Chapitre 1 :

Le silence. Chuck ne percevait aucun des bruits qui l'entouraient, alors qu'il descendait le couloir de l'hôpital, passif, assis dans ce fauteuil. L'infirmière qui était venu le chercher dans sa chambre l'avait déjà informé que Blair était hors de danger mais qu'importe, les battements de son cœur semblaient suspendus alors que les portes des chambres défilaient et qu'il croisait, indifférent, les membres du personnel de l'hôpital qui se pressaient autour de lui.

Son regard était plus noir que jamais, il fixait un point loin devant lui et tentait de se concentrer dessus pour ne pas s'écrouler, tant ces endroits lui rappelaient des moments indiciblement difficiles. Il ne pouvait traverser ces moments sans elle à ses côtés pour le soutenir. Elle seule avait les mots qui pouvaient le faire dépasser ses fêlures si profondes et encore à vif, en dépit de ce qu'il pouvait admettre. Et pourtant aujourd'hui c'était à lui de la porter, de la soutenir. Il le savait et cela le terrifiait. Comment pourrait-il jamais vivre en paix avec lui-même si il devait lui faire défaut aujourd'hui ? Il était parvenu si loin, il devait y arriver, à tout prix.

Il mit un instant à réaliser que l'infirmière avait arrêté son fauteuil devant une porte close. Comme elle s'en approchait pour abaisser la poignée, il l'arrêta d'un simple geste de la main, qui témoignait à lui seul de l'autorité naturelle qui animait Chuck Bass. Ses mains se crispèrent sur les accoudoirs de son fauteuil alors qu'il inspira profondément. La douleur se fit plus vive. Ses cotes brisées le faisaient plus souffrir qu'il ne l'avait admis devant les médecins, mais il ne voulait pas être abruti par les calmants et de toute manière, ceux-ci n'auraient eu aucune incidence sur la douleur qui était la plus présente à ce moment précis. Il sentit sur son épaule la main de l'infirmière qui tentait de l'inciter à rester dans le fauteuil roulant, mais la détermination qu'elle lut dans son regard fit qu'il n'eut rien besoin de dire pour qu'elle renonce à cette idée. Il se présenterait devant Blair debout. Il serait un homme debout pour elle.

Blair était parfaitement silencieuse. Elle pouvait à peine entendre sa propre respiration. Elle fixait intensément les gouttes d'eau qui ruisselaient contre la fenêtre de sa chambre. Elle savait qu'il allait venir : une partie d'elle même appelait sa présence si intensément, et une autre partie était absolument terrifiée. Elle ne voulait que lui et pourtant elle ignorait totalement comment elle allait réagir au moment où elle sentirait son regard se poser sur elle. Elle avait entendu le fauteuil s'approcher dans le couloir et l'avait senti. Le fait que celui-ci se soit arrêté devant sa porte avait achevé de la convaincre. Son corps entier était tendu, crispé, ses nerfs à vif. Elle était parvenue jusqu'à ce moment à garder le contrôle d'elle-même mais elle sentait qu'une faille commençait à se former dans son cœur, que sa carapace commençait à faiblir. Elle ferma les yeux et attendit.

La porte s'ouvrit, il s'avança lentement dans le court dégagement et l'image d'une chambre sombre et calme lui apparut. Seul le bruit de la pluie sur la fenêtre se faisait entendre et il trouva celui-ci curieusement apaisant. Blair faisait face à la fenêtre. Il ne la voyait que de dos mais il perçu tout de suite que sa posture témoignait d'une détresse totale, et il sentit son cœur comme écrasé dans sa poitrine.

Elle entendit ses pas. Elle le sentait approcher. La connexion, le lien qui les unissait était plus fort, plus intense que jamais, cela s'imposait violement à elle en cet instant. Elle intensifiât et ralentit sa respiration pour tenter de reprendre la maîtrise de son corps, qu'elle sentait se crisper davantage encore. Sa main agrippa l'oreiller encore plus fort. Ses paupières restaient obstinément closes.

Il s'avança dans la chambre. Il s'imposa de respirer profondément, tenta de contrôler le tremblement qui commençait à animer ses mains et y parvint. Encouragé par sa maîtrise retrouvée, il s'approcha du lit de Blair, et d'un geste fit signe à l'infirmière de fermer la porte de la chambre. Ce moment n'était qu'à eux. Il effleura de sa main la couverture rêche qui recouvrait les jambes de Blair, et caressa doucement ses chevilles pour manifester sa présence. Le corps de la femme qu'il aimait par-dessus tout était ramassé sur lui même, comme brisé. Il ne parvenait néanmoins à être sure qu'elle ne dormait pas. Il remonta vers la tête du lit, s'approcha de son visage. Ses yeux étaient fermés et un instant il cru qu'elle se reposait, mais son regard fut attiré par sa main qui serrait aussi fort qu'elle le pouvait son oreiller. Les jointures de ses doigts étaient blanchies par la force qu'elle y concentrait. Cette vision fit se briser en lui et n'y tenant plus, il tendit doucement le bras afin de prendre sa main dans la sienne.