Salut à tous !

J'ai commencé cette fiction il y a un long moment, déjà. C'était ma toute première, et je l'ai postée presque au fur et à mesure que je l'écrivais. Ca a pris plus de temps que ce que j'aurais pensé... cinq ans, rien que ça. Pour onze chapitres. Nous ne ferons aucun commentaire...

Toujours est-il que mon style a évolué grandement entre le premier et le dernier chapitre. Et une fois que je l'ai eue finie, il me semblait évident qu'il fallait que je réécrive et étoffe les premiers chapitres. Donc c'est ce que je vais faire, même si je ne sais pas trop à l'heure actuelle combien de temps il me faudra.

Donc voilà, le premier chapitre réécrit (toujours beaucoup plus court que les derniers, mais la différence est moins flagrante, c'est déjà ça...). Pour ceux qui découvriraient juste cette fiction, soyez prévenus, il risque donc d'y avoir un décalage important entre celui-là et le suivant, pas encore retravaillé.

Dans tous les cas, bonne lecture à tous !


Disclaimer : Vous commencez à le savoir, mais sachez qu'Harry Potter appartient encore et toujours à JK Rowling.


Tu ne sais pas vraiment quand ça a commencé. Il a toujours fait froid, ici, si froid que tu ne vis que recroquevillée dans un coin, contre le mur glacé. Il est arrivé, de temps à autre, que ta vision se trouble, que tu vois des choses qui n'auraient pas dû exister, un ou deux fantômes qui tournoyaient à quelques pas de là en t'adressant des sourires narquois. Et puis, bien sûr, il y a les cris, incessants et insupportables, et la fois où tu as essayé de t'arracher les oreilles dans un accès de folie pour ne plus les entendre. Mais dans l'ensemble, tout va bien.

Tu survis. Tu as tout le temps, ici, pour préparer une vengeance sanglante, une dont pas un ne se remettra. Ils brûleront, ils brûleront tous ; tu te l'es promis.

Mais depuis quelques temps, quelques jours à moins que ce ne soit des semaines, le froid a empiré. Tu grelottes sans cesse, recroquevillée dans ton coin, et quand tu ouvres les yeux, il arrive plus souvent que l'inverse que tu plonges ton regard dans celui d'un fantôme, accroupi devant toi.

Tu as vu Sirius, ton père, un peu d'Andy avant qu'elle ne s'enfuie. Et tu donnerais tant, tout peut-être, pour ne pas voir les autres ; les ténèbres cachées que tu sens rôder autour de toi, et qui deviennent réelles, et qui deviennent tangibles. Les monstres de tes cauchemars, soudain revenus à la vie. Tu sais, s'il te faut les affronter, que tu y laisseras la vie.

Tes yeux sont fermés depuis des heures. Des jours, peut-être ; tu ne veux plus les ouvrir. A la place, pour combler le néant, tu parles. A Rodolphus, quand tu le peux. Seule quand il ne répond pas. Parfois, tu l'entends pleurer, et tu te bouches les oreilles pour ne pas devoir affronter sa douleur en plus de la tienne. D'autant que toi, tu n'as jamais pleuré ; et pourtant, tu as un trou immense au milieu de la poitrine, un vide glacé et terrifiant qui avale tous les souvenirs heureux auxquels tu veux t'accrocher.

Il y a le bleu immense des iris de Narcissa, le goût divin des Chocogrenouilles achetées en cachette à bord du Poudlard Express, un après-midi consacré à faire des tresses à Andromeda, un vieux sapin derrière lequel tu aimais te cacher petite, la chaleur étonnante que peuvent dégager les prunelles glacées de Rodolphus, le rire granuleux et insolemment libre de Sirius. Et il t'en manque tant, déjà. Des dizaines, des centaines ; un nombre incalculable de moments de bonheur arrachés à ta mémoire, disparus sans rien laisser d'autre qu'un petit peu de froid pour rappeler qu'ils avaient été là un jour.

Alors forcément, tu as froid. Si froid que tu ne sais pas, au fond, si tu en réchapperas vraiment. Tu refuse de reconnaître cette peur-là. Tu es Bellatrix Lestrange, Bellatrix Black. Qui donc pourrait t'arrêter ?

"Rodolphus ?", tu tentes, quand même, pour chasser le froid et les fantômes, pour tenir, encore un peu, une minutes puis deux puis une année entière.

Seul un soupir un peu lointain te répond. Tu hésites. Une seconde, deux secondes.

"Rodolphus ?"

Tu as toujours aimé rire, pas vrai, Bella ?

Tes yeux s'ouvrent en grand. Aucun fantôme devant toi, juste un vide infini de tristesse et de regrets. La voix, encore. La grande nouveauté, la surprise du jour. Ou de la semaine, peut-être ; pas du mois, en tout cas, tu en es presque sûre.

La voix, et la terreur sans fond qu'elle ouvre au plus profond de ta poitrine, la certitude absolue que l'écouter signera ta fin. La voix, ses inflexions caressantes aux arêtes tranchantes, son timbre enjôleur aux mots coupés au rasoir.

Tu as peur.

Tu as toujours aimé rire, pas vrai, Bella ?

Tu refermes les yeux, tu secoues la tête. Tes dents sont si serrées qu'elles grincent l'une contre l'autre quand tu te mets à trembler.

"Rodolphus ?"

Il y a un rire, tout près de toi, un rire doux, affectueux ; tu sens tous les poils de ta nuque se hérisser. C'est un rire que tu ne reconnais pas, pas plus que la voix d'ailleurs. Pourtant tu sais, instinctivement, que c'est le sien ; que c'est la voix, faite réelle par tu ne sais quel génie du mal, qui rit et qui remonte lentement le long de tes bras crispés pour s'arrêter près de ton oreille.

Bella, petite Bella…

Un sanglot remonte le long de ta gorge, tu le ravales avant qu'il ne sorte. Tu ne pleureras pas. Plus jamais.

Tu as toujours aimé rire, pas vrai, Bella ?

Et tu te sens basculer, frêle et impuissante, dans une autre dimension, une dimension inconnue et terrifiante qui t'arrachera, tu le sais, jusqu'au dernier brin de ton âme, lambeau par lambeau jusqu'à ce qu'il n'en reste rien. Et l'espace d'un instant, d'une minuscule seconde, une envie de pleurer insurmontable s'abat sur toi, prend ta gorge ; mais ton corps ne répond plus, et tu parviens juste à articuler, comme une ultime supplication, "Maître…"

Au loin, à des milliers de kilomètres, dans un autre monde sans doute, tu as le temps de percevoir une bribe de réponse.

Et puis tout devient noir.


Tu as toujours aimé rire, pas vrai, Bella? Déjà, petite, tu remplissais le manoir de tes rires. Tu riais de tout, tu riais de rien, il était tellement lugubre ce manoir, il fallait bien que tu fasses quelque chose... Tu avais en toi cette certitude, ancrée, que personne ne viendrait jamais te sauver, et que tu devrais te débrouiller toute seule. Tes parents, leurs amis, que feraient-ils pour toi, le jour où tu tomberais ? Rien, rien du tout. Pourquoi ne leur aurais-tu pas ri au nez ?

Le seul qui était de ton côté, c'était Sirius. Dans ses yeux gris, il y avait la promesse d'un autre monde, la promesse de victoires futures auxquelles tu n'osais même pas rêver, l'assurance d'un bonheur fou, inexcusable dans ta famille, auquel tu voulais croire plus que tout. Lui aussi riait, il avait un rire rauque qui sonnait pourtant étonnamment pur, le rire d'un enfant invincible, et tous les jours vous vous inventiez un monde idéal que vous construiriez vous-mêmes, quoi qu'en pensent les autres, parce que vous étiez des Black et que les Black sont plus forts que tous ceux qui veulent les faire tomber à terre, c'est bien connu.

Vous vous pensiez puissants, pas vrai, Bella ? A l'époque, à l'époque vous vous croyiez au-dessus de tout, des autres et des lois, et même de vos parents. Tu ne les craignais pas, enfant, toute enfant, t'en souviens-tu ? Ils ne te faisaient pas peur, parce que tu étais une Black et que tu étais leur fille, et que jamais ils te ne feraient de mal. Tu pouvais tout faire, tout dire, tu étais au-dessus de toutes les restrictions, toutes les règles. Alors, avec Sirius, vous faisiez les quatre cent coups, puisque rien ni personne ne pouvait vous en empêcher, puisque vous étiez des Black et puisque même vos propre parents n'étaient pas plus forts que vous. Vous faisiez tourner en bourrique les elfes de maison, vous décrochiez les tableaux des murs, vous rajoutiez du sel et du poivre dans les gâteaux à la cuisine, vous repeigniez tout l'escalier en rouge et or. Vous étiez comme frère et sœur, toujours fourrés ensemble - après tout, bien que cousins, vous vous voyiez presque une fois par jour. Parfois, vous intégriez Regulus ou Andromeda a vos jeux. Parfois même Narcissa. Et, une fois votre méfait accompli, invariablement, tu éclatais de rire.

De toute façon, c'est bien simple, tu passais tes journées a rire. C'était un rire de petite fille, haut et clair, plus aigu que celui de Sirius et tout aussi insolent. Vos rires, entremêlés aux détours des couloirs, tu t'en souviens, Bella ? Tu t'en souviens encore ? Rien n'avait d'importance, à l'époque, tout prêtait à rire, les plaintes respectueuses des elfes comme les hurlements outragés de vos parents. Tu ne t'en souciais pas, de leurs remontrances, n'est-ce pas ? Tu étais bien au-dessus de tout ça.

Mais eux, eux ils haïssaient ton rire. Ce n'était pas convenable, de rire comme ça, tout le temps, a propos de rien, ce n'était pas digne d'une Black, fut-elle une petite fille. Ils te le disaient, ils te le murmuraient, ils te le criaient, mais tu n'avais jamais écouté, en petite fille arrogante et trop sûre d'elle, tu n'avais pas fait attention. Tu étais supérieure à n'importe qui, pas vrai Bella, supérieure à tes parents comme au reste du monde, après tout, et jamais tu n'avais pensé aux conséquences de cet irrespect affiché, parce qu'après tout c'était eux qui t'avaient enseigné ta supériorité, depuis ton plus jeune âge, et il ne t'était jamais venu à l'idée qu'ils s'excluaient du lot, quand ils disaient que le reste du monde t'était inférieur.


Il fait froid, froid comme si tu étais enfermée dans une carcan fait de glace, et ce froid-là est si puissant qu'il pénètre à l'intérieur de toi et gèle ton sang dans tes veines, et le flot de tes pensées dans ton esprit. Tu respires, lentement, les yeux fermés, comme une enfant au bord de la crise de panique que personne ne vient aider. Tu entends Rodolphus te parler, t'appeler, mais tu ne veux plus l'écouter, seulement survivre, et survivre en cet instant te demande toutes tes forces

La voix volette autour de toi comme un oisillon moqueur, tu ne sais pas d'où elle vient et cela te terrifie. Tu n'as jamais entendu de voix, avant. Les gens te disaient folle, bien sûr, mais tu ne l'étais pas, pas vraiment, même si tu étais peut-être la seule à le savoir. Juste pleine de mépris et de haine, et il y a entre la haine et la folie une différence fondamentale que tu sens s'estomper dans l'air qui t'entoure.

Folle, folle, folle. Tu n'es pas folle.

N'est-ce pas ?


Tu t'en souviens, de ce soir, Bella ? Tu t'en souviens, tu t'en souviens forcément. Ils recevaient des gens importants, tes parents, les Rosier, rien que ça. Ca te revient ? La vaiselle fine sortie, le grand ménage de la maison et les elfes qui couraient dans tous les sens, houspillés par ta mère. Toi, dans un coin, un sourcil aristocratique haussé, un sourire sur les lèvres. Ta mère t'avait envoyée te préparer d'un revers négligent de la main, et tu étais partie en riant, tu avais accroché un noeud dans tes cheveux et ensuite un elfe était monté et avait refait toute ta coiffure.

Tu étais jolie, Bella, mignonne comme un coeur. Forcément, tes parents espéraient te fiancer, ce soir-là, avec le fils Rosier, Evan. Tu t'en souviens, Bella, d'Evan Rosier ? Bien sur que tu t'en souviens, comment aurais-tu pu l'oublier ? Evan Rosier, à l'époque, avait onze ans, des cheveux bruns fascinants de brillance, un air supérieur insupportable et un sourire faux. Tu l'avais trouvé méprisable. Et tu étais petite, Bella, si petite que tu n'avais pas compris qu'il te fallait cacher ce dégoût-là, le reléguer au fond de toi comme un secret putride, et sourire, Bella, sourire. Comme une petite fille bien élevée.

Mais tu n'étais pas vraiment une petite fille bien élevée, n'est-ce pas ?

Tu n'avais que neuf ans, ce soir-là. Neuf ans et une arrogance hallucinante pour qui ne connaissait pas les Sang-Purs. Evan Rosier, lui, était un grand connaisseur de cette arrogance caractéristique, simplement il l'aimait chez lui-même et pas chez les autres. C'était ironique, bien sûr, même s'il ne s'en rendait pas compte à l'époque, parce que tu étais exactement pareil et que vous n'en aviez conscience ni l'un ni l'autre. Tu grandirais, Bella, et tu deviendrais bien plus puissante que lui, tu le savais, même à neuf ans. Mais lui ne le savait pas, et vos parents ne le savaient pas, et vos parents n'auraient d'ailleurs pas approuvé, mais tu t'en fichais, Bella, de l'avis de tes parents, pas vrai ? Tu n'aurais pas dû, bien sûr. Mais tu t'en fichais.

Evan Rosier allait rentrer à Poudlard à la rentrée. Il allait être le meilleur partout, il allait écraser sous son talon tous ces Sang-Impurs qui osaient envahir l'école, les Sang-de-Bourbes et même les Sang-Mêlés, il allait enfin être grand, et ses parents le regardaient avec un sourire fier. Et toi, Bella ? Toi, toi, tu allais rester petite. Il ne l'avait pas dit, pas à voix haute, mais il t'avait lancé un regard en coin qui valait tous les mots. Je vais être grand. Et toi, Bella, et toi, ne voyait-il pas que tu étais déjà bien plus grande que lui ?

Tu aurais voulu lui rabattre le caquet, à Evan Rosier, tu aurais voulu lui hurler que tu étais son égale, et l'obliger à te regarder comme telle, tu aurais voulu sourire d'un air distant et échanger un regard de connivence avec tes parents, tu aurais voulu que ses parents à lui froncent les sourcils et le reprennent, tu aurais voulu tellement de choses que ta gorge en était restée fermée, et pendant une seconde tu avais senti le monde entier arrêter de tourner. Que pouvais-tu faire, Bella ? Tu aurais voulu être déjà grande, vraiment grande, pas seulement dans ta tête et dans les rêves que tu inventais avec Sirius ; mais tu étais petite, trop petite, et tes parents hochaient la tête et souriaient à Evan, pas à toi. Alors tu avais fait la seule chose que tu saches bien faire : tu avais éclaté de rire, au nez d'Evan Rosier, de tes parents et des siens. Un rire grinçant, un peu hautain, parce que tu étais quand même sacrément mal a l'aise. Mais un rire tout de même, insolent et provocateur, parce que tu étais Bellatrix Black, et ils l'avaient oublié, l'espace d'un instant, comment osaient-ils ?

Et alors, alors le monde s'était arrêté de tourner pour de vrai. Qu'est-ce que ça veut dire, ça ?, avait grincé Félix Rosier, Je n'en sais rien, mais Bellatrix va s'excuser, n'est-ce pas, Bellatrix, avait dit ton père, et puis son regard s'était durci devant ton visage effaré. Excuse-toi, Bellatrix. Maintenant !

Tu ne comprenais pas ce qui se passait, pas vrai, Bella ? Tu leur étais supérieure, supérieure à tous, mais il y avait une lueur dans le regard de ton père qui t'avait fait peur, pour la première fois de ta vie, et tu avais failli obéir. Tu t'en souviens ? Il y a eu une excuse qui a remonté ta gorge et a failli passer la barrière de tes lèvres, et en toi il y avait une envie furieuse de pleurer et de hurler contre le monde entier. Et puis, juste après... une pensée, soudaine et imprévue. Sirius n'aurait pas cédé, lui, n'est-ce pas ? Et Sirius, Sirius avait la force d'inventer un futur où vous étiez toujours gagnants, et tu ne pouvais pas le décevoir, pas vrai, Bella ? Il fallait que tu sois digne du bonheur que tu revendiquais. Il fallait que tu gagnes, et donc, par extension, il fallait que tu te battes.

Tu avais une boule glacée coincée au fond du ventre, mais tu n'en avais rien laissé paraître quand tu avais secoué la tête lentement, le regard noir, un geste définitif qui n'allait pas à une petite fille de neuf ans.

Évidemment, les Rosier l'avaient mal pris. Ils l'avaient même tellement mal pris qu'ils avaient pris congé, les lèvres pincées, le regard noir. La porte avait claqué derrière eux sur un silence de mort, et ce silence-là t'avait hanté, longtemps après, comme un exemple frappant du calme avant la tempête, et après coup, Bella, après coup tu aurais tout fait pour empêcher cette porte-là de se fermer.

Tes parents avaient fait des pieds et des mains, bien sûr, pour que les Rosier restent, pour que les Rosier reviennent, ce n'était après tout qu'un malentendu. Mais eux ne voulaient pas fiancer leur fils unique à une petite rebelle, évidemment. Andromeda, peut-être... Mais toi ? Jamais.

Tu avais fait les frais de cette déconvenue. Evidemment. Et pourtant, pourtant à l'époque tu en était restée tellement statufiée, tellement interdite, que quelque chose en toi s'était brisé à tout jamais. La première fois que tes parents t'ont battue, Bella, t'en souviens-tu ? Tu étais supérieure à tous, tellement meilleure que le reste du monde, et pourtant cette nuit-là tu avais pleuré et supplié comme si tu n'étais rien, roulée en boule par terre, la voix déchirée par les sanglots qui t'obstruaient la gorge. Personne n'est jamais si haut qu'on ne puisse pas le jeter à terre.

Ils avaient hurlé et tempêté, leurs ongles dans tes cheveux et leurs bouches collées à ton oreille, ils t'avaient giflée, frappée et griffée, et puis ils avaient hurlé et hurlé encore, et frappé et frappé encore, jusqu'à ce que tu te taises, jusqu'à ce que tu ne sois plus rien, vraiment plus rien, et jamais, jamais jusque-là tu n'avais été rien. Alors, ton père avait dit, "Monte dans ta chambre, je ne veux plus t'entendre. Ne refait jamais une chose pareille, Bellatrix, est-ce clair ?", et il était sorti de la pièce sans même attendre ta réponse. Tu avais senti une compréhension terrible se graver au plus profond de toi, une haine et une peur et une solitude absolue, et la certitude monstrueuse de ta propre impuissance.

Finalement, de retour dans ta chambre, tu t'étais effondrée sur ton lit, en larmes, presque incapable de respirer tellement tu pleurais. Il y avait un goût de sang sur tes lèvres, et du rouge sur ta peau pâle, comme un aveu de défaite. Et tu avais peur, Bella, tellement peur que tu n'arrivais plus à respirer, et il t'avait pourtant fallu arrêter de pleurer presque immédiatement, pour qu'ils ne reviennent pas furieux du bruit que tu faisais. Tu étais Bellatrix Black et tu n'avais pas le droit de pleurer, juste celui d'obéir aux ordres de tes parents, sans mouchter, sans rire, sans lever les yeux. Et tu n'avais plus le choix, n'est-ce pas, Bella, plus d'avenir radieux déroulé devant toi par Sirius, juste une promesse de coups si tu te prenais à rêver encore. Tu serais sage, docile, une parfaite petite Black, Sang-Pure de bonne famille.

Mais ce soir-là, dans ton lit, tu avais essayé de rire, pour panser tes blessures et oublier la lueur démente dans les yeux de ta mère quand elle t'avait giflée si fort que ta tête avait rebondi sur le buffet derrière, pour te fabriquer en secret un espoir fou que tu aurais gardé au chaud, caché au fond de ta poitrine. Rire aurait tout arrangé, tout guéri, même si tu aurais été la seule à le savoir. Et un jour, un jour tu aurais été plus forte qu'eux, pas vrai Bella ? Un jour, tu aurais su te venger des coups et du sang, des larmes et de la peur.

Mais ton rire s'était étranglé dans te gorge, et tu avais eu l'impression d'étouffer et de mourir de l'intérieur, comme si tu n'arriverais plus jamais à respirer normalement. Et finalement, c'est un sanglot qui en était sorti, un unique sanglot qui s'était arrêté net, différent des larmes de détresse qui s'étaient taries sur tes joues, un bruit monstrueux que tu ne te pensais pas capable d'émettre. C'était un sanglot rauque, douloureux, haineux déjà. Une promesse.