Titre: Au pays des baguettes

Auteur: Louiz'

Avertissement: T

Résumé: En 1977, les Maraudeurs et leurs camarades de septième année débarquent à Beauxbâtons à l'occasion d'un Championnat de Duels inter-collège. Comme si la rencontre avec de nouveaux amis, la découverte d'une autre culture, les cours, le Boardcraft et les duels éprouvants ne suffisaient pas à les occuper, le kidnapping d'un élève français vient troubler le paisible séjour de nos amis de Poudlard. Si en plus, ils décident de s'en mêler...

Disclaim: tout l'univers magique, ainsi que divers personnages que vous reconnaitrez, appartiennent à la célèbre J.K.R et je ne touche aucun argent pour cette histoire.

Cependant, les descriptions du château de Beauxbâtons, Euphonie Duchaussel et tous les autres élèves français (sauf une, vous verrez bien ^^) sortent de mon misérable cerveau alors veuillez respecter mon travail.

Note de l'auteur: Bonjour à tous. Voici ma première fanfiction élaborée qui m'a demandée beaucoup de travail de préparation et qui j'espère, vous plaira.

Pour cet épisode, je vous emmène en France dans la vie d'Euphonie Duchaussel, un des protagonistes principaux de cette histoire. Il y a certes beaucoup de descriptions mais comme l'action ne se passe pas à Poudlard, il m'a bien fallu planter le décor. Bref, passez une agréable lecture (je l'espère) et je vous dis à bientôt!


Prologue: Aux Terres Méridionales d'Outre-Manche

L'aube se levait doucement sur la Céleste, une petite forêt des Hautes-Alpes, département du sud-est de la France. Les rayons ocres encore pâles illuminaient les mélèzes et les épicéas et parmi lesquels, Jupiter, le manoir des Duchaussel se dressait fièrement sur ses pierres massives en granit. Le nom de la maison faisait référence au dieu des dieux mais aussi au Napel encore appelée « Casque de Jupiter », une plante qui poussait à profusion dans les environs. La lumière matinale passait par un interstice entre les deux rideaux d'une chambre au deuxième étage pour venir frapper vicieusement la paupière close gauche d'Euphonie, encore endormie dans son lit à baldaquin. La gêne occasionnée acheva de la réveiller et ses yeux s'ouvrirent pour se refermer aussitôt, aveuglés par le faisceau ardent. Elle enfouit sa tête dans les draps moites, grogna et tenta de se rendormir, profitant de la grasse matinée qui se pointait à l'horizon. Mais la dure réalité la rappela à la raison quand après une demi-seconde de réflexion, Euphonie se souvint du jour qu'il était. Vendredi Premier Septembre 1977. La rentrée.

Dans un premier temps, un sentiment de dépit l'accapara (après tout, les vacances étaient finies) vite remplacé par un immense soulagement: elle allait enfin pouvoir quitter cette maison de timbrés. Cette nouvelle assimilée, Euphonie ouvrit complètement ses paupières et attendit que ses pupilles s'adaptent à la douce luminosité opacifiée par les voilages pourpres avant de laisser déferler dans son esprit, le flot de pensées qui l'assaillaient. Une vague de bonheur ondula dans tout son être suite à la révélation de son départ du manoir. Ne plus revoir sa mère pendant au moins neuf mois rendait la jeune fille plus réjouie que jamais, à la limite de l'euphorie. Ses jambes encore allongées sur le matelas en plumes d'oie trépignaient d'impatience de pouvoir bouger et Euphonie prit un malin plaisir à les laisser se languir de ce désir inassouvi. N'y tenant plus, elle sauta de son lit vêtue seulement d'un maillot blanc et d'une culotte. La nuit chaude l'avait faite transpirer aussi un frisson parcourut son échine lorsque l'air frais de la pièce caressa sa peau halitueuse.

Après s'être étirée de tout son long tel un félin, elle se dirigea vers sa salle de bain personnelle d'un pas nonchalant afin de prendre sa douche. Euphonie scruta attentivement son reflet dans le miroir. Malgré le beau temps et le soleil quasiment constant de cet été, sa peau restait éternellement translucide et laiteuse et les cernes violacés sous ses yeux la faisaient ressembler à un véritable zombie. L'effet d'horreur était accentué avec ses cheveux châtains emmêlés, sa silhouette frêle, son air hagard et ses yeux d'ébène traversés d'une lueur démente. Une grimace barra son visage harmonieux et avec un soupir, elle entreprit de se déshabiller. L'eau bouillante sur son corps lui fit le plus grand bien et c'est plus sereine et détendue qu'elle sortit de sa chambre, après s'être apprêtée. Euphonie s'était habillée d'un vieux short effiloché sur les bords et d'un T-shirt blanc délavé rien que pour faire enrager sa mère. Pour parfaire l'ensemble, elle portait ses tennis à l'origine blanches qui tiraient désormais sur le gris avec quelques nuances de terre. Elronde Duchaussel, la mère d'Euphonie, était à cheval sur les apparences et celle négligée de sa fille la mettait hors d'elle. Et tout ce qui pouvait énerver sa mère était bon à prendre.

Euphonie avança donc d'un pas déterminé, cheminant dans le dédale de couloirs et d'escaliers qui constituait la maison. Le manoir était un vrai labyrinthe réparti sur trois étages, décoré dans les moindres recoins de riches tentures vermillon et de tapis bruns tissés de fins fils d'or. Des tableaux aux valeurs inestimables ornaient les murs lambrissés en bois foncé et divers objets magiques très hétéroclites, certains à usage douteux, étaient entreposés ici et là, au détour d'un couloir ou sur des commodes cirées datant du XVIIIe siècle. Cette vieille baraque, comme se plaisait à dire Euphonie, appartenait à la famille Duchaussel depuis 1567, date de sa création. La chambre d'Euphonie se situait au deuxième étage, tout au fond du couloir, c'est-à-dire aussi loin que possible des pièces à vivres et de la chambre de sa mère. La jeune fille vivait recluse, éloignée de la vie quotidienne du manoir mais elle ne s'en portait pas plus mal. Plus elle était loin de tous ces fêlés du chaudron dont sa mère faisait parti, mieux ça valait. Bien sur, Euphonie était parfois obligée d'assister aux réceptions organisées par sa mère tyrannique et c'était tout le temps le même calvaire insupportable. Entendre des sorciers déblatérer autant d'inepties à la minute sur la supériorité des Sang-Pur avait le don de la mettre dans une colère profonde et elle préférait se retirer aussi vite que possible, avant qu'un fâcheux incident n'arrive. Mais un jour, Euphonie n'avait pas pu résister et avait lancé un Maléfice du Saucisson sur un homme qui faisait un exposé depuis plus d'un quart d'heure sur l'impotence des Sang-de-Bourbe. A bout de patience, elle avait prononcé la formule, baguette tendue sur le Scroutt devant elle qui se prenait pour un illuminé avant de réfléchir aux conséquences de son acte. La punition qu'elle reçut ensuite lui retira l'envie de recommencer mais Euphonie ne regretta pas son geste, ne serait-ce que pour la tête de l'homme qui se tortillait sur le sol comme une limace complètement incapable de se défaire de ses liens invisibles. Comme châtiment, Elronde avait consigné Euphonie dans sa chambre avec pour interdiction d'en sortir jusqu'à nouvel ordre. La jeune fille avait donc passé deux jours sans manger jusqu'à ce que Moki, l'elfe de maison du manoir lui apporte un thé chaud et des biscuits. Voilà pourquoi elle était extrêmement contente de quitter Jupiter. Au moins à Beauxbâtons, elle n'était pas obligée de supporter sa mère et ses simagrées ni son cercle de Veracrasses qui se disaient amis de la famille. Des sangsues (qui sucent le Sang-Pur, attention!) avares de renommée et de pouvoir, oui!

Arrivée au bas des escaliers de marbre, Euphonie bifurqua à droite vers les cuisines. Une odeur délicieuse de brioche chaude parvint à ses narines et elle se pressa un peu plus, impatiente de déjeuner. Lucette, la cuisinière Cracmol, s'occupait de verser la confiture de fraises dans les bocaux en verre quand Euphonie s'assit à la longue table en chêne qui occupait toute la longueur de la pièce. La femme d'une cinquantaine d'années avait attaché ses cheveux en un chignon lâche d'où quelques mèches grisonnantes tombaient négligemment. Son visage souriant et ses gestes doux démontraient son caractère au combien généreux et attentionné. Tant attentionné que ça en devenait exaspérant. Euphonie n'aimait pas la manie qu'elle avait de la cajoler et sa perpétuelle gentillesse la gênait, l'agaçait. Mais c'était bien la seule compagnie digne de ce nom à Jupiter (si on exceptait Moki, pas très doué pour les rapports humains). Lucette attendit qu'Euphonie ait fini son bol de chocolat chaud et ses tartines beurrées avant d'entamer la conversation:

« Mademoiselle semble de bien bonne humeur ce matin » dit-elle réjouie comme à son habitude

Euphonie s'autorisa un sourire fugace mais se reprit et afficha son masque marmoréen d'indifférence. De bonne humeur? Certes, elle ne ronchonnait pas dans sa barbe inexistante comme tous les jours. Elle renifla avec mépris comme si la cuisinière avait sorti une énorme bêtise mais répondit tout de même:

« Je vais enfin quitter cette satané prison (elle engloba tout le manoir de sa main) et Cerbère, le foutu toutou démoniaque qui me sert de mère. En plus, je ne vais plus te voir. Alors oui, je suis plutôt contente

- Pas de doute, vous êtes en excellente forme mademoiselle, rétorqua Lucette les lèvres étirées jusqu'aux oreilles. A moi, aussi vous allez me manquer »

Euphonie grogna puis prit le journal posé près d'elle avant de dire une parole qu'elle regretterait. L'Oculaire était la revue de presse sorcière la plus lue en France. Les informations étaient assez fiables (la plupart du temps) et les sujets appréciés des lecteurs. Enfin presque tous les lecteurs. Quand la jeune fille lut le titre consacré à la une de ce jour, ses sourcils se froncèrent.

Zeus a encore frappé!

L'action d'un grand sorcier généreux et concerné par la Communauté

Marcus Duchaussel, actuel Mage des Affaires Internes du Conclave, a fait part hier, lors de la réunion annuelle du Comité de la Magie, de sa préoccupation pour l'éducation des jeunes sorciers en France. Avec bonté et générosité, celui que l'on appelle communément Zeus, a fait donation de mille Gallions à l'école Beauxbâtons dans le but d'améliorer les conditions d'apprentissage et d'études des futurs citoyens actifs de la Communauté. Fatigué après plusieurs heures de délibérations enfermé dans la salle de réunion, Marcus Duchaussel a pourtant répondu à nos questions avec sincérité et amabilité. « Ma fille fait actuellement sa septième année à Beauxbâtons, il est normal que je me préoccupe de son éducation et de son confort au sein de l'école. Il me paraissait impératif d'aborder un tel sujet lors du Comité et d'aider, à ma moindre position, le collège quand on sait que c'est le lieu de formation des futurs sorciers de ce pays. Les études sont très importantes et essentielles, aussi puissent-elles se faire dans les meilleures conditions possibles. Ce n'était pas un acte généreux de ma part de donner ces mille Gallions mais nécessaire, à mon point de vue. » Le modeste mais néanmoins grand sorcier a ensuite ajouté une phrase pour la moins énigmatique: « Et puis, cette année annonce un grand événement au sein de Beauxbâtons auquel je voulais apporter ma contribution. Tout ce que je peux dire pour le moment, c'est que les élèves de l'académie vont être très agréablement surpris. » Malgré notre insistance, le Mage n'a pas voulu en dire plus et nous attendons avec impatience cette fameuse surprise.

Pour en savoir plus sur Marcus Duchaussel, lire page 5

Sur la photo mouvante qui accompagnait le texte, un homme brun et massif faisait de grands saluts à l'assemblée de journalistes qui le mitraillaient de leurs appareils. Sa figure carrée souriait relevant dans un angle bizarre la fine moustache au dessus de ses lèvres. Il était simplement habillé mais sa prestance faisait tout le reste. Son père. Euphonie serra le journal dans sa paume au point de le déchirer. Elle le reposa aussi loin que possible tentant de contenir son envie subite de le broyer en mille morceaux. La jeune fille ronchonna tout de même sous les yeux amusés de la cuisinière. Le patriarche avait une fois de plus ébloui l'assistance et tout le monde n'y avait vu que du feu. Euphonie n'était pas douée pour la politique mais il était évident que tout ceci n'était que de la Poudre-Aux-Yeux. Agiter un sac de Gallions et tous les sorciers vous suivrons comme des moutons. Règle élémentaire dans ce monde cruel. Son père faisait ce geste uniquement dans le but de mettre tout le monde dans sa poche pleine d'argent. Et ça marchait! Le Président actuel, Bernard Chauvepot, faisait pâle figure devant le puissant Marcus Duchaussel. Il était de notoriété publique que celui qui tirait les ficelles du Conclave n'était pas le Président mais le Mage des Affaires Internes. Zeus! Tout le monde le vénérait comme un dieu! Et ça énervait au plus haut point Euphonie. Comment peut-on se laisser berner aussi facilement?

Le Conclave était le conseil magique de France. A sa tête se tenait le Président, Bernard Chauvepot, qui gouvernait la Communauté Sorcière et supervisait toutes les actions du pays. Puis, au rang inférieur, il y avait les Mages dont le père d'Euphonie faisait parti. Mais Duchaussel était bien plus influent et charismatique que Chauvepot et occupait donc sous cape le trône dans le coeur des sorciers français. Euphonie savait que tous les beaux discours de son père n'étaient que balivernes et manigances en tous genres visant à s'emparer du pouvoir. On lui avait plusieurs fois proposé de devenir Président mais il avait refusé, officiellement car il ne se sentait pas capable de diriger la Communauté, officieusement car il ne voulait pas s'occuper de la paperasse administrative et barbante que lui incombait ce rang. Après tout, il était très bien loti où il était et avait déjà presque tous les droits. Au début, Euphonie se moquait éperdument de cet état de fait mais elle s'était petit à petit rendue compte que si son père prenait les reines, il allait imposer, doucement mais surement, ses idées saugrenues sur la domination des sorciers au sang pur. Il avait déjà commencé avec le Décret paru cet été sur l'éradication des créatures magiques dangereuses. Les gens étaient tellement imbéciles qu'ils avaient accueilli la nouvelle avec bonheur comme si Super Merlin avait une fois de plus sauvé l'humanité d'un horrible péril. Et les loups-garou? Les vampires? Les sirènes? Marcus n'allait pas s'arrêter là, Euphonie en était persuadée et cela lui faisait vraiment peur.

Toutefois, ce qui la révoltait le plus, c'était que son père faisait l'éloge à qui voulait l'entendre de sa petite fille chérie qu'il aimait par dessus tout et disait que ce qu'il souhaitait le plus au monde, c'était qu'elle soit heureuse. Et moi je suis la femme de Merlin en fait! Marcus n'était jamais au manoir, toujours au bureau à travailler sur ses plans génialissimes pour s'emparer de la gloire éternelle. Il s'en foutait comme d'une guigne de sa fille!

Moki l'elfe de maison la fit brusquement sortir de ses pensées lorsqu'il apparut avec un « pop » sonore dans la cuisine. Euphonie sursauta et tourna ses yeux d'obsidienne vers la source de ce dérangement. La pauvre créature s'inclina bien bas, évitant le regard de la jeune fille:

« Moki est désolé. Moki ne voulait pas faire peur à Mademoiselle. Moki s'en veut terriblement. » sanglota-il en se balançant d'avant en arrière

Ses grands yeux expressifs étaient baignés de larmes et son nez coulait abondamment. Il portait un vieux torchon blanc à carreaux rouges jauni par la crasse et usé par le temps. Euphonie soupira.

« Ce n'est pas grave Moki, assura la jeune fille exaspérée. Cesse de pleurer avant qu'on soit tous morts noyés dans ta morve et dis moi plutôt ce qui t'amène.

- Moki venait dire à Mademoiselle que Maitresse Elronde désirait voir Mademoiselle dans le hall », répondit l'elfe après s'être calmé

Un rictus nerveux déforma le visage d'Euphonie et par réflexe, elle aplatit la main sur sa frange pour la lisser.

« Dis à Mère que j'arrive dans un instant », dit-elle dans un souffle

Moki disparut aussi vite qu'il était arrivé. Un frisson parcourut le corps d'Euphonie et le regard inquiet que lui lança Lucette ne la rassura pas. Elle se reprit et afficha un air blasé. Qu'est ce qu'elle lui voulait encore? Lui dire « aurevoir » avant de partir? Sans doute. Un sourire cynique étira ses lèvres et elle se dirigea lentement vers le lieu de rendez-vous ignorant les œillades angoissées de la cuisinière qui avait étrangement arrêté de remplir ses bocaux de marmelade.

Euphonie traversa le couloir qui me menait au hall, poings serrés et visage déterminé. Elle bifurqua à gauche par un passage et déboula dans une pièce haut de plafond d'où un escalier montait vers les étages supérieurs. Les dallages de marbre noir et blanc soulignaient l'ancienneté et la richesse de la maison et sa mère, qui l'attendait droite et raide, se fondait parfaitement dans le décor. Ses cheveux bruns étaient remontés en une coiffure complexe d'où s'échappaient quelques anglaises finement dessinées. Elle portait une robe longue en soie mauve dont le col remontait jusque sous son menton. Cela forçait l'admiration quand on savait la température élevée qui régnait à l'extérieur. Mais au manoir, ce n'était pas si choquant. Son visage allongé était aussi chaleureux que le carrelage et ses yeux vert-d'eau dardaient Euphonie avec pitié et dégout. Elronde scruta sa fille de haut en bas et grimaça.

« Quand t'habilleras tu convenablement? argua-t-elle méprisante

- Mère, se contenta de saluer Euphonie avec un hochement de tête. Je vais bien, merci de vous inquiéter, ne put-elle s'empêcher d'ajouter

- Ne sois pas insolente! » s'exclama Elronde, impitoyable

D'un mouvement soudain, Elronde tira sa baguette magique de son dos et la pointa sur Euphonie qui avait aussitôt levé les bras devant elle pour se protéger du coup qui allait partir. Mais rien ne vint. Un ange passa puis la mère éclata d'un rire si froid qu'Euphonie en fut glacée jusqu'aux os.

« Tu ne m'écouteras donc jamais? » demanda Elronde, acide

Elle s'était à présent calmée et regardait sa fille aussi durement que possible, son bras toujours tendu. Euphonie était impressionnée mais surtout effrayée par l'aptitude qu'avait sa mère de changer de comportement aussi facilement, passant d'un extrême à l'autre sans qu'on ait le temps de dire Quidditch.

« C'est ça qui est agaçant avec toi, continua-t-elle en avançant vers Euphonie, menaçante. Il faut toujours en venir à des choses désagréables pour que tu obéisses. Mais si c'est nécessaire, j'emploierai la manière forte et on verra bien qui cédera la première. »

Euphonie ne pouvait plus bouger, figée par la terreur. Ses bras et ses jambes tremblaient mais elle affectait de toujours garder un visage décidé pour ne pas laisser le plaisir de la victoire à sa mère. Escompter se servir de sa propre baguette était inutile, la punition n'en serait que pire, ça, la jeune fille le savait déjà. Son coeur battait fort dans sa poitrine, le rouge lui montait à la tête mais Euphonie gardait obstinément ses pupilles noires fixées sur sa mère, distillant toute sa haine à travers ce simple regard. Elronde, guère étonnée, sourit de plus belle. La femme jubilait. Euphonie banda ses muscles attendant l'instant fatidique où sa génitrice prononcerait le Sortilège Impardonnable. C'était à chaque fois le même rituel et cette fois-ci ne dérogea pas non plus à la règle.

« Endoloris! »

Le moment suivant ne fut que douleur et enfer. C'était comme si de la chaux coulait dans les veines et les artères, brulait chaque organe au passage et atteignait son paroxysme au niveau du coeur. Les secondes duraient des heures, interminables et chaque grain sable qui s'écoulait dans le sablier s'encrait dans le cerveau telle une éternité de souffrance. Même l'habitude ne changeait rien. C'était toujours la même torture. On n'avait qu'un seul désir: que ça s'arrête. Euphonie ne cria pas et tenta vainement de rester debout mais ses genoux flanchèrent et elle tomba sur le sol dur. Sa mère souriait encore comme une démente. Après un temps qui avait paru très long, la géhenne disparut et elle put respirer de nouveau. Des larmes coulaient sur ses joues et un mince filet de sang dégoulinait de son oreille. Elronde ne riait plus mais semblait extrêmement heureuse de voir sa fille étendue à terre, vaincue. Euphonie se redressa péniblement, ignorant ses muscles endoloris et les élancements lancinants qui parcouraient son corps. Elle se tint immobile, assise, les yeux qui lui piquaient à force de fixer le sol. La douleur ajoutée à la rage cheminait dans son sang la rendant un moment sourde aux paroles que prononça sa mère

« … Bien, j'espère que ça te servira de leçon, dit celle-ci satisfaite en rangeant sa baguette dans sa ceinture comme si elle avait fait du bon travail. Au fait, feignit-elle de se rappeler, si j'apprends que tu t'es mal conduite à Beauxbâtons, tu recevras un châtiment tel que celui que tu as subi là te paraitra une douce caresse. »

Euphonie releva la tête et sut tout de suite, en voyant les yeux de sa mère, qu'elle ne mentait pas. Elronde se détourna de ce misérable spectacle et disparut par une porte dérobée, sa longue robe trainant par terre. Une fois certaine qu'elle fut partie, Euphonie s'allongea en chien de fusil à même le sol et serra ses bras autour de sa poitrine. La fraicheur du carrelage lui fit le plus grand bien mais elle dut à plusieurs reprises mordre sa langue pour s'empêcher de crier.

Sa mère était le diable en personne. Elle en était arrivée à cette conclusion il y a fort longtemps. Depuis qu'Euphonie était née, Elronde la détestait. Mme Duchaussel aurait souhaité un garçon pour perpétuer la lignée de la famille. Seulement, elle avait eu une fille. Et le fait que le Médicomage lui dise qu'elle ne pourrait plus avoir d'enfants n'avait pas arrangé l'affaire. Elronde avait donc rejeté la faute sur sa fille, la martyrisant et la maudissant. Elle avait tenté d'inculquer les valeurs royales de la haute dynastie des Duchaussel à Euphonie mais avait lamentablement échoué même si au départ c'était bien parti.

Un linge mouillé posé sur son front la réveilla. Lucette était penchée à son chevet, les traits crispés et soucieux. Ses membres lui faisaient toujours mal mais la douleur s'était tout de même atténuée. Elle se redressa, ignorant les avertissements de la cuisinière, et vit qu'elle était allongée sur son lit dans sa chambre. Elle s'était certainement endormie et Lucette avait du la porter jusque là. Euphonie porta une main à son front: elle avait un mal de chien. Dire qu'il fallait qu'elle tienne encore toute la journée! A cette pensée, Euphonie bondit de son lit mais retomba aussitôt prise d'un vertige. C'était aujourd'hui la rentrée, elle devait déjà être en retard!

« Doucement » murmura Lucette en passant un bras autour de sa taille pour l'aider à se relever.

Euphonie la questionna du regard. La cuisinière prit un air rassurant.

« Ne vous inquiétez pas, il n'est que quinze heures, vous n'êtes pas en retard, lui assura-t-elle gentiment. Je vous ai donné une potion d'Aplomb pour que vous récupériez au plus vite. »

Soulagée, Euphonie se rassit précautionneusement. La cérémonie commençait à vingt heures, elle avait encore du temps devant elle. Le temps de se remettre... Sa mère n'y avait pas été de main morte cette fois-ci. Mais ça irait mieux. Enfin elle l'espérait. La jeune fille poussa un soupir.

Lucette posa délicatement sa main sur son épaule. Ce geste affectueux surprit Euphonie qui releva aussitôt la tête. Dans les yeux de la cuisinière se reflétait une réelle compassion qui lui réchauffa le coeur plus qu'elle n'osait l'avouer. Seulement, la fierté mal placée d'Euphonie prit le dessus sur ses sentiments.

« Ne me touchez pas! cracha-t-elle avec une voix enrouée, tout en repoussant la femme. Je ne veux pas de votre pitié! Et puis, sortez de ma chambre, je n'ai plus besoin de vous! »

Lucette ne s'offusqua pas, ramassa la bassine d'eau fraiche et le linge puis se dirigea vers la sortie. Avant qu'elle parte, Euphonie, prise d'un soudain élan de bonté, l'apostropha.

« Lucette! »

La cuisinière se retourna, étonnée.

« Merci, ajouta Euphonie après une pause. Pour tout. »

Lucette hocha la tête avec un petit sourire et ferma la porte derrière elle.

La jeune fille resta un instant étendue sur son lit à méditer puis passa les heures suivantes à ranger ses affaires dans sa malle ainsi que sa chambre avec un soin méticuleux particulièrement inhabituel.

A dix-huit heures, Euphonie parcourut le chemin de gravier menant aux grilles du manoir. Elle ne fit pas attention au jardinier qui la saluait, interrompant le dégnomage des massifs d'aubépines, ni à la magnificence des parterres de dahlias qui jalonnaient les allées. Elle trainait sa lourde malle derrière elle, avançant lentement sans même se retourner. Passé le portail, Euphonie inspira profondément puis transplana en pensant que plus jamais elle ne reviendrait en ces lieux maudis.


Note de fin: merci pour votre lecture! J'attends vos reviews avec impatience car je me suis engagée dans un super grand truc et j'aimerai connaître vos avis avant de m'emballer et de continuer.

Le premier chapitre arrive bientôt, je peaufine et je le poste dans une semaine je pense ;)