Bonjour, bonsoir à toutes et à tous.
Cette fic sera un three-shot ou au pire des cas un four-shot (je ne crois pas que ça se dise). Au départ elle ne devait être qu'un OS qui a pas mal dérivé.
Je n'aimais pas Nash soyons clair et j'aurais plus tendance à l'acoquiner avec Haizaki la teigne de service mais bon. Les voies de l'imagination sont impénétrables.
Je préviens aussi que le langage fleuri de notre cher tatoué sera cru. J'aime à le voir ainsi, même si on sait très peu de choses le concernant. J'ai conscience que ce pairing spécial (mon pairing malsain) peut ne pas plaire, mais ce n'est pas grave, je vous le propose quand même ^^
NB : Pour le titre de la fanfic ainsi que ceux des chapitres, j'ai pris des titres de chansons du crooner américain Chris Isaak que j'aime énormément, ça correspond bien à l'ambiance de mon histoire.
Enjoy comme on dit ^^
Bonne lecture,
Perigrin.
~OoOoOoOoOoO~
Wicked Game
~OoOoOoOoOoO~
Chapitre 1
Don't Make Me Dream About You
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Il faisait chaud en ce début d'après-midi de juillet à l'aéroport de Los Angeles. Taiga attendait tranquillement à l'intérieur du hall principal l'arrivée d'Alex qui venait le chercher, profitant de la climatisation. Casque vissé sur les oreilles, il ne prêtait pas attention aux usagers qui allaient et venaient à côté de lui. A vrai dire, il ne se trouvait pas déboussolé même si dans le pays de l'Oncle Sam tout était démesurément grand et clinquant. Il écoutait sa playlist défiler pour passer le temps, connaissant déjà les lieux.
Il venait ici en vacance pour se ressourcer. Mine de rien le climat californien lui manquait, sans compter sa famille et Alex bien évidemment. Il avait encore quelques potes mais ce n'était pas comparable à son amitié fusionnelle avec Himuro, d'ailleurs l'adolescent se demandait s'il allait les retrouver une fois sur place… Tout le monde changeait, et à cause de l'éloignement les liens s'affaiblissaient, voire se rompaient. Taiga aurait bien aimé que son frère de cœur l'accompagne. Il lui avait proposé mais le beau brun avait décliné non sans regret. Il partait de son côté à Tokyo dans la famille de Murasakibara, chose étrange pour le souligner. Pour quelle raison, ça le tigre de Seirin l'ignorait. Alors il était un peu jaloux, pas mal. Beaucoup même. Ce troll des montagnes commençait d'empiéter sur son territoire en s'accaparant toute l'attention d'Himuro. En son for intérieur, Taiga ressentait de la peur à être évincé de la sorte. Peut être qu'avec le temps, son lien privilégié allait s'effilocher aussi.
Le jeune homme possédait un caractère entier, avec lui c'était tout ou rien. Soit il vous haïssait cordialement et dans ce cas le faisait bien ressentir, ou au contraire vous adorait. Et là sa possessivité s'exprimait sans limite. Ses camarades en faisaient les frais tous les jours. Enfin, ce défaut cachait également une qualité parce qu'il n'hésitait jamais à venir en aide à un de ses amis en difficulté, ou le couvait de ses attentions. Sous ses apparences de fauve sauvage, abritait un chat ronronnant et affectueux. Mais ça, il ne fallait pas le divulguer…
Le soleil se réverbérait derrière les vitres géantes de l'aéroport, offrant un cadre merveilleux baigné de lumière. Le ciel typique de cet état, d'un bleu sans nuage, presque éblouissant le réjouissait. Taiga avait une envie folle de renouer avec son autre passion : le surf. Il pourrait se baigner tous les jours dans l'océan Pacifique et profiter de ce sport immersif. Dans ce domaine aussi on pouvait affirmer que le jeune homme se révélait doué, pourtant il le prenait moins au sérieux que le basket. Néanmoins ses aptitudes pour ce sport de glisse en laissait plus d'un bouche bée. Et puis sa musculature l'aidait grandement, avouons-le. Il ne voyait pas les heures passées sur sa planche, brassée par les vagues. Là aussi il recherchait l'adrénaline, le plus gros, le plus puissant rouleau pour s'engouffrer dans un tunnel d'eau. Cette sensation d'être à mi-chemin entre l'air et la mer le grisait. C'était comme s'il se trouvait ailleurs, dans un autre monde. Seul le bruit assourdissant de la vague résonnait à ses oreilles, noyé dans un silence absolu. Taiga avait l'impression de régner sur l'océan à la façon des pirates de l'époque. De surcroît, les sensations éprouvées lors de ses séances aquatiques l'épuisaient, lui démontaient carrément les muscles. Et en bon masochiste, il adorait tout simplement ça. La douleur de sentir chaque parcelle de son corps, la certitude de s'être donné à fond. Taiga était monté sur ressort, ne tenant pas en place une minute, pour canaliser cet élan il lui fallait des sports extrêmes, fatiguant.
Ses pieds martelaient le sol d'impatience, ses yeux rivés sur les baies vitrées. Même si pour aujourd'hui son escapade tombait à l'eau, il voulait au moins se vivifier au bord de la plage. Un bip sonore le tira de ses pensées, un message de son mentor le prévenait qu'elle était sur la route, coincée dans un embouteillage. Ah les joies des mégalopoles surpeuplées ! Chouette. Puis un autre de Kuroko lui demandant de l'avertir si son vol c'était bien passé. Sous ses airs impassibles le japonais s'inquiétait pour son ami. Ce qui aurait dû réjouir le roux, l'attrista. Parce que cette attention louable n'était pas celle qu'il espérait. Taiga eut un pincement au cœur en voyant le nom de son binôme inscrit sur son écran. Il envoya rapidement un texto pour lui répondre en se promettant de l'appeler plus tard. Là le moment ne s'y prêtait pas.
Il soupira. D'un coup l'atmosphère se fit lourde, sans comprendre pourquoi. En relevant machinalement la tête, Taiga vit à l'autre bout du hall, dans une file d'attente, un individu encore plus exécrable qu'Haizaki et Hanamiya réunis… On ne pouvait passer à côté de ce type m'as-tu-vu au possible, surtout avec son tatouage lui mangeant la totalité du bras. En face, Nash Gold Jr alias « l'Emmerdeur de Beverly Hills » ou « le Connard de pacotille », faisait la queue sûrement pour prendre ses bagages.
Pas possible ! Avec la superficie globale du pays, il avait fallu que Taiga se trouve au même moment avec cet empaffé décoloré – oui il ne pouvait pas le sentir. Il ne décollait d'ailleurs pas ses iris pyropes de cette silhouette effilée. Sa mâchoire se contractait le faisant grincer des dents tandis qu'une petite veine sur son front pulsait de rage. S'il s'écoutait, il irait immédiatement bondir par-dessus les sièges, les gens, pour lui coller un pain mémorable. Son attitude plus qu'arrogante l'avait mis dans une rage innommable. Et pourtant il en fallait pour que Kagami arrive à détester quelqu'un, de nature plutôt bonne pâte il se révélait amical, se liant facilement d'amitié avec n'importe qui. N'importe qui sauf Monsieur Je-me-la-pète bien sûr. Et cedit Monsieur en question dut sentir le poids d'un regard meurtrier sur ses épaules car il tourna sa tête dans sa direction. Son expression plutôt étonnée ne dura qu'une seconde tout au plus. Le grand blond se reprit et grimaça à la vue de Kagami en train de le dévisager. Il arbora un rictus de dégoût suivi d'un sublime doigt d'honneur à son encontre. Autrement dit, il lui souhaitait bon séjour dans la courtoisie la plus totale.
De son côté le tigre rageait de plus en plus. Mais quel sombre connard ! Ce n'était pas une découverte mais tout de même, jamais de sa vie ce type devait être sympathique, même une minute. Ah non ! A son tour, pour répliquer, Taiga donna la même salutation cordiale en lui tirant la langue en prime. L'autre sembla hésiter à venir lui refaire le portrait, il commença à effectuer un mouvement pour se soustraire de la file mais se ravisa. Il haussa les épaules, un air dédaigneux affiché sur son visage. Foutu amerloque, se dit Kagami. Sans penser qu'une partie de ses origines venait également de ce continent, mais bref ce n'était qu'un détail.
Taiga se dirigea vers la sortie, aussitôt le soleil de plomb agressa ses rétines. Il mit une paire de lunette Hugo Boss – rien que ça – afin de se protéger. Avec son débardeur large noir et son baggy en denim, il faisait sensation, un vrai californien. Seulement sur ces terres il passait plus inaperçu qu'au Japon, ce qui lui convenait parfaitement. Au bout d'un quart d'heure tout de même, il réussit à rejoindre Alex qui l'attendait adossée près d'un muret, de son attitude nonchalante et sexy. Elle ne changeait pas au fil des années, toujours aussi belle et pulpeuse. Elle se jeta à son cou, bouche en cœur pour lui dire bonjour. Taiga n'eut pas le temps d'esquiver cette attaque impérieuse, il se reçut un énorme baiser en guise de « bonjour ».
— Oh Taiga je suis si heureuse de te voir ! lança la demoiselle avec une tape sur l'épaule carrée. Tu as fait bon voyage ? Tu es fatigué ? Tu restes combien de temps exactement ? Et Tatsy va bien ? Dommage qu'il ne soit pas venu avec toi…
Son débit battait des records, elle devait sûrement parler en apnée. Le pauvre Kagami n'arrivait pas à en placer une.
Le long du chemin jusqu'à sa voiture, elle n'arrêta pas de parler et surtout de poser des questions à son petit poulain. Ils s'installèrent à bord de la décapotable américaine, après avoir rangés les valises dans le coffre, et partirent en direction de l'appartement des parents du jeune homme. L'air lui fouettait le visage, le paysage urbain constitué d'immenses tours de verre, d'autoroutes, de palmiers, de panneaux publicitaires le désarçonna un peu. Tout était tellement plus grandiose en Amérique, plus clinquant, plus bling-bling. Kagami s'aperçut qu'il avait perdu ce côté « exhibitionniste » depuis qu'il vivait au Japon. Quelque part il devenait à son tour un étranger. Cependant, au loin, dès qu'il vit un petit bout turquoise, son cœur s'emballa. L'océan, merveilleux et inquiétant. Bientôt il allait le retrouver.
Alex accompagna son protégé jusqu'au hall de son immeuble en lui ordonnant de venir dès le lendemain la voir. Encore une fois, en guise d'au revoir, elle se plaqua contre le buste de l'adolescent rouge de gêne et lui fit un bisou sur la bouche. Les voisins qui sortaient les regardèrent comme des bêtes curieuses – ou des obsédés sexuels – ce dont Taiga aurait préféré éviter. Il monta dans l'ascenseur de cette immense tour moderne, presque au dernier étage. Sa famille habitait un magnifique loft dans le plus pur style californien, c'est-à-dire bien tape à l'œil, bien cher et bien blanc. Parce que le blanc représentait la vie ici, ou plus particulièrement le modernisme poussé à son paroxysme. L'adolescent se fichait éperdument de tout ça mais ne crachait pas non plus dans la soupe. Il n'avait jamais manqué de rien, son père étant un redoutable homme d'affaire. Il connaissait la valeur de l'argent et n'exposait jamais sa richesse aux yeux de ses camarades. Il sonna puis entra avec ses bagages. Par contre en entrant, Taiga fut décontenancé. La décoration avait encore changée, sa mère adorait la refaire dès que l'envie lui prenait. Encore une lubie de la mode californienne. D'ailleurs cette dernière accourut saluer son fils en l'enlaçant avec tendresse. Son fils unique lui manquait cruellement, elle le tannait sans cesse pour qu'il revienne vivre vers eux.
Kelly – de son prénom – était grande, élancée et bien faite de sa personne, prenant soin de son apparence. Elle possédait les mêmes caractéristiques que son garçon, à savoir des cheveux flamboyants qui lui tombaient au milieu du dos en anglaises et des yeux couleur rubis pétillant. Elle poussait le détail jusque dans sa manucure impeccable et excentrique. Si Taiga avait pour emblème celle du tigre, sa mère en avait les griffes. Elle aussi le bombarda de questions en l'emmenant au salon, ne lui laissant aucune minute de répit. Elle voulait tout savoir de sa vie nipponne, du nom de son professeur principal à celui de son équipier en passant par les plats qu'il préférait.
— Oh tu es blanc mon chaton, je suis sûre que tu ne manges pas correctement là-bas. Est-ce que tu prends l'air au moins ? Il n'est pas trop pollué ? Et quand est-ce que tu me parleras de ta petite amie, j'espère que tu en as une et qu'elle est gentille. Il paraît que les japonaises sont polies, je suis rassurée. Je ne voudrais pas que tu tombes sur une petite peste.
Le cerveau du roux venait de passer en mode « out » suite au voyage, au décalage horaire et aux assauts d'Alex couplés à ceux de sa maman adorée. D'ailleurs il la délaissa un moment afin de s'installer dans sa chambre. Sa chambre d'adolescent aux posters de star du basketball, obligé. Sur son bureau, un ordinateur portable de posé. Sur ses étagères, tous les prix qu'il avait gagné au cours de sa scolarité. Surtout des trophées de victoire liés au basket. En somme, une chambre lambda tout ce qu'il y avait de plus normal.
Son père venait de rentrer à son tour d'une journée épuisante, aussitôt Taiga alla le saluer d'une accolade. Dans sa famille, les marques d'affection étaient monnaie courante. Même si monsieur Kagami de par ses origines asiatiques conservait ce côté pudique, il se débridât au fil du temps. Ce dernier contempla son rejeton pendant de longues secondes avant de lui ébouriffer les cheveux.
— Et bien voilà, nous y sommes, tu m'as dépassé en taille.
— Ah ouais c'est pas bien difficile ! rit le roux.
Son père avoisinait presque les mètres quatre vingt, ce qui était très honorable pour un japonais mais pas assez pour rivaliser avec les un mètre quatre vingt dix de son fils. Lui par contre avait des cheveux noirs corbeaux typique des hommes de son pays natal. Ses yeux en amande pour preuve. D'un naturel plus discret, il n'accabla pas son fiston de questions en tout genre.
— Ce soir nous sortons, préparez-vous et mettez-vous sur votre trente et un, j'ai réservé une table dans un établissement prestigieux en l'honneur du retour de Taiga.
— Mais enfin papa il ne fallait pas !
— Tu dois être harassé mon amour après ta journée. C'est très gentil mais reportons cette sortie à demain, intervint Kelly.
— Non j'insiste. Je suis rentré plus tôt exprès, tu ne vas pas me gâcher ce plaisir ? Nous ne rentrerons pas tard, je suppose que le voyage se fait ressentir.
— Non ça va pa' t'inquiète pas !
Sur ce, Taiga alla se préparer. Bien que son père disposait d'une haute position sociale, il s'adressait à lui de façon normale, sans marque de distinction notoire. Il opta pour un costume sobre noir agrémenté d'une chemise carmine, cette couleur si chère à son cœur. Puis il disciplina sa crinière fauve en la coiffant en arrière, ne souhaitant pas paraître négligé pour aller au restaurant. Car connaissant les goûts de ses parents, ça devait être un établissement quatre étoiles minimum. Pour son plus grand bonheur son père avait également invité Alex à les rejoindre, connaissant son attachement particulier pour la jeune femme. Ses vacances commençaient bien, il ne regrettait pas d'être parti de la capitale tokyoïte.
Effectivement, monsieur Kagami n'avait pas lésiné sur la qualité du restaurant car le Deep, offrait non seulement un cadre sublime mais aussi une carte gastronomique très réputée. La décoration était sombre, amenée par les lambris de bois précieux sur les murs, sur les encadrements des larges baies et bien sûr les tables. Des bouquets de roses rouges disposés sur celles-ci conféraient une ambiance calfeutrée, ainsi que les lumières tamisées des appliques murales diffusant une lueur orangée. Au fond de la grande salle se dressait un immense bar en bois laqué noir qui contrastait avec le reste. Tout suintait le chic, la classe et le luxe. Taiga ne se sentait pas vraiment à l'aise, il ne cessait de tirer sur le col de sa chemise comme si elle avait la volonté propre de l'étrangler. Sa mère posa sa main sur la sienne pour lui signifier de laisser son habit en paix. Tout en réajustant son col, il se statufia au moment où le serveur vint prendre leur commande.
Instantanément il reconnut cette voix insupportable pourtant bien polie en cet instant. Cette intonation arrogante cachée sous une fausse affabilité lui donna envie de vomir. Ou de le frapper – encore. Taiga afficha un rictus pas du tout catholique et se retourna lentement. Il ne s'était pas trompé puisque l'employé en question n'était autre que le Magicien exécrable. Ses yeux couleur sang luisirent d'un éclat de prédation que jamais personne ne voyait, sauf pendant ses matchs. Et encore, là ils brillaient avec une touche en plus : celle du sadisme. Oui, Taiga Kagami, ce si gentil chéri et gendre idéal, pouvait ressentir aussi cette chose que tout bon psychopathe ressentait au moins une fois dans sa vie. Et il n'allait pas se priver de ce futur jeu fort alléchant…
Quant à Nash, il ne put contenir son masque courtois car ses traits s'affaissèrent pour divulguer un dégoût certain. Ce minable de japonais le narguait et en plus il était friqué à mort, l'enfoiré ! Il essaya de transformer son rictus en sourire, ce qui fut peine perdue. Taiga n'était pas dupe. Il détenait un gros avantage.
L'échange entre le serveur et le père de famille se termina sur la commande des apéritifs. Taiga se délecta d'avance de ses manigances. Il allait le faire tourner en bourrique juste pour le plaisir de lui rabattre son caquet.
Il n'attendit pas longtemps puisque l'autre revint plateau en main avec les boissons. Taiga ne put retenir un pouffement de rire en mettant son poing devant sa bouche. Ce qui ne passa pas inaperçu pour la victime de cette moquerie. Dents serrées, regard vissé sur sa cible, Nash tint son rôle toutefois en demeurant calme. Au moment où il allait partir, son client émit une requête, celle d'avoir plus de glaçons. Et le blond dut faire un aller-retour pour rien. Puis un deuxième lorsque monsieur demanda cette fois-ci des olives. Un troisième pour une chose absurde et un quatrième pour un truc carrément débile ! Ses nerfs sortaient de ses gaines et d'ici la fin du repas il allait péter les plombs.
Le tigre s'amusait grandement de cette situation, il décida de dégainer son téléphone, et discrètement en dessous de la table, d'attendre le bon moment pour prendre la photo. Celle de la honte, qui en général ne nous avantageait pas, pour la diffuser à ses amis. Ah non mais Nash en costume de pingouin, endimanché et obligé d'être serviable ça valait son pesant d'or ! Quant au tourmenté, il ne comprenait pas totalement ce manège, seulement sa mine se crispait au fur et à mesure qu'il tombait sur le sourire de demeuré du rouquin. Taiga put prendre sa photo quand il revint des toilettes, caché par des plantes vertes, il put le prendre de profil, près d'une autre table. On le reconnaissait parfaitement, alors tout en riant Taiga envoya sa prise à tous ses amis – ce qui allait faire boule de neige auprès de presque toutes les équipes de tous les lycées confondus. Il revint l'air de rien. Au cours du repas Alexandra ne cessait de poser sa main sur son avant bras, de se pencher vers lui. Cela prêtait à confusion, Nash rageait en silence parce que non seulement ce grand singe l'avait grillé, était riche comme Crésus mais en prime se tapait une MILF ! Et pas dégueu en prime !
Après les entrées, il apporta les plats principaux. Inutile de dire que Taiga continua son manège du client exigeant – limite chiant. Très chiant même parce que la rage débordait et une aura meurtrière se dégageait de l'Américain. Le plat n'était pas assez chaud pour « Monsieur le richard », alors il exigea que l'assiette retourne en cuisine. Et une deuxième fois parce que sa viande était trop cuite. En coulisse, Nash cassa l'assiette. Bordel ça faisait du bien ! Malheureusement il se fit réprimander par le cuisinier et son chef de salle et en prime ça allait lui coûter une partie de ses revenus.
Monsieur Kagami fit la morale à son fiston pour son comportement hautain. D'habitude Taiga restait poli, bien élevé et jamais il n'émettait de tels caprices de petit morveux pourri-gâté. Dans ce cas, le jeu en valait la chandelle. Tant pis pour sa réputation de garçon modèle. Le roux se délectait de la déconvenue de ce grand échalas peroxydé. En quelque sorte il vengeait ses camarades et surtout Kuroko. Parce qu'oser frapper un garçon tel que lui relevait de la pire des méchancetés. A ce stade ça s'apparentait à du vice.
Croire que Nash allait en rester là relevait de l'impensable, n'y tenant plus, furtivement, il aspergea le dessert de cannelle de son client favori. A haute dose cette épice ne se révélait pas bonne pour la santé mais tant pis. Si ce Jap de mes deux s'étouffait et bien bon débarras ! Avec un visage aussi hermétique qu'un joueur de poker, il déposa les assiettes. Taiga le remercia faussement en accentuant ses paroles, ce qui poussa encore un peu plus l'agacement du serveur. Cependant il lui renvoya une fausse politesse en se penchant exagérément en avant. Il se planqua à l'écart pour observer ce joueur du dimanche s'étrangler et avec un peu de chance mourir d'agonie. Ca ne manqua pas. Taiga devint rouge, mais rouge, encore plus que la couleur de ses cheveux. Les larmes lui montèrent aux yeux, sa gorge l'irritait comme s'il avait avalé des lames de rasoir. L'air ne passait plus. Il essayait d'écarter son col en vain. Ce n'était pas cet élément qui l'empêchait de respirer. Il toussa à s'en décrocher les poumons, en fait il souffrait réellement. Sa mère fut en panique complet, son père se leva déjà prêt à appeler les pompiers et Alex tentait d'aider son poulain en lui tapant dans le dos. Ce qui ne s'avérait pas une bonne idée parce que Taiga s'asphyxiait de plus en plus. Les clients s'arrêtèrent de manger, certains se levèrent pour aider le jeune homme ou rassurer la mère qui commençait de piquer une crise d'hystérie. Et Nash, tranquillement à l'autre bout de la salle, se marrait comme un tondu. Pour la discrétion on repassera. Il fut pris en flagrant délit par son supérieur, et à part il le sermonna à la façon américaine, c'est-à-dire sans finesse quitte à choquer les clients collet montés. Depuis les cuisines on pouvait entendre des insultes et des cris.
Finalement Taiga termina aux urgences pour plus de prudence et Nash finit son service plus tôt que prévu, avec pour sommation de ne jamais revenir se présenter au restaurant. Monsieur Kagami temporisa sa femme qui voulait porter plainte contre ce terroriste de serveur incompétent.
ooOoxoOoo
Taiga se leva à plus de midi le lendemain. Son arrivée sur le sol américain avait été mouvementé et éprouvant. Finir sa soirée à l'hôpital dans une file d'attente interminable entre les cris de sa mère et les revendications de son père à l'accueil l'avaient encore plus épuisé que l'examen du médecin. Après avoir ingurgité des anti-inflammatoires, il était rentré se reposer, enfin.
La tête dans le brouillard à cause du jetlag et de sa crise, il eut beaucoup de mal à émerger. Il se rappela qu'il devait prévenir Kuroko, seulement au Japon il devait être vers les trois heures du matin, donc impossible. Il lui laissa un autre message. En allumant son téléphone le jeune homme vit plusieurs alertes. Même Himuro essayait de le joindre désespérément et aussi pour alimenter la rumeur comme quoi Nash était un escort-boy. En fait les gens n'avaient pas tout compris mais pas grave, du moment qu'on parlait de lui en mal, cela l'enchanta.
D'une humeur joyeuse, Taiga se prépara. Depuis le temps qu'il voulait fouler la plage de ses pieds nus – et surtout goûter aux vagues déchainées. Il se délectait de son programme quand son téléphone vibra. Ah oui Alex, il l'avait complètement zappé ! Elle tenait à passer du temps avec lui et lui présenter sans doute son nouveau petit protégé. Sa nature maternelle la poussait sans cesse à dénicher de futurs talents et de faire profiter ses connaissances en matière de basket. Il n'allait pas y louper et la connaissant, ça finirait en match. Pas que cela le dérangeait mais là il n'était pas au mieux de sa forme, et bâcler une partie s'apparentait à une trahison envers ce sport unique. Taiga le prenait vraiment au sérieux, n'aimant pas jouer en s'économisant. Il se donnait toujours à fond quoi qu'il fasse.
Il retrouva son mentor à Palisades Park tout près de l'océan dans son quartier résidentiel de Santa Monica. Sur ce point là l'adolescent n'était pas à plaindre, il nageait dans le luxe. Même si tout ce faste ne l'impressionnait plus depuis belle lurette. Comme prédit, elle se tenait aux côtés d'un garçon assez jeune, au look streetwear et au teint halé. Il lui faisait penser à lui petit, des étoiles plein les yeux. La jeune femme les présenta, James était âgé de seulement dix ans mais possédait toutes les qualités pour devenir un joueur émérite. Elle proposa une petite démonstration au garçonnet en se confrontant à son ancien élève. Une partie endiablée débuta, malgré la fatigue, dès que le tigre touchait le ballon rien d'autre ne comptait. Tout s'effaçait autour de lui pour ne reporter sa concentration uniquement que sur son jeu. Tel un fauve aux aguets il décelait les moindres mouvements de son adversaire, humait l'odeur de l'excitation ou de la peur, se tapissait pour bondir au moment le plus imprévu. Et ce n'était pas parce qu'Alex faisait partie de la gente féminine qu'il se retint, au contraire. Elle possédait l'avantage de son professionnalisme, et son expérience comptait énormément. Cette petite joute amicale émerveillait le garçon qui ne loupait rien des actions félines du rouquin. Sa détente, sa hargne, sa confiance en son jeu, tout lui plut. A la fin de la partie, il accourut près de l'adolescent pour le féliciter et lui poser des tas de questions. James était surexcité face à ce talent, il voulait apprendre ses techniques.
— Tu joueras contre moi dis !
Taiga reprenait son souffle, tout en s'essuyant le visage il répondit avec sa bonne humeur habituelle.
— Oui si tu veux, je suis là pour trois semaines, j'ai le temps.
La mine déçue, James rétorqua.
— Oh tu ne vis pas à L.A ?
— Et non mon bonhomme, je suis en vacances mais je reviens de temps en temps. T'en fais pas, on aura l'occasion de jouer quand même.
— James, on ne va pas accaparer Taiga tous les jours non plus, il voudra sûrement profiter de son séjour ici pour faire autre chose que jouer au basket, intervint la jolie blonde.
Le garçonnet bouda pour la forme, alors l'adolescent lui ébouriffa sa tignasse chocolat et proposa qu'ils aillent manger des glaces. Cette idée redonna immédiatement le sourire au petit.
Attablés à une terrasse le long de la plage, Alex entama une discussion plus sérieuse tandis que Taiga et James s'empiffraient de crème glacée.
— Tu as réfléchis à ton avenir Taiga ?
— Non pourquoi ?
— Tu ne vas pas gâcher ton talent en restant au Japon j'espère.
La révélation assez tranchante surprit Kagami. Depuis quand son professeur dénigrait un pays plutôt qu'un autre ? Cela ne lui ressemblait pas.
— M'enfin Alex c'est pas sympa ça ! Je suis très bien au Japon, finalement je m'y suis fait.
— Ce n'est pas ce que je voulais dire, répondit-elle en posant ses coudes sur la table et en entrecroisant ses doigts. Je n'ai rien contre ce pays seulement pour jouer au niveau professionnel ce n'est pas ce qu'il convient, et au fond de toi tu le sais parfaitement.
— Et je sais quoi exactement ?
Taiga se tendit, se mettant sur la défensive. La tournure de la conversation prenait des accents sérieux dont il devinait les enjeux.
— Tu sais ce qu'il t'attend, ce que tu veux faire de ton avenir… Il va falloir à songer à partir Taiga. Il faut que tu reviennes ici, aux U.S.A. J'ai gardé de très bons contacts dans le milieu.
— Oui et ? demanda le roux les sourcils froncés.
— Darling… Ne fais pas celui qui ne comprend pas, ton rêve c'est de jouer à la N.B.A depuis que tu es gosse. Tu as développé des capacités énormes, ne passe pas à côté. Tu sais que toute la carrière d'un pro se joue avant son âge adulte. Il faut te faire recruter maintenant, pendant que tu es jeune et en pleine possession de toute ta puissance. Alors je te repose la question : veux-tu que je t'aide oui ou non ?
Le ton si léger de ces débuts de vacances – si on excluait la rencontre avec un certain dragon – se chargea en lourdeur. Bien sûr qu'il le savait. Au départ Taiga ne voulait pas rester au Japon plus d'une année et surtout quand il s'était aperçu du peu de considération que les japonais avaient envers le basket. Et encore oui, il avait été très déçu par le faible potentiel des joueurs des lycées. Pourtant il s'était trompé. Indéniablement trompé parce qu'un seul garçon avait réussi à le faire changer d'avis. Cette ombre qui ne vivait qu'à travers une lumière. Et puis il avait rencontré ces Miracles aux talents extraordinaires, des adversaires de taille. Il avait pris un plaisir énorme à se confronter à eux, se voir en difficulté pour faire ressortir tout son potentiel. Il ne pouvait pas se le cacher : en bon chauvin, il s'était lamentablement gouré parce qu'au pays du soleil levant existaient des prodiges. Alors là tout à coup, la jeune femme le rappelait à la réalité. Choisir sa voie, celle de l'amitié ou du basket. Taiga savait ce que tout cela signifiait mais il ne voulait pas y penser. Un peu plus sombre qu'à son habitude il reprit la parole en croisant les bras.
— Je te donnerais ma réponse rapidement, t'inquiète. Je sais tout ça.
— Bien. N'attends pas trop longtemps sinon d'autres prendront ta place et tu n'auras plus que tes regrets.
La jeune femme savait de quoi elle parlait, elle souhaitait réellement porter son protégé au firmament de la ligue. Taiga représentait une extension de son rêve quelque part.
Il rentra chez lui pour se doucher rapidement. Il était seul, sa mère devait être à son cours de fitness et son père travaillait. Taiga sortit de la salle de bain, enfila une tenue décontractée et alla piocher dans le frigo de quoi se sustenter. Son appétit insatiable était équivalent à celui de Murasakibara, le colosse. Il se prépara quelques hamburgers faits maison, et se cala contre le grand canapé d'angle. Tiens tiens, un message de Kuroko… Il lui avait répondu et l'invitait à une discussion via Skype. Il fit le compte du décalage horaire dans sa tête… Purée au Japon il était deux heures de matin et Kuroko ne dormait pas ! Mais que fabriquait-il ?
Aussitôt le grand fauve se précipita dans sa chambre pour prendre son portable, se connecta, entra l'adresse de son ami et attendit… Attendit… Aucune réponse, probablement qu'il avait dû se coucher. Quand tout à coup sa demande de contact fut acceptée. Le pseudo bien connu de son ombre s'inscrivit sur sa liste à gauche. Ce dernier lui envoya un bonjour agrémenté d'émoticônes kawaïï. Le Japon à l'état pur… Taiga répondit, Kuroko aussi, bref que de banalités affligeantes. Le garçon à la discrétion légendaire proposa une conversation en direct arguant que ça serait plus simple. Chose que Taiga accepta bien entendu. Il fut bien étonné lorsqu'il vit, dans la chambre de son jeune ami, une tête blonde lui faisant signe de la main, une tête bleue-nuit afficher une mine blasée et même une tête verte au loin, dans le fond. Vraiment dans le fond.
— Hey mais c'est quoi ça ? Vous faites un rassemblement d'anciens élèves ?
— Non, ils dorment chez moi.
Aomine lui fit un magistral doigt d'honneur en lui tirant la langue tout en posant son bras sur l'épaule de Kuroko.
— Foutu Aomine qu'est-ce que tu fous là ? T'as pas des chaudasses à aller contenter ?
— Pourquoi t'es jaloux ? répondit l'interpellé en le provoquant du regard. Je suis bien mieux chez Tetsu et sa mère nous a préparé un super bon dîner !
— Mais qu'est-ce qu'il fait là lui aussi ?
— Qui ? demanda innocemment le joueur fantôme.
— Midorima, ce coincé ! Il a pas peur de choper des microbes loin de sa chambre aseptisée ?
Le garçon aux cheveux verts haussa les épaules et remonta ses lunettes avant de s'incruster dans la conversation mais toujours en restant loin.
— Pour ta gouverne sache que Kuroko est un ami, j'ai le droit de lui rendre visite aussi. Ne t'en déplaise.
Aomine le poussa en s'esclaffant bruyamment.
— Shintaro se décoince c'est une grande nouvelle, et tu ferais mieux d'en faire autant mon grand !
On entendit juste un : « ne me touche pas » sans voir la personne qui prononça ces paroles. Kise, ignoré jusque là s'immisça à son tour en prenant dans ses bras Kuroko. Bien trop près au goût du tigre.
— Oï Kagamicchi ! Ca se passe bien tes vacances ? Tu nous rapporteras un souvenir, dis oui s'te plait !
— Tu veux quoi ?
Pendant qu'il parlait Taiga se reprit mentalement… Eh oh, oh hé ! Depuis quand devait-il se coltiner une visioconférence avec toute la bande de tête d'ampoule des Miracles ? Son but premier était de converser avec son ami, pas de subir les grimaces d'Aomine, ni les attouchements en direct de Kise envers son ombre et encore moins la mine austère de Midorima.
Kise lui déblatérait toute une liste de cadeaux probables.
Aomine revint au devant de l'écran, sa tête en gros plan en gueulant tout excité.
— Tu me ramèneras des photos de ta prof là, la bonnasse ? Si tu dis oui, je te laisserais gagner nos « un contre un » et je te paierais un repas gratos ! Tu vois je suis de bonne foi.
Non mais là, ça allait trop loin. Rouge de colère, Taiga hurla toute une flopée d'insultes envers ce gougeât à la peau trop bronzée.
— Et votre pote l'ogre, il est pas avec vous ? se reprit l'Américain.
— Non, il est chez lui avec ton frère, répondit Kise tout enjoué. Il a dit qu'il avait une grosse sucette à manger pour ce soir alors ils ne sont pas venus.
Taiga se demanda pourquoi ces deux là ne se décollaient jamais l'un de l'autre. Vraiment trop bizarre. Puis il s'aperçut pour son plus grand soulagement que le psychopathe de service ne semblait pas présent. Ouf, déjà deux de moins. Ryōta maintenant parsemait les tempes de Tetsuya de petits baisers diffus. Mais c'était quoi ce délire à la fin ?
Il beugla quitte à ameuter ses voisins de pallier.
— Tu fais quoi putain Kise !? Tetsuya dis quelque chose, rebelle-toi !
— Kurokocchi sait que je suis très tactile, ça ne le dérange pas.
— Oui Kise-kun est tactile, ça ne me dérange pas.
Pour bien enfoncer le clou, Daiki se ramena sans qu'on lui demande et se colla derrière le dos du petit fantôme, tout en narguant Kagami. Lui aussi se permit de l'embrasser sur la joue juste histoire d'enflammer les nerfs du tigre.
— Tetsu est mon ombre, t'as rien à dire !
Taiga n'en pouvait plus, cette conversation invraisemblable partait trop loin – genre en sucette par exemple.
Le garçon aux cheveux bleus reprit le fil de cette conversation abracadabrante.
— Et sinon tu fais quoi avec ce type ?
Taiga cligna plusieurs fois des paupières sans comprendre le sous-entendu.
— Cette photo que tu nous as envoyé, celle de Nash…
— Cette enflure ! coupa Aomine.
— Tu traînes avec lui ?
On pouvait sentir une pointe de jalousie émaner de la voix si d'ordinaire placide de Tetsuya, pour qui savait interpréter ses variations de ton. Taiga ne put contenir un petit sourire satisfait de fierté et bomba le torse.
Cependant il s'offusqua.
— Non mais ça va pas ! Tu me prends pour qui ? Au contraire, je t'ai vengé eh eh.
— Ouais c'est bien, parce que sinon c'est moi qui te botterais le cul !
Cette fine réplique provenait de la panthère bien entendu. Kise gloussa.
— Tu n'aurais pas dû faire ça Kagami-kun. C'était méchant, tu es allé trop loin.
— Quoi comment ça je suis allé trop loin ? Je te signale que ce sale type mérite encore bien pire ! Au contraire, j'ai été trop gentil !
Aomine eut une grimace contrariée. Il n'appréciait que fort peu cet élan d'animosité dirigé vers quelqu'un d'autre que lui. Le garçon typé ne voulait pas que son ennemi juré aille se fourvoyer ailleurs. Non mais !
Kuroko continua de sa voix si calme.
— Je comprends mais tu n'as pas pensé aux ennuis qu'il va avoir ? C'est peut être trop… Il ne mérite pas tant d'acharnement.
Cette fois-ci Kagami se renfrogna à son tour mais pour d'autres raisons. Il avait voulu venger l'honneur de son ombre – oui il était dans l'excès – et en remerciement il se prenait une leçon de morale. Incroyable !
Kise quant à lui continuait ses embrassades répugnantes sur un Kuroko égal à lui-même. Tout ce capharnaüm énervait le rouquin, ne pouvant rester tranquille avec son ami pour discuter. Et pour couronner le tout voilà que maintenant Aomine se disputait avec Midorima dans le fond.
— Et sinon Tetsuya pourquoi tu voulais me parler, je vois que tu es occupé ?
— Je voulais tirer cette affaire d'escort-boy au clair parce qu'Himuro-kun a dit à tout le monde que tu te le tapais.
Alors là… Alors là Kagami en perdit ses mots. Ses mots, la parole, la raison, tout. Son cerveau se vida instantanément. Un gigantesque vide y prit place. Le vent de la désolation soufflait entre ses neurones atrophiés. Son visage se mua en une statue de bronze. Plus aucune émotion ne se lisait dessus.
Son frère de cœur s'amusait à lancer des rumeurs absolument ridicules et écœurantes sur son compte. Son propre frère. Pourquoi ? Sa petite plaisanterie se retournait contre lui, le Karma en somme… Et Tetsuya ne baissait pas ses yeux inquisiteurs de l'image de sa lumière. Ses sourcils froncés indiquaient qu'il entrait dans une colère sourde, trompant son calme feint.
Kagami voulut se justifier, les mains s'agitant devant lui il s'expliqua.
— Non mais il n'a rien pigé je te jure ! C'est pas un escort-boy et jamais je n'irais voir ce genre de mecs ! C'est juste un serveur mais j'ai trouvé ça trop marrant de le voir comme ça, aussi coincé que Midorima pris de constipation, alors j'ai voulu lui donner une leçon !
On entendit un : « oï » mécontent et un rire sonore – Aomine toujours. Tetsuya souffla, apparemment blasé.
— Je te crois. Mais s'il te plait, tâche d'être plus compréhensif sans trop l'être tout de même.
Le grand roux se gratta l'arrière de la tête, il ne comprenait pas tout là.
— Euh…
— Si tu revois ce personnage excuse-toi mais ne sympathise pas avec, c'est tout. Tiens-toi éloigné de lui.
Sur cette révélation Taiga se manifestait perdu. Il ne voyait pas où son ombre despotique voulait en venir. Soit être courtois avec ce type, soit être repentant tout en l'évitant… Ses neurones surchauffaient.
Les jeunes gens terminèrent par se souhaiter une bonne nuit, avant de couper Tetsuya lâcha une bombe.
— Je serai absent pendant quelques jours Kagami-kun. Akashi-kun nous invite chez lui à Kyoto, je serai injoignable.
Hébété, Taiga resta tout seul face à l'écran noir avec ses incertitudes pour compagnes. L'attitude de son ami n'avait aucun sens. Et puis qu'est-ce qu'il allait faire chez l'autre taré à la double personnalité ?
Au lieu de ressourcer ses batteries, cette conversation sans queue ni tête le déboussolait encore plus. Et puis pourquoi tous ses anciens coéquipiers se rassemblaient dans sa chambre ?
On pouvait affirmer que l'ombre et la lumière de Seirin entretenaient des liens vraiment confus, que même eux ne sauraient définir. Pourtant le deuxième garçon sentait que le premier lui échappait. Surtout éloigné à des milliers de kilomètres de là. Il suffisait qu'il s'absente pour que tous les monstres de la Génération des Miracles refassent surface et tentent d'harponner Kuroko.
Taiga décida de se bouger et d'aller enfin à la plage pour satisfaire son besoin primal de sensation, et pour exorciser sa frustration à l'encontre de son ami non compatissant pour un sou.
En fin d'après-midi, aux alentours de dix sept heures, les plagistes désertaient. En cette période toute étendue sablonneuse était pris d'assaut par les touristes, les fitgirls, les volleyeurs, les playboys, les étudiants en vacances. Pas une parcelle de disponible, le vrai calvaire pour tout puriste de tranquillité et amateur de surf. Taiga connaissait des coins secrets, des rivages isolés, encastrés dans d'immenses falaises ou soumis aux intempéries d'un océan déchainé. Seuls les vrais durs de durs s'y rendaient. Là, face à cet élément impalpable, en combinaison et planche sous le bras, le visage fouetté par les embruns, le jeune homme vibrait. Il goûtait à la Liberté pour le temps d'un été comme avant. Ici personne ne le jugeait sur ses capacités, il ne rivalisait qu'avec l'eau. Le score ne comptait plus, la compétition n'avait pas lieu d'être.
Pourtant enfant, son père l'inscrivît également à des compétitions de surf voyant l'attrait de son fils pour le challenge. Mais Taiga abandonna vite cette voie pour se consacrer à sa passion première. Le surf représentait son échappatoire où personne ne venait le contrarier. Et même si d'autres passionnés se révélaient plus forts que lui, il s'en fichait comme de l'an quarante.
L'adolescent respira à plein poumon cet air iodé, apprécia les fines gouttelettes s'écraser contre son corps et son visage ainsi que le bruit des vagues s'échouant contre les rochers. Ici il oubliait tout. Il rouvrit ses yeux clos et observa l'océan gronder. Le moment était bien choisi, des rouleaux de tailles convenables roulaient devant lui. Sourire carnassier de rigueur, il courut sa planche sous le bras jusqu'à l'étendue maritime. Il la déposa sur l'eau et s'aplatit dessus sans autre forme de procès. Il nagea à bonne distance de la plage, se mit debout et commença de voguer sur les flots. Son attention reportée essentiellement sur les vagues déferlant sous ses pieds, sur ses muscles contractés, sur son équilibre, Taiga ressentait une autre forme de sensation. L'adrénaline emplissait ses veines, se déversait en torrent sans fin dans tous ses membres jusque dans son cœur. Il ne se sentait réellement vivant que lorsqu'il se mettait à rude épreuve. Dans le sport, dans la douleur et dans l'effort. Rien de tel pour vivre tout simplement.
Il surfa un long moment, enchainant les gamelles, les figures plus ou moins simples et fut englouti deux ou trois fois par des tubes. Malheureusement il n'avait pu se tenir à l'intérieur de l'un d'eux, cet exploit se révélait rare. Cependant il fut rassasié de ce que l'océan avait eu à lui offrir. Le cœur léger il sortit de l'eau, ruisselant et épuisé. Il se désaltéra à grandes gorgées d'eau et défit sa combinaison qui le collait tellement qu'elle formait une seconde peau. Seulement trempé c'était un coup à attraper froid – et ne plus pouvoir l'enlever après. Taiga se délesta de son habit de surfeur et se sécha au soleil de Californie, sous les rayons brûlant de Malibu. Cet endroit paradisiaque, refuge de son enfance.
Il se prélassait tranquillement, quand surgit de nulle part, un fou furieux bondissant sur lui et le plaquant sur le sable. Taiga n'eut pas le temps de voir ce qu'il se passait que déjà, le surplombant, il distingua la silhouette effilée d'un grand blond qui se profilait en contre-jour. La luminosité due à l'astre l'empêchait de confondre les traits de ce maniaque, néanmoins il reconnut cet œil bleu-vert réfléchissant une hargne farouche. En coulissant son regard plus bas, l'adolescent identifia le propriétaire de ce tatouage tribal excessivement voyant. Et noir. Très très noir. Deux grandes mains le maintenaient étendu au sol, au niveau de ses clavicules. La pression exercée était rude ; cette délicatesse innée, ce regard de fou aliéné, sûr, c'était Nash, cette enflure !
(suite...)
