" Fall in Hell "

Une pièce sombre. Des stores entrouverts aux trois quarts. Un silence pesant. Au milieu de cette pièce, deux hommes assis, séparés par une table basse. Le premier regarde attentivement le sol en faisant machinalement papoter sa canne par terre à l'aide d'une main ; le second regarde le premier avec un air grave qu'il espère serein.

Mais n'est-ce pas ce qu'espèrent toujours les psys ?

« Et si vous me disiez ce qui vous amène à venir me consulter ? » Le docteur David Dawkins se lança prudemment, s'attendant cependant à s'attirer les foudres de son 'patient' dont la réputation n'était plus à faire.

« Cuddy ». L'achat-t-il simplement. « Mais cela vous le savait déjà, du moins si votre secrétaire est moins idiote qu'elle en a l'air et vous a transmis le message ». Continuait-il d'un ton sarcastique.

Le Dr Dawkins se contenta de hocher la tête sans relever l'insulte.

« Le docteur Cuddy ne m'a pas laissé de message, elle est venue me voir hier en personne pour m'entretenir à votre sujet et me demander de vous recevoir dans les plus brefs délais, en précisant bien que vous aviez déjà…'congédié'… le docteur Stone ainsi que la psychologue de l'hôpital. »

« Je suppose donc que vous n'avez pas pu avoir déjà oublié la femme avec les plus gros seins de tout Princeton, et je suppose également qu'elle a dû vous faire à mon sujet un spitch à la hauteur de son fessier ! »

Maintenant Grégory House devenait carrément exaspéré.

« Il est vrai que je connais effectivement la raison de votre présence, j'aimerais cependant l'entendre de votre bouche. Il est assez rare que la doyenne de médecine en personne exige une consultation pour l'un de ses médecins, et ce, contre son gré. »

House avait beau être ce qu'il était, ce n'était pas ce que Dawkins avait connu de pire. 22 ans de psychiatrie lui avaient fait connaître bon nombre de spécimens bien plus impressionnants.

« Si vous observez bien le docteur Cuddy, vous vous apercevrez très vite qu'elle a une sale tendance à chercher des problèmes là où n'y en a pas. »

« Elle m'a dit que vous aviez eu une sorte 'd'altercation' avec elle et le docteur Wilson, altercation au cours de laquelle certaines de vos paroles auraient interpellé le docteur Cuddy, orientant ainsi sa décision. »

« Foutaises ! » Lâcha House.

Flash-back

House se trouvait dans le bureau de Cuddy ; la conversation avait commencé de la manière la plus naturelle qu'il soit, Cuddy lui reprochant son laxisme face à ses heures de consultation à la clinique, et lui se défendant avec des arguments plus douteux les uns que les autres. Pourtant l'ambiance était différente de celle de d'habitude, bien plus lourde, plus menaçante.

« Cela ne m'amuse pas plus que vous mais on est littéralement débordé et vous devez mettre la main à la pâte ». Envoya Cuddy.

« Je vous laisse Chase ou Forman. Ecouter les grands-mères pleurer c'est plus leurs trucs, je crois que c'est dû à leurs côtés féminins, que voulez-vous... Aucune femme ne résiste... ».

« Ils ont fait bien plus que leurs part ses deux dernières semaines. »

« Je tout un tas de paperasses en retard, vous savez celle que vous chérissez tant... » Lui rappela-t-il d'un ton ironique.

Wilson entra à son tour dans le bureau. Voyant le visage déconfit de sa patronne et l'air énervé de son meilleur ami, il comprit rapidement qu'il n'était sûrement pas tombé au bon moment. En temps normal, son premier réflexe aurait été de faire marche arrière, mais à l'heure actuelle, il savait qu'il ne pouvait pas se le permettre et ce, pour la santé mentale de ses deux amis, qui semblait en ce moment approcher dangereusement d'une crise.

« Pourquoi ne pas envoyer Wilson ? » Proposa House. « Aucun de ses patients n'est mourrant en ce moment ».

Lisa Cuddy se radouci et pris un visage plus empathique.

« House, vous n'êtes pas sorti de votre bureau depuis une semaine et demie, vous avez des cernes énormes et le regard vitreux... Depuis combien de temps n'avez-vous pas dormi ou même simplement... »

« C'est donc cela ! » Coupa House voyant où elle voulait en venir. « Ça n'a rien à voir avec le fait que vous soyez soi-disant débordée, ou encore que je n'ai pas abattu mon quota d'heures. Vous voulez juste que je prenne un peu l'air ! » House commençait à élever une voie sèche.

« Greg attend, je crois qu'elle a raison... » Intervint Wilson.

« Tu nous feras le coup du preux chevalier en armure blanche un peu plus tard, c'est à elle que je m'adresse ! » Il se retourna de nouveau vers Cuddy.

« Alors c'est bien ça ? »

« Oui » répondit-elle doucement, l'air triste.

« Pourquoi ? » Explosa House

Lisa lança un regard d'appel à l'aide vers Wilson, sachant qu'elle s'apprêtait à traverser un brasier ardent avec House. Wilson acquiesça en guise de soutien.

« House, on pense qu'il est temps pour vous de retrouver un rythme de vie plus normal. Et soyons réalistes, remplir vos dossiers en retard est loin d'être du ressort de votre normalité. » Elle s'efforçait toujours de parler avec douceur.

« Oui, et bien figurez-vous que je ne fais pas que remplir mes dossiers en retard, je réponds également à mes mails puisque personne ne le fait plus pour moi ! » House pris un ton qu'il voulait ironique mais qui était en réalité transperçant de désespoir. Voyant le visage livide de ses deux amis, House tenta de se rattraper.

« Et s'il n'y avait que les demandes de conférences ça irait, mais toutes les pubs pour les téléphones portables, les offres bidon de réduction pour du Viagra, les... ».

James Wilson se reprit en premier. « Est-ce que tu te punis ? »

House le regarda avant d'exploser d'un rire nerveux.

« Mais enfin de quoi crois-tu que je pourrais me punir Jimmy, hein sincèrement ? » House criait à présent.

« Greg arrête ça ! Tu t'enfermes dans ton bureau toute la journée, tu ne me voles plus mon déjeuner pour la simple et bonne raison que je ne te vois plus du tout... Et tu fuis forman et Chase comme la peste ! » Explosa à son tour son ami.

« Oh si c'est juste le fait que je te manque il fallait me le dire Jimmy ! »

« Stop ! ! ! House tu es en train de te couper de nous ! »

« Arrête Jimmy qui va me faire pleurer ! »

« Mais merde ! On est tout ce que tu as d'humain, alors dis-moi à quoi tu joues ! »

« Ne me cherche pas James, je suis meilleur que toi à ce jeu ! »

« Ça suffit tous les deux ! Calmez-vous ! » Cuddy s'interposa entre les deux hommes, qui se rapprochait dangereusement, pour tenter d'apaiser la situation.

« Non je ne me calmerais pas, il est temps qu'il réagisse avant qu'il ne soit trop tard ! »

« Personne ne t'as demandé de sauver mon âme ! »

« Il faut que tu te reprennes ! »

Soudain Wilson baissa d'un ton. « Ce n'était pas ta faute... »

La colère d' House, quant à elle, redoubla.

« Mais qu'est-ce que tu en sais ! Tu n'étais pas là ! »

« Tu ne pouvais pas prévoir ce qui allait se passer, tu ne dois pas culpabiliser, ce n'est pas plus ta responsabilité que celle de... » Wilson n'eut pas le temps de terminer sa phrase.

« De qui ? ! ? ! De ses merdeux de dealers ? Les secouristes ? Les flics ? Celle de Cuddy ? Ou encore la tienne ? Mais à qui crois-tu faire avaler ça ? ! »

« Ce n'est la faut de personne. Ce qui est arrivé est horrible et tragique mais ce n'est la faute de personne ! »

House craqua littéralement et envoya la lampe du bureau de Cuddy valser à l'autre bout de la pièce pour venir s'écraser contre le mur sous le regard médusé de sa patronne et de son meilleur ami.

« Si justement c'est ma faute ! Tu veux que je cesse de culpabiliser ? De me croire responsable ? Mais vous savez tous les deux que je le suis ! Et oui, je mérite d'être puni pour avoir envoyé Cameron vers une mort atroce ! » Grégory House n'avait jamais hurlé aussi fort

Il semblait à présent qu'il y avait eu un coup de feu dans le bureau. L'espace de quelques instants, personne ne parla. Puis House lança vers ses deux amis un regard glacial et dévoré de remords. Il pointa vers eux un doigt menaçant.

« Alors maintenant vous allez arrêter de me courir après pour me réconforter ? » Sa voix était plus calme, mais bien plus tranchante. Sur ce, il quitta le bureau en claquant la porte, laissant ses deux amis un peu plus perdus encore.

Fin du flash-back

House était toujours assit dans le fauteuil, le bras sur l'accoudoir, sa tête reposant sur sa main, les yeux perdus dans le vide.

Dawkins n'avait rien dit depuis de longues minutes. Il se contentait d'observer son patient, visiblement plongé dans ses pensées.

Il n'était pas le genre de psy à bombarder de questions ses patients, il croyait dur comme fer que la confiance pouvait se gagner dans le silence, et c'est pour cette raison qu'il n'ajoutrait rien jusqu'à ce que House ne reparle.

Encore plusieurs minutes s'écoulèrent.

Finalement House releva les yeux, semblant enfin sortir de sa torpeur.

« Quelle heure est-il ? » Demanda-t-il avec nonchalance.

Dawkins jeta un regard sur sa montre. « 19 heures 45 » répondit-il d'un ton calme.

« On dirait bien que la fin de la séance approche docteur. » Répliqua-t-il d'un ton faussement déçu.

« En effet. »

« Excellent ! Je suppose que vous allez dire à Cuddy que je suis un emmerdeur de première, non coopératif qui plus est, et que je dois retourner à la clinique ? » Présuma House en espérant se débarrasser vite fait de sa « pseudo-foutue-thérapie ».

« Non. » Répliqua Dawkins, comme s'il s'agissait là de la chose la plus naturelle qui soit au monde. « Je vais dire docteur Cuddy d'oublier cette idée, de relâcher la pression, et de vous laisser un peu plus d'espace ».

House le regard est comme s'il venait de débarquer tout droit de la planète Zlurg.

« Vous plaisantez ? »

« Pas du tout. Je vais aussi lui dire que je tiens à vous voir deux fois par semaine, les mardis et jeudis soirs. »

Sur ce, House eu pour son confrère un regard hostile.

« Au cas où vous n'auriez pas remarqué, je n'ai pas la moindre envie de vous parler » répondit House en détachant soigneusement ses mots comme s'il s'adressait à un demeuré.

« Je le sais » acquiesça sagement Dawkins. « Certaines choses prennent plus de temps que d'autres. Vous ne voulez pas parler maintenant, et je ne dis pas que vous en aurez plus envie dans une semaine, dans un mois, ou même l'an prochain, seulement, que vous vouliez ou non, le temps modifiera des choses en vous, il faudra à ce moment-là être capable de les exprimer sinon vous courez à votre perte. » Enonça Dawkins d'une voix calme et imperturbable.

« Je ne peux pas courir, quel dommage, cela risque de prendre BEAUCOUP de temps ! » Lâchât House avec sarcasme agitant sa canne sous le nez du psy pour appuyer ses dires.

« A chacun son rythme Dr House…Je vous renvoie jeudi soir » annonça-t-il d'une voix monocorde en se levant.

House l'imita. Dawkins lui tendit une main qu'il refusa et parti sans même un au revoir, digérant mal cette nouvelle intrusion dans sa vie privée, et traversa le couloir rageusement, pour s'arrêter quelques instants devant la grande baie vitrée.

Le département de psychiatrie se trouvait à l'avant-dernier étage, c'est-à-dire plus haut que celui de diagnostic. De cette hauteur, House avait une vue bien plus étendue de Princeton qu'il en avait de son bureau.

Le soir d'hiver était déjà tombé et le froid l'avait accompagné. Le paysage semblait à une immensité obscure parsemée de petits points lumineux.

House interrompit sa contemplation pour frotter sa jambe endolorie en serrant les dents. La douleur était diffuse et le lançait, malgré cela il ne prit pas de Vicodine. Il avait très largement réduit sa consommation ces derniers jours, ne s'accordant une de ces précieuses pilules que lorsque la douleur devenait insoutenable. Ce n'était pas du masochisme de sa part, seulement, le fait de ressentir sa jambe souffrir l'empêche de trop pensait à autre chose. Et quelle autre chose... Il préférait de loin avoir à gérer une douleur physique qu'une douleur morale. Personne ne savait qu'il ne prenait presque plus de Vicodine, d'ailleurs il ne voulait pas que cela se sache, personne ne devait être au courant, ni Cuddy, ni Wilson, ni même Dawkins...

Dawkins ! Il était surement au téléphone avec Cuddy en ce moment. Tous deux complotants sur la meilleure façon d'empoisonner sa vie ! Comme s'il avait besoin de cela ! Ce qu'il lui fallait c'était du temps... Et de l'alcool ! House regarda de nouveau par la fenêtre et se surprit à se demander ce qu'il ferait en ce moment si Cameron était toujours en vie... S'il ne l'avait pas tué… il sentit un nouvel orage de douleur prêt à éclater dans sa tête. Il avait définitivement besoin d'un verre...

Il longea le couloir de s'engouffra dans l'ascenseur.

Si seulement Grégory House n'était pas à mille lieux de se douter qu'a quelques kilomètres seulement de son hôpital, non loin de la vue qu'il contemplait quelques instants plus tôt, assise sur un vieux restant de canapé, dans le sous sol froid d'un entrepôt desaffecté, une jeune femme s'accrochait en ce moment à sa seule volonté de pouvoir revoir un jour ceux qui comptaient tant pour elle...