Je le prends dans mes bras une dernière fois. Je le sens tressauter doucement contre moi. Il pleure. Je pleure aussi.
Les gens autour de nous nous observent. Certains avec compassion, d'autres avec dégoût. Des putains d'homophobes. Je tente de ne pas y penser. Ces gens ne méritent pas que je porte mon attention sur eux plutôt que sur Marco.
Je resserre mon étreinte et il fait de même. Ce contact muet, cette pression, ce signal échangé, est plus clair que les mots ; il ne veut pas qu'on se sépare. Et moi non plus.
"Marco...
- Jean..."
Sa voix est brisée. On est tous les deux perdus, seuls, au milieu de la foule. Un terrible poids s'est installé dans mon ventre. J'ai l'impression qu'il ne va pas revenir, que je ne le reverrai plus jamais.
"Les passagers du vol numéro 36820 sont priés de se présenter à la zone d'embarquement."
Je déteste cette voix synthétique, cette annonce qui est mon bourreau, qui me sépare de lui, qui l'éloigne de moi, loin, trop loin... Marco, pourquoi pars-tu faire cette école... Me laisse pas seul...
Je le sens se décoller légèrement de moi. Je ne veux pas qu'il parte, retarder l'échéance, c'est tout ce que j'ai en tête à ce moment-là. J'enfouis mon visage dans son cou et le resserre de plus belle contre mon corps. Je l'entoure de mes bras, dans un espoir inutile que je pourrai le retenir comme ça. Je pleure comme si c'était la fin du monde. Et c'est vrai. Mon monde s'écroule autour de moi avec son départ. La voix de femme, dénuée de sentiments, est juste la première secousse du séisme.
"Jean... Je dois y aller.
- Marco ! Je... Non... S'il te plaît, ne pars pas... Il est encore temps de changer d'avis...
- Jean. Je pars apprendre le métier que j'ai toujours voulu faire. Quand je reviendrai, je serai diplômé, et on pourra habiter ensemble dans un appartement plus grand que notre studio d'à peine 18 mètres carrés. Courage. Je sais que c'est dur. Tu vas terriblement me manquer. Mais ça vaut le coup, tu en vaux le coup. On en vaut le coup.
- Marco..."
Cette fois, il s'est décollé pour de bon. Il me prend le visage dans ses mains, ses yeux embués de larmes plongés dans les miens.
Il se rapproche, et, contre mes lèvres, souffle : "Je t'aime, Jean."
Et il m'embrasse, désespérément, trop rapidement, et déjà il a passé la porte, et je le vois s'éloigner à travers la paroi de verre. Et je suis là, impuissant, je reste planté là, à le regarder sans pouvoir rien faire.
C'est le dernier passager.
"L'embarquement pour le vol numéro 36820 est terminé."
Je tombe à genoux.
"Moi aussi je t'aime, Marco."
oOo
Petit prompt que j'ai écrit il y a deux mois (un peu plus, c'était le lendemain des résultats des présidentielles il me semble). Je l'ai corrigé plusieurs fois, hésitant à le publier, mais finalement je le fais maintenant parce que j'en ai marre d'attendre. Il s'agit de mon premier OS, que j'écris et que je publie, donc je n'ai absolument aucune expérience. Du coup, une petite review me ferait super plaisir, critique ou pas, avis, n'importe quoi, bref, une review en somme voilà. Merci d'avoir lu, et bonne fin de nuit, journée ou soirée (Il est minuit à l'heure où je publie) !
