L'homme regarde le charnier devant ses yeux. Aucune expression ne passe dans ses yeux. Les corps alignés devant lui ne représentent plus grand-chose. Depuis son piédestal il regarde les tranchées. Une cinquantaine de soldats d'Iwa gisent au sol dans des positions défiant les lois de la nature. De toute évidence ils ne respiraient plus. Et dire que cette escouade n'avait eu en face d'elle que quatre hommes. Enfin quatre. Un seul d'entre eux avait suffi. Lui, encore lui. Ceux que tous acclamaient comme l'« Eclair Jaune ». Il avouait que ce jeunot alliait force et prestance. En son sein il espérait que le Daimyo ferait la différence entre une étincelle de talent, et les besoins du village. Leur village. Konoha l'avait échappé belle. Après tout, n'étaient-ils pas le pays le plus puissant des cinq qui dominaient ce monde ?

Orochimaru descendit de son perchoir et atterrit sans un bruit parmi les gisants. Très franchement, supprimer tous ces ennemis de cette manière, cela tirait de la fanfaronnade. Lui qui aurait pu en faire autant, lui qu'on nommait Sannin, jamais les villageois ne l'avaient appelé « héros ». Mais il fallait avouer que pour des esprits simples comme les leurs, il valait mieux un coup d'éclat qui vous propulse dans les hautes sphères, plutôt qu'un travail long et régulier. Il examina les corps un à un. Pas très résistants. Très honnêtement, s'il avait pu être sur place afin de gérer la crise du Pont Kannabi, il y aurait eu plus de survivants de leur village et bien plus de prisonniers de l'autre camp. Quand on réfléchit dans l'urgence et qu'on joue au plus fort, pas étonnant que cela provoque tant de dégâts.

L'homme à la peau pâle détourna momentanément ses yeux du champ de bataille. L'aube pointait son nez, et bientôt, des représentants des deux pays viendraient prendre leur dû. Ces corps ne resteraient pas ici très longtemps. S'il lui fallait quelques échantillons, cela ne se remarquerait pas. Songeur, il chercha encore la perle rare parmi les corps. Si cela se trouvait il pourrait trouver quelque talent que le village des roches préférerait garder secret. Sa collecte fut plus que frustrante. Rien ne semblait trouver grâce à ses yeux. Minato Namikaze pouvait avoir peu de mérite pour sa victoire, et les Chuunins de Konoha sauvés par ses actions ou morts de la lame de ces ennemis abattus pouvaient demeurer honteux. Konoha manquait cruellement de talent. Il avait l'œil pour cela. L'élève de Jiraya possédait un niveau potable, quoi qu'il restât encore à exploiter. Et puis il y avait le fils du Croc Blanc dont on disait le plus grand bien et qui était passé Junin à treize ans. Il espérait que cette perte de capacités ne se poursuivrait pas plus avant. Si tel était le cas, il ferait s'inverser la tendance. Mieux valait quelques bons éléments qu'une horde de shinobi médiocres.

Orochimaru regarda ses mains. Ses doigts tremblaient quelque peu. Il devrait se montrer prudent. Il risquait de perdre du temps. Certains des tests avaient récemment… mal tournés. Et il devenait de plus en plus ardu de passer pour bien portant devant les yeux de la petite Anko. S'il avait l'air maladif devant le Daimyo, sa promotion lui passerait sous le nez, il en était certain. Et de son point de vue, il était de toute évidence le meilleur candidat au poste.

Dans l'après-midi, Konoha accueillerait son Yondaime Hokage. Et cela ne pouvait être que lui et personne d'autre. Pour remplacer son vieux maître que les précédentes guerres avaient usé, il fallait une main ferme et solide, mais surtout jeune et innovante. Parmi les candidats, il éliminait d'office Jiraya. Ce dernier aurait eu plus de valeur s'il ne passait sa vie à courir le monde et les filles. Et son élève n'était pas franchement plus mature. Franchement, qui verrait Namikaze Minato comme Yondaime ? Il fallait vraiment être frappé ! Et puis des deux élèves de Sarutobi Hiruzen n'était-il pas le plus sérieux et le plus méritant ? Son plus grand adversaire résidait néanmoins en la personne de Shimura Danzô, cet aigri aux dents longues qui n'attendait que la chute du Sandaime pour prendre sa place. Oui, cet homme était dangereux, pas seulement pour lui-même mais aussi pour le village. Lorsqu'il serait au pouvoir, il le ferait surveiller. Sa Racine était très utile, oui, mais en de meilleures mains, elle deviendrait indispensable !

Tout à sa rêverie, il faillit ne pas entendre le râle rauque qui provenait de sous un cadavre. Un sourire carnassier aux lèvres, le Sannin déplaça avec soin un des corps. Laisser le moins de traces possible était important. Mais il devait regarder ce que le destin avait mis sur son chemin de si bon matin. C'était un gamin. Malingre et couvert de bestioles. Les nippes sur son dos avaient pris l'odeur des cadavres en décomposition. Les yeux effrayés de l'enfant se fixèrent dans ceux de l'adulte. Le gosse tenta de ramper sous la masse des morts, d'échapper à sa main qui tentait de le saisir. Orochimaru s'en trouve agacé. C'était pour un imbécile qui fouillait les morts qu'il se donnait tant de mal ? Le pouilleux avait dû se cacher en l'entendant venir. Il finit par mouvoir saisir une touffe de ses cheveux. Ils étaient gras et sales. Il n'en avait cure. Trouver un enfant inconnu et vigoureux dans ces temps de guerre était une manne à ne pas ignorer. Le petit glapit, tenta de griffer et de mordre, rua de toutes ses forces. Que croyait-il ? Sa poigne était solide, elle en avait vu d'autres, des plus solides, des plus coriaces. Leurs regards se croisèrent de nouveau. Puis les yeux de l'enfant devinrent vitreux, et sa tête retomba sur sa poitrine.

A défaut d'un ninja il avait eu un morveux. Au moins la moisson avait été bonne. Il ne fallait pas trainer ici. Les traqueurs allaient venir pour les corps, pour les enterrer. Quel gâchis ! Heureusement qu'il était passé avant eux et après les pilleurs. Dommage qu'ils ne soient pas restés. Il n'aurait pas craché sur un autre être vivant.

Rapide comme le vent, il parvint jusqu'à sa cache. Là demeuraient ses quelques fidèles. Ceux qui, il le savait, ne parleraient pas et ne sortiraient pas. Il leur remit l'enfant et quelques directives simples. Qu'ils le requinquent un peu ! Avec ses nouveaux moyens d'Hokage, il aurait certainement de nouvelles idées prometteuses. Ainsi pourrait-il élaborer d'autres de ces techniques et apprendre celles qui existaient déjà. Un jour, il connaîtrait toutes les réponses et maîtriserait tous les Jutsus possibles. Ce jour là, il serait sans égal.

Il passa rapidement sous la douche. Une odeur déplaisante ou un aspect débraillé pourrait rebuter le plus grand seigneur du pays du Feu ! Et il ne voulait pas cela. Non, il valait avoir cet homme dans sa poche. Et à partir de ce moment là, il obtiendrait le poste qui lui revenait. Il serait le Yondaime Hokage.

A l'heure de a cérémonie, ils étaient quatre à se trouver face au seigneur représentant le pays du feu. Orochimaru lui trouva immédiatement un air idiot et ignare. Mais pour ce qui était du rang, il lui était inférieur. Il ferait donc bonne figure. Il devait avouer qu'il avait un certain ascendant sur ses concurrents : un poste dans la garde du Daimyo lui avait été jadis proposé. Ce qui signifiait que l'homme avait reconnu son talent. Il tiqua néanmoins au regard d'idolâtrie pure que le noble posait sur Minato. Fort heureusement ce dernier était modeste.

_ Déclinez votre identité devant le Daimyo, ordonna un conseiller de ce dernier. Vous répondrez ensuite aux éventuelles questions qui vous seront posées.

Ils y allèrent par ordre d'âge, laissant le plus jeune aller en premier. Minato s'avança de quelques pas, s'inclina de façon formelle, puis sourit. Son sourire, ça faisait toujours son petit effet. Pourquoi fallait-il qu'il soit bel homme ? Niveau physique, Orochimaru n'avait rien à se reprocher. Pourtant, une pointe de jalousie déversa un goût de bile dans sa bouche. La voix claire du blond lui fit serrer les dents, elle ne tremblait pas d'appréhension. Il s'était préparé à tout. Minato se recula. Le brun surprit un regard du maître sur son élève. Jiraya était fier, et pas le moins du monde envieux. Lorsqu'il s'avança à son tour et se présenta, la prestance manquait eu rendez-vous. J'eus du mal à retenir un sourire railleur à son égard. Il n'avait aucune chance. Danzô à ses côtés ne s'en priva pas, s'attirant quelques regards des membres du conseil. Il ne sut dire s'ils étaient approbateurs. Le Daimyo félicita Jiraya de la parution de son premier livre. Cet imbécile était prêt à lui donner le poste sous prétexte qu'il était un élève de Sarutobi Hiruzen. Orochimaru comprit que ce n'était pas le seigneur lui-même qu'il fallait charmer, mais plutôt ses conseillers. Parfait, il serait à la hauteur.

Il avança de quelques pas, sourit de manière cérémonieuse. Son regard resta lucide et perspicace. Il perçut du coin de l'œil un coup de coude que donnait un conseiller du Daimyo à son voisin.

_ Mon nom est Orochimaru. J'ai trente sept ans. Mon maître shinobi était Sarutobi Hiruzen.

_ Orochimaru… ce nom est familier, fit le Daimyo. Vous avez des parents dans la noblesse ?

_ Je suis au regret de vous décevoir. Ma seule famille est tombée durant la Seconde Grande Guerre Shinobi.

_ Pourtant votre nom…

_ Votre excellence oublie qu'elle a proposé à ce jeune homme de rejoindre sa garde personnelle il y a quinze ans. C'est quelqu'un de très prometteur.

_ Ah ? Il…Il a fait quelque chose de remarquable dans sa vie ?

_ Tout comme Jiraya, il est l'un des trois Sannin, seigneur. Ses capacités au combat ne sont plus à prouver.

_ Il… il a écrit des livres aussi ?

_ Aucun que vous ayez pu lire, seigneur. Il est écrit ici que ses écrits sont d'ordre scientifique et ont mené à des améliorations dans certains domaines.

_ Vous appuieriez donc sa nomination au poste de Yondaime Hokage ?

_ De toute évidence, seigneur.

On le fit poliment retourner à ma place. La conversation à propos d'Orochimaru avait été bien plus fructifiant que celle sur Minato ou celle sur Jiraya. Les deux me fixaient avec respect. Danzô quant à lui semblait menaçant. Il était plus que prioritaire de limiter ses exactions. Son pas lorsqu'il s'avança était raide, militaire. Son salut bref frôlait l'impolitesse. Et sa prise de parole l'irrespect. Il tentait de s'imposer. Parfait, il se discréditait tout seul. Lorsqu'il revint à sa place son visage portait une expression d'assurance qu'il trouva risible. N'avait-il aucune notion de diplomatie ?

On nous fit attendre encore un moment debout, tandis que les conseillers s'agitaient. Il lui semblait que deux camps s'affrontaient. Il était certain qu'un des partis était en sa faveur. Mais représentait-il la majorité. Le nom de Jiraya filtra depuis les lèvres de l'illustre personnage, choquant tout le monde. Apparemment aucun des deux camps ne militaient pour cet écrivain de pacotille. A côté de lui, ledit nommé discutait affablement avec son élève. Visiblement il n'avait aucun intérêt à se sédentariser dans les hautes sphères administratives du village.

Les discussions ne semblant mener à rien, on fit donc mander Sarutobi Hiruzen, pour qu'il donne son avis sur les quatre prétendants. Sa réponse fut sans appel, de ses deux élèves, c'était moi qu'il estimait le plus apte. Et si le choix ne convenait pas au seigneur, il pouvait choisir qui il souhaiterait. Mais à son humble opinion, qu'Orochimaru appréciait à sa juste valeur puisqu'en parfaite correspondance avec la sienne, Minato était trop jeune pour une telle responsabilité (Il parlait d'expérience, ayant été nommé à quinze ans par temps de guerre), Jiraya trop peu mature et dissipé, quant aux idées de Danzô, elles étaient inappropriées pour un temps de paix qui s'annonçait.

La discussion prit fin, laissant le Daimyo songeur. Enfin, après une attente interminable, un nom tomba de ses lèvres. Le sien. Avec un calme et des gestes mesurés, Orochimaru se déclara honoré du choix du seigneur. Il passa quelques engagements de pure forme pour montrer son respect des traditions. Dans sa folie, il alla jusqu'à annoncer une réception mondaine dans Konoha pour célébrer son accession au pouvoir. Si derrière cet évènement se cachait l'occasion de tisser quelques liens avec les clans importants de Konoha, le plus tôt serait le mieux.

En rentrant à leur village, le Yondaime Hokage fut entrainé dans le bureau par son prédécesseur. Celui-ci lui remit cérémonieusement le chapeau traditionnel du chef du village de Konoha. Lui révéla quelques secrets qui n'étaient connus que par les dirigeants du village et lui souhaita bonne chance. Il lui parla également de Danzô, le dangereux personnage et de sa Racine, sans savoir que son élève en savait déjà plus qu'assez sur le sujet. Et qu'il avait d'autres projets que son ancien Sensei à propos de cette armée invisible. Cependant il prit en compte un des conseils qu'il lui fut donné : prendre Minato Namikaze comme assistant. De cette manière il aurait quelqu'un pour le seconder et également un remplaçant apte et formé par ses soins aux arts du pouvoir.

Puis vint le temps de se présenter à la plèbe. Alors il monta en haut du bâtiment officiel, et depuis les cieux toisa les petites gens qui l'acclamaient en bas. Sa tenue habituelle sur le dos et le chapeau entre ses mains, il se présenta à eux.

_ Moi, Orochimaru, viens d'être nommé Yondaime Hokage par le Daimyo du pays du feu. Je promets d'agir dans le respect des citoyens. Je promets de restaurer la splendeur passée de notre village, pour que nous reprenions la place que nous occupions jadis. Car je l'affirme haut et fort : le village de la Feuille surpassera les autres villages. Parce que nous sommes liés par quelque chose de beaucoup plus fort que les autres shinobi de ce monde. Nous croyons en la Volonté du Feu, qui nous a été transmise par les fondateurs de ce village : Hashirama Senju et Madara Uchiha. Et cette volonté du Feu que nous portons en nous est la preuve que nous sommes plus unis et plus forts que les autres villages. Cette Volonté, elle coule dans mes veines, comme elle coule dans les vôtres. Elle est dans chaque respiration de vos enfants, dans chaque souvenir de nos aïeux. Grâce à elle, je peux affirmer que plus qu'un village caché de ninjas, Konoha est une grande famille. Une famille hétéroclite, certes, mais que j'aurai à cœur de protéger, que chacun d'entre vous aura à cœur de protéger. Merci à vous, vous êtes les forces qui aideront Konoha à se relever.

L'homme se tut, et applaudit les gens en bas. Il était certain qu'une bonne partie d'entre eux n'avait pas saisi le sens de ses mots. Il n'en avait cure. Ce n'était pas de ces personnes là dont il était fier. C'était les autres qui répondaient à son appel par des vivats sincères qui lui donnait le courage de continuer ses actions en faveur du village. Il espérait pouvoir faire évoluer les mentalités et pouvoir légaliser certaines des pratiques qui avaient menées à ses écrits scientifiques. Car plus que tout au monde, il savait qu'il y avait trop peu de temps dans une vie humaine pour parvenir à son but. Et trop de sentiments de le cœur des hommes pour qu'il accepte sans renâcler toutes les idées nouvelles qui assaillaient son esprit.

En parlant d'idée, on dit qu'on peut en sortir d'un chapeau. Et pour une fois, Orochimaru ne serait pas des sceptiques qui contrediraient cet adage. De son couvre-chef officiel, il retira un long cheveu noir qui s'était pris dans la paille tressée. Et cela l'avait rempli de joie. Lui qui ne l'avait encore jamais posé sur sa tête, il se doutait du propriétaire dudit follicule. Un cheveu, diriez-vous, ce n'est rien, même s'il s'agissait effectivement d'un cheveu d'Hashirama Senju. Mais pour le scientifique dans l'âme qu'il était, cette découverte n'avait pas de prix. Des cellules mortes pourraient bien reprendre vie entre ses doigts, qui sait ?

Dans les méandres du bunker qu'il avait fait ériger pour ses sombres expériences, des enfants gémirent à la nouvelle injection qu'on leur faisait.

Plus tard, un couple de jours avaient dû s'écouler, Orochimaru fit inviter dans le bâtiment officiel les familles illustres de Konoha, et puis les autres qui pouvaient toujours servir. Parmi les candidats au poste d'Hokage, Danzô n'avait pas daigné se présenter. Mais le brun pressentait qu'une entrevue privée aurait lieu entre eux deux au moment le plus opportun. Toute la ville s'était donné rendez-vous, et il fallait avouer que la prestance était de mise. Avec quelques mots aux bonnes personnes, l'attention de Fugaku Uchiha, ainsi que celle de son rival Hiashi Hyuuga lui furent accordée. Quelques flatteries encore et il attiserait leur intérêt. Mais il fallait réfréner son enthousiasme ainsi que l'attrait du pouvoir si vite acquis. Un seul faux pas et il tomberait de bien plus haut qu'il ne pourrait jamais regagner.

Minato Namikaze était là aussi. A ses côtés une femme superbe. Dès qu'il la vie, la jalousie pour le physique du blond s'en trouva plus profonde encore. Louvoyant vers le couple, il constata avec amertume que la mère était enceinte de quelques mois. La rondeur de son ventre ne la rendait que plus attrayante. Il n'avait jamais aimé les femmes trop maigres. Et il devait avouer que son rival (comme il considérait désormais cet arriviste de Minato Namikaze) avait du goût en ce qui concernait la gent féminine. Il regretta de n'avoir connu la jeune femme quelques années plus tôt et ne pas avoir pu lui faire la cour. Qu'à cela ne tienne, Minato Namikaze lui était encore utile pour avancer politiquement. Un accident de mission serait vite arrivé une fois que ses talents de beau parleur ne seraient plus utiles.