Le ciel gris et les nuages orageux, le paysage monochrome et les battements de mon cœur affolé : ils me poursuivaient. J'entendais les bruits de leurs pas ainsi que leurs rires distordus résonnant entre les chapiteaux abandonnés ; ils se rapprochaient. Je m'étais cachée derrière des barils, espérant, priant pour qu'ils ne me trouvent pas.

Après ce qui me sembla être une éternité, je risquai un rapide coup d'œil pour voir si personne n'arrivait : je ne vis que des ballons de baudruche. Mon souffle retrouvé, je me penchai un peu plus en avant pour voir un peu mieux les alentour.
A cet instant, je sentis un liquide toucher ma nuque, je regarde au dessus de moi et et voix un de mes assaillants. J'esquive, et sprint dans une direction au hasard. Au bout d'un moment, des bruits de pas s'ajoutèrent à celui de mon poursuivant. Je jetai un bref coup d'œil en arrière, et n'eus pas le temps de me retourner, que j'avais déjà plongé la tête le première dans un liquide poisseux, odorant et dans lequel flottaient des morceaux de bois. Je n'avais pas pied, et enlevant le maximum de cette substance pour me permettre de voir, je relevai la tête pour voir s'ils me suivraient dedans.
A ma plus grande surprise, ils étaient tous là, en rang d'oignon sur le bord et ne me quittaient pas du regard. 'sauvée' pensai-je. A cet instant, je sentis quelque chose s'accrocher dans mes doigts, comme des poils ou des ch-

Je levai ma main hors du fluide, et tombai nez à nez avec une masse noire de cheveux lesquels, en les soulevant un peu plus, laissèrent entrevoir un visage mais dont seul la peau était présente. Prise de panique, je me défis tant bien que mal de cette vision d'horreur, et quand je réussis, je l'entendis :

-« Alors y/n, on prend un bain ? Tu m'excuseras, mais je n'avais que de la vigne rouge sous la main !» ricana-t-il avant d'éclater de rire. 'de la vigne r-' mes muscles se raidirent , je regardai alors plus attentivement ce dans quoi je nageais, et me rendis compte que je me baignais dans une rivière de sang. « Tu devrais faire attention chérie... après manger ce n'est pas une très bonne idée d'aller nager » dit-il d'un ton presque prévenant. Puis en même temps que sa tête se pencha sur le côté, un large sourire s'étira sur ses lèvres d'encre. « qui sait... tu pourrais être victime d'une crampe ».

A ces mots, mes bras et mes jambes se raidirent au point de ne plus pouvoir me maintenir à flot : je coulais ! Mes poumons me brûlaient, mes membres étaient de plomb et malgré la densité du sang dans lequel je me noyais, je continuais d'entendre ses rires : encore et encore et encore et-

- « Mademois- Ahh ! » cria une voix lorsque je me redressai. Je regardai autour de moi : j'étais dans ma voiture. J'entendis qu'on se raclait la gorge à côté de moi, un contrôleur. Je lui montrait mon billet, et une fois chose faite, le rangeai et me laissai retomber dans mon siège, les mains fermement accrochées au volant. 'Un cauchemar, ce n'était qu'un autre de ces foutus cauchemars' me dis-je à voix haute en passant mes mains sur mon visage.

Quatre ans... ça faisait maintenant quatre ans depuis l'incident de l'opéra ; depuis notre dernière rencontre. Encore aujourd'hui, je ne savais si tout cela n'avait été que le fruit de mon imagination ou si tous cela, avait réellement eu lieu... Tout était si confus... ! Au début, lors du premier mois, mes nuits ainsi que mes journées étaient normales : pas de rêves sortant de l'ordinaire ni de sentiment d'être constamment suivie... Pas d'ombre filiforme dans l'ombre de l'église quand j'allais chercher le pain, pas de bruits de pas quand j'attendais mon train le jeudi soir et pas l'horrible impression d'être continuellement observée pendant que je dormais.
Et ces sensations désagréable d'être inlassablement pourchassée et harcelée, ne fit que croître. Ce était n'était que le sentiment de ne pas être seule dans ma chambre la nuit, se transforma en un abâtardissement de mes sens car j'avais souvent l'impression que l'on me frôlait la joue, le bras ou le front.
Pour être exacte, les ombres qui me suivaient étaient apparues en premier, puis, au bout de deux ans, cette présence insistante sembla se rapprocher de mon espace vital et finalement, depuis maintenant un an, je subissais chaque soir un nouveau cauchemar : les plus anciens, n'étaient que des moment que j'avais déjà 'vécu' lors de l'incident, mais les plus récents, prenaient place dans un crique où, du ciel à la terre en passant par les rares touffes d'herbe, n'étaient composés que de nuances de gris. Et maintenant, je pouvais ajouter la rivière de sang à ma carte. Toutefois, c'était la première fois dans ces rêves, que je le revoyais... avant cela, je n'avais entendu ça voix qu'une ou deux fois, et c'était toujours quand je commençais lentement à m'endormir.

Ça ne pouvait plus continuer, cette situation, était devenue invivable et, de peur que je ne perde la raison, ma mère avait cru bon de m'emmener voir un psy. Une visite que mon porte-feuille et moi-même avions amèrement regretté : non pas que je sois proche de mes sous, mais ce charlatant, avant même que je ne lui ai exposé mon problème, c'était mis en tête que mes cauchemars et ses sensations venait des désirs sexuels auxquels je me refusais : Résultat des courses, une crise de nerf, un stylo cassé et cinquante euros d'envolés... la belle affaire !
Alors, je décidai de prendre les choses en main, et de trouver une solution mes problème sans l'aide d'un sois-disant expert en psychologie. Et quelques semaines plus tôt, en retrouvant la manivelle de la boîte, l'idée que cette solution était peut-être dans ce grenier, en Angleterre.

Alors c'était bien jolie d'aller en Angleterre, mais je dus trouver une excuse auprès de ma mère et surtout auprès de Liz. Elle avait bien changé depuis le temps, et depuis ces quatre ans, nous nous étions beaucoup rapprochées.
J'avais décidé de partir ce mois-ci, car Liz était actuellement chez une correspondante et ne reviendrais que dans deux mois... je n'aurais pu rêver mieux ; je ne pouvait tout simplement pas la mêler à tout ça... et à dire vrai, je n'ai jamais souhaité aborder ce sujet, et même quand elle m'avait questionnée sur la longue cicatrice parcourant ma joue droite, je lui avais racontée le petit poucet.

Un marque-page,, voilà ce qu'était cette cicatrice pour moi, un rappel constant de ce qui c'était passé, une douleur latente qui comme l'ombre qui me suivait, restait tapie dans les ténèbres, attendant le moment propice pour m'assaillir de toute son horreur féroce.

- « Eh vous auriez du feu ? » demanda une voix sur ma gauche. Je pointai alors mon doigt vers le panneaux des choses interdites lors du passage sous la manche : fumer était prohibé. Il souffla en haussant les épaules, et retourna dans sa voiture. 'Il ne manquerait plus que cet andouille-'

- strong« ...ne mette le feu... »/strong ricana-t-il d'une voix traînante. Alarmée, je regardai de tout côté, j'allai même sortir de ma voiture, quand les wagons s'arrêtèrent et que les sasses s'ouvrirent devant nous. Encore crispée, je démarrai et sorti en plein air.
Une fois sortie de ce dédale de murets et de l'autre côté de la barrière, je sentis un souffle tiède sur ma nuque. « Ow~ je ne savais pas que je te manquais au point de te faire te déplacer jusqu'ici pour moi... y/n... ça me fait tellement chaud au cœur... tellement qu'il en exploserait de joie... » ricana-t-il avant de me faire encore une fois profiter de son rire hystérique.

L'instant d'après, un bruit sourd retenti et, dans mon rétroviseur, je vis un immense nuage de fumée noire monter du terminus.

Dans quel pétrin je m'étais encore fourré ?