Tu sais Tom, nous deux c'est noir et blanc.

Les mèches blanches dans mes cheveux noirs, et ton bandeau noir sous ta casquette blanche. Les ombres et lumières de nos piercings –c'est ça, nous sommes ombre et lumière.
Nous sommes passés de l'ombre à la lumière, du noir vers le blanc, et,
du monde immense de couleurs et de vie où nous étions,
nous sommes allés vers un monde en noir et blanc, dans les cases étriquées de la une des journeaux, obligés de nous parquer dans l'ombre pour mieux nous vautrer dans la lumière.

Nos instruments de musique et la fosse, noir encore, la lumière avauglante des projecteurs et ma voix, blanc.

Noir et blanc comme un damier, un échiquier, noir et blanc comme du café et du sucre,
nuits noires,
nuits blanches.

Nous deux c'est noir et blanc.

Il y a ceux qui nous poussent l'un vers l'autre et ceux qui éloignent.
Il y a quelque part, écrit noir sur blanc, des lois interdisant l'inceste ;
et ailleurs, écrit noir sur blanc, un acte de naissance stipulant que nous sont frères, jumeaux monozygotes ;
dans un carnet, dans ma chambre, dans une maison en Allemagne, il y a, écrit noir sur blanc, que je t'aime et que tu m'aimes aussi.

Il y a des images blanc sur noir de deux fœtus dans le ventre de leur mère, blottis l'un contre l'autre, si petits, si frêles, si abstraits, et déjà si vivants. Déjà de noir et de blanc.

Il y des nuits entières les yeux dans les yeux, dormant parfois, noir de nuit et blanc de lune, rouvrant les paupières à quelques minutes d'écart, comme une seconde naissance. Blanc des yeux et noire pupille qui se fond dans l'iris. Noir et blanc, toujours.

Mais je ne t'aime pas, pas vraiment,
ni d'amour fraternel
ni de l'amour de nos parents.
Je ne t'aime ni noir ni blanc.

Je t'aime en gris changeant,
de bien et de mal, de nuances composées,
d'ombre et de lumière,
d'étoiles blanches brodées sur un ciel noir.

Je t'aime, en noir et blanc.