Note de l'auteur:
Il y a cinq ans j'ai publié deux cycles de drabbles, Des garçons ordinaires et Un soldat est vieux à 34 ans racontant l'histoire de Remus et Sirius à travers les lettres de l'alphabet, en 100 mots à chaque fois. Depuis plusieurs d'entre vous m'ont demandé que je réécrive cette histoire mais en format traditionnel, avec des chapitres.
Ce n'est pas exactement ce que je fais ici. Cette fic est une nouvelle version de l'histoire de Remus et Sirius, et elle sera conté en plusieurs chapitres. Certains passages seront très proches, ou même tirés directement de mes deux cycles de drabbles, mais beaucoup de l'histoire sera nouvelle. J'espère qu'elle plaira aux anciens lecteurs, comme aux nouveaux.
Résumé: Trois périodes de la vie de Remus, 1978-1981 la fin de Poudlard et la première guerre, 1983-1988 l'entre deux guerres, et 1994-1996 la deuxième guerre. RL/SB
J'attend vos reviews!
Prétendre que tout va bien
Chapitre 1:
Une vieille bouteille de Bièraubeurre, vide, couchée sur le côté, tournait tranquillement comme les aiguilles d'une montre. Alors qu'elle ralentissait, on entendis quelques étudiants retenir leur souffle, puis des exclamations bruyantes lorsqu'elle s'arrêta.
« Remus ! »
Le jeune homme se redressa un peu en entendant son nom. Le goulot de la bouteille pointait bel et bien vers lui. Il se força à sourire, quoi qu'il devait avoir l'air un peu crispé. Un regard autour du cercle qu'ils formaient lui fit savoir que tous les autres s'amusaient encore de ce jeu. James ne perdit pas une seconde pour faire tourner la bouteille à nouveau.
Remus réalisa probablement un instant trop tard que son premier baiser serait avec un partenaire choisi au hasard, par une vieille bouteille de verre, un samedi soir dans la salle commune des Gryffondors. Il pris soin de maintenir son sourire crispé, mais silencieusement il ne pouvait s'empêcher de se maudire. Quelle histoire glorieuse à raconter à ses futures petits-enfants.
Leur dernier printemps à Poudlard était sur le point de commencer. Dans moins de deux semaines, Remus fêterait ses 18 ans. Et alors que les autres septièmes années à Gryffondor semblaient tous excités à l'idée de passer leurs ASPICs et de commencer leur carrière, Remus n'arrivait pas à se joindre à l'exaltation générale.
Un loup-garou ne pouvait devenir Auror. C'est ce que James et Sirius ferait, mais pas Remus. Peu importe les résultats qu'il recevrait à ses examens, il ne deviendrait pas Auror, ou guérisseur à Sainte-Mangouste, ou employé au Département de la coopération magique internationale. Depuis quelques mois maintenant, l'angoisse de quitter Poudlard pour commencer sa vie adulte avait privé Remus de biens des heures de sommeil. Le jour, il essayait de se concentrer sur ses cours, ses amis ou les sorties à Prés-au-Lard, mais la nuit il n'avait cesse de se retourner sous ses couvertures sans trouver le repos.
La bouteille tournait encore, pointant tour-à-tour vers différents sixièmes et septièmes années qui s'étaient joints à leurs cercle. Remus se demanda encore une fois pourquoi il s'était laissé convaincre de participer à ce jeu stupide.
Il se répétait souvent à lui-même qu'il devrait profiter autant que possible de ses derniers mois à Poudlard. Participer aux dernières frasques des Maraudeurs, assister aux derniers matchs de Quidditch de James, faire la vie dure à Rusard et Peeves pour quelques mois encore… Passer des soirs comme celui-ci, à dérober des Bièraubeurres et des gâteaux aux cuisines, puis à boire en riant jusqu'à ce que le monde devienne un peu flou, et que James ou Sirius propose un jeu idiot qui leur permette de continuer à boire et à rire…
Et la bouteille s'arrêta finalement.
« Violette ! »
Remus n'eut pas vraiment le temps de réagir. Une fille de sixième, pas moche mais surtout très ivre franchit la distance qui les séparait en quelques secondes, et saisissant son visage à deux mains lui posa un baiser court mais très appuyé sur les lèvres. En se reculant elle éclata de rires, et la plupart des étudiants présents firent de même.
Voilà. Son premier baiser. Remus se força à rire comme les autres.
La bouteille était repartie et le jeune homme réfléchissait déjà aux excuses qu'il pourrait inventer pour regagner son dortoir au plus tôt.
Un peu plus loin à sa gauche Sirius riait de bon coeur, une bouteille de Bièraubeurre en main d'un côté et le bras autour des épaules d'une fille de l'autre. Il avait l'air à l'aise, dans son élément. La bouteille l'avait déjà choisi plus de trois fois et il semblait s'en plaire. Plus tôt, lui et une autre fille de septième s'était donné en spectacle en s'embrassant à pleine bouche pendant plus d'une minute. Remus eut un sourire amer en y repensant. Ce jeu était simplement insupportable.
Il aurait voulu que cette année soit la meilleur de ses années à Poudlard, comme celle que Sirius, James et Peter semblait passer. Sirius était plus insouciant et plus populaire que jamais, James était aux anges depuis qu'il était en couple avec Lily, et Peter semblait finalement plus confiant en lui-même. Pendant ce temps-là, Remus avait l'impression de jouer la comédie. Rire ne lui semblait plus naturel. Son sourire était souvent forcé. Il n'avait plus le même les mêmes intérêts qu'auparavant.
Pour être honnête, il aurait été content d'aller à ses cours le jour, de faire ses devoirs le soir et d'aller se coucher tôt par la suite. La fin de semaine, il aurait été satisfait de simplement lire à la bibliothèque. C'était le reste de ses activités qui lui semblait pénible. Sirius qui venait l'interrompre en plein travail en surgissant derrière lui pour le faire sursauter. Sirius qui le réveillait et insistait pour qu'il l'accompagne dans les couloirs en plein milieu de la nuit. Sirius qui, durant les vacances de Noël lui lançait des boules de neige dès qu'ils mettaient le nez dehors.
Sirius qui riait sans cesse à gorge déployée. Sirius qui, essoufflé, avait un teint rosé après avoir couru pour arriver à l'heure à ses cours. Sirius qui embrassait à nouveau une fille devant lui.
Remus secoua la tête rapidement et se força à détourner les yeux. Quelqu'un avait probablement ensorcelé cette bouteille pour qu'elle tombe aussi souvent sur le Maraudeur aux yeux clairs.
Quelque chose avait changé en Remus au cours des vacances d'été. C'était un frisson qui lui parcourait l'échine lorsque Sirius le frôlait en marchant dans un couloir. C'était une rougeur sur ses joues quand Sirius revenait des douches en ne portant rien d'autre qu'une serviette autour de la taille. C'était ces rêves qu'il avait chaque nuit et qu'il ne pouvait s'empêcher de revoir en boucle durant le jour.
Apparemment, être un loup-garou ne lui suffisait pas, il fallait qu'il soit homosexuel en plus. Tant qu'à être anormal…
Remus ne se faisait pas d'idée quant à la suite des choses. James et Lily serait heureux ensemble. Peter réussirait ses ASPICs, Sirius…
Sirius continuerait probablement à courir les jupons pour quelques temps. Et puis il trouverait une gentille fille, une sorcière intelligente, belle, plus sérieuse que les autres. Et après un temps Sirius l'épouserait. Et ils auraient probablement des enfants. James serait le parrain du plus vieux, peut-être que Remus serait le parrain du suivant.
C'était ainsi que Remus se voyait. Parrain. Célibataire bien sûr. Probablement sans emploi. Ça ce n'était pas si grave, un enfant ne comprendrai pas pendant bien des années ce que ça voulait dire d'être au chômage. La vie serait belle…
Remus fut ramené à la réalité par une bouteille de Bièraubeurre qu'on venait de lui mettre en main. Le cercle d'étudiants éméchés s'était peu à peu brisé et la bouteille du jeu reposait immobile au sol sans personne pour la tourner. James était assis plus loin sur un fauteuil près du feu, Lily sur les genoux. Peter ronflait, couché sur le sol. Remus reconnu quelques autres étudiants qui avaient décidé que le tapis de la salle commune leur servirait de lit pour ce soir.
C'était Sirius qui lui parlait maintenant, désignant d'un geste la boisson qu'il venait de lui donner.
« Il n'en reste que deux, on a qu'à les finir… »
Remus hocha la tête, et d'un même mouvement ils descendirent leur bouteille en quelques longues gorgées. Pour un instant ensuite, Remus eut l'impression que la salle commune autour de lui était un peu plus floue qu'avant. Il se demanda combien de Bièraubeurres il avait eut ce soir. Il secoua la tête brièvement.
« Je crois que je vais monter me coucher » dit-il lentement, réalisant qu'il avait enfin une excuse pour regagner son lit.
Sirius acquiesça silencieusement avant de reporter son regard vers le reste de la pièce. Remus se dirigea vers les escaliers.
Le jeune homme était à la mi-point de son ascension lorsqu'il jeta un dernier coup d'oeil à la salle commune. Il se figea un instant à cause de ce qu'il y vit. Sirius semblait discuter avec la fille de septième année. Elle couchée sur le dos sur un des sofa. Lui, à moitié penché sur elle, ses bras tendus supportant son poids, une main de chaque côté de la tête de la jeune femme.
Remus se força à détourner la tête, à continuer son ascension, à respirer normalement. C'était Sirius, il devrait s'y habituer à la longue.
Arrivé à son dortoir, Remus se changea rapidement et se dirigea vers la salle de bain pour se brosser les dents. Apercevant son visage dans le miroir, le jeune homme se surprit encore par son expression neutre. Pas de sourcils froncés, pas de lèvres pincées, malgré la tempête qui semblait gronder au creux de son ventre. Juste pour voir, Remus se força à nouveau à sourire et son reflet lui renvoya l'image tout-à-fait normale d'un jeune homme de 17 ans, heureux.
Au moins il y avait une chose à laquelle il était doué… prétendre, mentir…
De retour à son lit, il se faufila sous les draps. Comme à son habitude, il commença à fixer le baldaquin au dessus de lui, priant pour que le sommeil le gagne rapidement.
Un moment passa. La porte du dortoir s'ouvrit alors d'un coup, réveillant Remus qui avait basculé dans un demi-sommeil. C'était un Sirius à l'allure agitée qui pénétra seul dans la pièce, enlevant ses chaussures d'un coup de talon, refermant la porte derrière lui, puis se dirigeant d'un pas rapide vers son lit défait à la gauche de Remus. Il s'y assit avec un soupir agacé, remarquant presque immédiatement que Remus était aussi éveillé.
« Ça va ? » dit-il à demi-voix.
Remus hocha imperceptiblement la tête.
« Fatigué, c'est tout. »
« Tu as passé une bonne soirée ? »
Remus refit le même sourire qu'il avait fait devant le miroir.
« Ouais, pas mal. »
Une expression indéchiffrable passa sur le visage de Sirius.
« Vraiment ? »
Remus ne sut quoi répondre.
« Pourquoi dis-tu cela ? » demanda-t-il à la place.
« Allons Moony, je sais que tu n'aimes pas ces jeux-là. »
Sirius avait un sourire étrange en disant cela. Comme s'il voulait lui faire avouer quelque chose.
« C'était correct, » dit Remus simplement.
« Tu n'as pas aimé embrasser Violette ? Pourtant c'est une fille sympa… » continua Sirius.
Remus hésita un instant, se demandant ce qu'il oserait admettre devant Sirius.
« Elle n'est pas vraiment mon type. »
Sirius eut un rire sec et secoua la tête. Sortant son pyjamas de sa table de chevet, il commença à déboutonner sa chemise. Remus cru que la conversation avait pris fin, mais Sirius se retourna pour le fixer à nouveau des yeux.
« Quoi ? » dit-il, peut-être un peu trop rapidement face au regard interrogateur.
« Pas ton type ? En effet, c'est une manière de le dire… »
Le ton de Sirius était moqueur. Remus fronça les sourcils et se releva sur un coude dans son lit. Il essaya de maintenir une voix égale:
« De quoi est-ce que tu parles ? »
« C'est quoi ton type, Moony ? Les brunes ? Les blondes ? Grande, petite ? »
Quelque chose dans la voix de Sirius indiquait qu'il ne s'attendait pas à recevoir une réponse. Cette fois Remus s'assit complètement dans son lit.
« Sur qui voulais-tu que la bouteille tombe ? Il doit bien y avoir quelqu'un… »
Dans la noirceur Sirius s'était approché lentement de son lit, sa chemise maintenant complètement ouverte. Il en rajouta, toujours d'un ton moqueur:
« Si ce n'était pas une fille… alors peut-être un garçon ? »
« Arrête de faire l'idiot », répliqua Remus, fronçant les sourcils.
Sirius resta planté à côté de son lit, en silence, un peu trop près pour les goûts de Remus. Alors qu'il avait évité son regard jusque là, Remus osa finalement relevé la tête et sonder ce qu'il pouvait voir de l'expression de son ami dans la noirceur. Sirius avait simplement relevé un sourcil, narquois.
« Je crois qu'à la place de Violette, tu aurais bien aimé que la bouteille tombe… sur moi. »
Ces mots eurent l'effet d'une douche glacée sur Remus. Il se força à déglutir.
« N'importe quoi ! »
Son ton n'était pas très convaincant. Sirius rit de nouveau.
« Voyons mon cher… je ne suis pas aussi aveugle que les autres. J'ai bien remarqué tes regards, tes frissons… tes rougissements. »
En disant cela, Sirius effleura sa joue d'un doigts, comme pour le provoquer. Remus repoussa sa main d'un geste brusque, comme si elle l'avait brulé.
« Arrête. »
Sirius ne prit pas compte de ses mots et s'assis brusquement sur son lit, beaucoup trop près de l'autre jeune homme.
« C'est simple, tu en pince pour moi. Rien de plus normal, la moitié de l'école est pareille… » dit-il comme si la situation était des plus banales. « Alors vas-y. J'ai embrassé assez de filles ce soir, c'est à ton tour maintenant. »
Pour toute réponse, Remus le fixa en silence, dégouté. Et blessé.
« Dégage de mon lit. Tu es ivre. »
Mais Sirius ignora ses paroles et se pencha vers lui… Remus le repoussa à deux mains, forts. N'attendant pas la réaction de son ami, le jeune homme sorti de son lit, essayant de mettre le plus de distance entre Sirius et lui.
« Attends ! »
Rapide, Sirius s'était levé pour l'agripper par le poignet. D'un geste frustré, Remus se dégagea aussitôt.
« Va faire foutre Sirius. »
En quelques enjambés il avait atteint la salle de bain dont il claqua la porte, avant de la verrouiller. Avisant son reflet dans le miroir, Remus fut surpris de voir son teint coloré par la colère. Il souffla, se forçant à se calmer, lentement.
Pour une fois qu'il avait oublié de prétendre, de mentir… Ça lui apprendra.
