Chapitre Un

Une vingtaine de minutes avant huit-heures du matin, une grosse voiture noire aux vitres teintées s'arrêta devant l'immense portail de fer du lycée privé de Konoha. La portière s'ouvrit, laissant apparaître une jeune fille vêtue d'un uniforme scolaire assez sobre. Elle était dotée d'une longue chevelure noire corbeau, en parfait contraste avec ses yeux nacrés, et son teint d'ivoire, d'une pâleur presque irréelle. D'une voix douce, elle remercia poliment le chauffeur puis referma la portière, avant que le véhicule ne s'éloignât. Elle se dirigea ensuite vers l'entrée du bâtiment scolaire, un large escalier de marbre situé à une trentaine de mètres derrière le portail, et où menait une allée en pierre, bordée par une pelouse d'un vert éclatant et de cerisiers flamboyants.

Hinata, c'était ainsi que s'appelait cette jeune demoiselle, arrivait inhabituellement de bonne heure ce matin-là. Son père avait chargé son chauffeur de la conduire à l'école, ce qui était assez peu fréquent. La plupart du temps, la jeune brune venait à pied, en compagnie de son amie Ino, le lycée n'était qu'à une quinzaine de minutes à pied de son domicile. La jeune fille ignorait la raison de ce changement, auquel son père n'avait d'ailleurs donné aucune explication, mais Hinata ne s'y attarda pas. Ainsi, elle fut l'une des premières à arriver en salle de classe, alors vide. Elle profita donc de ce rare instant de silence pour s'avancer dans son devoir d'histoire, avec près d'une vingtaine de minutes d'avance sur le cours.

Un brouhaha naissant la tira cependant, une quinzaine de minutes plus tard, de son étude. Les élèves étaient, au fil du temps, arrivés et avaient formé dans la classe des petits groupes, discutant assez bruyamment, bien plus qu'habituellement. Intriguée, elle délaissa son devoir après avoir aperçus Shikamaru et Kiba, deux camarades de classe avec lesquels elle s'entendait plutôt bien, dans un coin de la classe et absorbés par l'écran d'un smartphone. Les deux jeunes hommes, le premier étant un mince et grand brun aux cheveux coiffés en forme d'ananas, et l'autre, un garçon aux cheveux châtains en bataille, ne remarquèrent pas la jeune brune venir à eux. Celle-ci, n'osant pas s'approcher d'avantage pour voir ce qui captivait tant ses camarades, les interpella timidement.

« Les garçons ?

- Oh, salut Hinata, fit celui qui se nommait Kiba, ayant à peine levé les yeux de l'appareil.

- Pourquoi c'est si bruyant, tout à coup ? Demanda-t-elle de sa voix douce, en penchant la tête de côté. Et qu'est-ce que vous faites sur ce téléphone ?

- Tu n'as pas regardé les informations ce matin ? S'étonna celui à la coupe d'ananas, en arquant un sourcil.

- Figure toi qu'un homme a été retrouvé mort dans une ruelle de Konoha, hier soir ! S'exclama Kiba en quittant enfin l'appareil des yeux, avec une excitation un peu trop malsaine au goût de la brune. Et tu ne connais pas la meilleure : on lui a arraché le cœur de la poitrine ! »

La jeune fille ouvrit grand les yeux, ébahie et surtout horrifiée. Ceci expliquait le comportement anormalement bruyant et excité des élèves, et surtout le fait que son père eût ordonné à son chauffeur de conduire sa chère fille au lycée, chauffeur qui n'eût d'ailleurs pas crût bon d'informer la brune de cette abomination. Hinata assimilait peu à peu, avec terreur, l'idée qu'un animal sauvage et sanguinaire eût pu se balader ainsi en ville et s'attaquer à des gens.

« Et l'animal, ils l'ont retrouvé ? Demanda-t-elle alors, écœurée.

- Non non, en vérité, tu ne connais toujours pas la meilleure, ricana Kiba, subissant un regard noir de la part de Shikamaru. Tu vois Sasuke, son père travaille dans la police. Selon lui, on a transpercé la victime très précisément au niveau du cœur, sans éclaboussures ni rien.

- Mais qu'est-ce que cela veut dire ? Interrogea la jeune fille, de plus en plus effrayée par les paroles de Kiba, qui énonçait les faits avec une certaine excitation qui lui glaçait le sang.

- Cela veut dire qu'un animal n'est pas capable d'une telle précision !

- Ferme là, Kiba » l'interrompit sèchement une voix.

Le sourire du brun s'évapora, et les trois adolescents se tournèrent vers l'origine de cette voix froide et grave. Les battements de cœur de la brune s'accélérèrent soudainement lorsqu'elle croisa le regard saphir d'un garçon au teint basané et à la chevelure ébouriffée et d'un blond éclatant. Celui-ci était accompagné d'un autre jeune homme, sans doute celui à qui appartenait la voix, qui possédait des cheveux d'un noir corbeau, tout aussi mal coiffé que son camarade, et dont le visage laissait voir une certaine irritation. Hinata rougit lorsque le blond se posta à côté d'elle, à seulement quelques centimètres, mais un voile de tristesse assombrit bien vite son visage en voyant que le jeune homme ne lui accorda pas ne serait-ce qu'un regard.

« Ne l'écoute pas Hinata, avertit sévèrement le brun en fronçant les sourcils. Cet idiot est persuadé qu'un humain a causé ce meurtre.

- C'est pourtant plausible, se défendit le dénommé Kiba.

- Ce qui est plausible, c'est ta débilité ouais ! S'exclama le blond. Si Sasuke nous confie des informations sur l'enquête, ce n'est pas pour que tu énonces des hypothèses irréalistes et farfelues pour effrayer les gens ! En plus, si tu fais courir des rumeurs de ce genre, Sasuke risquerait par ta faute d'avoir des problèmes avec son père. »

La dispute naissante entre les quatre camarades n'arrivait déjà plus aux oreilles de la jeune brune, qui par-dessus l'épaule de Kiba, avait aperçu comme une douce tornade de pétale de cerisiers pénétrer dans la salle de classe. Envoûtante, il s'agissait d'une jeune fille à la longue chevelure curieusement rose virevoltante derrière elle et au visage parfait sertit de deux prunelles d'émeraudes. Une multitude de regards s'étaient alors posés sur elle, mais la rose n'y prit pas grande attention et un léger sourire flottant sur les lèvres, elle se dirigea vers une table non loin de celle de la Hyûga. Une sorte d'admiration mêlée à une violente jalousie s'empara alors de la Hyûga, jalousie qui fut à son comble lorsqu'elle vit le regard azuré de son beau blond dévorer la nouvelle arrivante des yeux.

« Qui est-ce ? » murmura le blond, comme envoûté par la rose.

Ces mots, empreints d'une fascination et d'une admiration peu dissimulées, agirent sur le cœur de la brune comme de violents coups de poignard. Jamais, depuis qu'elle connaissait Naruto – c'est à dire près de six ans – elle ne l'avait vu regarder une fille de cette façon-là, et longtemps elle avait espéré être un jour l'objet de cette admiration, qu'il accordait aujourd'hui à une simple inconnue. La porte de la salle de classe s'ouvrit alors sur le professeur de littérature, un homme âgé d'environ trente ans, aux cheveux argentés et portant une sorte de masque d'hôpital. Sa présence fit immédiatement cesser, au plus grand soulagement d'Hinata, les insupportables murmures d'admirations à l'égard de la fille aux cheveux roses. Brisée, et prise dans une lutte intérieur pour ne pas laisser paraître son amertume, Hinata se dirigea en silence vers sa table, discrètement observée par Sasuke, qui en voyant l'air abasourdi de son ami blond, avait guetté la réaction d'Hinata.

Durant les deux premières heures de cours, la Hyûga avait fait de son mieux pour se concentrer sur la leçon, mais elle ne pouvait empêcher son regard de voguer vers le blond, qui ne quittait pas des yeux la rose, laissant son cahier de notes blanc. A chaque fois, le coeur de la Hyûga s'émiettait un peu plus, ressentant un mélange de désespoir mêlé à de la colère. Le désespoir de voir, impuissante, celui qu'elle aimait par dessus tout lui glisser fatalement entre les doigts au profit d'une étrangère, tandis qu'elle avait été, jusqu'à cette fatale matinée, dans l'attente d'une réponse à sa déclaration d'amour, car oui, la jeune demoiselle s'était quelques semaines auparavant confessée à l'élu de son coeur. Elle enrageait à l'idée qu'elle même, connue pour sa grande timidité, avait eut l'audace de lui avouer ses sentiments quand le téméraire Naruto n'eut pas le courage d'y répondre. La Hyûga tombait dans un profond accablement, celui que les héros des tragédies ressentent lorsqu'ils comprennent que tout est irrémédiablement perdu.

La pause du midi arriva bien lentement, après plusieurs heures de tortures. La Hyûga avait vu avec dégoût la rose se faire abordé de tout les côtés, et s'était même volontairement mise à l'écart de son groupe d'amis, composé des quatre garçons, Naruto, Sasuke, Kiba et Shikamaru, ainsi que deux amies, Temari, une fougueuse blonde, et Tenten, une brunette un peu garçon manqué. Hinata leur en voulait terriblement d'accorder une telle importance à cette inconnue aux cheveux roses, qui à ce rythme, allait bientôt prendre la place de la brune au sein du groupe, et parvenir à entrer dans le coeur de Naruto. D'un naturel timide et réservé, Hinata n'eut pas l'audace de le leur reprocher ouvertement, et préféra s'éclipser sur le toit du lycée, espérant leur infliger son absence.

« On te cherche depuis tout à l'heure » fit une voix masculine.

Alors appuyée contre la barrière séparant le toit du lycée au vide, Hinata sursauta en songeant, le temps d'un éclair, que son absence avait finalement touché Naruto. Mais cette voix empreinte d'une froideur naturelle n'appartenait à nulle autre que Sasuke Uchiwa, le meilleur ami du blond. La brune soupira, bien qu'elle fût soulagée de voir qu'on avait remarqué son absence, et surtout, qu'il s'agît entre autre de l'Uchiwa, réputé pour n'être intéressé par le sort que de peu de personnes.

« Sasuke, que penses-tu de la nouvelle ? demanda-t-elle mélancoliquement, le regard plongé dans le vide et tournant toujours le dos au brun.

- Elle est bizarre, dit-il simplement sur un ton grave, tout en s'approchant de la brune. C'est elle qui te met dans cet état-là, n'est-ce pas ? »

Hinata acquiesça silencieusement, sachant pertinemment que ses sentiments pour Naruto n'étaient inconnus de personnes. En revanche, Sasuke n'avait pas l'air d'être aussi envoûté que ses autres camarades, autant masculins que féminins, ce qui rassura un peu Hinata. Car cela relevait d'une prouesse que de séduire l'Uchiwa, et si cela aurait été le cas, la brune aurait surement put affirmer que la rose n'était alors pas humaine.

« Cet idiot est complètement subjugué par cette fille, soupira l'Uchiwa en s'appuyant lui aussi contre la barrière. Je ne le reconnais même plus, c'est comme si cette fille l'avait ensorcelé. »

Sasuke n'avait pas mesuré l'ampleur que ses paroles auraient put avoir sur la jeune demoiselle, même s'il se souciait assez d'elle, Hinata étant, au même titre que Témari ou Tenten, l'une des rare filles qu'estimait l'Uchiwa. La Hyûga ne répondit rien, meurtrie par cette révélation blessante mais au moins franche de la part du brun. Une larme naquit discrètement dans ses yeux de nacre et traversa sa peau laiteuse, pour enfin mourir sur ses lèvres rosées. Ceci n'échappa pourtant pas à l'Uchiwa, qui tiqua, soudainement ennuyé. S'il y avait bien une chose qu'il haïssait, c'était que l'on pleure en sa présence. Il décida donc de rapidement s'éclipser avant de devenir une épaule sur qui la brune déversera ses torrents de larmes.

« Je dois y aller » fit soudainement Sasuke en fronçant les sourcils et en se dirigeant vers la sortie.

Pendant ce temps, non loin de là, sous les cerisiers en fleur du parc du lycée, la nouvelle élève qui avait tant émoustillé l'ensemble des lycéens par sa venue et avait même fait oublié le meurtre atroce de la veille était étendue dans l'herbe, ses longs et soyeux cheveux roses éparpillés autour d'elle. Un léger sourire satisfait flottait sur ses lèvres, tandis que les yeux fermés, elle laissait le vent caresser son visage.

« Tu es la personne la plus obstinée que je connaisse, Sakura, fit soudain une voix féminine et railleuse. C'est ce qui te rend aussi pathétique »

Le sourire de la dénommée Sakura s'évapora, tandis qu'elle ouvrit ses yeux, dévoilant ses deux prunelles d'émeraude. Elle se redressa sèchement, et fusilla du regard une jeune fille aux longs cheveux blond platine qui apparut de derrière un arbre, et s'y appuya de façon nonchalante, affichant un air blasé et croisant les bras.

« Tu agis comme si tu pouvais ressentir tout cela. N'oublie pas que tout ceci n'est qu'éphémère, tu devras t'en aller à un moment ou un autre.

- Si tu es venue pour me dire cela, Ino, tu peux repartir immédiatement, riposta Sakura, irritée.

- Je dis cela pour ton bien. A quoi cela te sert-il de t'obstiner ainsi ? Tu persistes sur une voie sans issue. Tu vas encore t'enticher de l'un de tes camarades, et après ? Tu en souffriras. Cesse de te faire du mal et rentre avec moi.

- C'est impossible, répondit simplement la rose.

- Pourquoi ?

- Pour elle ».

Un sourire énigmatique naquit sur les lèvres de Sakura, qui avait les yeux levés vers le toit du lycée qui donnait sur le parc. Intriguée, la blonde suivit son regard, et aperçut, appuyée contre la barrière, une fille aux longs cheveux noirs, le regard fixant un point invisible dans le vide. Un sourire vint alors fendre le visage d'Ino.

« Cette fois, ce sera différent. Tout va changer, ma chère Ino. »