Avide lectrice de Bamon fic, je me lance à mon tour. Bonne lecture !


Quelque chose était étrange, se dit Bonnie en jetant un dernier coup d'œil au fax froissé qu'elle tenait dans les mains.

Depuis plus de trente minutes, elle n'avait pas lâché l'image des yeux. La photo d'une scène de crime. L'esquisse d'une victime. Le gros plan sur le bras d'un homme sur lequel un immense tatouage s'épanouissait du dos de sa main au creux de son coude.

Elle avait essayé de remonter jusqu'à l'expéditeur. Une enquête qui l'avait menée jusqu'à un motel miteux de New York. Peu importe qui lui avait envoyé ce fax, il ou elle avait été assez prudent pour ne pas laisser de trace derrière lui. Aucun numéro de carte de crédit, pas de plaque d'immatriculation. Sans parler du succès limité que ses recherches auprès des employés avaient apportées. Personne n'avait été capable de décrire l'individu en question. Personne ne semblait se souvenir de son visage, de ses traits, de n'importe quel indice qui aurait pu l'aider un temps soit peu pour dresser un portrait robot.

Ce tatouage n'apportait qu'une nouvelle marée de questions. Bonnie était déjà noyée sous les dossiers, son travail lui prenant la plupart de ses nuits, inutile de lui rajouter une autre interrogation à laquelle elle n'avait aucune réponse.

Pourtant, un étrange sentiment lui disait que cette photo avait quelque chose à faire avec la disparition de Stefan.

Bonnie rangeait la pièce à conviction dans un tiroir de son bureau lorsqu'on se racla la gorge.

— Désolé de vous déranger, Boss, mais on vient de recevoir un appel.

Bonnie leva la tête vers le nouvel arrivant. Les cheveux blonds, des yeux bleus, un regard honnête, Matt se tenait au chambranle de la porte, un demi-sourire au coin des lèvres. Il savait que son patron n'aimait pas qu'on la dérange pendant les heures de boulot. Aujourd'hui, en particulier, n'était pas un bon jour.

— Qu'est-ce qui se passe ? demanda-t-elle en se redressant déjà, ses yeux verts à la recherche de son badge.

— Un accident sur la quatrième avenue, se contenta de répondre Matt.

Bonnie enfila sa veste en cuir, vérifia une dernière fois que son arme de service était bien glissée dans sa ceinture, et rejoignit Matt. Il s'éloignait vers l'ascenseur, alors qu'elle jeta un dernier coup d'œil vers son bureau. Elle s'accorda une ultime pensée à l'étrange messager qu'elle avait reçu ce matin.

Un ruban épais et jaune protégeait la scène de crime. Des voitures de service étaient déjà sur place, la lumière des sirènes créait un bal de couleurs, plongeait la rue dans une atmosphère de rouge et bleu. L'équipe de police scientifique était déjà au travail lorsque Matt et Bonnie arrivèrent.

Une foule était rassemblée derrière les barrières qui séparaient la scène de crime du reste de la route. Bonnie s'y fraya un chemin, alors qu'elle aperçut Matt être arrêté par un groupe de journalistes. Pour une fois qu'elle n'avait pas à s'occuper de la communication, Bonnie se glissa sous le ruban DO NOT CROSS avec un sourire aux lèvres.

À quelques mètres, elle reconnut Meredith accroupie au sol, un dossier entre les mains. Le médecin légiste souleva les yeux du corps de la jeune fille étendue sur le goudron comme si elle sentit la présence de Bonnie approcher.

— Bonsoir, fit-elle en se redressant.

— Pas aussi bon visiblement, marmonna Bonnie en s'arrêtant à une vingtaine de mètres du corps. Qu'est-ce qu'on a ?

— Lola Smith, 17 ans, étudiante à Mystic Falls High.

Autour du corps, une série d'indications marquaient encore la présence d'effets personnels. Un sac à dos ouvert, un cahier ensanglanté, un trousseau de clefs.

— Les causes du décès ? demanda Bonnie en prenant la place de Meredith proche du corps.

Avant que la réponse ne franchisse les lèvres du docteur, Bonnie remarqua les deux blessures symétriques qui ornaient le cou de Lola. Deux petits trous, reliques d'une morsure. Du sang s'y était coagulé, au dessus, autour en une auréole épaisse. Bonnie frissonna légèrement. Elle avait beau avoir l'habitude, ce genre de crime ne cessait de lui remémorer un épisode de son propre passé.

— Il ou elle a terminé le travail en lui brisant la nuque, acheva Meredith comme Bonnie se redressa.

Bonnie jeta un regard panoramique sur la scène, les bâtiments aux alentours. Ce chemin était l'un des plus courts chemins pour se rendre au Mystic Grill. Une série de scénarios se bousculèrent dans sa tête. Elle se demanda si Lola était en chemin pour rejoindre un groupe d'amis, ou si au contraire elle rentrait chez elle après un moment passé au bar. Elle se revoyait elle-même quelques années en arrière. Ses soirées en compagnie du gang. De sa meilleure amie…

— Bonnie ? Bonnie, tu m'écoutes ?

Ses yeux se reposèrent sur le visage de Meredith. Elle achevait visiblement d'écrire quelque chose sur son dossier.

— Pardon ? Tu disais ? reprit Bonnie.

— Ma conclusion finale, souligna Meredith, un ton légèrement plus aigu que d'ordinaire. Cause de la mort : vampirique. Bien sur je dois encore vérifier si les blessures ont bien été réalisées par des crocs et pas une arme,… il y a peu de chance pour que la cause soit différente.

Génial, ronchonna Bonnie intérieurement. Maintenant que les vampires et autres créatures surnaturelles n'étaient plus un secret pour le commun des mortels, garder des relations pacifiques étaient devenus une obsession pour le gouvernement. Quelques lois avaient changé, mais généralement chaque clan savait régler leur affaire sur leur terrain personnel. Vampire entre vampire, loup garou contre loup garou. Des accidents arrivaient. Jamais aussi extrêmes. Accepter de telles créatures avait demandé un effort supplémentaire de la part d'une grande majorité de la population. Bonnie devrait faire preuve d'une force identique pour rassurer les journalistes. Si les habitants de Mystic Falls pensaient à une fin du Traité des Espèces, qui savait ce qui pourrait arriver.

— Ok, merci Mer, tu me transferts le rapport ?

— Pas de soucis, sourit Meredith, au moment où Matt refit surface.

— J'avais oublié comme ce reporter pouvait être agaçant, marmonna-t-il en jetant un coup d'œil vers une grande blonde de l'autre côté du ruban jaune.

Bonnie suivit son regard. Aussitôt elle étouffa un rire en reconnaissant sa meilleure amie. Caroline.

— Qui ? Forbes ? Je croyais que vous vous aimiez bien tous les deux ? s'amusa Bonnie, sa remarque ponctuée d'un clin d'œil.

— Les rares jours où elle n'insiste pas, rouspéta Matt en s'éloignant vers l'ambulance.

Visiblement, Lola avait été retrouvée par un passant qui était encore en état de choc.

— Je pensais que tu arrêterais de le traumatiser maintenant, s'enquit Bonnie en soulevant le ruban pour laisser Caroline passer sur la scène de crime.

Une myriade de grognements mécontents s'éleva du reste des journalistes rassemblés.

— L'art de l'excellence, ma chère Bonnie. Ce n'est pas de ma faute si je déborde de passion pour mon travail.

— Si tu pouvais éviter de faire fuir les nouvelles recrues, j'apprécierai, répondit Bonnie, alors qu'elles marchaient vers l'une des voitures de service.

À l'ambulance, Matt se chargeait d'interroger le passant. Caroline le dévisageait toujours quand elle reprit.

— Tu ne sais pas à quel point, j'avais besoin de ce boulot. Tu me sauves la vie, Bon-Bon.

— Tu ne devrais pas me remercier si tôt. J'ignore si on va même te laisser publier quoique ce soit sur cette affaire. Et pour l'instant, on a rien de concret.

Pendant son explication, le visage de Bonnie s'était mu en un masque soucieux.

— Tout va bien, Bonnie ?

Devant le silence de son amie, Caroline reconnut la lueur lointaine dans le vert émeraude des yeux de Bonnie. Cette expression hantée, pétrifiée par un épisode du passé. Un cauchemar qui ne la quittait pas, et que Caroline remarquait souvent ces derniers jours.

— Tu ne crois pas qu'il est temps de… de passer à autre chose. Avancer, chuchota Caroline, alors que Bonnie détourna des yeux ronds vers elle.

— Caroline ! essaya de la réprimander Bonnie.

Ce n'était vraiment pas le moment de parler de ça maintenant.

— Bonnie, dit Caroline mimant le ton accusateur de sa meilleure amie. Je sais que ce n'est pas facile, mais ça fait trois ans Bonnie. Trois ans. Passe à autre chose.

Bonnie se redressa d'un mouvement brusque, tous ses muscles tendus, les poings serrés. Elle n'avait pas envie de dire quelque chose qu'elle regretterait. Quelque part Caroline avait sans doute raison. À poursuivre un fantôme, on risquait sans doute à se brûler les ailes.

— Je te laisse avec Meredith, dit-elle brusquement. Elle pourra t'informer des premiers résultats de l'expertise.

— Bonnie, attend ! s'empressa Caroline, un pas dans la direction que prenait déjà son amie. Merde, ronchonna-t-elle alors que Bonnie se glissait dans sa voiture.

Si Lola revenait du Mystic Grill avant son agression, c'est par là que Bonnie commencerait son investigation. Une autre soirée dans la vie d'un détective.

Voilà ce que Bonnie avait appris.

Lola Smith était une adolescente de dix sept ans, en seconde année au lycée de Mystic Falls. Selon le barman, elle avait quitté les lieux vers onze heure du soir en compagnie d'un garçon. Brun, les yeux bruns, grand. Elle n'était pas arrivée en voiture. Ce qui signifiait aussi que la voiture à côté de laquelle on l'avait trouvée n'était pas la sienne. Une chose que Bonnie devrait vérifier. L'identité du propriétaire la mettrait peut être sur une première piste.

Bonnie s'arrêta au feu rouge, le moteur de sa Prius ronronnant comme un chat enrhumé. La fatigue de la semaine s'accumulait depuis le début de la journée. Plusieurs fois en chemin, ses paupières avaient failli lui faire manquer la chaussée.

Elle piocha dans sa poche à la recherche de son téléphone, nota sur l'écran qu'il était un peu plus de minuit. Elle avait encore une tonne de choses à faire avant d'aller se coucher. Et à cette allure là, elle risquait de créer un accident.

Cinq minutes plus tard, elle s'arrêta à la première station service, un endroit calme à quelques kilomètres du centre de la ville. Elle se glissa hors de sa voiture, se chargea de faire le plein, l'étrange impression qu'une présence invisible la scrutait. Une main sur son arme de service, une autre sur la pompe à essence, Bonnie scruta le parking qui entourait la station service.

Tout était complètement désert. Inutile de devenir complètement parano. Et puis, ce n'était pas comme si elle n'avait aucun moyen de défense. Après un dernier coup d'œil, elle requitta la pompe, verrouilla son automobile, et disparut dans la boutique.

Une courte expédition à travers les rayons plus tard, Bonnie avait rempli son panier de quoi tenir une soirée, une conserve de raviolis, un paquet de yaourt nature, du pain de mie, et du café noir. L'homme trapu derrière la caisse la regarda s'éloigner vers la seule machine à café de la boutique. Elle glissa une pièce et sourit à la vue de la fumée qui s'échappait du gobelet en plastique lorsqu'elle le porta à ses lèvres.

— Grosse journée, hein ?

— On peut dire ça, contesta Bonnie en lui tendant un billet de dix dollars.

— Le petit ami ? demanda le vendeur en souriant.

Bonnie essaya de ne pas réagir à la vue de la série de dents abimées qu'elle aperçut comme il lui rendait la monnaie.

— Pas exactement, continua-t-elle, et elle avala une nouvelle gorgée de café.

Au bout de ses doigts, elle sentait déjà la caféine commençait à faire son effet.

— Vous ne répondez jamais vraiment aux questions qu'on vous pose vous ? rigola le vieil homme en se frottant sa longue barbe grise.

— Habitude professionnelle, sourit Bonnie.

— Hey bien, j'espère qu'il ne vous épuise pas trop, ce boulot, reprit-il en jetant un coup d'œil à l'extérieur.

La nuit était épaisse, les étoiles quasi imperceptibles tellement les lumières de la ville noyaient le ciel sous une nappe fine de clarté.

— Et puis, qu'est-ce qu'une si jeune fille fait seule aussi tard le soir ? Avec tous ces monstres qui trainent, je ne pourrais pas laisser ma fille dehors après le couché du soleil. Trop de crocs, si vous voyez ce que je veux dire.

Bonnie récupéra son sac plastique, la bouche trop occupée à engloutir son café, elle était ravie de ne pas pouvoir répondre à sa question. Et puis, des deux, elle était certaine d'être la plus armée pour pouvoir se défendre.

— Si vous voulez mon avis, il faudrait tous les enfermer ces dingues. Le gouvernement croit que les accepter est un moyen de pacifier leur faim. Vous parlez d'une connerie. Je vous parie que si ce n'était pas pour leur servir de banque de sang, on serait déjà six pieds sous terre.

Quelque un choisit ce moment pour rentrer dans la boutique, les drings du carillon convoquant l'attention du vendeur. Le nouvel arrivant bouscula une étagère de boites de conserves.

— Faites attention ! cria le vendeur.

Bonnie profita du changement de sujet pour s'éclipser vers la sortie. Elle poussa la porte du magasin d'un coup de hanche, son regard caressant le client. Elle leva les yeux au ciel comme il se prit un nouvel étalage. C'est comme si ce type n'avait aucun équilibre. La porte de la boutique se referma derrière Bonnie, étouffant un chapelet de reproches du vendeur.

Le contraste de l'air frais avec la chaleur de la boutique surprit Bonnie aussitôt qu'elle mit le pied dehors. Une brise de vent la fit frissonner. Elle accéléra le pas, fouilla tant bien que mal dans la poche arrière de son jean à la recherche de ses clefs de voiture. Elle abandonna le sac plastique sur le sol comme elle enfonçait la clef dans la serrure, et s'arrêta avant de déverrouiller la portière, l'impression désagréable qu'on la regardait.

Son sentiment de paranoïa s'accentua quand elle eut la sensation qu'une nouvelle brise de vent lui fouetta la nuque. Au dessus de son épaule, elle remarqua que les deux individus – client comme vendeur – n'avaient pas quitté les lieux.

Arrête Bonnie, se réprimanda-t-elle, en ouvrant la portière.

Malheureusement, un bras apparut de nulle part, faisant vibrer l'air à quelques centimètres de son visage, et referma la portière dans un claquement assourdissant. Le gobelet de café lui échappa des mains. Une autre main, qui n'était pas celle de Bonnie, se tendit d'un reflexe rapide avant qu'il ne s'écrase sur l'asphalte.

Bonnie pivota, garda les yeux ouverts, comme elle reconnut la personne qui se tenait devant elle.

— J'ai toujours eu du mal à comprendre comment ce truc pouvait booster l'énergie, s'étonna-t-il, ses yeux bleus rivés sur le gobelet.

Bonnie ne répondit pas tout de suite, perturbée par l'image de la seule personne qu'elle n'avait pas revue depuis presque aussi longtemps que la disparition de Stefan.

— Damon.

— Bonnie, répondit-il, ses yeux quittant le café pour se poser sur elle. Ravi de voir que tu te souviens de moi.

Bonnie se redressa, tenta de le repousser, ses mains contre son torse. Une tentative qui le fit rire. Il écrasa davantage la matière entre eux comme il déposa délicatement le gobelet sur le toit de la voiture.

— Qu'est-ce que tu veux ? cracha-t-elle entre ses dents, sa proximité étouffante lui faisant regretter de ne pas lui donner un anévrisme.

— Voilà une façon de souhaiter bon retour à la famille.

Ses deux mains maintenant de chaque côté de sa tête, Bonnie prit une profonde inspiration, convoqua le courage de résister à l'envie de le forcer à reculer. La magie ne faisait plus partie de sa vie.

— Arrête de te foutre de moi, Damon. Qu'est-ce…

— Oh ! l'interrompit ce dernier d'un doigt sur la bouche. Les questions : mauvais pour le karma.

Bonnie grimaça, sa main droite se glissait sur son arme de service. La main de Damon abandonna aussitôt ses lèvres pour arrêter son geste.

— Ah, ah, dit-il sur le ton de la réprimande. Je ne ferais pas ça non plus si j'étais toi. Les accidents de travail sont un vrai fléau dans notre société.

Doucement, Bonnie décolla ses doigts du revolver, et lorsqu'elle souleva le menton vers Damon, elle s'aperçut qu'il souriait de ce petit sourire en coin irritant et arrogant.

— Agresser un officier de police, ce n'est pas –

— Une bonne action, un service rendu à l'humanité, bla bla bla… Si j'avais eu besoin d'une leçon de morale, j'aurais demandé à ton ami, là-bas, ajouta-t-il un mouvement du menton vers la boutique, de m'éclairer sur les méfaits des vampires. Oh, j'ai bien cru qu'il ne la fermerait jamais.

Bonnie réalisa alors que le hasard ne lui avait en rien permis de s'éclipser de la boutique. Si ce jeune homme lui avait paru si étrange, complètement déchu de tout équilibre, c'est qu'il avait été…

— Hypnotisé ? Tu as hypnotisé ce client ! grogna Bonnie, sa voix à mi chemin entre murmure et un hurlement.

— Merci est le bienvenu.

— Damon, lâche moi, tu veux.

Il fit un pas en arrière, les mains en l'air, un sourire vicieux aux coins des lèvres. Cela faisait un peu moins de trois ans qu'il n'avait pas revu Bonnie, et quelque part son caractère lui avait manqué. Toute cette fureur, il n'était pas difficile de croire que Bonnie était la raison pour laquelle la plupart des malfrats de la ville étaient maintenant derrière les barreaux.

Bonnie prit une profonde inspiration, une qu'elle ne pensait pas avoir retenu, avant de faire mine de lisser ses vêtements. Son cœur battait à tout rompre, ses mains étaient moites, ses pupilles extrêmement dilatées. Si Damon ne la connaissait pas un temps soit peu, il aurait juré qu'elle avait peur.

— Qu'est-ce que tu veux Damon ? répéta Bonnie après quelques secondes de silence.

— Voyons voir, commença-t-il, ses yeux glissant sur sa main alors que ses doigts s'érigeaient à l'ajout d'un nouvel élément de sa liste : Premièrement, la ville me manquait un peu. Toute cette frénésie New Yorkaise, pas pour moi. Deuxièmement, je pensais que tu aurais eu envie d'un peu de compagnie. Troisièmement, déclara-t-il, et cette fois ses yeux bleus rencontrèrent les verts de Bonnie, son expression brusquement sérieuse, je veux être de la partie.

Bonnie arqua les sourcils, l'air complètement perdue. Mais, bon sang, de quoi parlait-il ?

— De la partie ?

— Oh, Bonnie ! L'innocence ne te va pas du tout, répondit-il dans un souffle.

Elle lui lança un sourire sarcastique qui s'évanouit aussitôt qu'il lâcha de but en blanc :

— Je veux savoir tout ce que tu as sur la disparition de Stefan.

— Sur…

— Et n'essaie même pas de me mentir, Bonnie. Tu vois… J'ai – comment dire ça – mené ma petite enquête aussi. Je sais que tu n'as pas arrêté de chercher Stefan, même après que l'investigation ait été fermée. Je sais aussi que tu as rassemblé une collection impressionnante de preuves, indices, photos… Tu vois le tableau.

Damon plongea les mains dans ses poches, refit un pas dans sa direction alors que Bonnie se déporta légèrement sur le côté, à quelques centimètres de la portière. Dans son déplacement, elle se prit les pieds dans le sac plastique de courses qui trainait toujours sur le sol. Elle avait oublié celui-là. Elle se rattrapa sur la voiture.

— Je ne vois pas… de quoi tu parles, souligna-t-elle en replaçant le gobelet de café qu'elle faillit faire valser sur sa veste en cuir en se rattrapant.

Le rire sardonique de Damon convoqua de nouveau l'attention de Bonnie dans sa direction.

— Je ne te crois pas une seconde. Je sais que tu mènes ta propre enquête. Et devines quoi ? Je suis prêt à t'aider !

Bonnie plissa les paupières, la mine grave. Damon n'était pas du genre à proposer son aide sans une idée derrière la tête. Peu importe comment il avait appris pour son enquête, Bonnie ne lui donnerait pas la satisfaction de se plier à ses quatre volontés.

— Je ne mène aucune enquête, Damon. Maintenant, si ça ne te dérange pas, j'aimerai rentrer chez moi.

Bonnie fit une nouvelle tentative, mais avant qu'elle n'ait pu ouvrir la portière, la main de Damon flasha de nulle part pour la fermer devant son visage.

— Je n'avais vraiment pas envie d'en arriver là, souffla-t-il d'une voix si calme que Bonnie redouta aussitôt la tempête.

La main qui avait un peu plus tôt rattrapée le gobelet tomba sur son épaule et la força à pivoter pour lui faire face. Son dos frappa violement contre la voiture, le torse de Damon déjà à quelques centimètres de sa poitrine qui se soulevait en une holà de va et vient incontrôlables

— Ce n'est pas la peur, déclara Damon comme si il répondait à sa propre question. Je pensais que c'était ça… mais ça n'a rien avoir, chuchota-t-il alors que ses yeux dessinèrent doucement le visage de Bonnie avant de tomber sur l'esquisse de poitrine que révélait sa veste en cuir ouverte et le chemisier blanc qu'elle portait en dessous. Tu résistes à l'envie de l'utiliser, n'est-ce pas ?

L'oxygène sembla se figer dans la gorge de Bonnie comme le regard bleu de Damon rencontra le sien. Pire encore lorsqu'il se pencha dans sa direction, sa bouche à quelques atomes de son oreille.

— Ce doit être une vraie torture, murmura-t-il d'une voix basse pour qu'elle soit la seule à l'entendre. (Même si on ne les voyait pas, le parking grouillait sans doute de caméras. Et Damon le savait.) Résister à la magie, repousser sa vraie nature, ça doit être difficile. L'idée m'a traversée l'esprit. Pourquoi ne m'a-t-elle pas déjà attaqué ? Vissé au sol avec ses petites attaques irritantes qui m'arrachent les neurones ?

— Damon…

Le nom s'échappa en un filet presque inaudible. Désespéré et suppliant. Une réprimande pathétique. Une motivation supplémentaire qui convint Damon qu'il était sur la bonne voie. Les cartes étaient en sa faveur. Il n'allait pas la laisser partir avec un si bon jeu.

— J'aurais sans doute fait la même chose à ta place, continuait-il toujours aussi bas. Les autorités n'aimeraient pas découvrir qu'une créature surnaturelle fait parti de leur équipe, n'est-ce pas ? Une sorcière, susurra-t-il, un frisson paralysant secoua Bonnie comme pour affirmer sa déclaration. Et si mes souvenirs sont bons, aucune créature autre que mortelle ne peut prétendre à un poste dans la police.

Sur ce, Bonnie sentit la main de Damon se poser sur le badge accroché à sa ceinture. Dès l'application du Traité des Espèces, des lois avaient été établies pour éviter que les différents clans n'en viennent aux mains. L'exclusivité humaine des forces de police figurait parmi les lois qui convoquaient un nombre de conséquences dangereuses. Usurpation de statut, mensonge pour emploi… Bonnie se mordit la lèvre à l'idée que son secret pouvait lui risquer la prison. Elle se maudit que Damon soit l'une des quelques personnes à connaître l'existence de ses dons.

— Qu'est-ce que tu veux, Damon ? répéta une énième fois Bonnie.

Elle ne le vit pas, mais cette fois la question le fit sourire. Il n'avait pas bougé d'un pouce, sa bouche toujours aussi proche de son oreille. Il ne répondit pas tout de suite. Tout ce temps à New York, il avait oublié à quel point Bonnie avait une odeur particulière. Un mélange d'agrumes et de parfum sucré, et de quelque chose d'hypnotique. Ayant connaissance de sa magie, il était capable de distinguer la façon dont ses pouvoirs se mêlaient à son odeur. Ils en soulevaient la fragrance, lui piquaient le bout de la langue en une délicieuse torture. Une torture à laquelle il avait toujours su résister. Toujours… à l'exception de cette seule fois, voilà maintenant trois ans.

Il avait essayé de la tuer après tout.

— Ce que je veux, fit enfin Damon, après ce qui sembla une éternité, c'est être sur d'avoir ce pourquoi je suis revenu, Bonnie. (Une main glissa sous le bras de Bonnie, et elle entendit le cliquetis quand il ouvrit la portière.) Je serai peiné de me voir obliger de révéler ce lourd fardeau que tu portes.

Bonnie le mitrailla du regard en comprenant où il voulait en venir. Elle savait qu'il n'hésiterait pas à révéler l'existence de ses pouvoirs, son existence de sorcière, si il n'obtenait pas ce qu'il voulait.

Damon recula doucement, lui ouvrant la portière d'un même geste. Bonnie ne l'avait pas quitté des yeux, et ne le quitta pas du regard en se glissant sur le siège conducteur. Il referma la portière et se pencha rapidement pour récupérer le sac plastique. Il le tendit à Bonnie qui le jeta côté passager. La vitre baissée, Damon se pencha à peine pour se retrouver de nouveau nez à nez avec Bonnie.

— Ne fais pas cette tête. Je n'ai pas l'intention de te mettre en danger. Juste de t'aider à retrouver ton époux.

— Espèce de…

Mais, Damon avait déjà disparu, laissant derrière lui le silence du parking, et la menace d'ennuis qui ne faisaient que commencer.


Note : J'espère que ça vous a plu ! En attendant la suite, dites moi ce que vous avez pensé de ce premier jet :D