Disclaimer : Cette fiction est la traduction de "Homecomings", par Mark of the Asphodel (l'original ici : s/5638548/1/Homecomings) que je remercie de me laisser assouvir ma soif de traductions :D
Les personnages et l'univers appartiennent à Intelligent Systems, le texte et tout le travail créatif qu'il y a derrière à Mark of the Asphodel, je ne tire aucun profit financier ou autre de toute l'affaire et vous connaissez la chanson depuis le temps.
Avertissements : Ceci se passe très longtemps après le jeu. Beaucoup de personnages d'origine sont morts, et certains n'ont pas connu une fin agréable. Spoilers pour Fire Emblem : Mystery et New Mystery of the Emblem, il peut être utile d'y avoir joué au préalable. Cette fiction a un prequel, "Abandonné", mais les deux peuvent se lire indépendamment.
Ils appelaient ça le Banc du Vieux Abel. Après qu'il eut passé trois étés ici, les habitants de Hekla installèrent même une petite plaque de bronze à l'arrière du banc, pour que les visiteurs sachent que c'était l'endroit favori du Vieux Abel. Ainsi, si rien d'autre ne portait son nom, il lui resterait au moins un endroit en Akaneia où reposer. Sa chambre dans la maison du Père Asgrimur ne comptait pas vraiment comme un lieu à lui. En tant que vétéran des Grandes Guerres, il avait droit à la charité, et ne pouvait la refuser. Le choix était entre accepter de l'aide et mourir dans la rue de ce petit village de pêcheur, et les autochtones lui interdisaient la seconde option. Il vécut donc dans la maison du vicaire local, moitié invité de marque, moitié prisonnier. Quand il y réfléchissait – et il n'avait maintenant plus rien que du temps pour réfléchir à sa vie –, Abel sentait ce tour de phrase fort à-propos. Exilé dans cet archipel si désolé qu'il portait le nom d'Îles Solitaires, sous l'œil vigilant du Père Asgrimur... non, il ne pouvait pas connaître meilleure punition. Le temps et le destin avaient réussi là où la justice humaine avait échoué, et avaient conspiré pour laisser un vieux traître dépérir aux confins du royaume.
En vérité, il doutait de pouvoir survivre à un autre hiver sous ce climat. Cette perspective avait cessé de le déranger outre mesure. Il était déjà là depuis sept ans, sept ans passés à regarder les vagues grises se briser contre ce rocher isolé. Sept ans durant lesquels le temps avait semblé ralentir, puis s'arrêter complètement, jusqu'à ce qu'il vécût sans cesse le même jour. Sept ans d'immobilité au milieu des pêcheurs jetant leurs filets et des étrangers qui venaient dans leurs longs bateaux pour traiter avec les fourreurs. De son banc, il regardait les étrangers avec des yeux ternes encore quelques années plus tôt, il serait venu vers eux, leur aurait demandé leurs origines, puis aurait posé cette sempiternelle question :
Auriez-vous vu cette femme ? Et il aurait alors sorti de sa poche un croquis fait il y a de nombreuses années. Elle fait un peu plus de cinq pieds, et est très mince. Elle vient de Medon, mais elle parle la Langue Commune en plus de son propre langage. Son sourire et son rire sont magnifiques. Elle s'appelle Est, et c'est ma femme.
Il ne le demandait plus à voix haute, bien que cela lui brulât le cœur. Le portrait de son amour perdu restait loin des yeux de tous, et il laissait les étrangers aller et venir sans chercher à les aborder.
Mais le temps et le destin semblaient réserver une autre épreuve à Abel, jadis chevalier du royaume d'Altea. Ce fut d'abord sa voix qui attira son attention elle perça le flux continu des souvenirs qu'il ressassait sur son banc, sous le faible soleil septentrional. Grave et claier, elle avait un caractère musical qui lui évoquait des images de vergers plantés d'oliviers et de prairies au parfum de thym, de marbre blanc sous la lune et de grandes montagnes semblant sortir tout droit des mers bleues du sud. C'était un écho de la voix qu'il entendait toujours dans ses rêveries. Abel leva la tête pour suivre cette voix, et il la vit.
Ce n'était pas une illusion. Quarante années avaient passé, mais il reconnut toujours sa silhouette élancée. Ses cheveux courts et brillants étaient striés de gris et de blanc, mais ce n'était guère surprenant.
Sa voix était plus grave que dans ses souvenirs, et bien plus dure. Cela non plus ne le dérangea point. Ce n'est que lorsqu'elle se retourna, et qu'il put apercevoir son visage, qu'il prit véritablement la mesure des années. Catria la Blanche n'avait plus dix-neuf ans. La vue de ses yeux bleus enchâssés dans un visage assombri par le soleil et creusé par les vents lui inspira plus que de la révulsion animale ; il se sentait tel un homme pieux face à un sanctuaire profané.
Est ressemblerait aussi à cela, pensa-t-il.
Il avait souvent essayé de se représenter sa femme, mais l'image qui se formait dans sa tête restait toujours insidieusement juvénile ; son idée d'Est âgée ressemblait plus à ces jeunes filles aux cheveux d'argent que l'on pouvait croiser de temps en temps. La réalité de Catria âgée démolit ses vagues idées de l'apparence que pouvait avoir Est en cette ère. Est aurait ces taches de soleil sur les mains, Est aurait cette peau ridée tendue sur ses clavicules, Est aurait ces veines saillantes sur le cou...
Mais Catria était fidèle à elle-même, forte, fière et assurée. Dans une autre vie, cette existence depuis longtemps disparue où il était un noble chevalier et elle était une de ses camarades, Abel aurait été heureux de la voir. Catria la robuste, Catria la fiable, Catria qui se rapprochait à présent de lui avec dans les yeux une lueur prédatrice. Catria, qu'il avait tant failli croiser durant les années qui les avaient séparés. Son épée courte était toujours au fourreau, inutile pour le moment. Elle se mouvait avec la vigueur d'une femme bien plus jeune, alors qu'il avait du mal à tenir debout sans appui. Abel ne fit aucun effort pour l'éviter ; il resta sur son banc, tel un homme déjà blessé, attendant le coup de grâce. C'était bien sûr à la puinée de le trouver, se dit-il. Pas celle qui l'avait pris pour époux, pas celle dont il était toujours l'ami cher, mais celle dont le cœur et la loyauté étaient ailleurs. Il ne pouvait attendre aucune pitié venant d'elle.
D'ailleurs, il n'en voulait point.
– Tu me tiens maintenant, murmura-t-il, en écho au cri de guerre qu'elle avait maintes fois poussé.
– C'est juste. J'ai promis que ce serait moi qui te retrouverais, dit-elle en passant ses doigts le long de la cicatrice qui partait de la base de son oreille gauche. Et contrairement à toi, je n'ai jamais brisé une promesse faite à mon roi.
Dans cette autre vie, il aurait levé un sourcil sceptique et lui aurait demandé comment une telle assertion s'accordait avec sa rébellion contre Michalis. Mais ils savaient tous deux que Michalis de Medon n'était pas le roi auquel Catria pensait.
– Malheureusement, la récompense est depuis longtemps caduque. Ta personne n'intéresse plus la Couronne.
Les commissures de ses lèvres se relevèrent en un rictus qui jadis avait annoncé la célèbre attaque en triangle des Sœurs aux Ailes Blanches.
– Et pourtant, elle m'intéresse toujours, Abel.
Le Père Asgrimur fut très honoré de confier son invité aux soins du Commandant Chevalier. Le souvenir de celui que l'on appelait le Roi Héros était toujours vivace, même dans cette lointaine marge du royaume qu'il avait forgé, et recevoir la visite de celle qui avait été son bras vengeur était pareil à une bénédiction. Abel fut enfin libéré, mais était tel un prisonnier transféré de geôle en geôle.
– Ne t'excuse pas auprès de moi, dit Catria même dans un duel verbal, il fallait qu'elle ait l'initiative. Excuse-toi auprès des morts si tu le dois, mais je ne veux pas en entendre un mot.
Il n'avait pas d'excuses à présenter, ni à elle, ni à qui que ce fût d'autre. Il remercia cependant le Père Asgrimur alors qu'il lui rendait le havresac contenant ses biens matériels. Le prêtre lui donna sa bénédiction, comme si Abel partait pour un endroit meilleur que celui qu'il quittait. Abel lui-même n'avait guère d'illusions à ce sujet.
– Je ne te ramène pas par pitié, le prévint sa nouvelle gardienne. Je tiens mes promesses.
Elle le sangla au dos de son dragon et l'emmena loin des Îles Solitaires. Abel n'eut aucune tristesse à regarder s'éloigner l'endroit où il avait vécu tant d'années il n'y avait jamais eu de foyer. Il n'avait d'ailleurs pas de foyer. Son foyer était une petite maison à l'arrière d'une boutique ayant pignon sur une rue modeste d'Alteaville, une maison entourée de rosiers où Est l'attendait. Son foyer avait disparu quand la première pierre avait fracassé sa fenêtre, quand Est avait déroulé le papier attaché à cette pierre et avait lu à voix haute l'accusation qu'il portait. Catria ne l'amenait nulle part, sinon dans un autre lieu d'exil.
– Au vu de ton état de déclin avancé, nous allons prendre des relais de téléportation jusqu'à Khadein, cria Catria pour couvrir le rugissement des vents qui soufflaient au-dessus de l'Océan du Nord.
– Des relais de téléportation ? répéta-t-il, sans doute pas assez fort, car elle ne lui répondit pas.
Une fois revenus sur la terre ferme, sur une péninsule incurvée qui saillait de la partie nord-est du continent telle un aileron, ils s'arrêtèrent dans un temple dédié à une divinité aquatique locale. Abel se souvenait vaguement de ce temple, y étant passé lors du voyage qui avait mené à son séjour étendu à Hekla. Il n'avait alors pas visité le grand pavillon où Catria le menait à présent ; il eut tout juste le temps de réaliser que les mosaïques du sol reproduisaient le motif étoilé d'un sort de téléportation quand son corps commença à se désintégrer.
Abel sentit ses entrailles se tortiller alors que son corps se reformait à des lieues de là. Il n'avait jusque-là subi de téléportation sur de longues distances qu'une fois dans sa vie, durant le voyage surréaliste qui l'avait mené de Medon à Thabes et de Thabes à Doluna. Il avait alors été surpris que tous ses doigts et ses orteils fussent en place, et que ses viscères fussent toujours dans son ventre. Mais cela n'avait pas été aussi douloureux que ce voyage. Derrière lui, le dragon de Catria gémit ; Abel jeta un œil à sa maîtresse pour voir comment elle allait. Elle faisait la grimace, comme si elle avait mordu dans une orange amère en s'attendant à ce qu'elle fût sucrée.
– Psah. Horrible, cracha-t-elle.
– Les gens font cela souvent ?
– Quand il faut faire au plus vite, oui. Ce système a été mis en place pour les diplomates et l'armée, pas pour ceux qui partent en congé.
– L'armée ?
– Si n'importe quelle région du royaume est attaquée, des troupes aériennes peuvent être mobilisées en trois heures, expliqua Catria, et une lueur d'orgueil familière éclaira son visage. Bon, repos d'une heure, ensuite on ira à Khadein.
– Mais alors quel est cet endroit ? demanda Abel.
Il avait beau essayer de se souvenir de l'injonction qu'avait donnée Catria au vicaire avant la téléportation, sa mémoire lui faisait défaut.
– Le Nouveau Temple de Thabes. Ça ne m'étonne pas que tu ne le reconnaisses pas, il a été inauguré il y a seulement quelques années.
– Ah.
Abel s'autorisa finalement à regarder autour de lui ; les murs et les fenêtres du temple étaient ornés d'une façon qui lui semblait fort étrange. Les sujets en eux-mêmes étaient classiques : la guerre entre les hommes et les dragons, la fondation d'Akaneia, la première ascension de Doluna... mais les couleurs et l'exécution ne le semblaient point. Ce devait être le style moderne, et en fin de compte, il ne s'en souciait guère.
– Est-ce que des gens se perdent comme ça ? Je veux dire, est-ce que tout le monde arrive toujours en un seul morceau ?
– Nous n'avons encore perdu personne, répondit Catria. La communauté magique ne s'est toujours pas mise d'accord pour dire si oui ou non la magie de téléportation affaiblit le corps et précipite la mort. Enfin, en ce qui te concerne, je crois que cela n'a pas d'importance.
Son visage avait retrouvé sa couleur naturelle. Abel la regarda réconforter son dragon ; la bête ne semblait pas non plus avoir apprécié ce raccourci. Ni le dragon ni Abel n'aimèrent davantage la deuxième téléportation, qui les emmena à Khadein.
– C'est un saut de puce d'ici à Altea, pas la peine de se téléporter une nouvelle fois, dit Catria en aidant Abel à se harnacher de nouveau au dragon.
Celui-ci acquiesça d'un hochement de tête ; à vol de dragon, la distance entre la Citadelle de Khadein et le château d'Altea était effectivement minime. Bien qu'elles fussent séparées par l'eau, le sable et leurs cultures respectives, c'étaient les deux plus grandes villes les plus proches géographiquement dans tout le continent. Dans sa tête, Abel voyait les traits droits comme sur une carte, et il y avait dans cette géométrie familière quelque chose d'étrangement excitant. Il essaya d'étouffer ce sentiment, et se força à se rappeler qu'il ne revenait pas chez lui. L'Altea du début du siècle, celle dont il se souvenait, appartenait maintenant aux rêves et il ne pouvait y retourner. Pourtant, alors qu'ils atteignaient la côte de Khadein, il ne pouvait empêcher les battements de son cœur de s'accélérer. Les eaux étincelantes du Détroit de Khadein avaient jadis représenté quelque chose ; elles avaient été l'ultime obstacle à traverser avant de reprendre Altea à l'alliance de Doluna et Grust. Abel lutta pour faire taire ses émotions, et pourtant, il continua de regarder en bas, jusqu'à la voir : la Côte Blanche, dont les falaises calcaires sortaient de la mer elle-même. Altea, le jardin des Îles Occidentales, la contrée aux pommes d'or, le joyau serti dans une mer d'argent.
Alors qu'ils se rapprochaient, Abel vit que la côte intemporelle avait changé : il dénombra une dizaine de tours étranges, des structures de bois octogonales surmontées de pales tournant sans cesse.
– Ce sont des fortifications ?
– Voyons, Abel, ce sont des moulins à vent.
– A quoi servent-ils ?
Abel avait beau réfléchir, il ne leur voyait d'autre application que la protection contre les carabins ennemis.
– A produire de l'énergie. C'est maintenant le vent qui alimente la plupart des moulins d'Altea.
– D'où est venue cette idée ?
– Merric a eu une part là-dedans, dit-elle d'une façon qui lui parut délibérément vague. Je suis sûre que tu pourras deviner le reste si tu y songes un peu.
Cela faisait en fait des années qu'Abel n'avait point songé au jeune homme frêle mais enthousiaste qui avait gagné le titre de Maître des Vents, et il ne comprenait pas du tout ce que voulait dire Catria. Elle ne lui donna pas d'autre explication alors qu'ils continuaient de voler vers le sud, vers le cœur de l'île. Le pays était couvert des nuages gris et plats typiques de la saison ; l'humidité qui enveloppa Abel agita bien plus son cœur que tout ce qu'il avait vu ou entendu jusque-là. Au moins, certaines choses n'avaient pas changé : les pluies de la fin de l'été embrassaient toujours les fertiles terres alteanes. Catria s'engouffra dans une trouée des nuages, et Abel put voir la terre elle-même pour la première fois depuis si longtemps, avec ses vergers et ses champs de grains prêts à la récolte. Les lieues défilaient sous eux, et ils arrivèrent en vue de la capitale. Des traits de lumière perçaient la brume, dessinant les contours de ce qui ressemblait à un palais de lumière pure. Le vieux château avait été avalé par un vaste complexe de marbre étincelant. La tour de pierre qu'Abel avait deux fois fuie et deux fois capturée semblait maintenant regarder d'un mauvais œil les structures nouvelles qui l'entouraient.
– Quand est-ce que tout ça a été fait ?
– Eh bien, tout l'endroit avait vraiment mauvaise mine après les guerres. Et quand Sa Majesté la reine est revenue de Valencia, elle voulait quelque chose d'un peu plus joyeux.
Valencia. Un des nombreux lieux qu'Abel avait toujours voulu voir, sans jamais s'être résolu à faire le voyage. Traverser le continent akaneian lui avait déjà bien trop coûté, et pas seulement en temps. Les spectres des chemins jamais empruntés le hantèrent quelques temps, mais quand il baissa de nouveau les yeux, toute pensée de Valencia fut chassée de son esprit. Il connaissait intimement le paysage d'Altea, il aurait pu dessiner de mémoire une carte de sa patrie. Il avait après tout déjà griffonné de telles cartes à de nombreuses reprises, sur des chutes de parchemin, sur des tables ou dans la poussière. Tout était fixé dans sa tête : les courbes sinueuses des baies et des estuaires, l'étroit pont vers Garr à l'est, le château à l'ouest de celui-ci, et les Villages Jumeaux. Abel connaissait le terrain aussi bien qu'il connaît les veines et les jointures de sa propre main.
Il peinait à présent à reconnaître le pays sous lui. Les contours étaient là, les rivières et la mer étincelantes, mais le pays s'était transformé. Les Villages Jumeaux n'étaient plus qu'une seule masse de bâtiments et de gens ; Alteaville elle-même s'était fondue dans Javea comme deux perles de mercure qui se réunissent.
– Bienvenue à Alteapolis, dit-elle à l'atterrissage.
– Il doit maintenant y avoir des centaines de milliers de personnes.
– Un peu plus d'un million, d'après le dernier recensement, rectifia Catria avec le même ton sec que celui qu'elle aurait pu employer pour parler du temps.
– Un million, répéta Abel, abasourdi.
Même Pales n'avait jamais atteint le million d'habitants, pas après les guerres. Pas qu'Abel sache. Au tournant du siècle, la population de tout Akaneia devait avoir été de... quarante millions d'âmes ? Cinquante ?
– Comment est-ce possible ?
– Des réfugiés sont arrivés en masse après la Guerre des Héros. Ils se sont dit qu'Altea serait peut-être rebâtie plus vite que les autres pays, et ils ont eu raison.
Cet étrange sourire fier souleva de nouveau les commissures de ses lèvres.
– Les gens ont aussi eu plus d'enfants après la guerre, ajouta-t-elle.
– La Guerre des Héros ?
– Oh. Oui, c'est le nom correct de ce que nous appelions la Guerre de l'Empereur Hardin.
Abel remarqua distraitement que les dents de Catria étaient toujours blanches, et semblaient presque pointues. Il lui arrivait de claquer des mâchoires quand elle parlait pour appuyer ses paroles, tel un cheval impatient qui s'acharnait sur son mors.
Catria le guida jusqu'à la bordure d'Alteapolis. Une petite troupe de badauds, attirés par la vue dragon de guerre, l'attendaient déjà. Des femmes et des enfants saluèrent Catria comme une héroïne.
– Bienvenue à la maison, Commandant !
La maison... De toute sa vie, Abel n'avait jamais envisagé Altea comme le foyer de Catria. Elle était la Blanche de Medon, et son foyer était plus loin au sud, au-delà des eaux azurées de la Mer de Raman.
– Dites, Commandant, qui est ce monsieur ? demanda un jeune garçon d'environ douze ans.
– Un visiteur venu des Îles Solitaires, mentit Catria avec aplomb.
Cela dit, ce n'était pas vraiment un mensonge. Abel garda le silence et laissa Catria parler pour lui ; mieux valait laisser ces gens le prendre pour un barbare ignorant de la Langue Commune que leur révéler qu'il était un fils d'Altea.
Catria n'emmena pas Abel chez elle, si toutefois elle résidait vraiment en Altea. Elle lui trouva une masure au bord de la mer, dans un petit village qui lui rappelait ceux de sa jeunesse. Il y avait un boucher et un boulanger, un tanneur, un forgeron et un apothicaire. Seule une guérisseuse, une sœur d'un certain âge, s'occupait d'un autel et d'un cimetière très simples. La masure d'Abel n'avait que deux pièces, mais elles remplissaient toutes les fonctions vitales : il y dormait, il y mangeait, et il pouvait s'y asseoir pour regarder les murs.
– Ce n'est pas de la charité, lui dit-elle, et sa voix était aussi tranchante que l'était jadis le fer de sa lance. Tu es à ma charge.
Il ne pouvait pas plus disputer son devoir qu'il n'avait pu objecter à la compassion du Père Asgrimur. S'interposer entre Catria et son devoir avait toujours été suicidaire, et bien qu'il fût tenté de s'imaginer anéanti par elle, Abel savait qu'elle ne lui ferait pas le plaisir de le tuer réellement. Il devrait attendre la fin, comme il avait attendu tant d'années à Hekla, enfermé dans un affût sans espoir.
Abel fut chaleureusement accueilli par les habitants de Denia, et en vérité, il s'y sentait étrangement à l'aise. De bien des façons, ce village était un fragment de ce qu'Alteaville avait été dans sa jeunesse, à l'époque où il était simplement un beau et galant fils de vicaire, un garçon destiné à vivre au-delà des murs de la ville. Il avait une histoire plausible à raconter aux autochtones : il n'était qu'un vieux soldat qui avait longuement voyagé après la Guerre des Héros, et à présent que la fin approchait, il était heureux de revenir chez lui. Comme tous les meilleurs mensonges, cela ressemblait fort à la vérité. Il leur donna son vrai nom, et fut aussi surpris que soulagé de ne voir ni reconnaissance ni soupçons dans les yeux de ses voisins. Peut-être Abel le Noir avait-il été simplement oublié.
Catria lui rendait visite à des intervalles irréguliers. Elle ramenait chaque fois quelque chose de différent : un jeu d'échecs, un exemplaire illustré de La Chute de Thabes, une boîte de prunes confites. Abel regarda les fruits sucrés aux allures de pierres précieuses et se dit que Catria s'était souvenue, malgré toutes ces années, qu'il avait toujours préféré les prunes vertes. Elle lui amenait aussi des nouvelles, même si la plupart n'étaient que des fragments d'informations tronquées : des histoires de disputes de cour entre d'importants personnages qu'Abel ne connaissait même pas, ou des brins de commérages de l'étranger. Abel ne savait pas vraiment pourquoi il devrait se soucier du scandale causé par un général Valencien qui avait pris deux épouses, à moins que ce ne fût, venant de Catria, une insulte voilée dirigée contre l'homme qui avait occupé une telle place dans la vie de ses sœurs. La plupart du temps, il ne faisait qu'écouter le son de sa voix, se souciant peu du sens des mots. En dépit de toutes ces années, elle avait toujours un accent Medonien assez marqué pour qu'Abel sente les souvenirs remonter en lui quand il l'écoutait : les souvenirs de la jeune Catria et de ses sœurs, de fières cavalières du ciel au service de la princesse guerrière d'un royaume depuis longtemps effondré. Une fois que les portes de sa mémoire étaient ouvertes, d'autres pensées enterrées depuis longtemps jaillissaient des ténèbres, telles des mites sortant d'une armoire rarement ouverte. Abel vit ses rêveries emplies non seulement du visage solitaire d'Est, mais aussi de ceux de ses anciens camarades. Parfois, il était hanté par les souvenirs de son ancien suzerain, quand il était non pas un puissant roi, mais un prince à peine sorti de l'enfance, toujours accompagné par l'espiègle princesse Shiida. Plus souvent encore, Abel pensait à ses pairs : Gordin l'idéaliste, Edgar le sensible, et Caïn, solennel, borné, toujours indéchiffrable. C'étaient à présent des figures de légende, de grands hommes qui avaient contribué sous l'égide du Roi Héros à reconstruire un monde dévasté... mais aux yeux d'Abel, ils n'étaient jamais guère plus que des enfants. De petits frères, surtout Caïn, qui avait été à Abel ce que Catria avait été à sa grande sœur Palla : tout à la fois allié et rival, un compagnon de toujours pour qui il aurait été prêt à encaisser un coup fatal.
Il aurait été facile de se mettre à ressasser des souvenirs avec Catria, mais celle-ci ne lui accordait même pas cela. Quel que fût l'endroit qu'elle appelait son foyer, elle n'en parlait jamais, et allait encore moins l'y emmener en visite. Elle ne lui révéla rien de son passé ou de son histoire, ne lui dit même pas si elle avait eu un époux ou un amant. Abel s'amusait parfois à imaginer ce qu'elle pouvait faire quand elle n'était pas avec lui ; peut-être allait-elle voir ses enfants et ses petits-enfants. Et bien sûr, elle travaillait, portant avec dignité la charge considérable de Commandant Chevalier. Elle lui donnait en tous les cas l'impression d'avoir beaucoup de pain sur la planche ; il savait que les moments qu'elle passait avec lui n'étaient que les miettes.
Et pourtant, il était toujours content de l'entendre frapper à sa porte.
– Il y a beaucoup d'agitation dans les rues cette semaine, commenta-t-il un jour où le sol était tapissé de feuilles jaunes.
– Oh, tout le monde se prépare pour le Festival des Étoiles, répondit Catria en lui tendant une écharpe faite d'une très douce laine aux motifs verts et noirs. Tiens, mets ça. Ça vient d'un chameau valencien. Les leurs ont des poils longs et pas de bosses, ce sont de vilaines choses qui crachent quand on vient trop près.
– Le Festival des Étoiles ?
– Un nouveau jour de fête, dit-elle avec le ton pincé qu'elle prenait toujours lorsqu'elle taisait quelque chose.
– Quand est-ce ? s'enquit-il.
– Demain. Je t'emmènerai en ville, annonça-t-elle plus doucement. Si tu ne dois voir qu'une chose dans ta vie, c'est ça.
Le lendemain matin, Catria l'emmena à Alteapolis, avec sa nouvelle écharpe et sa canne. Abel eut l'impression que les innombrables habitants de son ancienne ville étaient tous descendus dans les rues. On agitait des branches ornées de rubans, pendant que les étendards du Royaume Unifié étaient déployés à côté de l'ancienne bannière royale d'Altea au son d'une fanfare de célébration. Une place qui dans la jeunesse d'Abel n'avait été qu'une simple étendue pavée était à présent entourée de statues des héros d'Altea au centre se trouvait la figure marmoréenne d'un garçon levant son épée vers le ciel. C'était tout ce qu'Abel pouvait voir, car le reste de la statue était couvert de chaînes de fleurs de papier bleu. En regardant plus bas, Abel vit une inscription à la base de la statue. Nombre de lettres étaient cachées par les guirlandes qui s'accumulaient, mais il fit de son mieux pour reconstituer le message.
E O IE E J UR DU ONZI M 4
LE I CE MA H ET ES F CE ERE A TE UNA
– Bien sûr, murmura-t-il. Le Jour de la Libération.
Le onzième jour du onzième mois de l'an 604. Comment avait-il pu oublier cette date ? Les souvenirs lui revinrent en un éclair : une bannière arrachée, une autre levée, et un garçon se tenant sur la balustrade, levant une main pour saluer son peuple. Inconsciemment, Abel leva de nouveau la tête vers la statue, vers l'épée de marbre brandie pour l'éternité.
– Ça ne va pas, remarqua-t-il. Des mois entiers se sont écoulés entre le moment où nous avons reconquis Altea et celui où nous avons retrouvé Falchion.
– Je sais. J'y étais, rétorqua Catria. Mais va donc dire ça à n'importe quel quidam, et vois comment il réagit.
– Qu'est-ce que ça veut dire ?
– Ça veut dire que je n'étais pas membre du comité qui a conçu cette statue.
Sa voix était si acide qu'elle aurait pu faire tourner du lait frais.
– C'est de l'histoire ancienne, Abel, conclut-elle. De l'histoire, ou... du mythe.
– Du mythe, répéta-t-il pour lui-même.
Moitié légende, moitié vérité, comme l'épopée du Roi Adrah et les histoires de l'antique Thabes. Mais ces mythes s'étaient nourris de la force des siècles, se transmettant de barde en barde jusqu'à ce qu'il n'y eut plus un homme vivant pour distinguer la vérité de la fiction poétique. Combien de ceux qui traversaient à présent la place avaient-ils été là à peine quelques décennies auparavant, quand ce prince alors tout jeune avait hélé la foule depuis les hauteurs de son château reconquis ? Abel regarda de nouveau ses mains et se demanda combien de temps il était réellement parti.
Il remarqua cependant que Catria, dans un lapsus, l'avait appelé par son nom ; jusque-là, elle l'avait toujours appelé "mon frère" en public. Ils restèrent un moment silencieux, Abel menant un combat muet contre des souvenirs épars. Des plumes de pégase, blanches contre le blanc des nuages, l'éclat argenté d'une lame de rapière, son propre sang coulant le long de sa nuque. Il regarda Catria, et même si ses yeux voyaient la femme brûlée par le soleil qu'elle était, son imagination la voyait telle qu'elle avait failli être pour l'éternité ; une jeune fille étendue sur les pierres de l'Autel du Dragon, les pupilles dilatées par la douleur alors qu'elle appelait le nom qu'Abel ne voulait plus jamais entendre. En cette ère de miracles, la fille morte sur le sol du temple avait pu se relever pour combattre à ses côtés, et chantonnait à présent un air qui résonnait dans quelque coin poussiéreux de l'esprit d'Abel. Il était sur le point de lui demander d'arrêter quand l'attention de toute la foule se tourna vers le dais royal.
– Ah, voilà la princesse Ismène, annonça Catria. C'est une fille merveilleuse, courageuse et intelligente. Ça me rappelle quelqu'un que j'ai connu.
Abel demanda alors à Catria si elle était toujours aussi proche de la famille royale ces derniers temps, mais celle-ci l'ignora. La princesse s'adressa à la foule ; Abel était trop éloigné de l'oratrice pour entendre un seul mot de son discours. Il la jugea de sa seule vue, et constata que la jeune princesse ne manquait ni d'allure, ni de charme. Elle devait avoir environ seize ans, et semblait ressembler fort à Shiida. Abel remarqua aussi la garde élégamment ornée d'une rapière pendant à sa ceinture.
– Elle manie l'épée ? demanda-t-il à Catria une fois la cérémonie terminée.
– Bien sûr. Elle pourrait être appelée un jour à porter Falchion.
Abel la fixa avec des yeux ronds. Depuis la fondation d'Altea, aucune femme n'avait encore jamais utilisé l'Épée de Lumière.
– Les temps ont changé, ajouta-t-elle rapidement.
– A ce point ?
– Même le Seigneur Gotoh sait qu'il est bon parfois d'adapter un peu ses règles.
– Sait ? Gotoh est toujours vivant ?
L'Archimage était déjà âgé en 605 quarante ans plus tard, il avait déjà dû redevenir poussière.
– Voyons, c'est un Dragon Divin. Tu sais qu'ils ne vieillissent pas comme nous autres. D'ailleurs, Tiki non plus n'a pas changé.
Les yeux d'Abel s'arrondirent encore. Cela faisait des années qu'il n'avait pas pensé à l'enfant Manakete et à son innocence désarmante.
– Où sont-ils maintenant ?
– Ils voyagent, dit-elle en reprenant son ton évasif.
Son visage s'éclaira ensuite, et elle enchaîna, plus joyeusement :
– La Guilde des Charpentiers sert de la bière gratuite, si tu es intéressé.
– Je le suis, dit-il, content à l'idée de se nourrir enfin de quelque chose qui ne lui fût pas offert par Catria.
– Ce sera bondé, le prévint-elle. De la boisson gratuite et l'occasion de voir la Halle de près, ça attire du monde.
Abel ne comprit la deuxième moitié de sa phrase que lorsqu'ils se trouvèrent devant les portes immenses et immanquables de la Halle des Guildes.
– C'est aussi grand qu'un palais ! s'exclama-t-il.
– C'est le plus grand bâtiment privé du continent. Avant les guerres, Altea tirait sa richesse de son sol et de la pêche. A présent, les marchands et les négociants sont les rois, et les charpentiers les princes, depuis que Shiida a fait venir des armateurs de Talys.
L'intérieur de la Halle était encore plus stupéfiant. Le plafond ne ressemblait à rien de ce qu'Abel avait vu jusque-là ; il était fait de plusieurs étages d'arches reliées entre elles, couvertes d'or et d'ornements de toutes sortes.
– Est-ce de la magie ?
– Quoi ? fit Catria en regardant le plafond à son tour. Oh, le toit ? Non, il n'y a pas de magie là-dedans.
– Mais comment diable ont-ils fait monter tout ça ?
– Nous avons les meilleurs charpentiers du monde. Allez, arrête de poser des questions stupides et viens faire la queue.
Abel ne pouvait s'empêcher de lever les yeux tous les quelques pas. Le plafond léger, aérien et étincelant ne semblait reposer sur rien, et il paraissait impossible qu'une structure si délicate pût en retour supporter le poids du toit.
Un groupe de jurés juchés sur une plateforme surélevée s'inclinèrent devant un homme âgé portant la robe bleu sombre d'un conseiller royal altean. Ses vêtements en eux-mêmes n'avaient rien d'exceptionnel, mais la chaîne dorée qui pendait à son cou indiquait son véritable rang. L'un des jurés tendit un gobelet somptueux au ministre, et celui-ci but par courtoisie une petite gorgée de son contenu. Quelque chose dans ce geste étudié parut assez familier à Abel, de même que les cheveux de l'homme, blancs comme neige, touffus et en bataille malgré son statut important. La vérité lui éclata au visage alors même que le conseiller se tourna dans sa direction ; Abel était bien trop grand pour éviter le regard de l'autre homme. Il baissa les épaules et la tête, se faisant aussi quelconque que possible. Après des années passées à se cacher, il savait se rendre presque invisible quand le besoin s'en faisait sentir. Il se sentait presque en sécurité quand la voix de Catria parvint à ses oreilles.
– Ne t'attarde pas. Ils sont nombreux à attendre leur tour derrière nous.
En dépit de l'attente qui avait précédé le moment où on lui tendit sa chope de bière, Abel y toucha à peine. Quand ils revinrent dans la rue, il sentit le bruit et la fatigue l'assaillir de nouveau. Ses articulations étaient douloureuses tout en lui, ses coudes, ses genoux, ses chevilles, ne demandait que le repos. Il se laissa tomber sur un bloc de granite qui servait de socle à une autre statue grandiose, et lâcha sa canne. Elle ne lui avait pas servi à grand-chose. Il resta un moment assis à regarder les passants. Deux jeunes garçons en uniforme blanc s'affairaient dans la rue ; l'un ramassait les détritus, tandis que l'autre balayait les pavés. Un vendeur de rue au fort accent grustien invitait à goûter des bâtons de cane à sucre sofiane, tout frais et pas chers. Une vingtaine de jeunes filles en tuniques bleues assorties le dépassèrent chacune avait une fleur de tissu blanc cousue sur l'épaule. Abel, ébahi, les regarda grimper sur les marches d'un bâtiment qu'il ne connaissait pas, construit dans un style qui ne lui disait rien. Le fronton de la porte portait l'inscription suivante, en lettres dorées : "École Pour Filles Reine Liza".
Les portes se refermèrent net derrière la dernière des filles, et Abel se força à parler.
– Caïn est vivant.
– Oh, alors tu l'as vu, constata nonchalamment Catria. Oui, il est vivant. Nous ne sommes pas les seules reliques à subsister en cette ère.
– Il est chancelier ?
– Et il le restera jusqu'à la fin de ses jours. Il est un homme indispensable en cette époque. Notre roi n'est pas celui que son père était, mais grâce à Caïn, cela n'a pas d'importance.
– On dirait qu'il n'a pas changé, commenta Abel avec un rire quelque peu éraillé.
Il était immensément soulagé de savoir que son ancien compagnon était toujours de ce monde.
– Nous changeons tous, rétorqua Catria. Les vivants plus que les morts, je te l'accorde.
Son regard n'était pas dirigé vers lui, mais vers la grande place ; Abel tourna la tête pour le suivre, et se dit qu'elle devait regarder la grande statue couverte de fleurs.
– Je ne crois pas qu'il m'a vu.
– Pour lui, Abel, tu es mort. Mieux vaut que cela reste ainsi.
Elle se leva et recommença à marcher, et Abel n'eut d'autre choix que de la suivre, ignorant la douleur qui le tiraillait. Catria prit une longue route sinueuse, comme si elle voulait le promener autant que possible dans la ville. Elle se remit à chantonner l'air de tout à l'heure, et Abel crut enfin le reconnaître. Le nom lui échappait cependant toujours, et il décida d'ignorer Catria pour se concentrer sur les merveilles qui l'entouraient.
– Académie Royale des Guérisseurs, lut-il à voix haute alors qu'ils passaient devant un bâtiment flambant neuf.
Il reconnut le symbole qui en surmontait le fronton : c'était le symbole personnel de la princesse Elice d'Altea. Elle avait parlé de fonder une école, et ce devait être celle-ci.
– C'est l'antenne locale, expliqua Catria. Il y en a aussi à Aurelis et Medon. Linde enseigne à l'Académie d'Aurelis.
– Linde ?
– Les mages de lumière vivent deux fois plus longtemps que les gens ordinaires, tu ne le savais pas ? En la voyant aujourd'hui, tu aurais peine à croire qu'elle a dépassé les quarante ans.
Abel secoua la tête ; il n'avait en tout cas guère de peine à se souvenir de Linde, la gracieuse sylphide aux cheveux noisette et au teint radieux.
– Elle ne prend plus de petites apprenties, poursuivit Catria. Dame Linde préfère les jeunes hommes.
Il décida d'ignorer ses commentaires.
– Je me demandais... la boutique, la maison où Est et moi vivions...
– Si tu veux voir l'endroit, Abel, il faudra que tu le trouves toi-même. Je ne t'y emmènerai pas.
***Fin du Chapitre Un***
Notes de Mark of the Asphodel
Voilà la "dernière" partie des "Récits du Royaume Unifié". Dernière, en tout cas, du point de vue de la chronologie, car c'est en fait la première que j'ai commencé à écrire, et on peut sans soucis la lire en premier. "Abandonné", qui relate la vie d'Abel jusqu'à son exil à Hekla, est le prequel de cette fiction, alors que "Esquisses de Valencia" se centre sur Catria (jeune) et ses sœurs. Quoi qu'il en soit, ce n'est que la première partie. Vous trouverez des notes plus détaillées sur mon LiveJournal, mon compte DeviantArt, et à la fin du chapitre 2 (Ange).
Note de votre humble servante
Les fictions auxquelles il est fait référence ici ne sont pas encore traduites, donc ne vous évertuez pas à les chercher pour le moment. Mais je jure que vous les verrez bientôt ! Et excusez les noms de lieux un peu ridicules. J'essayerai de leur trouver de meilleurs substituts.
