C'était du passé tout ça. Si elle le revoyait il ne se passerait plus rien, elle n'avait plus de haine, plus de reproches, plus de remords. Elle avait fini par accepter, accepter leur histoire imparfaite et pourtant si belle. Car oui, ça avait été purement beau, ou bien elle le croyait et l'avait tant fantasmé que ça l'était devenu. C'était ce qui l'avait faite, au plus profond d'elle, ce qui avait obnubilé toutes ses pensées, toute son imagination, elle s'était jetée corps et âme dans cet amour, si pur, mais si détestable à la fois. Et elle avait secrètement voulu qu'il vienne vers elle, qu'il l'entraîne dans sa décadence, elle n'y voyait qu'une transcendance de son être : elle pensait qu'il vibrait lorsqu'il gâchait tout et l'admirait pour ça, pour la force qu'elle croyait qu'il détenait, celle de vivre pleinement, sans contrainte de morale. Elle avait tant vibré pour lui, puis s'en était trop, il fallait que ça s'arrête. Elle était bien trop lucide pour ne pas se rendre compte du désastre auquel il la guidait. Des mois à le haïr sans trop savoir pourquoi s'étaient écoulés et elle se retrouvait là, seule, se persuadant elle-même que tout sentiment pour lui avait déserté son âme, que si elle le voyait elle pourrait simplement lever la tête, fière. Car elle en avait des raisons d'être fière, elle s'était reconstruite, en aimait un autre, étudiait les matières les plus stimulantes qu'il soit, elle ne pensait qu'à toiser le monde environnant, ce monde qui, elle le savait bien, lui était inférieur.

Alors elle marcha, des écouteurs vissés dans les oreilles, le regard fixe, loin devant, toujours plus loin, la tête haute, impassible. Les feuilles pouvaient tourbillonner, elle n'en faisait rien, le vent pouvait la fouetter, elle fixait toujours l'horizon, ses boucles jaillissant de toutes parts autour de son visage si fermé. Puis elle le sentit, lui, ses yeux anthracites, assis le long de son chemin habituel, et elle ne put s'empêcher de le regarder, et ce une seconde de trop pour pouvoir conserver sa stature si supérieure, si hautaine, elle passa néanmoins devant lui, mimant de ne l'avoir vu, la tête basse, enfouie dans sa chevelure. Et ça la minait car désormais il le savait, elle l'avait découvert au même instant : on n'oublie pas comme ça Draco Malfoy.