CHAPITRE I
Don reprenait progressivement connaissance, et en même temps que la conscience, lui revenait l'impression que quelque chose d'abominable s'était produit, quelque chose d'irrémédiable dont le souvenir se dérobait.
Il ouvrit les yeux et s'étonna de ne pas reconnaître l'endroit où il se trouvait : une petite chambre peinte en vert pâle meublée d'un lit, d'une table de chevet et d'un téléviseur accroché au mur. Puis il aperçut la perfusion qui était branchée à son bras et le moniteur sur lequel ses constantes vitales s'affichaient.
Il comprit alors qu'il se trouvait à l'hôpital mais n'arriva pas pour autant à se remémorer ce qui avait bien pu se produire. Seule lui restait, diffuse, cette impression d'irréparable qui avait suivi son retour à la conscience : un événement terrible s'était produit que son cerveau ne semblait pas vouloir ramener à la surface pour le moment.
Il chercha des yeux un bouton d'appel : s'il se trouvait à l'hôpital, il y en avait obligatoirement un à portée de main. Il l'aperçut alors, à quelques centimètres au-dessus de sa tête. C'est lorsqu'il voulut bouger la main droite qu'il se rendit compte que son bras, emprisonné dans un bandage épais de l'épaule au poignet, était retenu en écharpe. Pourtant, il n'avait pas vraiment mal : les calmants, sans aucun doute. C'était aussi sans doute à leur action qu'il devait cette sensation cotonneuse dans laquelle son cerveau s'engluait. Il lui fallait se secouer, retrouver ce qu'il faisait là et depuis quand il y était. Il tenta alors de bouger le bras gauche et s'aperçut que son avant-bras portait aussi un bandage, mais que ce membre là pouvait remuer sans entrave.
Abandonnant l'idée de sonner, il décida de se rendre compte d'abord de l'étendue et de la gravité de ses blessures. A tâtons, sa main remonta le long de son visage et rencontra un nouveau bandage au niveau du front, puis un large pansement sur la nuque. Il rabattit alors le drap sous lequel il n'était vêtu que d'une légère chemise d'hôpital et tenta de déceler d'autres traumatismes.
C'est à ce moment-là qu'il prit conscience d'avoir comme un poids énorme pesant sur le bas de son corps, l'impression d'être engourdi des orteils à la taille. Une sueur froide coula le long de son dos : c'était impossible, ce ne pouvait être qu'une sensation due aux anesthésiques ; à moins qu'il ne soit en train de faire un horrible cauchemar. Il mobilisa toutes ses forces, toute sa volonté dans un seul but : faire bouger ses jambes, ne serait-ce que d'un centimètre. Mais ses membres lui refusèrent tout service, le bas de son corps était totalement inerte. L'horrible réalité le submergea soudain et la panique déferla en lui comme un raz-de-marée puissant :
« Noonn !! »
Le hurlement presqu'animal qu'il poussa alors amena dans sa chambre une femme d'un certain âge, vêtue d'une blouse blanche.
« Agent Eppes ! Vous êtes enfin réveillé ! »
Elle s'aperçut rapidement que son patient n'était pas en état de lui répondre, en proie à une crise de panique incontrôlable. Elle sonna immédiatement le médecin qui accourut et qui, voyant l'état du blessé, s'empressa de lui injecter un calmant qui ne tarda pas à faire son effet.
Don sentit son corps s'alourdir, ses paupières se fermer, la panique reflua petit à petit et il perdit conscience en murmurant :
« Pourquoi ? »
