Comme un cri silencieux
Disclaimer : merci Mme Rowling et désolée si vous n'appréciez pas ce que je fais de vos personnages.
Résumé : Quand un Auror au fond du trou se retrouve face à un escort sans amertume. Comment arrives-tu à vivre ainsi, Malfoy ? Je n'ai rien à t'envier Potter.
Note préliminaire : Le titre vient d'une chanson de Pauline Croze (T'es beau).
Chapitre 1 : Comme une routine
Le vent se lève ! Il faut tenter de vivre
Valery
Le lit grinçait sous les élans de l'homme. Le lit gémissait plus que Draco, mais le client, tout à son affaire, ne semblait pas s'en soucier. A un moment, il accéléra et se tendit brusquement en s'accrochant plus fortement aux hanches fines qu'il pétrissait depuis le début du coït. Draco poussa un soupir imperceptible et tandis que l'homme, qui s'était retiré, retrouvait ses esprits, il se retourna pour s'allonger sur le dos. Il aimait regarder les réactions des clients lorsqu'ils revenaient à la réalité, surtout ceux qui, comme celui-ci, n'étaient pas des habitués. Sans aucune honte d'exhiber son sexe mou (lui n'avait clairement pris aucun plaisir), il scruta l'homme aux tempes grisonnantes. Celui-ci avait ôté le préservatif, et cherchait des yeux un endroit où le jeter.
- La salle de bain est juste là, lui indiqua Draco.
L'homme le regarda, et sans un mot, partit dans l'autre pièce en emportant, au passage, ses vêtements. Il n'avait pas besoin de dire un mot, le jeune escort avait compris à son visage la gêne qu'il ressentait. C'était souvent le cas pour les premières fois. L'homme ressemblait à un client qu'il avait eu, un temps. Draco essaya d'imaginer son histoire : un homo refoulé, malheureux en ménage, qui recherchait un peu de plaisir après des années de frustration. Ou alors un homo célibataire, qui voulait une relation stable pour baiser, et surtout pas de coups d'un soir – alors pourquoi pas un professionnel ?
A vrai dire, cela faisait bien un an que Draco avait arrêté de voir de nouveaux clients. Il avait ses réguliers, et cela lui suffisait pour vivre décemment. En fait, ils étaient trois, mais c'était surtout à l'un d'entre eux, Philippe Lavoisier, que Draco devait la majeure partie de ses revenus. C'était aussi celui-ci qui lui avait demandé, comme une faveur, de s'occuper de l'homme qui se rhabillait au même moment dans la salle de bain. Draco n'avait pas demandé pourquoi, il était sûr qu'on lui aurait répondu que ce n'était pas ses affaires. Mais quand même, ça l'énervait qu'on le prenne pour une marchandise. D'un autre côté, refuser aurait probablement mis un terme au filon Lavoisier. Il espérait seulement que ça ne deviendrait pas une habitude, pas envie de passer pour une pute dont le Français pouvait disposer à sa guise.
L'homme revint dans la chambre. Il avait remis son costume, réajusté impeccablement, jusqu'à la veste. Il y avait un côté complètement décalé entre l'homme debout, guindé dans toutes ses couches de vêtements, et l'autre toujours allongé sur le lit, entièrement nu et offert aux regards. L'homme avait toujours son air gêné ; une pellicule de sueur recouvrait son front.
- Bon… Alors, euh, je… je crois que c'est payé ?
Draco hocha la tête. Il se releva sur les avant-bras, et d'un ton joueur lui demanda :
- Vous voulez ma carte ? Au cas où…
L'homme rougit, son visage se ferma.
- Non, merci. Bon, je…
Il fit un geste en direction de la porte. Draco hocha encore la tête, et l'homme tourna les talons. Avant de quitter la chambre, il eut une hésitation, se retourna et lança très vite :
- Bonne journée. Au revoir.
La porte claqua. Draco songea inconsciemment : « ça vous fera trente livres quinze cents. Bonne-journée-au-revoir. » Il n'était pas un putain de caissier de supermarché ! Il soupira et se releva pour aller se doucher. Évidemment, le type était gêné, il ne savait pas quoi dire ; au moins, il était poli. Mais cette façon de sortir ça, de manière automatique, ça le tuait. Il venait de lui mettre son sexe dans l'anus, il venait de jouir en lui, ça méritait autre chose qu'un « Bonne-journée-au-revoir ». Au final, Draco ne savait même pas s'il avait vraiment apprécié.
- C'est gâcher mon talent, dit-il tout haut de manière dramatique.
Et il fila sous la douche.
Cependant l'homme lui avait fait pensé à ses débuts. Ce client régulier à qui il ressemblait, c'était quand Draco commençait tout juste dans le métier. Après la fin de toute cette histoire de Voldemort et de bataille à Poudlard, il avait compris que ça lui deviendrait difficile de vivre dans le monde magique. Ses parents avaient été mis en accusation, pour leur allégeance vis-à-vis de Voldemort, et leur défection pendant la bataille ne rachetait pas le fait que leur Manoir avait servi de quartier général des Mangemorts. Lucius avait été emprisonné, Narcissa avait réussi à fuir en Suisse mais il n'avait plus vraiment de ses nouvelles, et leurs biens avaient été saisis. Lui-même n'avait pas été poursuivi. Il y avait eu une sorte de mouvement de pacification en faveur des enfants de Mangemorts, que l'on considérait comme embrigadés et pour lesquels on avait décidé de passer l'éponge. Draco avait songé que c'était une belle idiotie, surtout pour des gens comme Pansy ou Goyle, mais il n'avait pas fait de vagues.
Seulement, le regard des gens n'avait pas changé. Et pour tout le monde, il restait le fils Malfoy, ou le Prince des Serpentards, selon les générations qui le jugeaient : en bref, il n'était pas fréquentable. Et cela posait de gros désagréments, puisqu'il n'avait plus aucune fortune, ni moyen de pression pour obtenir un poste. Retourner à Poudlard n'était pas non plus une option. Restait donc le monde moldu, et à son grand dégoût c'est là qu'il s'exila.
A vrai dire, il avait très vite décidé que le meilleur moyen de gagner de l'argent, rapidement et en grande quantité, c'était grâce au sexe. Mais jouer la pute pour des anciens condisciples et autres, non merci. Chez les moldus, il était inconnu. Il avait donc changé en livres les rares gallions qui lui restaient et avait loué un petit studio dans le West End (tant qu'à faire, autant viser haut). Le reste était venu assez facilement, tout compte fait. Son élégance naturelle, un peu de culot et beaucoup de charme avait fait l'affaire.
Alors qu'il terminait de s'habiller, la discrète sonnerie de son téléphone s'éleva.
- Oui allô ?
- Draco ? Tu as fini ? Comment ça s'est passé ?
C'était Philippe Lavoisier. Il prenait des nouvelles de son client. Évidemment.
- Bien. Je pense.
- ça a été vite, pourtant…
Draco sentit la critique percer derrière la remarque.
- Il n'était pas très bavard, railla-t-il.
Le Français rit. Le jeune homme se détendit : ce n'était jamais facile de gérer l'homme, il suffisait d'un rien qui lui déplaise, et il pouvait dire adieu à son gagne-pain. Ce n'était jamais facile, non, à part pour le sexe. Là, Draco savait exactement ce qu'il fallait faire.
- Tu viens toujours ce soir ?
- Bien sûr, c'était prévu. Je serai à ton appartement à vingt heures tapantes.
- Bien. A ce soir.
Draco sortit de la chambre et descendit dans le hall de l'hôtel. Pas vraiment luxueux, mais l'établissement avait le mérite d'être discret, passe-partout et propre. Ce n'était pas la première fois qu'il y venait. La fille à l'accueil dut le reconnaître car elle rougit avec un air gêné. Draco lui fit un clin d'œil agrémenté d'un sourire canaille, ce qui la fit virer au carmin.
Sur le trottoir, il jeta un œil à sa montre : seize heures. Il avait un peu de temps pour rentrer, réviser et se reposer un peu, avant de prendre le chemin du penthouse de Lavoisier dans Mayfair.
A très bientôt pour la suite...
