Bonsoir !

Alors voilà ma deuxième fanfic sur l'univers de Sherlock ^^ Comme mentionné dans le résumé, il s'agit en quelque sorte d'un crossover avec A la croisée de monde, de Philip Pullman, mais les allusions faites à ce second univers s'arrêtent à la présence des Dæmons - qui auront leur importance.

Les chapitres seront plutôt courts et je compte en poster un par semaine environ, sauf panne d'inspiration terrible de ma part xD
Je remercie au passage Titou Douh, ma super bêta !

J'espère que ça vous plaira, bonne lecture ! :)


Prologue :

Cette histoire ne se déroule pas dans le monde de Lyra Belacqua, ni dans celui de Will Parry (autrement dit le nôtre), ni dans aucun monde que l'un d'eux eût visité. Il existait pourtant ; il ne portait pas de nom particulier. Perdue dans ce monde immense, une planète portait la vie, comme tant d'autres. Et comme tant d'autres, la civilisation humaine présente sur ce petit lopin de terre ne doutait pas une seconde de son unicité dans l'univers, et envisageait mal l'existence d'autres mondes.

Londres était une réalité dans l'univers où commence et termine notre histoire, et se trouvait à peu de choses près à l'endroit où Londres se situe dans le nôtre. Buckingham, la reine, les services secrets britanniques et Mycroft Holmes existaient eux aussi. En somme, peu de choses différenciaient ce monde de celui que nous connaissons, à l'exception des Dæmons, ces incarnations de l'âme humaine prenant la forme d'animaux.

Il serait mal avisé de ne pas commencer ce récit ce soir où Mycroft fixait sa moitié spirituelle, un puma quelque peu ventru répondant au nom de Marcus. Lui et Marcus n'avaient jamais été proches comme pouvaient l'être Sherlock et Benedek, la jeune lynx effrontée, mais cela lui était égal. Il se sentait incapable de pleurer l'absence d'une complicité dont il ne se faisait qu'une très vague idée. D'un naturel apathique, Marcus devait se dire la même chose.

- Tu as fini de travailler ? s'enquit l'intéressé en s'étirant paresseusement.
- Oui. Veux-tu rentrer ?

Le félin se leva pour toute réponse. Mycroft l'imita et ils sortirent du bureau refermant un nombre alarmant de secrets terribles et de données confidentielles auxquels l'humain s'était habitué. Dehors, Anthea patientait en pianotant sur son téléphone portable, Elio perché sur son épaule. Ce dernier regarda Marcus avec beaucoup de calme, pour une chouette qui aperçoit un puma. Mycroft ignorait s'il devait mettre cela sur le compte du temps depuis lequel ils se connaissaient, ou bien tenir pour responsable l'indolence légendaire de son Dæmon.

Ils quittèrent tous les quatre l'établissement, inclinant légèrement la tête devant les quelques personnes qu'ils croisèrent. Dehors, le vent glacial du mois dernier avait laissé place à la fraîcheur bienfaisante des prémices du printemps. Mycroft s'arrêta devant la voiture aux vitres teintées qui l'attendait en reconnaissant Greg Lestrade, un peu appuyé contre le véhicule. Sa louve était assise à côté de lui. L'inspecteur se redressa soudain en les voyant arriver et ouvrit gauchement la portière arrière. L'aîné des frères Holmes arqua un sourcil, puis adressa une brève œillade à Anthea. La jeune femme répondit aussitôt à sa question muette :

- Mr. Lestrade est votre nouveau chauffeur.
- L'autre est... commença Mycroft.
- Parti à la retraite, acheva Anthea.

Mycroft reporta son attention sur Lestrade, dubitatif. Son vis-à-vis manifestait une vive anxiété, ainsi qu'en témoignait un nombre incalculable de signes que l'inspecteur tentait vainement de lui dissimuler. La louve demeurait assise, quant à elle parfaitement stoïque.

- Bonne soirée, lâcha Mycroft à l'adresse d'Anthea avant d'entrer dans la voiture.

Lestrade referma la portière derrière lui, prit place à l'avant et démarra, le tout sans prononcer un seul mot. Marcus s'était vautré sur le large siège à côté de son compagnon d'âme, et Mycroft nota que la louve de son nouveau chauffeur était installée à la place du passager.

- Alors ? Qu'avez-vous fait ?

La question de Mycroft laissa le policier déconcerté, aussi il précisa :

- Vous devez avoir fait quelque chose de grave pour atterrir à ce poste.
- Quelque chose de grave, répéta Lestrade avec un sourire dans la voix. Une balle dans le ventre.

Après un silence incertain, il ajouta :

- Le mien. Je ne peux pas retrouver mes anciennes fonctions avant un certain temps, monsieur. Alors j'ai décidé de changer d'air.
- Qu'est-ce que Sherlock vous a dit sur moi, exactement ?
- Rien, monsieur...

Mycroft soupira. De qui son frère avait-il voulu se moquer en demandant au quinquagénaire grisonnant de devenir son chauffeur ? De lui, ou de Greg Lestrade ?

- Vous avez passé une bonne journée ?

Surpris, le gouvernement britannique se contenta de répondre par l'affirmative. Il ne s'attendait pas à ce qu'on cherchât à lui faire la conversation, dans la mesure où tous les prédécesseurs de Lestrade évitaient soigneusement de lui adresser la parole, trop intimidés pour s'y risquer. C'est qu'il avait oublié que l'inspecteur le connaissait dans un cadre semi-privé par l'intermédiaire de Sherlock.

Mycroft ne trouva pas le courage d'ignorer Lestrade alors que celui-ci s'ingéniait à lui parler des averses attendues pour les jours à venir et autres giboulées de mars ; il lui répondit avec courtoisie, orientant son interlocuteur de façon à parler le moins possible, comme il savait si bien le faire.

D'ici à ce qu'il recroise Sherlock, il aurait trouvé un moyen ingénieux de l'assassiner proprement.


- Pourquoi l'as-tu incité à devenir mon chauffeur ?

Sherlock Holmes était confortablement installé dans son fauteuil au 221B Baker Street et faisait mine d'accorder son violon avec une grande application. Son attitude contrastait avec celle de Mycroft qui se tenait raide comme un piquet devant lui. Benedek, la lynx vive et espiègle du détective consultant, tournait autour de Marcus en essayant de temps à autre de lui mordiller les pattes, et le puma la laissait faire.

- Qui ça ? demanda enfin Sherlock comme si cela ne le concernait guère.
- Ne fais pas l'innocent, répliqua Mycroft d'une voix glacée.

Le plus jeune des deux frères agita soudain son archet, victime d'une prétendue illumination.

- Oh, tu veux parler de George Lestrade ?
- Greg.
- Tu l'appelles déjà par son prénom ? (Il sourit imperceptiblement.) Attendrissant.

Un silence tendu planait entre les Holmes quand John se pointa à l'appartement, sa blairelle prénommée Martha sur les talons. Sherlock ne manifesta aucune sorte d'intérêt pour le nouvel arrivant mais ce feint détachement ne trompa personne : Benedek se hâta d'aller faire la fête à Martha. Mycroft s'étonnait toujours de voir comment certains Dæmons extériorisaient les facettes les plus enfouies de la personnalité de leurs compagnons d'âme.

- Déjà là ?
- Mary mange avec une amie, alors je me suis dit que j'allais passer. Bonjour, Mycroft, ajouta John avec une jovialité modérée.
- Bonjour, John. Quel dommage, j'étais justement sur le point de partir.

Marcus se leva avec un curieux mélange de hâte et de paresse, John se passa de commentaire concernant les manières du gouvernement britannique et Sherlock se mit à jouer du violon. Les frères savaient l'un comme l'autre qu'ils reprendraient cette conversation plus tard. Pour l'heure, Sherlock n'avait pas l'intention d'éclairer son aîné au sujet de la réaffectation mystérieuse de Lestrade, et Mycroft préférait réserver ses quelques moyens de pression sur son frère pour une plus grande occasion. Non, vraiment, l'inspecteur du Scotland Yard ne valait pas qu'il révélât un dixième de ses ressources.

Le chauffeur attendait près de l'imposante voiture aux vitres fumées. Il échangeait doucement avec sa louve ; sans doute ignorait-il que l'énigme de sa présence préoccupait son employeur car il l'accueillit avec un sourire franc (sourire auquel Mycroft répondit presque sèchement). Et si cela l'offensa d'une quelconque façon, il n'en montra rien.

- Vous rentrez ? présuma Lestrade en démarrant tranquillement.
- Effectivement, soupira Mycroft.
- Ça ne va pas, monsieur ?

Le politique croisa brièvement le regard de son interlocuteur dans le rétroviseur, et l'intérêt non feint qu'il y lut l'agaça prodigieusement mais sans raison.

- C'est comme d'habitude, dit-il du bout des lèvres.
- Et... ça va, d'habitude ?

Il leva les yeux au ciel – ou plus précisément, au plafond de la limousine.

- Regardez la route, Lestrade. Contentez-vous de regarder la route.
- Bien, monsieur.
- Et arrêtez de sourire.
- Vous ne me voyez même pas, rétorqua Greg, amusé.
- Je vous entends sourire. C'est agaçant.

Les mains de Mycroft se resserrèrent autour de son parapluie lorsqu'un ricanement à peine étouffé lui parvint. Il imaginait sans difficulté la gorge de l'inspecteur entre ses doigts crispés et cela l'aidait à positiver. À côté de lui, Marcus manifesta pour la première fois une once de curiosité à l'égard de ce qui se tramait autour de lui : il se mit à remuer la queue.