Je fixais attentivement l'animal ou plante qui se trouvait sous la cloche de verre en face de moi en me demandant pour la millième fois comment les cours de Botanique allaient pouvoir nous être utiles un jour. Mon voisin de classe et partenaire depuis le début de l'année, Eric McGreggor, un Poufsouffle de septième année, semblait encore plus pâle qu'à l'accoutumé ce qui n'augurait rien de bon. Sous sa cloche, l'hyppocactus semblait frôler l'hystérie, sautant de plus en plus haut en se heurtant aux parois de verre ce qui m'amenait à me demander comment un végétal pouvait avoir l'air si menaçant. La consigne de Madame Bavette était simple, se saisir de l'infâme végétal, lui couper les racines, en extraire un précieux liquide et le remettre sous sa cloche. Enfantin si on occulte le fait que cette chose à des dents.

-Eric, je voudrais sincèrement que tu te ressaisisses, je n'ai que très moyennement envie d'avoir encore un D en botanique, murmurais-je en lui secouant le bras.

J'étais une élève plutôt moyenne pour ne pas dire mauvaise et je n'avais d'aptitudes particulières dans aucune matière du coup, j'essayais tant bien que mal de maintenir ma moyenne générale autour de A, ce qui représentait déjà un exploit en soi.

McGreggor était sans doute, et c'était bien ma veine, le seul Poufsouffle qui n'avait littéralement aucune prédisposition pour la botanique, pire, il semblait posséder une aversion profonde pour l'ensemble des végétaux du monde magique. Pour sa défense, lesdits végétaux ressemblent d'avantage à des dragons menaçants qu'à de tranquilles orchidées.

Il faisait une chaleur étouffante dans la serre de Poudlard et ce en raison des températures inhabituellement élevées de ce mois d'octobre. Eric suait à grosses gouttes et il me fallait des trésors de patience pour ne pas lui jeter un sort.

-J'ai aucune envie de toucher ce truc, Sarah, je préfère avoir un T plutôt que de me retrouver à l'infirmerie, cracha-t-il de manière peu poufsoufflienne. Dans ce cas…

-Écoute McGreggor, si tu ne te débrouilles pas pour sortir ce truc de sa cloche, je te jure que tu finiras quand même à l'infirmerie mais pas à cause de cet hyppotruc, sifflais-je.

Eric me regarda un instant l'air dubitatif, il faut dire que de tous les élèves de Serpentard, j'étais loin d'être la plus effrayante mais il fallait avouer que dans ce domaine, la concurrence était rude, surtout dans mon année et un simple regard en direction de la table d'Avery et de Wilkes suffit à me le confirmer. Il prit une grande inspiration et enfila ses gants en me jetant un dernier regard qui oscillait entre la haine et la peur. j'ajustais mes lunettes et fis un signe de la tête à ce pauvre Eric qui ne réagit pas. Alors que je soulevais lentement la cloche de verre, l'hyppocactus nous fixa un court instant et poussa un cri strident avant de sauter au visage de mon voisin qui s'écroula au sol en hurlant.

-Par Merlin! Hurlais-je sans être en mesure de faire quoique ce soit

Madame Bavette débarqua de nulle part et d'un geste vif, dégaina sa baguette et libéra le le malheureux Poufsouffle. Ce dernier avait le visage en sang et il avait l'air tétanisé, il faut dire que ni lui ni moi ne pensions que l'espèce de monstre à racines avait une telle détente. C'est typiquement le genre d'info qui n'est jamais indiqué dans les manuels.

Tandis que j'aidais mon cher partenaire à se relever en ignorant l'ensemble des regards moqueurs des autres élèves de ma classe, le professeur s'approcha de nous de sa démarche lourde. Madame Bavette, jeune femme un peu rondouillarde à la quarantaine bien tassée, donnait l'illusion d'être un océan de douceur et de compréhension, en réalité, elle me vouait une véritable aversion et je n'avais absolument pas besoin d'exceller en divination pour savoir qu'elle n'allait certainement pas nous complimenter.

-Mademoiselle Meade, veuillez accompagner Monsieur McGreggor à l'infirmerie, déclara calmement notre cher professeur sans même nous adresser un regard.

J'agrippais McGreggor par le bras en le tirant hors de la classe quand Madame Bavette nous stoppa dans notre élan:

-Oh, et je vous donne un T à tous les deux pour manquement évident aux consignes de sécurité dont vous auriez été au courant, Mademoiselle Meade, si vous n'étiez pas arrivée en retard, ce pour quoi je n'enlèverai pas de point à Serpentard, inutile de me remercier, la vieille Bavette réajusta ses lunettes et ignora complètement ma mine offusquée.

Je sortis de la salle sans demander mon reste tout en trainant McGreggor le Poufsouffle qui avait semble-t-il complètement quitté notre réalité.

-J'imagine que tu sais où se trouve l'infirmerie ? Dis-je avec agressivité. Depuis le temps que tu y vas, tu dois même y avoir un lit réservé à l'année.

Eric me détailla un instant et acquiesça avant de me tourner le dos sans demander son reste. Il faut dire que je n'avais qu'une seule envie, rentrer dans mon dortoir et ne plus en sortir jusqu'à l'heure du déjeuner.

Je marchais rapidement en direction du donjon, mon esprit se repassant l'épisode pitoyable qui venait de se dérouler dans la serre. Je fulminais, j'étais en septième année et j'avais le sentiment que rien n'avait évolué et j'étais toujours celle qui me faisais ridiculiser et cours, le cancre de service, la bonne à rien. jusqu'ici, j'avais toujours pleinement assumé mais depuis cet été, je commençais sérieusement à appréhender mon avenir.

Contrairement à beaucoup de mes camarades Serpentard, je n'avais pas la chance de venir d'une famille aisée et puissante, j'étais certes issue d'une famille sang-pur mais en aucun cas membre des "28 sacrés". Les moyens de ma familles étaient relativement modestes, nous vivions correctement mais pas dans le faste et ma garde-robe était terriblement vide en comparaison des autres filles de mon année. Mon statut et ma médiocrité évidente avaient joué un rôle important dans mon impopularité car il fallait l'admettre, je n'avais que très peu d'amis.

Je pouvais donner l'impression de m'apitoyer sur mon sort, mais j'étais réellement en mauvaise posture. C'était bien simple, j'avais pour moi mon physique, et pour cela je remerciais Merlin tous les jours d'avoir hérité des traits de ma mère. Pour le reste, il fallait repasser. Comme ma grand-mère me décrivait si bien : « Belle comme un ange, mais sotte comme un panier ».

Je marchais d'un pas rapide dans les couloirs sombres et humides des sous-sols du château qui étaient devenus, avec le temps, ma maison. Une fois devant un mur de pierres semblables aux autres, je murmurais le mot de passe et le mur coulissa, laissant entrevoir la salle commune. L'atmosphère y était glaciale mais il fallait admettre qu'elle était richement décorée avec, bien évidemment, comme couleur prédominante le vert émeraude. Je grimpais les marches me menant à mon dortoir avant de m'affaler sur mon lit tentant d'oublier au l'humiliation de ce matin. Il ne fallut que quelques minutes avant que je ne me laisse aller dans les bras de Morphée.

-Sarah, Sarah Meade ! Je reconnus la voix de ma meilleure amie, Amelia Nott, qui tentait visiblement de me réveiller. Je me redressais péniblement dans mon lit en dévisageant la jeune fille potelée qui se trouvait en face de moi.

Amelia Nott venait une riche famille de sorciers, membre des "28". D'ailleurs, elle était même cousine avec les Black. Elle faisait partie de la classe supérieure de notre maison mais pour une raison que j'ignorais, elle préférait rester avec moi. Elle n'avait aucun soucis à se faire pour son avenir car contrairement à moi, c'était une bonne élève et même si elle ne l'était pas, son père lui offrirait le poste qu'elle voulait. Poste qu'elle n'occuperait que le temps de se marier avec un autre riche héritier sang-pur, le tout, savamment organisé par son père.

J'avais du mal à l'admettre tout haut, mais plus le temps passait plus je me sentais aigrie vis-à-vis des autres élèves de ma maison. J'avais la chance, si on peut appeler ça une chance, d'être dans la même année que Narcissa Black, Lucius Malfoy, Rabastan Lestrange, Geoffrey Mulciber, Antony Avery, Eléanore Parkinson, Isabella Greengrass, Augustus Roockwood et bien sûre, Evan Rosier. Ils venaient tous de très riches familles et leur avenir était tout tracé. Ils formaient un groupe que personne ne semblait pouvoir pénétrer à l'exception bien sûre se Severus Rogue. Ils restaient toujours ensemble, et pour cause, ils se connaissaient et se fréquentaient depuis leur plus jeune âge et avaient pour point commun un sentiment indiscutable de supériorité par rapport aux autres élèves.

-Quelle heure est-il ? Demandais-je d'une voix las.

-L'heure d'aller déjeuner ! S'exclama Amelia d'une vois stridente qui me perça les oreilles. Bon sang mais c'est inhumain, elle est issu du croisement avec un hyppocactus ou quoi.

Je sortis de mon lit avec lenteur ce qui sembla encore un peu plus agacer mon amie, pour mon plus grand bonheur bien sûre.

-Tu as fait très fort ce matin en cours, tu es en septième année, il faut que tu te ressaisisses Sarah.

J'avais horreur des leçons de morale et particulièrement quand mon interlocuteur avait raison sans compter que j'étais assez soucieuse comme cela concernant mon avenir.

-Oui, je sais, nous avons les ASPIC à la fin de l'année, gnagnagnagna. Réponse très mature, Sarah.

-Fais comme tu veux, c'est juste ton avenir après tout… Me lança Nott visiblement lassée par mes comportements.

-On va manger, je meurs de faim, m'exclamais-je avec un enthousiasme suspect lorsque l'on connaissait mon appétit d'oiseau mais tout ce que je voulais en réalité c'était que cette conversation se termine au plus vite.

La grande salle était bien entendue bondée, Amelia et moi nous frayâmes un chemin jusqu'à la table de Serpentard qui se trouvait derrière celle de Gryffondor. J'étais consciente que ma triste réputation jouait pour moi et je pouvais sentir le regard pesant des garçons sur moi. Si une partie de moi trouvait cela flatteur et rassurant, j'étais consciente que cela n'était guère valorisant en réalité. Beaucoup me trouvaient arrogante pourtant, je n'avais que mon physique, c'était ma seule arme et j'avais appris à en jouer avec les années, ayant le sentiment que la séduction était sûrement le seul domaine dans lequel je n'étais pas complètement nulle... Et encore.

En passant, devant les "grands" de notre maison, je pouvais sentir le regard insistant d'Evan Rosier que je tentais au mieux d'ignorer. Il était incroyablement beau, incroyablement séduisant et pour cause, son seul rival à Poudlard lorsqu'il s'agissait de la gent féminine de cette école était Sirius Black, rien d'étonnant lorsque l'on savait qu'ils étaient cousins. J'avais fait l'erreur de lui céder l'année passée, malheureusement pour moi, j'étais vite devenue un nom sur un tableau de chasse long comme la barbe de Dumbledore. Cet épisode m'avait profondément attristé et humilié d'autant plus qu'Amelia m'avait raconté l'avoir entendu se vanter de ses ébats avec moi au cours d'unu soirée qui avait eu lieu chez ses parents l'été passé.

Les seules places de libre se trouvaient à côté de Severus Rogue et dans la mesure où Nott allait bientôt être plongée dans la Gazette du Sorcier et que Severus me considérait comme trop bête pour m'adresser la parole, le repas se déroulerait dans le silence le plus complet, non pas que cela me gênait particulièrement.

-Tu nous as offert un grand moment ce matin, Meade, dommage que tu sois partie si tôt. En entendant la voix dangereusement suave de Rosier, mon corps entier se crispa. Evan Rosier se tenait juste derrière moi, Avery à ses côtés. Il me fixait de ses yeux verts si perçants que j'avais le sentiment d'être nue face à lui.

-Que veux-tu Rosier, certains d'entre nous sont bien obligés de mettre un peu d'animation. Mettre un peu d'animation ?! C'est tout ce que tu as en stock comme remarque.

-Oh Meade, le simple fait de te voir est un spectacle en soit, spectacle particulière affriolant du reste. Evan s'était dangereusement rapproché de moi et me murmurait à l'oreille. Chacune de ses paroles était électriques et m'envoyait une décharge dans tout mon corps. Ce qu'il disait était proprement insultant mais pour j'étais incapable de répondre. Avec le temps, et aussi pathétique que cela puisse paraître, j'avais finis par accepter l'idée que j'étais inférieure ou du moins, pas au niveau.

-Spectacle que tu te contenteras d'observer de loin, Rosier. Crachais-je avec véhémence en repensant à l'humiliation qu'il m'avait fait subir.

-C'est ce que l'on verra, amour. Rosier souleva délicatement mes cheveux et passa ses doigts le long de ma nuque avant de tourner les talons et de s'en aller.

-Tu ne devrais vraiment pas le laisser te parler comme ça, Sarah, il joue avec toi et toi tu te laisses faire, tu devrais réagir avec plus de véhémence! Murmura Amelia en ignorant les regards en biais de Rogue.

Je regardais mon assiette, incapable d'avaler quoique ce soit. Amelia avait raison, mais chaque fois que je souhaitais reprendre ma vie en main, je trouvais le moyen de me faire expulser de cours ou pire.