes, ni une image du Miroir d'Erised, pas plus qu'un Retourneur de Temps n'avait affecté les évènements qui avaient causé sa mort.
On ne peut contester ces faits, sinon rien de ce qui ne se passera à compter de ce moment n'aura de sens. Vous connaissez les règles : les morts ne peuvent revenir à la vie. Ils disposent cependant de certains recours afin de communiquer avec les vivants. Gardons ce petit détail à l'esprit.
Il n'en reste pas moins que Rogue était mort.
Bien. Commençons notre histoire.
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En général, Drago n'accordait que peu d'importance à Noël. Les gens espéraient de la gaieté et de la bonne humeur tout à fait désintéressées de la part de tout le monde : les gueux défilaient en masse pour des œuvres de charité et ses employés s'attendaient à obtenir davantage qu'une seule semaine de congés payés. Sans parler du fait qu'il devenait impossible de commander un martini décent – comprendre : qui n'était pas coloré de rouge et de vert. Même les boîtes de nuit les plus sélectes fourmillaient de touristes en vacances, habillés comme des sacs à patates, qui sortaient tout droit de leur campagne. Et pour couronner le tout, la plupart des hommes qu'il avait l'habitude d'appeler pour se divertir un peu étaient tenus par des obligations familiales.
Comme c'était fâcheux.
Heureusement, il lui restait une connaissance très intime qui, ces six derniers mois, n'avait jamais semblé avoir d'autres projets de prévu. Il était libre dès qu'il l'appelait, depuis que cette… chose… entre eux avait commencé. Drago pouvait lui envoyer par hibou la note la plus laconique et monosyllabique qui soit et le trouver disponible à tous les coups.
« Chez toi, 22h. Et, pour l'amour de Merlin, achète des draps en satin. Ce coton brûle ma peau sensible, Potter. » n'était qu'un exemple de notes parmi tant d'autres.
Il devait toutefois admettre avoir tout particulièrement apprécié cette dernière, envoyée le mois dernier – Potter avait pris la peine de remplacer ses draps le soir même.
Résolu à se sortir tout fantasme sexuel de la tête, notamment ceux impliquant Potter, il jeta un coup d'œil à l'horloge, suspendue – par pur hasard bien sûr – au-dessus de la porte de son bureau. Peut-être lui enverrait-il un hibou ce soir. Après tout, cela faisait presque une semaine qu'ils n'avaient pas couché ensemble. Ce ne serait pas si désespéré que cela de se montrer de nouveau intéressé par une partie de jambes en l'air, n'est-ce pas ?
Il saisit une autre pile de documents. Ces foutues paperasseries finiront par le tuer, un de ces jours. Mais pas le choix – il ne pouvait plus compter sur la fortune de la famille Malefoy. Il devait se débrouiller seul et parvenait tout à fait à tenir ses comptes. Il s'assurait que chaque centime durement gagné passait soit dans sa maison du centre-ville de Londres, soit dans son amour du bon vin, soit dans son penchant pour les vacances en Méditerranée.
— Drago ! Comment vas-tu, mon chéri ?
Levant les yeux, il aperçut dans l'encadrement de la porte l'excentrique sœur de sa mère, un bibi en laine d'un vert criard enfoncé sur la tête. Des flocons de neige tombaient de ses moufles dès qu'elle tapait dans les mains.
— Andromeda, la salua-t-il avec réserve.
Il lui lança un regard sévère. Le sol était dorénavant trempé…
— Que me vaut ce… plaisir ?
— Joyeux Noël, mon neveu chéri, répondit-elle avec un large sourire.
Elle plongea la main dans sa poche et en sortit quelque chose qu'elle balança dans sa direction. Une petite boule de neige explosa sur son épaule. Il regarda celle-ci en fronçant les sourcils.
— Joyeux Noël, répéta-t-il en retirant la neige d'un revers de la main. Mais explique-moi donc ce qui est censé être aussi joyeux dans la fête de Noël ?
— Qu'est-ce qui est censé être aussi triste dans la fête de Noël ? répliqua-t-elle.
Son sourire disparut et elle posa les mains sur les hanches. Elle ressemblait soudain beaucoup à sa mère : hautaine et quelque peu intimidante.
— Les Malefoy ne fêtent plus vraiment Noël, marmonna-t-il en lançant un sort de séchage à sa robe. Ma mère ne t'en a-t-elle pas parlé au cours de ces retrouvailles – qui se sont faites en un temps record, soit dit en passant ?
Elle pointa une moufle vers lui.
— Ne sois pas aussi goujat.
Il sourit malgré lui.
— Qui ça, moi ?
— Bien sûr, toi ! Espèce d'idiot, lui dit-elle en souriant. Tout ce que tu fais de tes journées, c'est rester assis dans ce bureau à aboyer des ordres à ta pauvre secrétaire. Et, le soir venu, soit tu restes assis tout seul dans ton splendide appartement, à admirer ton lustre en cristal, soit tu sors avec tes copains d'école dans ces boîtes de nuit étouffantes.
Il arqua un sourcil.
— Un peu plus et on dirait que tu me surveilles, rétorqua-t-il d'un ton sec. Alors toi aussi tu trouves mon appartement splendide, au fait ?
— Oui, mon chéri, soupira-t-elle en écartant les bras de façon théâtrale. Je suis verte de jalousie.
— Je vois ça.
Il lança un regard appuyé à son bibi. Elle plissa les yeux.
— Il est à ma fille, précisa-t-elle d'un ton qui le défiait de l'insulter à nouveau.
Il pinça les lèvres.
— Il te va très bien.
Elle le fixa d'un regard noir encore quelques instants avant de lui lancer un sourire narquois.
— Ma foi, merci. Je suis très contente que tu le trouves seyant.
— Bref, ce n'est pas le moment de me parler de boîtes de nuit et d'hommes en sueur… je n'arriverai jamais à finir de lire toutes ces notes de service sinon !
Avec une moue, il regarda la pile à côté de lui. Elle balaya sa remarque d'un revers de main.
— Crois-le ou non, j'ai été jeune, moi aussi, et je ne suis pas du genre à te faire la morale et à te dire que tu devrais te ranger – je sais que ta mère t'en parle déjà bien assez. Mais, en toute honnêteté, tu rencontres vraiment des personnes intellectuellement stimulantes pour toi dans ce genre d'endroits ?
— Ce n'est pas vraiment le but de l'exercice, marmonna-t-il.
La tolérance et l'acceptation étaient une chose, et il en était reconnaissant à sa mère et à sa tante. Mère s'était plus d'une fois disputée avec Père pour qu'il renonce à toutes ses démarches visant à le marier à une bonne petite femme de son rang. Mais de là à le faire parler de ses relations sexuelles… Il se massa les tempes.
Elle soupira en agitant une mitaine sous son nez.
— D'accord, d'accord. Tu n'as pas besoin de me le dire. Je me rappelle encore du nombre d'hommes piercés et tatoués que Nymphodra avait l'habitude de faire entrer en douce par la fenêtre de sa chambre, après avoir passé la nuit en boîte…
Elle secoua la tête avant de lui lancer un coup d'œil entendu.
— Et Harry ?
Il la regarda avec ce qu'il espérait être des yeux farouches.
— Quel est le rapport ? demanda-t-il.
— À une ou deux reprises, voire même plus, on t'a vu prendre un verre avec lui, expliqua-t-elle en souriant. Pas mal, mon chéri, si je peux permettre.
— Non, tu ne peux pas te permettre.
— Il est plutôt bien gaulé.
Drago accentua son regard noir.
— Est-ce que vous allez venir tous les deux au repas de Noël, dimanche soir ? continua-t-elle en l'ignorant.
— Non.
Même pas besoin de réfléchir à la question. Il prit son encrier mais elle ne se découragea pas aussi facilement.
— Il faut que tu passes plus de temps avec ta famille ! Ta mère m'a dit que ça faisait des semaines que tu n'étais pas passé prendre le thé avec elle, et il me semble bien que Teddy et moi ne t'avons pas vu depuis son anniversaire. Et tu n'as encore jamais passé Noël avec nous, pas même l'année dernière…
— …où j'ai également repoussé ta proposition avec succès, si je me souviens bien, l'interrompit-il.
Il se reposa contre le dos de son fauteuil en croisant les bras.
— Et qu'as-tu donc fait à la place ? demanda-t-elle en lui lançant un regard provocateur.
Il essaya de s'en souvenir. Rien de mémorable, en tout cas, voilà qui était sûr. Depuis la fin de la guerre, ses parents s'étaient contentés de déplorer la perte de leur statut social. Ils ne se donnaient même pas la peine d'essayer de le reconquérir, préférant rester enfermés au Manoir, entourés de leurs fleurs et de leurs elfes de Maison. Ils n'étaient pas reclus ni dépressifs – rien d'aussi dramatique – mais ils n'organisaient plus les somptueux galas d'autrefois. Ils mangeaient des repas raffinés sur cette immense table dressée dans la salle à manger, puis se retiraient chacun dans une pièce, Père pour boire, Mère pour lire ces navets de romans à l'eau de rose en pensant que tout le monde ignorait qu'elle en lisait. Rien de très festif, en somme, pour une réunion de famille le 25 décembre.
L'année dernière, une fois le repas terminé, Drago avait feint un rendez-vous avec Blaise et était rentré chez lui. Il avait ouvert une bouteille de brandy et regardé les lumières de la ville depuis la fenêtre de son salon.
— Ça ne te regarde pas, répliqua-il d'un ton léger.
Un claquement de langue agacé lui répondit.
— Tu ne peux pas te permettre d'aller en boîte de nuit le jour de Noël, Drago. Tu ne tomberais que sur des rabat-joies comme toi, sans famille ni amis pour les aimer.
Il lui lança un regard assassin.
— Viens chez les Weasley avec nous, cette année ! continua-t-elle en l'ignorant. Ça devrait être en groupe restreint pas trop de Weasley, mais quand même suffisamment nombreux pour promettre un peu d'animation. Je vais tenter de présenter Neville à la nouvelle vendeuse de cette boutique dans le Chemin de Traverse. Tu sais, celle qui expose dans sa vitrine cet étrange mélange de cuir et de plume. Et, bien évidemment, Teddy va préparer son célèbre dessert, des bonshommes de pain d'épice trempés dans du jus de pomme – qui, par ailleurs, recouvra tout le sol de la cuisine parce qu'il en aura mis partout.
Son sourire se fit tendre et Drago se surprit à rire.
— Comment va le petit diable ? hasarda-t-il.
Son sourire s'évanouit.
— Ça va, Drago, répondit-elle d'une voix soudain bien plus froide. C'est un enfant solide. Il s'en sortira.
Le silence embarrassé qui suivit lui fit détourner les yeux. Il n'était pas disposé à laisser cette vieille peau le faire se sentir coupable de ne pas voir plus souvent ce distant cousin. Il n'avait jamais beaucoup fréquenté la fille d'Andromeda non plus, donc pourquoi changer les bonnes vieilles habitudes pour ce petit garçon ?
— Bien, dit-il en s'éclaircissant la gorge. Bon.
— Oh, Drago ! Viens au dîner dimanche ! Ça te fera du bien de voir un peu ta famille. J'ai essayé de convaincre ta mère de venir, elle aussi, et j'imagine que je pourrais également inviter ton père…
Drago réprima un sourire. L'aversion d'Andromeda pour son père était un secret de Polichinelle dans la dynamique familiale nouvellement restaurée.
— … mais ils doivent déjà être arrivés en Grèce, ou alors mon idiot de hibou a décidé de son propre chef de se prendre des vacances.
— Ce voyage est bien la meilleure idée qu'ils aient eue depuis l'année dernière.
— Ce n'est absolument pas vrai. Regarde-toi, tu tiens d'eux leur caractère asocial, maintenant !
— Si ta mémoire ne te fait pas défaut, tu devrais te souvenir que la dernière fois que la famille Malefoy a ouvert les portes du Manoir pour se montrer sociale, ça ne s'est pas très bien passé, marmonna-t-il.
Drago considéra le soupir qu'elle émit comme la reconnaissance de sa défaite – enfin ! Il reprit sa plume.
— Tu célèbres Noël à ta façon et tu me laisses le célébrer à la mienne, grommela-t-il.
— Mais tu ne le célèbres pas, c'est ça le problème, petit idiot.
Secouant la tête, ses yeux emplis de pitié le scrutaient.
— Quelle importance ça fait ? Qu'est-ce que Noël t'a déjà apporté de bon ?
Son visage se referma.
— Oh. Merlin, je ne voulais pas…
— Ça ne m'a peut-être pas apporté un appartement cossu, répondit-elle doucement, son regard le transperçant autant que celui de Bellatrix. Ni des tas de Gallions qui me permettraient de partir en vacances dans des destinations de rêve ou bien que je dépenserais en shots de vodka que je boirais dans le nombril de gogo dancers…
Elle ignora sa grimace et poursuivit :
— … mais si je me laisse aller à rester assise durant toutes les fêtes de Noël, à ruminer sur ce que j'ai perdu et sur ce que j'aurais pu avoir dans la vie, à passer en revue tous les si seulement de ce qu'aurait pu être ma vie… Je refuse de m'infliger ça. Les festivités de Noël et cette atmosphère si particulière me font du bien, Drago Malefoy, et je suis sûre que ça te ferait du bien à toi aussi.
Il lui lança un regard qu'il espérait compatissant mais ne répondit pas.
— L'invitation est lancée, dit-elle après un instant en se forçant à sourire. Joyeux Noël.
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Après le départ d'Andromeda, la colère monta lentement en Drago. Franchement, pourquoi tout le monde ressentait à Noël le besoin de s'entourer d'enfants poisseux et de gens suffisants que l'on connaît à peine, uniquement par respect pour certaines valeurs imposées par de vieilles harpies fouineuses telles que sa tante ? Et passer du temps avec sa famille ? Elle plaisantait, n'est-ce pas ? Il en avait déjà fait bien assez pour sa « famille » quand il était jeune, non ? Il s'était tant battu depuis la fin de la guerre pour s'éloigner de sa satanée famille, pour devenir quelqu'un à part entière…
Qu'y avait-il de mal à cela ?
Ses parents avaient eu bien raison, finalement, d'aller passer les vacances sur une croisière en Méditerranée. Pianotant de ses doigts sur le bureau, Drago réfléchit à un endroit adéquat où les « festivités de Noël » ne seraient surtout pas à l'ordre du jour. Il s'égaya lorsqu'il trouva la solution : il ne perdit pas une seconde et envoya un hibou à Viktor Krum, en Bulgarie. Il possédait une entreprise dont l'influence croissait dans les actions des marchés européens. Drago organiserait une réunion avec son conseil d'administration cette semaine et conclurait l'affaire avant ses concurrents, qui seraient à coup sûr tous en congés. D'après ce qu'il avait entendu dire, Noël n'était pas une fête très importante en Bulgarie. C'était parfait.
Il se sentit un peu mieux, mais resta tout de même soucieux. Des nœuds d'anxiété s'étaient formés à la base de sa nuque. Il se dit qu'il méritait bien d'oublier, l'espace d'une nuit, toutes les attentes que les autres semblaient aimer faire reposer sur ses épaules.
Il envoya un hibou à Potter.
À deux jours de Noël, il devait sûrement jongler entre un essaim de Weasley à gérer et des repas à préparer… mais il parviendra sans aucun doute à se dégager du temps libre pour lui ce soir. Drago s'enfonça dans son fauteuil, attendant déjà avec impatience le soulagement qu'il ressentirait en se retrouvant avec quelqu'un qui n'exigeait rien de lui. Potter s'accommodait parfaitement de limiter la conversation entre eux au minimum et faisait l'amour à Drago jusqu'à l'oubli, jusqu'à ce que ses inquiétudes fondent comme neige au soleil.
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Il quitta délibérément son bureau trois quarts d'heure après la majorité de la populace du Ministère, afin d'essayer d'échapper à la foule. Il ne parvint cependant pas à éviter le stand tape-à-l'œil installé à côté des Cheminettes. Son regard oscilla de gauche à droite, mais il était inévitable de passer devant pour accéder aux Cheminettes.
— Salut, Drago ! Par ici !
Il baissa la tête et accéléra le pas, mais cela ne les découragea nullement. Ces Serdaigle… quelle obstination !
— Waouh, tu marches vite, s'écria Lovegood en le rattrapant et en lui adressant un large sourire alors qu'elle se mettait devant lui pour lui bloquer l'accès aux Cheminettes. Tu es pressé ?
— Oui, très.
— Comme c'est surprenant… !
Face à cette voix cinglante, Drago lança un regard noir par-dessus son épaule. Un regard tout aussi hostile lui répondit.
— Chang, salua-t-il avec froideur. Quel plaisir de te voir.
— Oui, n'est-ce pas ? répondit-elle en lui adressant un sourire purement dédaigneux et en croisant les bras sur la poitrine.
Lovegood et elle étaient affublées de vêtements rouges et verts absolument ridicules, avec des ramures de cerf dans les cheveux et… étaient-ce bien des bottes d'elfes qu'il voyait là ? Drago n'avait jamais eu de véritable problème avec les Serdaigle mais, Chang avait beau travailler à l'étage au-dessous du sien, ils ne s'étaient pas échangés un seul mot civilisé depuis qu'ils avaient découvert la seule chose qu'ils avaient en commun – à savoir, qu'ils avaient tous les deux couché avec Harry Potter.
À plusieurs reprises, Drago en avait remis une couche sur le fait que, pour elle, cela faisait partie d'un lointain passé, alors que lui avait encore la sensation des doigts de Potter s'enfonçant dans ses hanches. Mais elle semblait refuser d'ouvrir les yeux.
— Je suis contente qu'on soit tombées sur toi, Drago, commença Lovegood alors qu'elle le prenait par le bras pour le ramener à leur stand.
Ce dernier était jonché de dépliants, de boîtes de collecte ainsi que de nombreux mugs et coquetiers complètement difformes. Une pancarte peinte à la main ornait tout ce foutoir : Fonds de secours d'après-guerre pour chômeurs, orphelins, loups-garous et Ronflaks Cornus chassés de leurs territoires + Poteries de Noël. Lovegood lui laissa à peine le temps de la lire. Elle s'assit derrière le bureau et se saisit d'une plume.
— De combien veux-tu participer ?
— En sachant que, malheureusement, il est impossible de faire don de ton pénis insuffisamment membré, déclara Chang derrière lui.
Il se retourna pour lui lancer un regard assassin.
— Je suis sûr que tu adorerais savoir où je vais passer la nuit, espèce de…
— Je suis désolée, Draco, l'interrompit vivement Lovegood en regardant Chang d'un œil furieux. Je n'ai pas entendu la somme – élevée, j'en suis sûre – dont tu viens de faire don.
— Dis-moi, Lovegood, Azkaban est toujours fermé, n'est-ce pas ? répondit-il d'un ton mordant.
— Bien sûr, Dieu merci ! s'exclama-t-elle avec un froncement de sourcil. Quel endroit horrible pour…
— Alors la communauté sorcière s'est bien améliorée par rapport à ce qu'elle était il y a dix ans. Vous n'avez guère besoin de ma donation.
— Mais, Drago, il y a bien d'autres problèmes. Tellement de gens sont sans emploi, sans parler des loups-garous qui…
Il soupira.
— La loi imposant l'enregistrement des loups-garous fait-elle précisément ce qu'elle est censée faire ? demanda-t-il.
— J'imagine que oui, mais c'est une loi horrible ! Tellement de gens en ont été affectés. Il est tellement difficile de la faire abroger !
Elle s'interrompit et continua en baissant la voix.
— Je ne peux rien prouver mais je soupçonne fortement que la date butoir pour rendre les documents administratifs tombe exprès, chaque mois, le jour de la pleine lune, pour piéger encore davantage de personnes. Enfin, il est évident que les loups-garous sont incapables de se déclarer lorsqu'ils peuvent à peine tenir une plume ! Je travaille en secret sur un gant spécial qu'ils pourraient utiliser pour…
Drago se pinça l'arête du nez.
— Et on laisse toujours les orphelins accéder à Poudlard, où ils bénéficient gratuitement d'une pension complète ? marmonna-t-il pour changer de sujet.
Lovegood posa les mains sur le bureau et se pencha en avant.
— Drago, réprimanda-t-elle.
— Ce qu'elle sous-entend par là, c'est que tu n'es qu'un profond salaud, clarifia Chang.
— J'avais compris, merci.
Il avait en effet l'impression d'être un vrai salaud, à se quereller comme un gamin de dix ans avec une femme deux fois plus petite que lui. Mais elle était tellement exaspérante… Elle s'approcha de lui, ses yeux jetant des éclairs.
— Harry ne te mérite pas, tu sais. Un jour, il finira par revenir à la raison. Maintenant, ouvre-moi ce putain de portefeuille et fais don d'un Gallion à Luna, espèce de radin.
Chang était devenue particulièrement difficile à convaincre depuis la fin de leurs études à Poudlard. C'était sûrement dû à la formation d'Auror. Pour qu'elles le laissent tranquille, il aurait pu finir par se laisser convaincre de faire un don, mais pas après cela. Il se redressa.
— Non, rétorqua-t-il en articulant lentement.
Il partit d'un pas furieux et se fraya un chemin à travers la foule qui faisait la queue pour prendre la Cheminette. Satanées fêtes de Noël ! Noël ne lui avait jamais rien apporté de bon, et cette journée n'en était qu'une preuve de plus.
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Plus que courroucé après une telle journée, Drago attendait avec impatience de pouvoir évacuer tout ça avec une bonne partie de jambes en l'air. Potter était la personne idéale. Ce qu'il préférait chez lui, c'était que, contrairement à tous ceux qui faisaient partie de sa vie, Potter ne lui demandait rien en contrepartie – et surtout pas durant cette période de l'année. Il connaissait le deal entre eux. Voilà pourquoi, malgré leur passé, ils s'entendaient si bien.
— Hé, le salua Potter en entrant dans le salon, un verre à la main et un grand sourire aux lèvres.
— Hé, répéta Drago, moqueur, en levant les yeux au ciel.
Potter l'ignora.
— Un verre ?
Drago souffla, irrité. Il traversa la pièce à grands pas, lui arracha le verre des mains et en vida le contenu d'une traite. Le liquide lui piqua la gorge et il sentit une bouffée de chaleur lui prendre l'estomac. Il aimait cela. Avec un grognement, il balança le verre sur les coussins du canapé et poussa Potter contre le mur. Il s'attaqua à sa bouche. Ses doigts agrippaient déjà l'ourlet du tee-shirt du brun et il le lui retira en le lui faisant passant par la tête, le déchirant au passage.
— Oh, chuchota Potter contre ses lèvres. Pas de blabla inutile aujourd'hui. Ça, je suis habitué.
Il sourit et prit la lèvre inférieure de Drago entre les siennes.
— Mais pas de vin… ? Qui êtes-vous et qu'avez-vous fait à Drago Malefoy ? murmura-t-il.
— Ha ha, très drôle. J'ai été un bon petit garçon cette année, donc je mérite une bonne partie de jambes en l'air pour Noël.
Potter gémit et glissa les doigts à l'intérieur du pantalon de Drago, rapprochant leurs hanches jusqu'à ce qu'elles se touchent.
— Avec moi, j'espère.
Drago lui retira son sous-pull.
— Tu feras l'affaire.
Entre deux baisers fougueux, ils se dirigèrent en chancelant vers la chambre, collés l'un à l'autre, les vêtements déjà à moitié ôtés. Merlin, pour être tout à fait honnête, Potter l'excitait comme personne d'autre, avec une rapidité étonnante et à un tel point… Il s'efforça de se concentrer uniquement sur les sensations physiques. Potter ou un autre… cela n'avait aucune importance, se dit Drago. Il aurait tout aussi bien pu s'agir de la bouche de n'importe qui – même si celle-ci savait exactement comment le faire fondre – ou des mains de n'importe qui, occupées à lui caresser le dos.
Le sexe lubrifié et imposant de n'importe quel homme qui le frôlait.
Les yeux de Drago se fermèrent lentement et il se laissa tomber sur les coudes, offrant encore davantage son corps. Le léger grognement de Potter derrière lui le laissa imaginer ce dont il devait avoir l'air, à peine sorti de la cheminée et déjà presque nu, étendu sur son lit, les fesses en l'air, déjà détendu et anticipant la suite.
— C'est mon cadeau de Noël ? murmura Potter.
Ses doigts caressèrent la chute de reins de Drago tandis que son pouce traçait des cercles autour de son anus. Son sexe se pressait contre les testicules de Drago, lui faisant savoir qu'il était encore là et qu'il attendait. Mais il fit pénétrer son pouce d'abord, le repliant et dépliant avec brutalité jusqu'à ce que le dos de Drago s'arque et qu'il gémisse.
Ce dernier essaya de trouver une réplique mordante à la stupide remarque de Potter, mais tout ce qu'il parvint à articuler fût un « Évidemment » pantelant avant de se remettre à grogner en sentant Potter le préparer.
Le rire profond du brun se répercuta le long de sa colonne vertébrale.
— Ce que je peux être chanceux.
Il retira son pouce mais continua à frictionner l'entrée de Drago pour qu'elle ne se referme pas. Il fit lentement pénétrer son sexe, en continuant à le titiller de son pouce.
Ils étaient tous deux à bout de souffle. Drago se refusait de l'admettre mais il adorait ce moment tout autant que Potter. Être plaqué contre le lit et les longs coups de reins assurés qui allaient suivre étaient tout aussi incroyables, mais c'était cela, le tout début de la pénétration, qui le faisait revenir vers Potter à chaque fois. Il n'avait jamais été avec un homme qui prenait autant son temps avec lui durant les préliminaires comme Potter le faisait. À chaque fois, il était sur le point de venir avant même que Potter ne soit complètement en lui. Seule une profonde pénétration pouvait le ramener à un niveau raisonnable d'excitation.
Les doigts de Potter s'enfoncèrent dans la chair charnue de ses fesses tandis que son pouce lubrifié taquinait son anus. Il le survolait légèrement, encore et encore, alors que la tête de son érection commençait à le pénétrer. Il s'arrêta alors pour glisser son pouce à l'intérieur. Sa respiration s'accéléra et Drago ne put s'empêcher de jeter un coup d'œil par-dessus son épaule. Il ne devrait pas, il le savait s'il n'avait pas permis à Potter de lui faire l'amour de face depuis cette toute première nuit ensemble, il y avait une bonne raison à cela : il s'était retrouvé complètement déconcerté par le regard de Potter. Mais, de temps en temps, Drago ne pouvait s'empêcher de le regarder furtivement. Le regard de Potter, lorsque ses yeux étaient fixés sur son corps comme en cet instant, le faisait toujours frissonner d'excitation.
Il lui lança à nouveau un coup d'œil et rencontra le regard du brun. Un sourire étira lentement ses lèvres.
— Malefoy, murmura-t-il, les yeux mi-clos et le visage rougi. Si tu veux me regarder, tu vas devoir te retourner.
Sa voix était basse et taquine, mais ses yeux se montraient durs. Potter n'avait pas manqué de se rendre compte que Drago n'acceptait de faire l'amour que lorsqu'il se trouvait appuyé sur les genoux et les coudes.
— Contente-toi de continuer, déclara-t-il d'une voix qu'il désirait sèche, mais qui s'avéra pantelante et précipitée.
Avec un rire profond, Potter le pénétra davantage. Il ne possédait pas le sexe le plus gros que Drago ait connu, mais il était suffisamment large pour lui faire ressentir cette petite sensation de brûlure qu'il recherchait et, bien évidemment, énormément de plaisir.
Le rythme que Potter lui imposait était insoutenable. Avec une telle lenteur, il s'arrêtait centimètre après centimètre pour ajouter du lubrifiant sur son érection, prenant le temps de caresser doucement le dos de Drago en même temps. Ce dernier gémissait contre l'oreiller à chaque fois, savourant le brouillard qui l'enveloppait.
— Ça va ? murmura Potter dans son dos.
Drago se rendit alors compte qu'il s'était montré plus bruyant qu'à son habitude ce soir.
— Bien sûr, marmonna-t-il en essayant de se ressaisir.
Ce n'était qu'un coup d'un soir. Merlin. Pourquoi son corps le trahissait-il toujours autant avec Potter ?
— Je suis trop lent ? demanda ce dernier d'une voix amusée.
Drago donna un coup de reins.
— Tss-tss. Mon lit, mes règles, répondit Potter.
Drago dut se mordre la langue pour ne pas laisser échapper un long gémissement.
Soudain, Potter s'enfonça entièrement en lui. Sous la force du mouvement, Drago faillit se cogner contre la tête de lit. Se rattrapant d'une main, il gémit. Les doigts de Potter s'agrippèrent à ses hanches alors qu'il plaquait son pelvis contre lui. Le plaisir de Drago monta en lui par vagues et il essaya de réprimer les gémissements de pure luxure qui lui échappaient. Potter enfonça alors ses pouces en lui, les glissant le long de son sexe.
— Oh bordel, marmonna-t-il. Comme ça, c'est parfait.
— Écarte davantage les jambes, murmura Potter en se retirant avant de s'enfoncer de nouveau d'un seul coup.
Désinhibé par le désir qu'il ressentait, Drago obéit, écartant ses genoux de quelques centimètres. Son corps était en feu et son érection douloureuse.
— Encore… gémit-il en se cramponnant au drap.
Le grognement que lui répondit Potter lui indiqua clairement qu'ils perdaient tous les deux le contrôle.
Potter imposa un rythme brutal, ses coups de reins se faisant de plus en plus réguliers et brusques. Ses mains fortes maintenaient Drago, mais celui-ci finit par se laisser tomber sur le ventre, son érection se frottant contre le drap et Potter s'abaissant sur lui. Les quelques poils de son torse effleuraient ses omoplates. Drago trembla.
— C'est ça, Malefoy, murmura Potter d'une voix rauque contre son cou. Couche-toi pour moi.
Un gémissement échappa à Drago et son sexe se tendit avant d'éjaculer contre le drap neuf. La tête lui tourna. Il enfonça le visage dans l'oreiller, haletant, alors qu'il sentait en lui l'érection de Potter grossir. Une nouvelle vague de plaisir l'envahit.
— Potter, supplia-t-il en enroulant ses pieds autour des chevilles du brun. Vas-y, plus fort.
Le rythme se fit insensé, les doigts de Potter laissant des bleus là où ils s'agrippaient à lui.
— Tu me rends… fou… murmura-t-il contre les omoplates de Drago.
Il poussa un gémissement étranglé et s'immobilisa à l'intérieur de lui, les pulsations régulières de son érection se répercutant en Drago. Son sperme chaud le remplit et se mit à perler doucement le long de son sexe qui se mettait déjà au repos. Il resserra les fesses pour retenir Potter un peu plus longtemps en lui, prolongeant le moment pour des raisons qu'il ne s'expliquait pas.
— Drago, murmura Potter, mon Dieu, s'il te plaît…
Il s'interrompit, sa respiration chaude contre son dos tandis que son érection avait une dernière pulsation. Drago se tendit. Quelque chose dans la voix de Potter avait été au-delà des habituels murmures post-orgasmiques. Toutefois, il se sentait repu et paresseux et n'avait pas envie de tout terminer à la va-vite. Il allait se donner un moment pour se ressaisir puis quitterait l'appartement de Potter comme il en avait l'habitude.
En sueur et à bout de souffle, ils retombèrent tous les deux sur le lit. Potter plia un bras sur son visage.
— Bon sang, tu es doué, marmonna-t-il.
Cette fois, Drago était bien censé entendre sa phrase puisque, lorsqu'il jeta un regard dans sa direction, Potter lui souriait.
— Eh oui, qu'est-ce que tu veux ! répondit Drago avec un petit reniflement hautain. C'était le moins que je puisse faire. C'est bientôt Noël, on va dire que c'était pour te le souhaiter.
Un sourire menaça d'apparaître sur ses lèvres, mais il parvint à le réprimer au dernier moment.
— Hé, en parlant de ça… commença Potter en se mettant sur le ventre.
Il tira sur la couverture pour la remonter sur ses hanches et s'appuya sur les coudes. Drago tourna la tête sur l'oreiller pour lui faire face. Potter s'humecta les lèvres et lui lança un sourire doux, presque timide.
— Je… reprit-il avant de s'interrompre un moment en détournant les yeux.
Il serra la mâchoire, fixa de nouveau Drago et termina sa phrase :
— Je voulais te demander quelque chose.
Ces paroles déclenchèrent la sonnette d'alarme. Potter ne le laissa toutefois pas protester : avant qu'il n'ait le temps de prononcer un mot, il s'était penché vers lui et l'embrassait.
— Ne t'enfuis pas tout de suite, le taquina-t-il. Écoute-moi d'abord.
Il déposa à nouveau un baiser sur ses lèvres et Drago dut prendre sur lui pour ne pas glisser un bras derrière le cou de Potter pour l'approfondir. Potter essayait de garder un ton léger, c'était évident, mais lorsqu'il s'écarta de Drago pour le regarder dans les yeux, son visage était sombre.
Drago soupira et laissa retomber ses bras de façon théâtrale.
— Très bien, répondit-il avec une moue, mais si on est sur le point d'avoir une discussion sérieuse, alors tu pourrais au moins m'apporter un verre de vin.
Avec un sourire, Potter sortit du lit.
— Marché conclu. Ne t'avise pas de filer pendant ce temps-là.
Il disparut par la porte de la chambre, complètement nu, sans en paraître gêné. Drago fit de son mieux pour ne pas l'observer et secoua la tête.
— Tu es un sorcier, oui ou non ? s'écria-t-il.
Il se sentait détendu et quelque peu taquin, en dépit de l'importante et imminente annonce de Potter. Il saurait y faire face.
— Le vin conjuré par un sort a un goût de chiotte, répondit Potter alors que Drago entendait sauter un bouchon. Enfin, c'est ce que tu n'arrêtes pas de me dire.
— Alors c'est pour ça que le vin que tu me sers est aussi mauvais ? Je croyais simplement que tu l'achetais en Californie.
Un rire chaud et profond lui parvint avant que Potter apparaisse quelques secondes plus tard dans l'embrasure de la porte avec deux verres de vin.
— Chilien, déclara-t-il avec une petite courbette en tendant un verre à Drago tout en s'asseyant. Cela satisfait-il Monsieur ?
Drago le fit tourner et le sentit avant de relever les yeux vers lui.
— Ça fera l'affaire, dit-il d'un ton hautain sans pour autant parvenir à dissimuler un sourire.
Potter se glissa de nouveau dans le lit. Il ramena le drap sur son torse et s'adossa contre la tête de lit, un genou relevé, un bras posé dessus. Il fit tourner son verre, les yeux fixés sur son contenu, tandis que son sourire s'évanouissait. Il finit par en boire une longue gorgée. Le regard de Drago fut immédiatement attiré par ses lèvres, que le vin avait teintées de rouge foncé. Potter surprit son regard. Ses yeux s'adoucirent et il sembla se détendre. Il tendit le bras qui ne tenait pas son verre pour dégager les cheveux qui effleuraient le front de Drago.
— Passe Noël avec moi, dit-il doucement, ses doigts s'attardant contre la tempe de Drago.
L'estomac de ce dernier se retourna. Il fit fi de sa réaction et grogna un « Tu ne vas pas t'y mettre aussi », avant de prendre une gorgée de vin.
— Tu viens de recevoir ton cadeau de Noël, ajouta-t-il avec légèreté en s'écartant de sa main.
Cette dernière resta immobile en l'air un peu trop longtemps avant de retomber.
— Je… oui. Merci, répondit Potter en lui lançant un sourire timide. Mais ce que je voulais, c'était… Dimanche. Chez les Weasley. Tout le monde peut venir il y a toujours beaucoup d'invités. Je me disais juste que… tu pourrais peut-être avoir envie de m'y accompagner.
— Potter. Tu me connais, non ?
Le regard timide fut traversé par un éclat de colère. La mâchoire de Potter se serra.
— Oui, dit-il. Bien évidemment. Ce que je voulais dire, c'était…
— Écoute… l'interrompit Drago avant de prendre une dernière gorgée de vin et de poser le verre sur la table de nuit.
Il se leva. Les muscles de ses jambes protestèrent un peu et il sentit un frisson le traverser, dû à la fois à la douleur qui parcourut son corps et au fait qu'il n'avait pas encore pris de douche (mais il aurait le temps de le faire une fois rentré chez lui). Il devait d'abord partir d'ici, et vite. Le regard de chien battu que Potter arborait actuellement l'affectait bien plus qu'il ne voulait le reconnaître.
— C'était sympa, poursuivit-il en désignant vaguement le lit. Comme tu t'en doutes, j'aime ce que tu es capable de faire au lit, sinon je ne prendrais pas la peine de supporter ton vin dégueulasse et ton manque de conversation.
Il se força à lui lancer un sourire peu convaincant. Il avait l'estomac noué.
— Malefoy…
— Mais pour tout ce qui est réunion de famille, faut pas compter sur moi, d'accord ?
Il essaya d'empêcher ses mains de trembler alors qu'il remettait en chancelant son pantalon. Il le ferma puis ramassa sa chemise par terre et la jeta négligemment sur ses épaules. Il ne tenta même pas d'en fermer les boutons, sachant très bien qu'il n'arriverait jamais à les passer dans les minuscules petits trous en cet instant précis.
— À moins que tu ne souhaites sincèrement que Molly Weasley me demande la nature de notre relation.
Il s'efforça à nouveau de sourire, mais dut paraître plus mal à l'aise qu'autre chose. Potter avait baissé les yeux sur ses mains, les épaules rentrées, mais il releva la tête en entendant cette dernière phrase.
— Et quelle est, exactement, la nature de notre relation ?
Drago lui lança un regard noir en soupirant de façon dramatique.
— Ne fais pas ça, dit-il.
— Quoi donc ? Qu'est-ce que tu as aussi peur d'admettre ? demanda Potter en haussant la voix.
— Qu'est-ce que moi j'ai peur de… ? commença-t-il avant de s'interrompre. Comme si tu avais envie de parader avec quelqu'un comme moi devant les Weasley !
Potter en resta bouche bée.
— Ce n'est pas un secret pour eux, contrairement à ce que tu sembles croire.
Drago s'efforça d'en rire.
— Mais bien sûr. Pourquoi ne pas tous se retrouver comme une grande et heureuse famille ? « Mrs Wealsey », continua-t-il sur un ton moqueur, « pourriez-vous s'il vous plaît passer le Christmas pudding au Mangemort que je baise ? » Tu as raison, aucun problème à ça.
— Quoi ? Drago…
— Écoute Potter, intervint Drago.
Il tressaillit en l'entendant l'appeler par son nom de famille. Cela créait indéniablement une distance entre eux. Drago se contenta de plisser les yeux et de s'évertuer à réprimer les émotions qui secouaient son corps tout entier. Il était hors de question que Potter et lui s'impliquent dans autre chose qu'une simple partie de jambes en l'air de temps en temps. Cet idiot le savait très bien, n'est-ce pas ?
— On s'envoie en l'air, d'accord ? Tu me fais prendre mon pied, et j'aime coucher avec des hommes puissants. Ne me dis pas que tu pensais être le seul ? Oh, c'est trop triste.
Il croisa les bras en soupirant. L'expression blessée de Potter lui alla droit au cœur, mais il se reprit rapidement.
— J'ai du travail en Bulgarie cette semaine, et après…
Le visage de Potter se déforma.
— Krum ? l'interrompit-il, contenant difficilement sa colère. C'est avec lui que tu couches ?
— Non ! s'exclama Drago avant de se reprendre. Enfin, peut-être. Ça ne te regarde pas. Comme j'étais en train de te dire, après ça, Blaise et moi allons à Paris pour le Nouvel An, reprit-il avec légèreté en se dirigeant pieds nus vers la porte. La meilleure façon de fêter la nouvelle année, c'est de voir des mannequins défiler en string qui sera confectionné de guirlandes. Je t'enverrai un hibou en rentrant si je me sens l'envie d'une petite culbute.
Il s'apprêtait à sortir.
— Drago.
Il s'arrêta, la main crispée sur la poignée. Potter ne le regardait pas mais sa voix était ferme lorsqu'il déclara :
— Si c'est vraiment ce que tu ressens, alors rends-moi service et ne m'envoie pas de hibou lorsque tu rentreras.
Il ne releva la tête que sur ce dernier mot, transperçant Drago d'un regard furieux. Ce dernier se retrouva momentanément paralysé. Les yeux brillants de Potter semblaient lire en lui. Il déglutit puis haussa les épaules.
— Comme tu veux, balança-t-il par-dessus son épaule.
Il se dirigea vers la cheminée en attrapant au passage le reste de ses affaires éparpillées dans l'appartement, et partit avant que Potter essaie de poursuivre cette discussion.
xxx
Drago sortit de sa cheminée sur des jambes flageolantes. Il se rattrapa sur le dos du canapé. Il resta immobile dans le salon pendant quelques minutes, appréciant l'obscurité et le silence, qui l'apaisèrent.
Potter se montrait complètement déraisonnable, mais ce n'était pas le premier homme à s'attacher plus que ne l'aurait voulu Drago. Il prit une profonde inspiration et opina, comme pour s'en convaincre. Il valait mieux en rester là, avant que quelqu'un ne finisse par en souffrir. Potter s'investissait clairement davantage dans leurs petits rendez-vous que Drago, alors il se devait de lui faire une faveur en s'éloignant de lui jusqu'à ce que le brun s'en remette. Il referma sa chemise et alluma la lumière d'un coup de baguette.
Il n'employait plus d'elfes de maison et, bien que Blaise était toujours sur son dos à lui conseiller d'employer quelqu'un pour nettoyer, Drago s'était jusqu'à maintenant satisfait d'un coup de baguette de temps en temps.
Cependant, son appartement semblait plus froid que d'habitude et, malgré la lumière allumée, il semblait… sombre. L'architecture décloisonnée, qu'il avait toujours adorée, lui laissait une impression de vide et de grandeur. Les hauts plafonds semblaient lui tomber dessus et l'escalier en colimaçon menant au loft projetait des ombres sur le sol carrelé. Durant un bref instant, il ressentit une telle tristesse qu'il faillit en vaciller. Il se redressa à temps en sentant l'arrière de ses genoux heurté le canapé. Il se frotta les yeux.
— Du chilien ? marmonna-t-il en se dirigeant dans la chambre puis dans la salle de bains adjacente. Potter est un menteur.
Il se mit sous le jet d'eau chaude. Il se passa les mains sur le visage puis dans les cheveux. Cela allait mieux. Oui. La vapeur l'entoura et il rinça les dernières traces de Potter de son corps. Il réussirait à s'y faire, de ne plus pouvoir appeler Potter pour une petite partie de jambes l'air quand l'envie lui en prenait. Ce n'était pas un drame. D'autant plus que cela allait sûrement lui faire du bien d'être chez lui avant minuit, pour une fois. Il allait passer une bonne nuit de sommeil et se réveiller frais et dispos.
Il ferma le robinet et attrapa une serviette en sortant de la cabine. Il se retrouva dans la salle de bains embuée. Sa peau était rosie et sa tête le lançait quelque peu. L'eau de la douche avait été brûlante. Il entreprit de désembuer le miroir avec un gant de toilette propre, mais la buée ne s'évapora pas. Fronçant les sourcils, il frotta avec davantage de vigueur. Ce faisant, le miroir se mit à se rider.
Ce ne fut qu'un très léger mouvement au départ : la vapeur chancela, comme de douces vagues. Une silhouette commença à prendre forme. Il ne parvenait toujours pas à distinguer son reflet. À travers la volute de vapeur, un autre visage émergea. On aurait dit…
Sa mâchoire lui en tomba et il eut un brusque mouvement de recul, se cognant au passage le coude dans le porte-serviettes.
— Bordel, grommela-t-il avant de faire à nouveau face au miroir.
Le visage avait disparu et la vapeur commençait à s'évaporer. Ce n'était qu'un banal miroir.
Il le fixa en clignant plusieurs fois des yeux, comme pour s'en assurer, avant de se sécher entièrement et d'enfiler le pyjama qu'il avait suspendu ce matin à un crochet. Génial. Potter l'avait rendu fou. Il se passa la serviette dans les cheveux, secoua la tête comme pour s'éclaircir les idées puis entra dans la chambre.
Assis dans le fauteuil qui faisait face à son lit se trouvait le fantôme de Severus Rogue.
Drago prit une brusque inspiration, s'arrêtant soudain dans son élan, de telle sorte que la porte de la salle de bains lui heurta violemment le pied en se refermant.
— Aïe ! Bordel de merde…
Il s'interrompit en grimaçant pour lancer un regard noir au fantôme.
— Un petit avertissement préalable, ç'aurait été trop demandé peut-être ? Vous m'avez foutu les pétoches.
Rogue resta de marbre.
— Drago, dit-il en guise de salutations, la voix encore plus basse que lorsqu'il était en vie. Comment vas-tu ?
Drago croisa les bras sur la poitrine.
— J'ai le coude éraflé et mon doigt de pied me fait mal.
— Es-tu surpris de me voir ?
— Bien évidemment.
Quel bel euphémisme ! Drago se rendait bien compte qu'il parlait pour ne rien dire et se montrait mal poli. Et ce uniquement dans le but de faire taire ce qu'il ressentait réellement – un mélange de peur, de choc et de joie.
Lorsqu'il se rendit compte que Rogue ne répondrait pas, Drago prit un air contrit en s'asseyant au bord du lit.
— Oui, répéta-t-il plus doucement. Merlin, poursuivit-il en essayant de rassembler ses esprits, je ne vous ai pas vu depuis…
— Ma mort.
— Oui, c'est ça.
Drago déglutit. Il prit une minute pour observer le fantôme. Cela faisait bien longtemps qu'il avait abandonné tout espoir de voir Rogue se matérialiser devant lui sous sa forme fantôme il avait passé la majeure partie de l'année qui avait suivi la guerre à se demander comment le faire apparaître. Il avait même essayé d'utiliser un sortilège d'Attraction le jour de l'anniversaire de la Bataille, en vain. Il en était ressorti avec un mal de crâne terrible et une pile de manuels de potions qui venait d'apparaître à ses côtés sur l'établi. Mais maintenant que Rogue se trouvait devant lui, Drago se rendait compte qu'il ne ressemblait en rien à ce à quoi il s'était attendu.
D'une part, sa robe était presque entièrement recouverte de grosses chaînes noueuses glissées autour de ses bras, de ses jambes et de son torse. Elles semblaient lourdes, voire douloureuses, et entravaient chacun de ses gestes.
— Ces… commença-t-il en les désignant de la main.
Il attendit mais Rogue n'offrit aucune explication. Il fronça les sourcils, renonçant à comprendre, et détourna les yeux un instant.
— Que faites-vous là ? demanda-t-il à la place.
— Crois-moi, commença Rogue d'une voix qui résonna dans la chambre, je ne suis pas là par choix. Je préférerais m'en aller tout de suite et laisser les vivants foutre leur vie en l'air comme ils l'entendent.
Les sourcils de Drago se haussèrent. Il ne savait pas s'il devait rire ou pleurer de constater que Rogue était non seulement le même salaud que lorsqu'il était en vie, et peut-être encore plus mal embouché qu'avant.
— Mais il semble que je doive m'assurer que tu décides de suivre une meilleure voie.
— Moi ? Qu'est-ce qui ne va pas dans ma vie ?
Rogue le fixa.
— As-tu réellement besoin de me le demander ?
Par habitude, Drago désigna son appartement d'un geste de la main.
— Je m'en sors plutôt bien. Non ? ajouta-t-il après une soudaine hésitation.
— Qu'en penses-tu ?
Drago redressa le menton.
— J'ai de l'argent. Mon argent, pas celui de mon père. J'exerce une profession que les gens respectent… la plupart du temps. Je possède un appartement que tout le monde envie. J'ai…
— Des choses ! l'interrompit Rogue avec un vrai rire (sombre et loin d'être agréable à l'oreille). Félicitations. Tu as des choses.
— Quelles sont les autres choses qui importent réellement, au fond ?
Il regretta ses paroles dès que les mots sortirent de sa bouche. Il persista tout de même :
— En plus, vous n'aviez rien de tout ça et vous aviez l'air malheureux. C'est toujours le cas aujourd'hui, d'ailleurs, déclara-t-il en désignant la multitude de chaînes. Que vous est-il arrivé ?
— Je suis malheureux ! s'écria Rogue en se levant du fauteuil au prix d'un grand effort.
Il s'approcha de Drago et les chaînes s'entrechoquèrent à chaque pas, comme le murmure s'élevant des morts. Malgré lui, Drago se recula sur le lit.
— Voilà ce qui ressort de ma misérable vie, cracha-t-il en levant les deux bras. Je me suis forgé une chaîne pour chaque enfant que j'ai intimidé, chaque parole sévère que j'ai prononcée. Et pire encore, bien sûr, continua-t-il en baissant la voix et en fixant le sol, pour chaque torture, pour chaque blessure que j'ai causée. Pour chaque jour passé au service du Seigneur des Ténèbres. Pour chaque meurtre.
Drago en resta bouche bée.
— Mais vous avez été disculpé ! Tout le monde sait pourquoi vous avez fait tout ça. Vous y étiez obligé. Vous nous avez sauvés, ajouta-t-il dans un murmure.
— La raison importe-t-elle réellement ? Ça n'efface pas mes actes. J'étais empli de colère, de solitude et de chagrin à longueur de temps.
Drago en fut sincèrement touché. Il n'avait jamais entendu Rogue parler avec autant d'honnêteté. Il ramena ses genoux contre son torse.
— J'ai repoussé quiconque essayait de me connaître, reprit Rogue en se rasseyant dans le fauteuil et en réarrangeant les chaînes qui l'entouraient. J'étais parti du principe que l'amour ne pouvait mener qu'au désespoir. Je faisais appel à des prostituées pour mes besoins physiques et n'ai jamais laissé personne me considérer comme son ami.
Drago retint une grimace. C'était apparemment l'heure du grand déballage.
— Je ne sais pas quoi dire, déclara-t-il avec sincérité. Je ne savais pas. N'y a-t-il pas quelqu'un à qui nous puissions faire appel – un organisme régulateur des fantômes ou un truc du genre ? Je devrais pouvoir me libérer dans quelques temps… réfléchit-il à haute voix. Pour la troisième semaine de janvier, peut-être. Je verrais si le bureau des Goblins en a entendu parler. J'écrirais une note de service.
— Drago ! s'indigna Rogue d'une voix qui résonna comme un coup de tonnerre, impression renforcée par le cliquetis des chaînes lorsqu'il se leva. Ce n'est pas la raison pour laquelle je suis ici. Tu es en train de te forger ces mêmes chaînes, conclut-il d'une voix qui continuait à gronder.
Il pointa son index sur Drago. Les chaînes qui reliaient son bras à sa taille se tendirent.
— Quoi ? Je n'ai jamais tué qui que ce soit !
— Peut-être, mais ça ne t'empêche pas de n'être qu'un malheureux égoïste !
Rogue laissa retomber son bras mais ne perdit rien de son aspect effrayant. Le cœur de Drago se mit à battre à cent à l'heure.
— Précisément aujourd'hui, qu'as-tu fait ? Tourné le dos à quatre personnes différentes, qui essayaient de te témoigner de la gentillesse.
— De la gentillesse ? C'était donc ça ?
Il ricana, mais sentit immédiatement une pointe de culpabilité se former dans sa poitrine.
— Ces personnes sont des enquiquineurs, reprit-il.
Mais sa voix tremblait.
Il savait très bien que ce n'était pas du tout le cas d'Andromeda, et que Lovegood et Chang ne faisaient que leur travail. Potter… Drago déglutit. Il préférait ne pas y penser.
Rogue s'était tu et était retourné s'asseoir dans le fauteuil.
— Drago, déclara-t-il doucement. Écoute-toi.
Le cœur de Drago battait la chamade et ses paumes étaient moites.
— Je voudrais que vous vous en alliez maintenant, murmura-t-il.
— Dans un instant, oui. Mais avant, je suis là pour te délivrer un message.
— Je crois que vous m'en avez suffisamment dit pour ce soir.
Rogue l'ignora et continua :
— Trois esprits vont te rendre visite.
Drago redressa brusquement la tête.
— Quoi ? Oh, Merlin, non.
— Tu devrais être content de ne pas avoir le choix, rétorqua Rogue d'un ton mordant. Sans eux, tu continuerais sur la voie que tu as empruntée, à te forger de plus en plus de chaînes au fil des jours.
Pour plus d'emphase, il les fit s'entrechoquer avant de reprendre :
— Attends-toi à recevoir le premier lorsque sonnera une heure du matin. Le second à deux heures et le troisième à trois heures.
— Alors c'est comme ça que je vais passer mon Noël – à attendre que des esprits me terrorisent ? Ne puis-je pas tous les recevoir d'un coup et en finir avec cette histoire ?
— Parce que tu avais d'autres projets, peut-être ? demanda Rogue avec aigreur.
— Oh, alors ça, c'est facile… Potter et ma tante ne suffisent pas, à ce que je vois, vous allez vous aussi me faire la morale sur ce qu'est l'esprit de Noël ?
— Sûrement pas, grommela-t-il. Je laisse volontiers ça à mes collègues.
Un silence s'installa dans la chambre pendant un long moment alors que Drago essayait de trouver quoi dire. Il finit par s'humecter les lèvres et demander, en fixant ses mains :
— Pourquoi faites-vous ça ? Ne suis-je pas venu assez souvent sur votre tombe ? Je viendrai plus. Ce n'est pas faute de vouloir. Mais…
Il s'interrompit pour prendre une profonde inspiration.
— C'est dur, finit-il par murmurer. Vous me manquez.
Quand il rassembla suffisamment de courage pour jeter un coup d'œil au visage de Rogue, ce dernier lui parut toujours aussi fatigué. Son expression neutre s'était fendillée et laissait apercevoir une pointe de tristesse.
— Apprends des esprits, murmura-t-il d'une voix chaude et basse. Change de voie, Drago, avant qu'il ne soit trop tard.
Sur ce, il disparut.
xxx
Drago resta immobile un long moment après la disparition de Rogue. Il ne se rendit compte qu'à l'instant où il se leva pour remettre la couverture en place sur son lit que ses mains tremblaient.
Il monta dans le lit en se passant la main sur le visage pour essayer de se libérer de l'image tenace de Rogue, encore plus impressionnante et épouvantable que lorsqu'il était encore en vie. Le revoir après sept ans s'avérait tout à la fois merveilleux et insupportable. Drago s'allongea sur le dos, fixant le plafond. Lorsqu'il était encore en vie, Rogue s'était toujours arrangé pour venir le voir au moment précis où Drago avait besoin d'aide ou de conseils. Était-ce à nouveau le cas aujourd'hui ? L'idée de Rogue qui l'observait et jugeait les choix qu'il faisait pour mener sa vie – et qui les considérait de toute évidence irraisonnés…
Le cœur de Drago se fit lourd. L'opinion que Rogue avait de lui avait toujours importé à ses yeux. La mort n'avait semble-t-il rien changé à cela. Il ne pouvait nier, maintenant qu'il y réfléchissait, que l'idée que Rogue le considérait comme un malheureux égoïste lui retournait l'estomac, exactement comme cela aurait été le cas quand il avait seize ans.
Il ferma les yeux, soudain épuisé de sa journée. Il entendit à peine le lointain tintement d'une pendule.
Il fut réveillé en sursaut.
Le tintement s'intensifiait, comme si la pendule s'approchait de la porte de sa chambre. Une vieille pendule se trouvait bien dans le salon, mais elle ne faisait aucun bruit. Drago se frotta les yeux et saisit sa baguette sur la table de nuit. Il se leva du lit et se dirigea à pas feutrés vers la porte. Après coup, il s'arrêta pour récupérer un tee-shirt dans la commode. Se retrouver face à un esprit alors qu'il était habillé d'un simple pantalon de pyjama n'était peut-être pas très approprié.
Il jeta un œil sur le tee-shirt et soupira. Bon sang. Il appartenait à Potter. L'un de ces vieux tee-shirts de Quidditch délavés qu'il portait tout le temps, assortis à un jean, quand il passait ici. Pourquoi Drago n'avait pas largué cet idiot plus tôt pour lui préférer quelqu'un qui savait au moins porter une chemise avec boutons, il n'en avait aucune idée. Le tissu était doux. Merlin, l'odeur de Potter y était encore présente. Il hésita.
La pendule sonna. Ce manège durait depuis environ vingt-cinq minutes maintenant. Bon sang. Il enfila le tee-shirt et se dirigea vers la porte de la chambre.
Avant qu'il ne l'atteigne, cependant, le tintement s'arrêta et un brusque jet de lumière emplit la pièce.
Il disparut aussi soudainement qu'il était venu. Drago resta debout, immobile, à cligner des yeux. Des points noirs et blancs dansaient devant ses yeux. Une fois sa vue rétablie, il aperçut une jeune femme debout près de la fenêtre.
— Essayez-vous de m'aveugler ? s'indigna-t-il.
Bien plus incrédule que réellement énervé, il se rendit alors compte que Rogue n'avait pas plaisanté. Il devait s'agir de l'esprit promis. Elle semblait faible. Une petite chose mince et délicate. Elle portait une chemise de nuit qui paraissait aussi légère qu'elle, sans manches, d'une étoffe gracieuse et fluide qui lui arrivait presque aux chevilles. Elle était pieds nus et ses longs cheveux détachés lui tombaient aux épaules. Elle était assez jolie, même si complètement transparente et reflétant une faible lueur bleu-gris dans l'air de la nuit.
— Non, répondit-elle simplement d'une voix légère et insouciante.
Drago changea de tactique :
— Très bien… Donc vous êtes l'esprit dont Rogue m'a parlé ?
— En effet.
— D'accord… et qui êtes-vous, au juste ?
Son sourire se fit plus chaleureux, plus sincère, et elle répondit en écartant les bras :
— Je suis le fantôme d'un Noël passé.
Drago la fixa, sans comprendre.
— Mais… qui étiez-vous dans votre vie ? Pourquoi êtes-vous retenue ici ?
Elle secoua la tête sans répondre. Il s'appuya contre la commode.
— Très bien. Donc vous êtes une sorte de Pensive, c'est ça ? « Un Noël passé », c'est assez vaste.
— De votre passé, précisa-t-elle doucement. En effet, j'imagine qu'on peut me comparer à une Pensive. À la différence près que vous ne pouvez pas choisir les souvenirs que vous désirez me montrer, ajouta-t-elle, les yeux brillants et le menton relevé. Je sais tout de vous, Drago Malefoy.
Voilà qui était on ne peut plus troublant.
Elle fit un pas vers lui, la main tendue, et déclara :
— Suivez-moi.
Il hésita, avant de penser à Rogue. Il n'avait jamais mis Drago en danger auparavant. C'était la seule personne en qui il avait toujours eu confiance. Il prit la main glaciale de l'esprit. Lorsqu'elle l'amena à la fenêtre, cependant, il s'arrêta.
— Rogue vous a-t-il dit que j'étais capable de voler ? Parce que ce n'est pas le cas.
— Vous êtes en totale sécurité avec moi, dit-elle en désignant leurs mains du menton.
Drago envisagea les options qui s'offraient à lui. De toute façon, il était sûrement en train de rêver de tout cela à cause du vin ignoble que Potter lui avait servi, alors quelle différence cela faisait-il ?
